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Article de revue

Habiter clandestinement les carrières souterraines de Paris : normalisation et conflits au sein d’un patrimoine

Pages 131 à 148

Notes

  • [1]
    Il s’agit d’une visite officielle à sens unique sur 1,5 kilomètre de l’un des ossuaires sous la place Denfert-Rochereau (environ 0,5 % du réseau existant sous Paris) qui dépend du musée Carnavalet – Histoire de Paris.
  • [2]
    « Enquête : fréquentation des sites culturels parisiens en 2015 », Observatoire économique du tourisme parisien, 2016, p. 3 : https://pro.parisinfo.com/etudes-et-chiffres/enquetes-et-dossiers/enquetes-de-frequentation-culturelle
  • [3]
    Le néologisme « cataphile » a été usité dès la fin des années 1970 pour définir les passionnés des catacombes de Paris qui se nomment ainsi entre eux.
  • [4]
    Le terme « catacombes » est inexact puisque les carrières souterraines n’ont pas été créées pour y entasser les défunts. Cet usage est postérieur. Par ailleurs, les ossuaires ne constituent qu’une minuscule partie du réseau. Cependant, suivant l’usage, « carrières » et « catacombes » seront employés indifféremment.
  • [5]
    Roxane Peirazeau, Clandestinité et Patrimonialisation. Cartographie des idéaux et interactions cataphiles au sein des carrières souterraines de Paris, thèse de doctorat en anthropologie, Paris, EHESS, 2015, p. 15.
  • [6]
    Serge Moscovici, Chronique des années égarées. Récit autobiographique, Paris, Stock, 1997, p. 128.
  • [7]
    Pour préserver l’anonymat de nos interviewés, les prénoms et/ou pseudonymes ont été modifiés.
  • [8]
    Michel Foucault, « Des espaces autres », conférence au Cercle d’études architecturales du 14 mars 1967, in Michel Foucault (1980-1988), Dits et Écrits, t. IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 752-762.
  • [9]
    Florian Dauphin, « Les usagers des catacombes de Paris : société secrète et espace hétérotopique », Communication & Organisation, vol. 48, 2, 2015, p. 13-24.
  • [10]
    Gilles Thomas, Les Catacombes. Histoire du Paris souterrain, Paris, Le Passage, 2015.
  • [11]
    Sylvie Aprile et Emmanuelle Retaillaud-Bajac (dir.), Clandestinités urbaines. Les citadins et les territoires du secret (xvie-xxe), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 10-11.
  • [12]
    Jean Duvignaud, Hérésie et Subversion. Essai sur l’anomie, Paris, La Découverte, 1986, p. 75.
  • [13]
    Barbara Glowczewski et Jean-François Matteudi (dir.), La Cité des cataphiles. Mission anthropologique dans les souterrains de Paris, Paris, Librairie des Méridiens, 1983, p. 86.
  • [14]
    Muzafer Sherif, The Psychology of Social Norms, New York, Harper and Row, 1936.
  • [15]
    L’acception « habitant » n’est pas ici employée en référence à un habitat fixe. Personne n’habite quotidiennement dans ce territoire. Par l’absence de lumière et d’eau potable, y habiter durablement s’avère impossible. En revanche, comme nous le verrons dans la dernière partie, certains usagers aiment y séjourner et y aménager des espaces. Habiter est donc ici une manière de souligner le fait que certains acteurs se sentent davantage investis dans ce lieu que d’autres.
  • [16]
    Georg Simmel, Secret et Sociétés secrètes (1908), Paris, Circé, 1991.
  • [17]
    Michel Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, 2003, p. 36.
  • [18]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. I : La Présentation de soi (1956), Paris, Minuit, « Le Sens commun », 1973.
  • [19]
    Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963), Paris, Minuit, « Le Sens commun », 1975.
  • [20]
    Cette distance est relative car, lorsqu’il descend en short et baskets, sa lampe à acétylène rappelle qu’il est bien l’un des leurs.
  • [21]
    « Blaze » ou « blase », diminutif de « blason », est employé par les acteurs comme synonyme de « pseudonyme ».
  • [22]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. I : La Présentation de soi, op. cit.
  • [23]
    Une partie minoritaire de nos interviewés n’ont pas de pseudonyme et n’en ressentent pas l’utilité.
  • [24]
    Initialement, les tracts laissés dans les carrières permettaient la communication entre les cataphiles, généralement au sujet de l’organisation d’une soirée. Parfois, ils n’avaient qu’une fonction artistique, humoristique ou simplement informative notamment sur les bonnes conduites à adopter (principalement laisser l’endroit propre). Malgré l’arrivée du Web qui aujourd’hui sert de support de communication aux cataphiles, la tradition des tracts perdure. Souvent cachés dans les salles, ils sont un moyen d’entretenir la dimension secrète de la communication et constituent une forme de concours entre les usagers à celui qui trouvera le plus de tracts au cours d’une descente.
  • [25]
    Serge Moscovici et Philippe Ricateau, « Conformité, minorité et influence sociale », in Serge Moscovici (dir.), Introduction à la psychologie sociale, t. I : Les Phénomènes de base, chap. 5, Paris, Larousse, 1972, p. 161.
  • [26]
    Florian Lebreton et Stéphane Héas, « La spéléologie urbaine. Une communauté secrète de cataphiles », Ethnologie française, 2007/2, vol. 37, p. 345-352.
  • [27]
    Ce terme qualifie les pratiques clandestines d’exploration des territoires difficiles d’accès, comme les toits urbains, ou abandonnés, comme les friches industrielles.
  • [28]
    Roxane Peirazeau et Titouan Gelez, « L’archéologie autonome et les aménagements cataphiles », ACP, Édition associative, 2017, p. 11. Consulté en ligne en septembre 2018 : www.acp-asso.org/images/amenagementscataphiles.pdf
  • [29]
    Cette anecdote est rapportée dans le livre du protagoniste : Psychoze, Intime errance cataphile, Paris, H’artpon éditions, 2016.
  • [30]
    Max Weber, Économie et Société (1921), Paris, Plon, 1971.
  • [31]
    Maria Gravari-Barbas (dir.), Habiter le patrimoine. Enjeux, approches, vécu, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
  • [32]
    C’est le cas de la SEADACC, une association en charge de la restauration et de la visite des carrières médiévales des Capucins sous l’hôpital Cochin.
  • [33]
    Sylvie Gautron, responsable du groupe d’intervention et de prévention, déclare : « Nous ne pouvons pas être en permanence dans le réseau. Nous avons cependant intérêt d’une certaine façon à ce que les cataphiles y soient, car ils connaissent très bien les lieux. J’ai des contacts avec quelques-uns, qui peuvent m’avertir s’il se passe quelque chose d’inhabituel » (cité in Victor Nicolas, « Catacombes, accès interdits », Parismag, 25 juin 2015 : www.parismag.fr/catacombes-entr%C3%A9es-acc%C3%A8s-interdits).

