C’est une étrange histoire que celle du préambule de la future Constitution de l’Union européenne
. Dans la première rédaction, il était fait référence aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe ». Parmi ceux-ci, on citait les « civilisations hellénique et romaine », puis l’« élan spirituel qui l’a parcourue », enfin les « courants philosophiques des Lumières ».
Le premier et le troisième héritages étaient donc désignés très correctement par leur nom.
Il est exact que la civilisation grecque, c’est-à-dire principalement la littérature, l’histoire, la philosophie, les sciences, a été pleinement reçue par Rome et transmise à son empire.
Il est parfaitement vrai que les Lumières, qui se sont annoncées dès la haute Renaissance, qui ont été définies dans l’Angleterre, la Hollande et la France au xviie siècle, qui se sont répandues sur toute l’Europe au xviiie siècle sont un héritage européen indiscutable qu’il convenait de rappeler.
Restait le second héritage, désigné par l’expression l’« élan spirituel ». Qu’est-ce à dire ? Je ne connais pas de groupes humains, à n’importe quelle époque, qui ne soient « parcourus d’un élan spirituel ». Les Incas, les Aztèques, les Zoulous, tout comme les hindous, les Grecs et les Européens n’ont jamais manqué d’élan spirituel, parfois extrêmement vigoureux. Il faut supposer que, sous le terme « élan spirituel », nos constituants ne pensaient pas spécialement à des danses, à des chants, à des fêtes spécifiques, mais plus généralement à la religion…