Toutes les familles heureuses se ressemblent ; chaque famille malheureuse l’est à sa manière.
Marc Bloch a dit une fois que l’histoire est comme un couteau : on peut couper du pain mais aussi s’en servir pour tuer. Cela est a fortiori vrai des dérivés historiques comme les analogies : elles peuvent apporter des éclaircissements ou susciter des polémiques venimeuses. L’exigence première, pour qu’une analogie historique soit acceptable, est sa plausibilité ; les situations comparées doivent avoir de frappantes similitudes, et la description du précédent historique doit être appréhendée aussi clairement que possible. Lorsque l’analogie est proposée par des partisans œuvrant en une période de stupéfiante ignorance historique, il s’agit déjà d’une présupposition hasardeuse. Politiciens et partisans emploient aujourd’hui des analogies plutôt que des arguments, utiles raccourcis pour défendre des politiques douteuses.
Le Président Kennedy était heureusement conscient des analogies historiques : au cours de la crise cubaine de 1962, il se rappela avec quelle facilité les nations avaient glissé dans la Première Guerre mondiale en 1914, et combien il était important de donner à un adversaire une chance de se dérober en sauvant la face. Lorsque fut envisagée l’invasion de Cuba, il déclara à McNamara : « […] il me semble que nous pourrions finir par nous enliser. Je pense que nous devrions constamment garder à l’esprit l’attitude des Anglais lors de la guerre des Boers, celle des Russes lors de la dernière guerre avec les Finnois, et notre propre expérience avec les Nord-Coréens »…