1Depuis 2002, une infime partie des catacombes de Paris s’ouvre officiellement au public [1] pour devenir l’un des monuments les plus visités de la capitale, avec plus de 500 000 visiteurs par an depuis 2015 [2]. Parallèlement, le reste du réseau dont l’accès est proscrit est régulièrement emprunté par des individus initiés appelés « cataphiles [3] ». Cet article porte sur la partie clandestine des catacombes [4]. Lorsqu’on évoque à des non-initiés la descente dans le vaste réseau clandestin des carrières souterraines de Paris, une question revient fréquemment : des individus y habitent-ils ? Cette curiosité peut paraître surprenante quand on connaît cet environnement minéralogique, ce labyrinthe de galeries d’inspection couvrant plus de 300 kilomètres, à en moyenne 20 mètres sous terre, dans l’obscurité et le silence total. Mais à y réfléchir, cette interrogation pointe la complexité du rapport qu’entretiennent les cataphiles avec leur territoire. Comment s’approprie-t-on un lieu si atypique, qui peut paraître effrayant, dont l’accès est illégal, mais qui constitue néanmoins un patrimoine historique et dynamique, « méconnu, non reconnu et invisible [5] » ? Ce vaste dédale, interdit au public par l’arrêté préfectoral de 1955, où la police est peu présente et les sanctions peu dissuasives, est vécu par les usagers comme un interstice de liberté dans la capitale. L’interdit initial et sa transgression semblent être au fondement d’un sentiment de liberté, loin de la surveillance de la surface. Ce sentiment de liberté, en partie lié à la clandestinité du lieu, se heurte pourtant à un ensemble de normes informelles qui se traduisent par des modes de sociabilités spécifiques et des arts de faire. Pour comprendre ce processus de mise en place de normes dans cet espace clandestin, illicite et autogéré par les usagers, il est nécessaire de concevoir comment se construit la figure de l’habitant : le cataphile. Ainsi, la première partie de l’article expose la manière dont les usagers se sentent habités par les carrières : ce qui les incite à découvrir le réseau et à revenir de façon indépendante. La seconde partie s’intéresse aux formes de cohabitation dans un espace que l’on peut qualifier d’« anomique », dans lequel l’interdit légal initial, une fois transgressé, donne le sentiment d’une absence de normes où l’innovation est possible. La cohabitation résulte d’un processus de normalisation des pratiques et des valeurs dont l’enjeu est la cohésion sociale et l’évitement de conflits. Enfin, on abordera les pratiques d’aménagement autogérées des usagers contributeurs, qui tendent à préserver et à enrichir un patrimoine historique quasi délaissé par les pouvoirs publics en développant une culture propre.

2La méthodologie de cette enquête repose sur l’observation participante ainsi que sur dix entretiens semi-directifs avec des usagers, âgés de vingt à quarante-deux ans, qui descendent dans les catacombes depuis un à vingt-quatre ans. Trois femmes et sept hommes ont été interviewés en 2018. Cette population est peu aisée à quantifier puisque illicite. Il n’existe donc aucune statistique. Néanmoins, l’expérience montre que la pratique initialement masculine tend à se féminiser et qu’il s’agit d’une activité majoritairement juvénile (entre vingt et trente-cinq ans). Par ailleurs, bien que la cataphilie soit une activité largement minoritaire, la population concernée ne vit pas en marge de la société. La plupart des cataphiles sont étudiants ou font partie de la population active, salariés, dont le capital culturel semble en moyenne supérieur à celui de la population en surface.

