Mon livre L’Exception européenne peut se lire notamment comme une contribution pour aider l’Europe à sortir de sa crise morale qui rend difficile la construction politique. Cette crise, liée à l’expérience du xxe siècle : les deux guerres mondiales, Auschwitz, la décolonisation, tient à ce que l’on demeure figé, collé à une « posture dépressive » et à un sentiment de repentir ou de culpabilité devenu exclusif, interdisant tout sentiment positif, toute estime de soi, toute fierté. C’est évident chez les Allemands et de plus en plus chez les Français. Cette crise est également liée à une impasse intellectuelle, à un dilemme dont on est prisonnier : on n’aurait le choix qu’entre deux attitudes extrêmes : d’une part l’auto-exaltation chauvine et, d’autre part, la culpabilité, l’autodénonciation, l’autoflagellation masochiste, qui semble la seule issue. Il importe de sortir de cette crise en surmontant le dilemme et en mettant en avant un troisième terme (exclu dans le dilemme). Je l’appelle de différents noms : une juste fierté, une estime de soi, une réconcilation avec soi-même.
Quelques mots pour préciser le cadre général dans lequel je pose le problème. Ma démarche consiste à distinguer entre deux dimensions que l’on peut appeler respectivement « identitaire » et « identificatoire » – entre une identité représentée comme donnée et positive et une identité qui, bien que préexistante, demeure en quelque façon à confirmer et, jusqu’à un certain point, à constituer.
Elle consiste d’autre part à constater que, dans ce processus identificatoire, nous sommes prisonniers d’une alternative, d’un « …