Si la France est un vieux pays d’immigration, l’appareil statistique français n’a guère été, jusqu’à une date récente, en capacité de mettre en évidence la contribution des différents courants migratoires qui ont jalonné l’histoire, en dehors des séries habitu-elles sur les étrangers et, depuis quelques années, sur les immigrés. Or, la série des effectifs d’étrangers ou d’immigrés au fil des recensements est incapable de traduire l’impact des courants migratoires sur la démographie française. Rapidement français, quand ils ne l’étaient pas dès la naissance, les descendants d’immigrés ont grossi le lot des Français nés en France.
En l’absence de données précises, peu de démographes ont tenté d’estimer, d’une manière ou d’une autre, la contribution démographique de l’immigration. On ne compte que deux tentatives avant 1945. En 1927, Alfred Sauvy estimait le nombre des « francisations » intervenues entre 1872 et 1927 à 1,2 million, soit une contribution à la moitié de la croissance de la population française sur la période. Quinze ans plus tard, en 1942, Pierre Depoid estimait, dans le même esprit, à partir des flux d’acquisition de la nationalité française, à 2,9 millions le nombre de « francisés » entre 1871 et 1940. Il donnait aussi une estimation des enfants de deux parents ou d’un seul parent étranger (2,7 millions). En 1945, il publiait une autre présentation de ses résultats en supposant que la population d’origine étrangère était égale à l’ensemble des personnes nées de deux parents étrangers auquel il adjoignait la moitié du nombre de personnes n’ayant qu’un seul parent étranger (1,9 million)…