Être habité par les lieux : une quête initiatique

3Les grandes villes « nous habitent plus que nous ne les habitons [6] ». Cette remarque de Serge Moscovici s’applique bien aux carrières souterraines. Devenir cataphile, c’est d’abord être habité par les lieux : s’y sentir serein et nourrir une soif d’aventure, d’exploration et de connaissance du réseau. Dans ce lieu, les sens sont modifiés. L’environnement minéralogique, le silence, l’obscurité, la température toujours aux alentours de 15° C, les galeries labyrinthiques, les salles aménagées et les chatières étroites occasionnent un rapport particulier au corps et à la psyché. Bertrand [7], âgé de quarante-deux ans, cataphile depuis 1994, explique le caractère exceptionnel du lieu dans lequel il évolue hic et nunc, loin de la vie mondaine, dans un espace non marchand, implicitement opposé à la complexité urbaine :

4

C’est un monde simplifié. Pas de publicité, pas de magasin, pas de portables qui émettent, personne pour te distraire avec un truc, tu es toujours dedans. Tu es là, pas beaucoup de stimuli extérieurs. Tu es soustrait du monde. Tu sais que ça n’a rien à voir avec le reste, tu n’es pas chez toi, pas chez des amis, ou dans la rue. Tu es dans un milieu avec des gens avec qui tu es et puis c’est tout. Parfois, tu ne vas croiser personne, à d’autres moments tu vas croiser du monde.

5Cécile, étudiante de vingt ans, explique qu’une fois en dessous, elle a l’impression d’être « coupée de tout » et que « le temps s’arrête ». Benoît, enseignant de quarante ans, se sent « privilégié » de connaître ce lieu qui lui « permet la contemplation, la méditation, pas forcément de manière figée. Rien que le fait d’arpenter les galeries, il y a une dimension physique et une dimension psychique aussi ». En effet, tous nos interviewés insistent sur la perception différente de la temporalité, de l’espace, du corps et d’autrui.

6Le goût de l’exploration, la recherche du dépassement de soi, l’excitation de l’interdit sont des sentiments communs à tous les cataphiles, comme en témoigne Chloé, infographiste âgée de vingt-deux ans :

7

C’est un peu une libération de Paris qui vit à cent à l’heure. Et puis, il y a forcément le côté interdit, c’est cool. Il y a le côté exploration. C’est un dédale. C’est vaincre le dédale. On se sent fort quand on a réussi à se retrouver et découvrir de nouveaux endroits. Je me sens bien et confiante quand je suis en dessous.

Illustration d’une galerie d’inspection, juin 2018

Figure 1

Illustration d’une galerie d’inspection, juin 2018

(© Florian Dauphin.)

Illustration d’une chatière, juin 2018

Figure 2

Illustration d’une chatière, juin 2018

(© Florian Dauphin.)

8Cette passion – parfois source de conflits pour les couples qui ne partagent pas cette activité – peut prendre un caractère addictif. David, étudiant de vingt-deux ans, explique qu’à ses débuts il ressentait une dépendance qui le poussait à descendre dans ce qu’il nomme son « refuge » :

9

Au début, j’y allais trois à quatre fois par semaine, et si je n’y allais pas, j’étais vraiment en manque. Pendant un temps, je pensais qu’à ça. J’étais bien accro. Même en cours, j’étais à voir mes cartes et à me dire : « Il y a peut-être des entrées, là. »

Illustration du cabinet minéralogique de Notre-Dame-des-Champs, juin 2018

Figure 3

Illustration du cabinet minéralogique de Notre-Dame-des-Champs, juin 2018

(© Florian Dauphin.)

Illustration d’une plaque indicative de l’IGC, juin 2018

Figure 4

Illustration d’une plaque indicative de l’IGC, juin 2018

(© Florian Dauphin.)

10L’attrait pour l’interdit, le risque de se perdre, les émotions quasi psychotropes et l’éventuelle confrontation avec les ossuaires occasionnent chez les usagers un sentiment proche du sacré qui peut prendre un caractère addictif. Par conséquent, ces lieux souterrains continuent d’habiter les cataphiles en surface. La notion d’hétérotopie de Michel Foucault [8] apparaît pertinente pour comprendre la perception quasi « magique » et « sacralisée » de ce territoire par les acteurs [9]. Il s’agit d’un « espace autre », un « contre-emplacement » dans lequel l’utopie est localisée et vécue. Enfin, la sacralisation de l’espace se produit également par le fait que les acteurs attribuent une valeur patrimoniale au territoire. Les cataphiles ont un goût souvent prononcé pour la dimension historique du lieu. En effet, les traces de l’histoire sont omniprésentes sous Paris [10]. Dès lors, ils se sentent privilégiés de s’approprier temporairement à chaque visite un patrimoine prohibé et donc méconnu.

Une cohabitation clandestine autogérée : la normalisation des pratiques et des valeurs

11La pratique de cet univers souterrain est clandestine et illicite. La proximité des termes « souterrain » (dans son sens figuré) et « clandestin » (dérivé de l’adverbe clam : en secret) est instructive car elle renvoie au secret. Le néologisme de « clandestinité » est apparu plus récemment au xviie siècle et renvoie à une dimension juridique condamnant des modes de vie [11]. C’est la dimension illicite du territoire clandestin invisible à la surface qui incite les acteurs à cultiver le secret. Mais c’est également la volonté de préserver ce lieu qui encourage les initiés à tenter d’en limiter l’accès aux autres : il faut être invité pour y entrer. Bien que l’accès soit interdit, cet espace est peu surveillé et échappe au contrôle de la surface. La police des carrières n’est guère présente et les amendes sont peu élevées. On peut qualifier cet espace de « zone anomique » au sens que Jean-Marie Guyau donne au terme d’« anomie » :

12

L’anomie, pour Guyau, est créatrice de formes nouvelles de relations humaines, d’autonomies qui ne sont pas celles d’une référence à des normes constituées, mais ouvertes sur une créativité possible. Elle ne résulte pas, comme chez Durkheim, d’un trouble statistique, elle incite l’individu à des sociabilités jusque-là inconnues, dont il dira que la création artistique est la manifestation la plus forte [12].

