Le mot même de déclin que Nicolas Baverez met au centre du débat avec force arguments est un mot qui fait peur. Peut-être parce qu’il renvoie au déclin que contemple chaque être humain, celui de la vieillesse, dont on sait trop bien comment elle se termine. Peut-être aussi parce que la France, rare parmi les nations, a une prétention à l’universalité, c’est-à-dire à une forme de permanence, qui ne s’accommode pas de ce déclin.
Le débat ainsi ouvert risque donc d’être passionné. Pour échapper à cet écueil, retour au Larousse : « Déclin : état de ce qui diminue de valeur, de grandeur, de puissance. » Vu sous cet angle lexical, le déclin de la France paraît difficile à contester :diminution de valeur : depuis 1990, la croissance économique de la France a été en moyenne de 1,8 % par an contre 2,8 % pour l’ensemble des pays riches (OCDE). Et notre produit par habitant nous classe au dix-neuvième rang parmi les vingt-cinq pays de l’OCDE ;diminution de grandeur : tandis que nous repassons en boucle les expositions et les hommages consacrés à nos Pasteur, nos Matisse, nos Berlioz et même « notre » Simenon, comment ne pas voir que le cœur des arts, des lettres et des sciences ne bat plus à Paris ?diminution de puissance : il y a cinquante ans, la France était en Corée, en Indochine, à Suez, l’un des « quatre Grands » sur lesquels reposait la paix du monde. Aujourd’hui, elle se révèle incapable de faire beaucoup plus qu’une opération de police en Afrique.
Dans le monde des entreprises, que je connais bien, le déclin français est une évidence silencieuse…