Lors d’une conférence sur « l’essai le plus influent de toute la philosophie politique contemporaine », Quentin Skinner remontait, à propos des deux concepts de la liberté, la négative et la positive, aux sources de réflexion et d’inspiration qui furent, selon lui, celles d’Isaiah Berlin dans son célèbre texte.
Skinner apportait des précisons érudites sur l’histoire intellectuelle de ces concepts, il tentait de discerner les qualités et les déficiences de ce dédoublement, et proposait d’y adjoindre la notion de dépendance. L’indépendance est une immense question connexe qui interagit avec la liberté et mériterait une discussion à part entière, mais ce qui m’intéresse ici, c’est le point de départ de Skinner, et en quoi sa définition est ordinaire et gênante. Skinner, en effet, décrit « deux concepts qui, pour être concurrents, n’en restent pas moins sans commune mesure l’un avec l’autre ». Une telle dissociation étonne, car elle n’est pas très fidèle à l’essai d’origine et encore moins aux précisions et corrections apportées par Isaiah Berlin ultérieurement. Pourtant ce lieu commun domine la grande majorité des critiques favorables ou défavorables qui se sont accumulées depuis l’essai de 1958.
Qu’est donc devenu ce double concept de liberté ? La question même est-elle mal comprise ou mal nommée ? Surtout mal comprise ? Plutôt mal nommée ? Les polémiques propres à l’époque de la guerre froide ont sans doute pesé sur les interprétations. L’essai initial était équivoque et parfois contradictoire…