13En 1983 déjà, une étude anthropologique montrait que les usagers cherchaient à échapper à la « surveillance normalisante de la surface [13] ». Si cette remarque apparaît toujours pertinente, il faut la compléter en montrant comment les pratiques des amateurs ont conduit à normaliser des usages et des valeurs. Le concept de « normalisation » issu de la psychologie sociale [14] permet d’étudier l’influence sociale qui se produit lorsque des individus se retrouvent dans une situation sans norme. Les membres du groupe s’influencent alors mutuellement pour en créer de nouvelles.

14La première norme de ce groupe est d’observer le secret. Les initiés sont les cataphiles – les habitants [15] légitimes – et les autres sont qualifiés de « touristes ». Cette dichotomie, qui peut paraître simpliste, marque l’appartenance au groupe, entre ceux qui sont dépositaires du secret et les autres : les ignorants. Georg Simmel a bien montré comment le secret constitue le ciment des sociétés secrètes [16]. Michel Foucault a mis en évidence que le « pouvoir et [le] savoir s’impliquent directement l’un l’autre ; qu’il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir [17] ». Dans les catacombes, le pouvoir, au sens webérien de légitimité, est lié au savoir, à la connaissance du réseau. La plupart des visiteurs resteront des touristes. « Ils ont fait ça comme on fait un musée », déclare David qui a emmené une quarantaine de visiteurs. Emmener autant de touristes peut sembler contradictoire avec le devoir informel de réserve vis-à-vis du néophyte, mais cela représente aussi une source de satisfaction pour le guide qui est dans une situation de savoir-pouvoir. En fait, parmi les nouveaux entrants, seule une minorité va nourrir une passion pour les souterrains et chercher à s’approprier cette terra incognita.

15L’initiation pour Christophe (vingt-quatre ans), qui descend depuis ses dix-sept ans, a été expéditive, comme c’est le cas pour la plupart des membres de notre échantillon :

16

C’est le cousin d’un de mes potes qui m’a initié. Je l’ai harcelé pendant six mois, et il m’a fait poireauter. Il m’a fait rentrer à Cuillère [une salle] et m’a montré une sortie et il m’a dit : « Maintenant, tu te démerdes. »

17Ainsi, la méritocratie est de mise dans cet univers. L’appétence, pour la minorité qui souhaite ardemment y retourner, commence en binôme. L’autre n’étant pas forcément disponible, le membre délaissé va connaître l’envie d’y retourner seul et de devenir donc totalement indépendant. Explorer en solitaire le réseau constitue un défi et devient source de fierté. Devenir autonome impose de se procurer un plan et de connaître au moins une entrée. Avant l’arrivée d’Internet, obtenir un plan était le fruit d’une relation privilégiée avec son guide. De nos jours, bien que les cataphiles aiment à conserver le secret, un internaute avisé pourra trouver des plans de bonne qualité, même si les entrées ne sont pas indiquées. Enfin, jouir d’une grande liberté impose d’avoir des compétences : se repérer et savoir ouvrir les plaques. Les « touristes » qui décident d’apprendre se heurtent à la méfiance des plus anciens et au secret, comme en témoigne Bertrand :

18

Avant, on n’était qu’entre nous. On rencontrait des gens, mais ils ne disaient jamais rien. Enfin, ils disaient mais il fallait vouloir discuter. C’est assez secret. Mais c’est vrai que si, toi, tu connais une entrée peu utilisée, tu n’as pas envie que 50 millions de gens passent par cette entrée. Elle va être grillée et, un jour, ils vont la fermer. S’il y a très peu de passage, elle ne risque pas d’être fermée.

19Les entrées (ou sorties) sont ce qui se cache le plus. David explique comment il n’en parlera pas :

20

Je vais pas dire où je rentre et où je sors. À moins que ce soit une entrée super connue, ou à moins que je sache que le mec connaît bien et que je ne lui apprends rien.

21Une autre norme repose sur l’habillement. Si dans la maxime ordinaire l’habit ne fait pas le moine, pour le cataphile, l’habit est un signe de reconnaissance. Ici le lien étymologique entre « habit » et « habitus » apparaît évident. L’habitant possède un « appareillage symbolique [18] » singulier : lampe frontale, cuissardes (car des passages sont parfois inondés), sac imperméable, lampe à acétylène comme les mineurs d’autrefois. Dans cette logique, le néophyte qui descend en jean et en baskets – outre le fait d’avoir les pieds trempés toute son expédition – sera tout de suite stigmatisé comme « touriste ». Ce terme peut sembler fort, mais il constitue bien un attribut social dévalorisant qui isole l’individu de l’attente normative du groupe, au sens que lui donne Erving Goffman [19]. Ce clivage entre « cataphile » et « touriste » prend des allures parfois sectaires. Nombre d’habitants vivraient mal le fait d’être pris pour des touristes. Mais, a contrario, des usagers pourront revendiquer de ne pas rentrer dans la norme, de descendre en short et en baskets, par exemple, et donc de se distinguer des us et coutumes. Christophe critique ce conformisme :

22

J’en ai marre de ces trucs, on sait mais on ne se dit pas. Et si tu ne descends pas en cuissardes, tu es le touriste. Moi je m’en fous, j’ai passé trois ans à descendre en short et en baskets et c’était très bien [20].

23Devenir guide à son tour, c’est-à-dire descendre avec des amis touristes, est un signe que l’on devient cataphile. C’est aussi avoir une double responsabilité. D’une part, vis-à-vis de ceux qu’on emmène, et d’autre part, vis-à-vis des pairs que l’on pourra croiser. La règle est que chaque guide est responsable de ses « touristes » et de leur comportement. Ainsi cette norme de responsabilité permet la régulation des intrus. L’hospitalité est sélective. Elle suppose d’être introduit et de savoir interagir avec les initiés.

