Le souvenir suppose, pour être entretenu, au moins un lien humain avec la réalité à laquelle il renvoie : la guerre de 14-18 nous offre le premier exemple d’un événement fondateur du xx
e siècle qui passe, devant nos yeux, du statut de souvenir à celui d’objet d’histoire. La question est alors de savoir comment il est possible de retrouver la guerre de 14-18, privés que nous sommes désormais de l’expérience vivante de celle-ci. À cet égard, le second livre dont nous parlerons, Cinq deuils de guerre, est particulièrement intéressant car il offre une perspective intime et pourtant historique sur l’un des événements les moins analysés de l’histoire du siècle dernier, le deuil. Le deuil de guerre en Europe au xx
e siècle est une expérience pratiquement universelle : en France, le travail du deuil, la présence des morts (« Ils ont des droits sur nous ! ») et la relation entre d’une part une société secouée par des bouleversements sociaux, culturels et politiques majeurs pendant soixante ans (de 1914 à 1974) et d’autre part cet innommé de la peine et de l’absence n’avaient pas encore fait l’objet d’une étude en tant que telle. Cinq deuils de guerre constitue à cet égard une première approche, incomplète, hésitante, mais prometteuse.
Retrouver la guerre : le titre est à lui seul l’exposé d’une ambition et d’une démarche. Dans notre société occidentale, d’où la guerre a été évacuée depuis plus d’un demi-siècle en tout cas sous sa forme directe, comment retrouver la logique, les prédicats, les sensations et les explications de celle-ci …