L’essai de Robert Kagan est brillant, dérangeant, paradoxal, mais contestable voire approximatif dans ses arguments factuels. Il peut tout aussi bien être réduit à son titre, « Puissance et faiblesse », le premier terme pour les États-Unis, le second pour l’Europe, que donner lieu à de multiples lectures à des niveaux différents, allant de la simple constatation empirique à la réflexion théorique. Le constat est évident, l’explication partielle, la théorisation sujette à caution.
L’évidence dans le constat est double. Robert Kagan a raison de dire qu’il faut cesser de faire comme si Américains et Européens avaient une vision commune du monde. Il est encore dans le vrai quand il constate que les États-Unis n’ont jamais été aussi puissants, en tout cas militairement, tandis que l’Europe n’a jamais dépensé aussi peu pour sa défense depuis la fin de la guerre froide. Et elle n’est pas prête à faire beaucoup plus, malgré quelques exceptions comme la France et la Grande-Bretagne qui exhortent – en vain semble-t-il – leurs partenaires à mettre leurs budgets militaires au niveau de leurs ambitions. Mais quelles ambitions ? Celles des Quinze pris séparément ? Celles – collectives – de l’Union européenne ? Celles que poursuivent, pour l’Europe, la France et éventuellement la Grande-Bretagne ? Kagan voit juste encore quand il affirme que les Européens peuvent se permettre une forme de dilettantisme en matière de défense parce que les États-Unis prennent en charge leur sécurité, aujourd’hui comme ils le faisaient au temps de la guerre froide…