24Les interactions entre les cataphiles, qui répondent à des rites particuliers, se normalisent elles aussi. D’abord, la configuration spatiale oriente les échanges. Les rencontres qui ont lieu dans les galeries, que l’on arpente en file indienne, se limitent généralement à une salutation réciproque. En revanche, la sociabilité s’effectue dans les multiples salles aménagées, qui sont des vides de carrières. Dans ces cas, l’observation participante montre que la discussion s’effectue directement entre les guides, s’il y a des touristes présents. L’interaction porte sur l’estimation de la connaissance d’autrui et donc de sa légitimité à être ici. Lorsque les acteurs jugent l’autre connaisseur, ils peuvent parler librement, sans craindre de dévoiler des informations nouvelles, ou alors sciemment par sympathie et/ou réciprocité. À la fin de la discussion, les interactants peuvent s’échanger leurs « blazes » [21]. Le solliciter dès le début de l’échange peut être perçu comme une fausse note, ainsi que le remarque un interviewé qui le faisait par maladresse et dans le but de se faire (re)connaître [22].

25En effet, le pseudonyme constitue une autre norme de la sociabilité cataphile et remplit deux fonctions. D’une part, il est une forme de reconnaissance et donc d’appartenance au groupe, et d’autre part, il permet de mettre à distance son identité de surface. Depuis les années 1970, les néophytes sont baptisés par leur guide. Cet usage semble actuellement moins systématique car l’enquête montre qu’une partie des néo-cataphiles n’ont pas reçu leur pseudonyme [23], durant leur courte initiation avec leur mentor. C’est donc en général par la suite que le groupe d’amis constitué va leur en attribuer un. Quelquefois, c’est l’impétrant lui-même qui va se renommer, souvent dans le but de réaliser des tracts [24]. La force symbolique des pseudonymes est si importante que deux cataphiles interviewés vivant en couple se nomment par leur pseudo en dessous et par leur prénom au-dessus. Chez un autre couple formé dans les catacombes, chacun appelle l’autre par son pseudo même dans la vie quotidienne.

26Les acteurs interrogés ont conscience que les catacombes ont une dimension patrimoniale qui doit être préservée du vandalisme des usagers, mais aussi des politiques publiques susceptibles de détruire des parties du réseau en les comblant. Sylvain déclare : « C’est un patrimoine historique, quand je descends j’essaie de laisser vraiment aucune trace. » Selon Chloé, « on ne peut pas distinguer les catacombes de l’histoire ». En effet, on trouve en dessous des traces de l’histoire de Paris depuis la création de Lutèce, des plaques indicatives jusqu’au cabinet minéralogique. Être un habitant légitime, c’est donc préserver le lieu en ramassant ses déchets, dans la mesure où cette activité est totalement autogérée par les acteurs eux-mêmes, et s’abstenir de taguer. Cette pratique, sur laquelle nous reviendrons, est la principale source de conflits. Enfin, la question des besoins naturels est elle aussi informellement réglementée.

27Par conséquent, devenir cataphile, c’est avoir et montrer un capital de « légitimité » qui va de pair avec une reconnaissance. La construction de règles tacites apparaît nécessaire, car elle produit de la cohésion de groupe et vise à faire intégrer les bonnes pratiques et les bonnes valeurs aux acteurs. Néanmoins cette normalisation peut pousser à un conformisme élevé. Serge Moscovici souligne comment « la conformité vise la résolution du conflit, la normalisation son évitement [25] ». Des acteurs observent une certaine distance par rapport aux normes du groupe et au pouvoir d’influence qu’induit la majorité sur la minorité dissidente. Benoît, sans être déviant, exprime bien ce ressentiment vis-à-vis du conformisme de groupe et se sent « faire partie de la communauté, sans en faire partie » :

28

Une fois je me suis embrouillé avec des gars, j’ai posé des questions. Et le mec me dit : « C’est bon, arrête de poser des questions […]. Il y a des règles. » Moi je ne comprends pas. Tu es là, tu es en marge d’un truc et tu veux reproduire des règles. Moi, j’ai une approche anarchique, dans le bon sens du terme. Ces mecs-là, c’est de la suffisance, parce qu’ils ont l’impression d’avoir la maîtrise, ou – comment dire ? – une légitimité plus forte qu’autrui. C’est le reflet de la population d’en haut. Et moi je n’ai aucune légitimité par rapport à ça, c’est tellement plus grand que tout le monde. Après bien sûr, il y a des gens qui vivent plus ici, ou qui ont fait des trucs [construire des salles par exemple, cf. infra].

Habiter, préserver et contribuer au réseau

29Dans les souterrains, les pratiques sont variées et forment une sous-culture urbaine propre. L’exploration du vaste réseau revêt un caractère sportif (marcher, grimper, ramper, patauger) que l’on peut comparer à de la « spéléologie urbaine [26] » et aux autres formes d’exploration urbaine [27]. Néanmoins les usages des catacombes ne se limitent pas à cette dimension sportive. Ces lieux sont aussi temporairement habités de toutes sortes de pratiques, dont certaines sont artistiques et visent à la restauration et à la création de nouveaux espaces. Les salles sont des lieux de vie qui proviennent des anciennes carrières et représentent environ 10 % du réseau. Elles sont créées par les cataphiles, aménagées avec du mobilier en pierre : des bancs et des tables. À l’instar d’une maison, elles constituent des pièces de vie pour des activités spécifiques : des salons pour se reposer ou pour organiser une fête, des salles à manger pour le repas (pique-niquer ou cuisiner), des chambres pour y dormir. Par ailleurs, les salles sont des lieux d’expression artistique et témoignent d’une créativité. Elles sont ornementées par des sculptures, des fresques (graffitis ou mosaïques), des objets apportés à l’intérieur. Lorsque les cataphiles arrivent dans une salle inoccupée avec l’intention de s’y installer, la première action consiste à l’éclairer : avec une mise en scène de bougies et la suspension d’une lampe à acétylène.

