Il n’y a pas toujours de réponses simples aux questions simples ; c’est ainsi que, réfléchissant à ce que signifie l’affirmation que l’Allemagne est (ou n’est pas) un pays normal vingt ans après la chute du mur de Berlin, ce sont d’abord des analogies que fait surgir ma mémoire. Deux souvenirs, en particulier, me viennent à l’esprit.
Au début des années 1970, j’ai contribué à un livre, édité par Richard Rosecrance, intitulé America as an Ordinary Country (1976). Je me rappelle avoir pensé alors que les États-Unis ne pouvaient pas vraiment être un pays ordinaire parce qu’ils étaient l’un des deux piliers du système de sécurité bipolaire dont l’Europe était le centre. À l’époque, l’Union soviétique non plus ne pouvait pas être un pays normal. Et le troisième pays à ne pas pouvoir être normal était l’Allemagne, mais pour une autre raison.
Par normal, s’agissant de sécurité, j’entendais que des pays européens, tels que la France, la Roumanie, la Grande-Bretagne, l’Italie et d’autres pouvaient avoir leurs propres objectifs et poursuivre leurs propres intérêts, sans que cela change la nature du système de sécurité. Si les États-Unis ou l’Union soviétique modifiaient de manière fondamentale leurs politiques ou la nature de l’État qu’ils constituaient, ils transformaient le système européen. L’Allemagne n’entrait ni dans la catégorie des superpuissances ni dans celle des pays normaux. Elle n’était pas un pilier du système de sécurité, mais son comportement avait néanmoins des implications systémiques, ce qui n’était pas le cas de la France ou de la Roumanie…