La France se fait mal. Malencontreusement, car elle commence à bouger. Bourreau d’elle-même ? Peut-être. Au lieu de se dire qu’elle vient d’ouvrir un de ses dossiers les plus obstinément fermés, celui des retraites et de son vieillissement, donc qu’il lui faut continuer sur la lancée, la voilà en proie au doute, à la nostalgie (retour douloureux), à la tentation du repos. Repos tout relatif d’ailleurs, car le problème France Telecom se résout enfin, car un accord sur la formation est signé avec tous les partenaires sociaux, car même Vivendi Universal ou Alstom sortent de crise aiguë ! Mais la France le voit peu. En même temps, le dossier de la santé est ouvert, comme ceux du temps de travail, de la « délocalisation » et de la « désindustrialisation ». Mais la France ne le voit pas davantage ! Le doute vient d’entrer par la porte ouverte du changement, pire : par la porte ouverte par le changement. C’est le paradoxe du bourreau de soi-même !
Plus grave, au lieu de relier ses difficultés actuelles à ses choix ou non-choix antérieurs, au lieu même de douter des effets bénéfiques, quoique lents et diffus, des réformes qu’elle mène, la France se croit victime d’une malédiction de l’Histoire. La figure du déclin n’est pas seulement une constante de sa pensée, c’est une catégorie plus métaphysique qu’économique. Le déclin, ou la sécularisation de la faute. Mais la prosaïque économie connaît seulement la croissance, fonction de choix individuels et collectifs plus ou moins heureux, d’une volonté de faire et d’accumuler plus ou moins entravée, ou dévoyée…