Illustration d’une salle dite « Apéro », mai 2018

Figure 5

Illustration d’une salle dite « Apéro », mai 2018

(© Florian Dauphin.)

30Bâtir une salle constitue un des moyens de contribuer au territoire et de se sentir habitant. Un couple de cataphiles explique sa motivation :

31

On a trouvé un coin hyper sympa avec une épure d’époque. On est intéressé par les dessins historiques et on s’est dit : « C’est bête, on ne peut pas trop se poser. » […] Et construire quelque chose ensemble, c’est sympa. Faire un petit chantier, récupérer des outils. Le gros chantier, c’est lui qui le fait car il sait monter des hagues en pierres sèches. La sculpture, c’est quelque chose que je sais faire. […] J’avais rencontré un groupe de sculpteurs. On a pas mal creusé, on a aménagé, on a fait un banc. Il nous reste un banc et une table à faire. Je compte faire une peinture.

32Le couple précise qu’il s’agit d’une « petite salle discrète », proche d’une entrée peu fréquentée, pour éviter qu’il n’y ait trop de passage et de tags. Il aimerait la partager avec leurs amis une fois qu’elle sera achevée. Ce labeur est « assez rébarbatif » (creuser, remplir des sacs de remblai et les disséminer dans la galerie avoisinante) et « n’avance pas vite ». Il requiert de la patience et de l’ingéniosité. Dans la mesure du possible, ils essaient d’emprunter des outils à d’autres cataphiles faisant un chantier, car apporter des outils est complexe. Il s’agit pour eux d’avoir « un terrain d’expression […] en restant dans les techniques traditionnelles ». Les expressions de « restauration clandestine », voire d’« archéologie autonome » [28] semblent pertinentes pour qualifier ces formes d’activités. David, qui bâtit également une salle, explique sa motivation par le fait de laisser une trace :

33

Je trouve qu’on profite beaucoup des salles des autres, donc j’aimerais bien apporter ma pierre à l’édifice. Et puis aussi car, quand je reviendrai plus tard et que je serai plus vieux, je pense que je serai heureux de voir la salle que j’ai faite. Parce que je ne serai pas toujours à Paris et j’aimerais bien laisser une trace. Mais le but n’est pas que mon blaze soit connu. Il y a mes amis qui le sauront, donc forcément ça se saura un peu, mais ce n’est pas mon but premier. Après, il y a une certaine fierté à avoir fait ça.

34La construction d’une salle peut s’accompagner de la volonté d’en limiter l’accès, comme le déclare le couple de bâtisseurs :

35

C’est l’idée d’avoir notre petit coin qu’on a aménagé, simple et à l’écart. Le but, ce n’est pas non plus de le cacher. C’est juste d’éviter les tags, et les gens qui laissent traîner les poubelles. On n’a rien contre les gens qui viennent et qui se posent. Je veux dire, ce n’est pas notre salle, c’est les catas quoi.

36En effet, toute création dans ce monde souterrain est paradoxalement éphémère puisque aucun droit de propriété n’existe et qu’aucune autorité ne pourra protéger et réguler l’accès. S’il existe des stratégies pour construire une salle dans un endroit peu connu, difficile d’accès et discret (avec un passage obligé via une chatière que l’on « referme » avec un muret de pierre), un explorateur puis le bouche-à-oreille feront qu’elle sera rapidement découverte. La médiatisation d’une salle et sa désignation l’exposent à des formes de vandalisme. La conservation du patrimoine historique et contemporain se heurte à la liberté dont jouissent les acteurs. Le vandalisme peut prendre plusieurs formes mais la principale selon les cataphiles est la pratique du tag qui n’est pas considéré comme de l’art. Dès leur création, les carrières ont été visitées, on retrouve des graffitis séculaires. Mais, lors de la popularisation du graffiti dans les années 1980, les catacombes ont aussi été investies par des graffeurs. Le grand réseau sud, le plus vaste et le plus connu, est particulièrement tagué. Quelques graffitis ont acquis une légitimité et une reconnaissance de la part de certains protagonistes. De même, les sculptures sont perçues comme artistiques. Mais la pratique du tag (la signature) est largement condamnée par nos interviewés. Parmi toutes les productions artistiques, elle est la moins légitime, et suscite de fortes controverses particulièrement depuis les années 2000. C’est à cette période que le problème de la prolifération des tags est conscientisé par une partie des cataphiles souhaitant voir des murs vierges et ripostant en frottant les tags avec des brosses en métal. Ils sont nommés les « frotteurs ». Un des précurseurs de la culture graffiti en France, connu sous le pseudonyme de Psychoze, qui officie dans les catacombes depuis 1984, a été au cœur d’un conflit majeur en sous-sol. Après avoir restauré une salle remplie de déchets pour la peindre de graffitis, il retrouve peu après une inscription frottée sur son œuvre : « Laissez vivre la pierre » [29]. Considérant cela comme une forme d’injustice et une atteinte à la liberté d’expression, il réplique avec son collectif en taguant massivement « Frotte connard » sur les murs (qui deviendra l’acronyme FC). Aujourd’hui repenti, l’artiste revendique la patrimonialisation des graffitis et participe à la restauration de dessins réalisés au fusain datant de trois siècles, mais aussi de peintures des années 1980 ayant acquis une certaine légitimité. Les conflits autour des tags sont aujourd’hui moins présents. Une infime minorité tague, mais nous n’en avons jamais rencontré. De même, nos interviewés n’en connaissent pas. Les « frotteurs » quant à eux continuent d’effacer les tags placés dans des salles ou sur des productions historiques. Le vandalisme peut aussi être le fruit de règlements de comptes entre cataphiles qui se vengent sur la production d’un autre. Enfin, à l’instar du tag, les déchets constituent un problème conscientisé par tous nos enquêtés, qui désirent avoir un lieu propre et ramassent leurs détritus et parfois ceux des autres. Une opération a été mise en place pour lutter contre cette pollution. Une fois par an, une intervention de nettoyage de grande envergure appelée « cataclean » est effectuée sans concertation avec les pouvoirs publics. Jusqu’à cent membres remontent les déchets à la surface, principalement des canettes et des bouteilles de bière. Enfin, comme dans tout lieu de vie, il existe une interdiction sociale liée à l’hygiène : faire ses besoins dans et à proximité des salles est largement condamné. C’est donc dans les couloirs, et particulièrement dans les endroits où il y a du remblai (qui absorbe les odeurs), que ceux-ci doivent être faits.

