Si la gloire, chez une femme, est le deuil éclatant du bonheur, disait Germaine de Staël, que peut donc signifier la gloire pour un homme qui a voué la sienne aux femmes ? Quinze minutes d’ovation ont salué Yves Saint Laurent qui donnait sa dernière représentation au musée Pompidou, le 22 janvier dernier, au cours d’un défilé magistral couronnant quarante ans de création. L’assistance de deux mille personnes comptait presque autant de célébrités. À l’extérieur, sur la place, deux écrans géants permettaient au public de suivre l’événement en direct, que les téléspectateurs verraient au cours d’une soirée spéciale.
Une émotion unanime accompagne cet adieu : l’époque qu’on ensevelit ce soir, c’est, pour certains, la leur, pour beaucoup, un modèle et pour tous, un regret. Yves Saint Laurent, qui avait commencé sa carrière chez Dior, était de la génération de Warhol, des hippies, du rock, de la pilule, de la drogue. Il a été un « passeur » entre une société fondée sur des conventions et un monde libertaire. Les femmes se souviennent que c’est grâce à lui qu’elles ont pu porter un costume d’homme tout en gardant leur féminité. Saint Laurent n’a pas seulement habillé ses clientes, il a influencé la manière d’être de millions de femmes. Ce fut sa fierté de les avoir accompagnées dans ce grand mouvement et puisqu’il sied de léguer à la postérité des paroles mémorables, Pierre Bergé, l’ami, le partenaire, et le grand metteur en scène de ces cérémonies d’adieu, a ainsi résumé de façon grandiloquente la portée d’une telle œuvre : « Chanel avait libéré les femmes, Saint Laurent leur a donné le pouvoir…