Que de confusion, spontanée ou voulue, dans ce débat sur l’adhésion de la Turquie à l’Europe
!
M. Giscard d’Estaing a parfaitement posé la vraie question, que presque tout le monde élude. Elle n’est pas de savoir si l’islam est compatible avec les valeurs européennes, ou si les droits de l’homme sont respectés au Kurdistan, ou s’il n’est pas trop tard pour revenir en arrière, comme l’écrit Daniel Vernet dans Le Monde du 10 novembre. Ces questions ont leur importance, mais elles sont subordonnées à la question de fond, qui est : Que voulons-nous faire de l’Europe ?
Si elle doit être un ensemble fédératif unissant des nations qui ont en commun une certaine façon de vivre et de penser issue d’une histoire commune, la Turquie n’y a pas sa place. Non pas parce qu’elle en serait indigne ni même parce qu’elle se situe presque entièrement en Asie, mais parce qu’elle est différente.
Les nations européennes partagent la même histoire depuis mille ans. Elles ont eu en gros les mêmes formes d’organisation sociale et politique, elles ont entretenu en permanence des relations, amicales ou hostiles, les unes avec les autres, ont vécu de près ou de loin les mêmes événements, ont été traversées par les mêmes courants intellectuels et religieux, etc. Les Turcs sont arrivés beaucoup plus tard, pénétrés déjà d’autres formes de vie et de pensée acquises au cours de leurs séjours en Asie centrale, en Iran, en Anatolie, et de leurs contacts, ou mieux leur symbiose, avec les peuples de ces régions…