Henri Mercillon : À quel moment de votre vie, une vocation d’historien de l’art s’est-elle imposée à vous ? Quelles furent les influences qui la déterminèrent ?
Antoine Schnapper : En vérité, je n’en sais rien. J’ai l’impression de m’être toujours intéressé à l’histoire et à l’histoire de l’art, les deux disciplines me paraissant étroitement liées. Je viens d’un milieu dans lequel l’art faisait partie de la vie quotidienne. Ma mère, qui n’avait pas fait d’études, aimait dessiner. J’ai encore un livre de Louis Hourticq que ce dernier lui avait dédicacé : « Souvenir de son vieux professeur ». Mon grand-père maternel s’intéressait au xviii
e siècle et collectionnait les meubles. Après 1945, alors que les bibliothèques familiales s’étaient amoindries, je me souviens avoir retrouvé des piles de catalogues de ventes et de les avoir beaucoup feuilletés.
J’avais douze ou treize ans. À ce moment-là, je ne m’occupais pas, bien sûr, d’un choix de carrière, mais j’allais dans les expositions, et je le vivais comme quelque chose de tout à fait naturel. L’art était depuis longtemps un élément de la culture de la bourgeoisie « Israélite ». Durant mes études, mon attrait pour l’histoire s’est progressivement développé. Une fois le baccalauréat passé, j’ai commencé une hypokhâgne. C’est un accident de santé qui m’a vraiment orienté vers l’histoire de l’art car j’ai dû abandonner l’hypokhâgne avant la fin de l’année. J’ai suivi les cours de la section supérieure de l’École du Louvre, en tant qu’élève agréé…