Illustration de la sculpture dite « Laelith », mai 2018

Figure 6

Illustration de la sculpture dite « Laelith », mai 2018

(© Florian Dauphin.)

Illustration d’un graffiti (et de tags), mai 2018

Figure 7

Illustration d’un graffiti (et de tags), mai 2018

(© Florian Dauphin.)

Conclusion

37Dans cet espace anomique au sens qu’on lui propose, la normalisation des pratiques légitimes vise à contrecarrer les formes de vandalisme, à limiter l’accès de masse et à éviter les conflits. Le secret et les normes qui ostracisent les touristes permettent la régulation du trafic des nouveaux entrants. Il apparaît nécessaire de préciser qu’il s’agit d’un principe de légitimation d’un groupe qui n’a en réalité aucune légitimité au sens du pouvoir légal (ou de la domination) dans l’acception que propose Max Weber [30]. La légitimité provient uniquement des coutumes des usagers. Les seules instances légitimes en termes légaux sont l’Inspection générale des carrières (IGC), qui a pour mission de surveiller et de consolider les lieux, et la police des carrières (dite « les cataflics »). Nous avons montré que les acteurs s’approprient les catacombes par le corps, le langage (il existe tout un vocabulaire), la (re)connaissance, la légitimité, l’intériorisation des valeurs du patrimoine et des normes, un sentiment d’appartenance, le bâti et l’art. Les cataphiles habitent le patrimoine en dehors des institutions et cette situation s’avère atypique dans la thématique contemporaine d’« habiter le patrimoine [31] ». Celui-ci demeure complexe puisque clandestin, illicite et peu (re)connu par les politiques publiques hormis l’ossuaire visitable. Ce sont les usagers qui par défaut entretiennent et font évoluer ce patrimoine quasiment abandonné par les pouvoirs publics. Des associations de cataphiles prennent une dimension politique et s’inscrivent dans une logique de patrimonialisation, condamnant les accès d’une petite partie du réseau afin de préserver des visites clandestines [32]. Dans ce cas, on peut proposer la notion de « patrimonialisation ascendante », c’est-à-dire une situation dans laquelle ce sont les usagers qui revendiquent la patrimonialisation et qui obtiennent l’accord des pouvoirs publics pour protéger leur territoire. L’autogestion des catacombes par les acteurs clandestins laisse penser qu’il existe un accord tacite entre le pouvoir légitime et l’organisation officieuse, qui explique le peu de répression à l’égard de cette pratique illicite [33]. Aujourd’hui, la préservation du patrimoine apparaît davantage menacée par les pouvoirs publics qui comblent les carrières que par les usagers clandestins qui l’entretiennent et le créent.


Mots-clés éditeurs : patrimoine, habiter, normalisation, clandestinité, catacombes

