Un directeur du Patrimoine, légèrement dépressif, décidant de faire dynamiter la moitié des cathédrales françaises, au motif qu’elles coûtent trop cher à entretenir et que certaines sont laides : voilà le thème, peu banal, du dernier roman de Laurence Cossé. L idée ne manque ni de force, ni de drôlerie. On se souvient que, dans un précédent ouvrage, l’auteur avait imaginé un père jésuite découvrant la preuve de l’existence de Dieu, provoquant par là un grand embarras de sa hiérarchie, finalement conduite à étouffer l’affaire… L’accusera-t-on d’être iconoclaste ? Voire. Sans nous prononcer sur l’existence de Dieu, il nous semble que le dernier roman de Laurence Cossé vise juste. Certes, le lecteur ne croit pas un seul instant à ce personnage, appelé spirituellement Jean-Léger Tuffeau, comme la pierre blanche et friable des bords de Loire. Les aventures de cet administrateur, sa lente descente aux enfers, ses états d’âme d’énarque vaguement alcoolique nous amusent. Sa méthode pour faire sauter nos grandes cathédrales est loufoque, le dénouement de son complot anti-patrimoine improbable. Mais, au-delà du plaisir, malgré un style heurté quelque peu rebutant, on ne ressort pas indemne de cette lecture.
Et s’il y avait derrière cette farce quelque chose de plus profond ? Quelque chose comme une prémonition, un pressentiment ? Laurence Cossé soulève en effet, chemin faisant, des interrogations fondamentales : le statut du patrimoine, son caractère sacré et le consensus qui l’entoure en apparence, le coût de la conservation de ce passé…