Bien des lecteurs m’ayand demandé des précisions sur la planète Moralia où j’eus le bonheur de rencontrer M. Érasme et Mlle Stultitia, le plus court est que je vous rapporte la suite de mes aventures et (in)fortunes.
Revenu d’au-delà de Sirius et de l’épicycle de Mercure, je me sentis de moins en moins chez moi sur la boulette terrestre. Le surnom Perplexe – et même Plus-que-Perplexe – que ma chère maman m’avait donné dès mes premières années en constatant mon extrême lenteur à entendre « les choses de la vie » (comme dit là-haut M. de La Fontaine), m’allait plus que jamais comme un gant. J’ai toujours eu le plus grand mal à comprendre les expressions les plus courantes, les mots de tous les jours. Par exemple, la question si banale : Comment ça va ? me jette depuis toujours dans des perplexités non pareilles. Qui définira jamais ce ça (vilain mot, pataude sifflante) ? Il est pourtant usé jusqu’à la corde. Comme je suis souvent d’humeur mélancolique, on me répète depuis l’enfance : « Il faut savoir prendre la vie. » Qu’est-ce que cela, tout au fond, veut dire ? « Prends ton goûter », « prenez vos cahiers », je comprenais. « Ne prenez pas les choses au poumon et au foie », comme dit là-haut M. Montaigne, je vois bien aussi : quand on a une fois passé dans les parages de Saturne, on la connaît à jamais, son influence maligne sur le corps ! Mais « prendre la vie » ? Dans des romans, j’étais tombé sur « prendre femme » ou encore sur : « il la prit ». La vie était-elle donc une femme …