La construction européenne a été longtemps aux prises avec le déficit démocratique. Ce qui a servi d’argument à l’euroscepticisme. Cette critique était fondée sur deux préjugés. D’une part le postulat selon lequel le processus communautaire aurait été initialement apolitique. D’autre part l’idée d’après laquelle la démocratie ne peut s’épanouir que dans un cadre étatique, fondée sur la proposition avancée par E. Gellner aux termes de laquelle « l’unité nationale et l’unité politique doivent être congruentes ». Pourtant dès l’origine, la Déclaration Schuman en voulant rendre la paix irréversible a poursuivi un but géopolitique, et la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier fut assortie d’un Conseil spécial de ministres nationaux responsables devant leurs parlements respectifs, d’une Assemblée parlementaire éventuellement appelée à censurer cette Haute Autorité et d’une Cour de justice garante de l’état de droit. Et les traités communautaires, avant d’être ratifiés, furent l’objet, dans les États membres, de débats parlementaires approfondis.
Par conséquent, il est inexact de prétendre que la construction européenne fut engagée dans la méconnaissance des peuples ou du moins de leurs représentants, même si son initiative fut, comme tant d’autres, le fait de leurs élites et si, dans ses débuts, son fonctionnement prit un tour souvent technocratique. Il est vrai que, face à la difficulté d’imaginer l’existence de communautés politiques dépourvues de vocation étatique, les « pères fondateurs » eux-mêmes contribuèrent à créer une certaine confusion en péchant par mimétisme…