La question fondamentale qui se pose aujourd’hui en matière de politique internationale et de politique de sécurité nationale américaine est peut-être de savoir si une ère nouvelle est vraiment apparue depuis la fin de la guerre froide. Tel est bien le cas. Les attaques du 11 septembre 2001 n’ont pas créé l’ère nouvelle, mais c’est leur action catalytique qui nous a permis d’en prendre conscience. Comme les chocs précédents subis par les États-Unis en juin 1940, en décembre 1941 ou en juin 1950, celui-ci a donné une forme à des tendances émergentes, permis une prise de conscience collective et nous a contraints à élaborer une réponse nationale globale.
Cette définition apparaît dans le texte récemment paru de l’administration Bush, National Security Strategy of the United States. Ce document reprend certaines des idées qui semblent à la base de la stratégie émergente de l’administration. Il se concentre sur cinq redéfinitions essentielles de ce qu’implique la sécurité nationale pour les États-Unis au xxie siècle. Mais, tout d’abord, une remarque sur la rhétorique de l’empire qui domine nombre de débats actuels.
Toutes les stratégies de sécurité nationale reposent sur une image mentale du monde. L’image de l’ère nouvelle est à juste titre celle d’un système international moderne et véritablement pluraliste. Dans le monde traditionnel, populations, gouvernement, commerce, culture et modes de vie évoluent lentement et changent progressivement. Le point de rupture entre ce monde traditionnel et celui de la modernité se produit, à des moments différents selon les sociétés, lorsque le changement social et technique rompt les liens qui déterminaient les relations entre l’humanité et les ressources physiques de la terre ; lorsqu’il fait voler en éclats les plafonds de productivité qui paraissaient éternels, imposés par les limites physiques des hommes, des animaux, du vent et de l’eau ; lorsqu’il modifie notre aptitude à communiquer à travers les distances, les communautés et les nations…