Depuis une vingtaine d’années, le Fonds monétaire international est la bête noire d’une bonne partie de l’opinion publique à travers le monde. Porteur de mauvaises nouvelles, ordonnateur de programmes d’austérité, il est devenu, pour les citoyens des pays sur lesquels il se penche, le bouc émissaire de leurs frustrations. Depuis cinq ans, de Seattle à Gênes, il est la cible des manifestations houleuses du mouvement antimondialisation. Le Fonds a maintenant un nouveau détracteur d’envergure, Joseph Stiglitz, brillant théoricien de l’économie, prix Nobel, naguère conseiller de Bill Clinton, et ancien économiste en chef de la Banque mondiale.
L’acte d’accusation dressé par Stiglitz ne se limite d’ailleurs pas au seul FMI : c’est la totalité de la stratégie économique libérale des vingt dernières années qui est dans sa ligne de mire. Tout en saluant les impressionnants progrès économiques qu’a connus sa génération, Stiglitz accuse la mondialisation d’avoir considérablement accru la pauvreté à l’échelle planétaire. Sa thèse, énoncée dans ce livre riche en anecdotes et récits d’expériences vécues, obéit à un fil conducteur aussi clair que puissamment affirmé : ce malheur est le résultat d’une révolution intellectuelle, d’un renversement de paradigme économique intervenu vers 1980, à savoir le passage d’une vision privilégiant l’intervention de l’État (voire la planification) à une vision privilégiant la puissance motrice des marchés laissés à leur libre jeu. Depuis Ronald Reagan et Margaret Thatcher, c’est ce nouveau libéralisme qui inspire l’architecture de la politique économique dans les sociétés industrielles…