Benjamin Constant est l’un des pères fondateurs du libéralisme. On entend souvent répéter l’idée, exprimée avec concision dans le manuscrit de ses Principes de politique, que « la liberté n’est autre chose que ce que les individus ont le droit de faire et ce que la société n’a pas celui d’empêcher ». On s’appuie aussi sur sa fameuse conférence de l’Athénée, « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes », où Constant prévient les hommes modernes de ne pas confondre les époques : « Nous ne pouvons plus jouir de la liberté des anciens, qui se composait de la participation active et constante au pouvoir collectif. Notre liberté, à nous, doit se composer de la jouissance paisible de l’indépendance privée. » Cette définition de la liberté est la raison pour laquelle Isaiah Berlin, dans un écrit maintenant devenu classique, fait de Constant le plus éloquent porte-parole d’un libéralisme « négatif ».
Ce libéralisme « négatif » n’est pourtant pas sans détracteurs. Le libéralisme de Constant est en effet souvent accusé de subordonner le bien commun à des desseins individualistes, de sous-évaluer l’importance de l’engagement civique, et de négliger les valeurs morales. Récemment, un groupe de « républicanistes » prétendent proposer une alternative moderne au libéralisme et dans ce but ils adoptent très volontiers la pensée de Constant comme repoussoir. La liberté de Constant est décrite par eux comme n’étant rien de plus que la protection de l’indépendance de l’individu vis-à-vis de l’État, rien d’autre que le droit pour chaque individu d’agir à l’intérieur d’un espace délimité…