Dans leur article « Quelques réflexions sur la musique contemporaine », Jean-Pierre Derrien et Dominique Jameux balaient d’un revers de main tout un pan de la création musicale d’aujourd’hui. Selon eux les « néo », « partisans d’un retour à la tonalité », n’ont pas leur place dans une « réflexion » sur la « musique contemporaine savante ». Je ne saurais leur reprocher de ne pas apprécier un courant artistique, et la nature même du recensement qu’ils proposent, ils s’en expliquent d’ailleurs très bien, implique un grand nombre d’oubliés. En revanche, il semble moins défendable qu’aucune forme d’argumentation ne vienne étayer une mise au ban aussi radicale, et aussi grave en ce qu’elle concerne un nombre toujours croissant de compositeurs. Trois mots, qui se veulent lapidaires, semblent suffire : promis aux impasses.
Défenseur d’un jour de cette cause pour eux perdue, j’ai d’abord envie, au nom de tous les « néo », de les remercier pour cet égarement : on sait, dans l’histoire de la musique, qui cette accusation particulière, sous une forme ou sous une autre, a tenté de discréditer : Bach (Scheibe), Beethoven (Fétis), Stravinsky (Adorno), ou bien sûr Schönberg, qui a même consacré un texte à cette question précise. À l’aune de ces observations, et métaphore pour métaphore, reconnaissons que l’histoire de l’art s’est jouée au moins autant, sinon davantage, dans les impasses que sur les autoroutes. Dès lors, il pourrait suffire à ceux qui sont visés d’accrocher cet affront à leur boutonnière, et de poursuivre, forts de cette reconnaissance tardive et inattendue, leur bonhomme de chemin…