Mise en ligne 04/11/2019

https://doi.org/10.3917/commu.105.0131

Notes

  • [1]
    Il s’agit d’une visite officielle à sens unique sur 1,5 kilomètre de l’un des ossuaires sous la place Denfert-Rochereau (environ 0,5 % du réseau existant sous Paris) qui dépend du musée Carnavalet – Histoire de Paris.
  • [2]
    « Enquête : fréquentation des sites culturels parisiens en 2015 », Observatoire économique du tourisme parisien, 2016, p. 3 : https://pro.parisinfo.com/etudes-et-chiffres/enquetes-et-dossiers/enquetes-de-frequentation-culturelle
  • [3]
    Le néologisme « cataphile » a été usité dès la fin des années 1970 pour définir les passionnés des catacombes de Paris qui se nomment ainsi entre eux.
  • [4]
    Le terme « catacombes » est inexact puisque les carrières souterraines n’ont pas été créées pour y entasser les défunts. Cet usage est postérieur. Par ailleurs, les ossuaires ne constituent qu’une minuscule partie du réseau. Cependant, suivant l’usage, « carrières » et « catacombes » seront employés indifféremment.
  • [5]
    Roxane Peirazeau, Clandestinité et Patrimonialisation. Cartographie des idéaux et interactions cataphiles au sein des carrières souterraines de Paris, thèse de doctorat en anthropologie, Paris, EHESS, 2015, p. 15.
  • [6]
    Serge Moscovici, Chronique des années égarées. Récit autobiographique, Paris, Stock, 1997, p. 128.
  • [7]
    Pour préserver l’anonymat de nos interviewés, les prénoms et/ou pseudonymes ont été modifiés.
  • [8]
    Michel Foucault, « Des espaces autres », conférence au Cercle d’études architecturales du 14 mars 1967, in Michel Foucault (1980-1988), Dits et Écrits, t. IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 752-762.
  • [9]
    Florian Dauphin, « Les usagers des catacombes de Paris : société secrète et espace hétérotopique », Communication & Organisation, vol. 48, 2, 2015, p. 13-24.
  • [10]
    Gilles Thomas, Les Catacombes. Histoire du Paris souterrain, Paris, Le Passage, 2015.
  • [11]
    Sylvie Aprile et Emmanuelle Retaillaud-Bajac (dir.), Clandestinités urbaines. Les citadins et les territoires du secret (xvie-xxe), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 10-11.
  • [12]
    Jean Duvignaud, Hérésie et Subversion. Essai sur l’anomie, Paris, La Découverte, 1986, p. 75.
  • [13]
    Barbara Glowczewski et Jean-François Matteudi (dir.), La Cité des cataphiles. Mission anthropologique dans les souterrains de Paris, Paris, Librairie des Méridiens, 1983, p. 86.
  • [14]
    Muzafer Sherif, The Psychology of Social Norms, New York, Harper and Row, 1936.
  • [15]
    L’acception « habitant » n’est pas ici employée en référence à un habitat fixe. Personne n’habite quotidiennement dans ce territoire. Par l’absence de lumière et d’eau potable, y habiter durablement s’avère impossible. En revanche, comme nous le verrons dans la dernière partie, certains usagers aiment y séjourner et y aménager des espaces. Habiter est donc ici une manière de souligner le fait que certains acteurs se sentent davantage investis dans ce lieu que d’autres.
  • [16]
    Georg Simmel, Secret et Sociétés secrètes (1908), Paris, Circé, 1991.
  • [17]
    Michel Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, 2003, p. 36.
  • [18]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. I : La Présentation de soi (1956), Paris, Minuit, « Le Sens commun », 1973.
  • [19]
    Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963), Paris, Minuit, « Le Sens commun », 1975.
  • [20]
    Cette distance est relative car, lorsqu’il descend en short et baskets, sa lampe à acétylène rappelle qu’il est bien l’un des leurs.
  • [21]
    « Blaze » ou « blase », diminutif de « blason », est employé par les acteurs comme synonyme de « pseudonyme ».
  • [22]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. I : La Présentation de soi, op. cit.
  • [23]
    Une partie minoritaire de nos interviewés n’ont pas de pseudonyme et n’en ressentent pas l’utilité.
  • [24]
    Initialement, les tracts laissés dans les carrières permettaient la communication entre les cataphiles, généralement au sujet de l’organisation d’une soirée. Parfois, ils n’avaient qu’une fonction artistique, humoristique ou simplement informative notamment sur les bonnes conduites à adopter (principalement laisser l’endroit propre). Malgré l’arrivée du Web qui aujourd’hui sert de support de communication aux cataphiles, la tradition des tracts perdure. Souvent cachés dans les salles, ils sont un moyen d’entretenir la dimension secrète de la communication et constituent une forme de concours entre les usagers à celui qui trouvera le plus de tracts au cours d’une descente.
  • [25]
    Serge Moscovici et Philippe Ricateau, « Conformité, minorité et influence sociale », in Serge Moscovici (dir.), Introduction à la psychologie sociale, t. I : Les Phénomènes de base, chap. 5, Paris, Larousse, 1972, p. 161.
  • [26]
    Florian Lebreton et Stéphane Héas, « La spéléologie urbaine. Une communauté secrète de cataphiles », Ethnologie française, 2007/2, vol. 37, p. 345-352.
  • [27]
    Ce terme qualifie les pratiques clandestines d’exploration des territoires difficiles d’accès, comme les toits urbains, ou abandonnés, comme les friches industrielles.
  • [28]
    Roxane Peirazeau et Titouan Gelez, « L’archéologie autonome et les aménagements cataphiles », ACP, Édition associative, 2017, p. 11. Consulté en ligne en septembre 2018 : www.acp-asso.org/images/amenagementscataphiles.pdf
  • [29]
    Cette anecdote est rapportée dans le livre du protagoniste : Psychoze, Intime errance cataphile, Paris, H’artpon éditions, 2016.
  • [30]
    Max Weber, Économie et Société (1921), Paris, Plon, 1971.
  • [31]
    Maria Gravari-Barbas (dir.), Habiter le patrimoine. Enjeux, approches, vécu, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
  • [32]
    C’est le cas de la SEADACC, une association en charge de la restauration et de la visite des carrières médiévales des Capucins sous l’hôpital Cochin.
  • [33]
    Sylvie Gautron, responsable du groupe d’intervention et de prévention, déclare : « Nous ne pouvons pas être en permanence dans le réseau. Nous avons cependant intérêt d’une certaine façon à ce que les cataphiles y soient, car ils connaissent très bien les lieux. J’ai des contacts avec quelques-uns, qui peuvent m’avertir s’il se passe quelque chose d’inhabituel » (cité in Victor Nicolas, « Catacombes, accès interdits », Parismag, 25 juin 2015 : www.parismag.fr/catacombes-entr%C3%A9es-acc%C3%A8s-interdits).
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