Couverture de COMMU_105

Article de revue

Inventer la racine, une poésie souterraine

Pages 27 à 39

Notes

  • [1]
    Emanuele Coccia, La Vie des plantes. Une métaphysique du mélange, Paris, Payot et Rivages, 2016, p. 99.
  • [2]
    Gaston Bachelard, La Terre et les Rêveries du repos, Paris, José Corti, 1948, p. 249 : « C’est le privilège philosophique des images premières qu’en les étudiant on puisse développer, à propos de chacune d’elles, presque tous les problèmes d’une métaphysique de l’imagination. L’image de la racine est, à cet égard, particulièrement favorable. Elle correspond, au sens de Jung, comme les images du serpent, à un archétype enseveli dans l’inconscient de toutes les races et elle a aussi, dans la partie la plus claire de l’esprit et jusqu’au niveau de la pensée abstraite, une puissance de métaphores multiples, toujours simples, toujours comprises. L’image la plus réaliste et les métaphores les plus libres traversent ainsi toutes les régions de la vie psychique. Un psychologue qui étudierait en une longue enquête les images diverses de la racine explorerait toute l’âme humaine. »
  • [3]
    « Médiateurs cosmiques, les plantes sont des êtres ontologiquement amphibies : ils relient les milieux, les espaces, en montrant que le rapport entre vivant et milieu ne peut être conçu en termes exclusifs […] mais toujours inclusifs » (Emanuele Coccia, La Vie des plantes, op. cit., p. 104).
  • [4]
    Ibid., p. 105.
  • [5]
    On entend bien ici que les questions soulevées par la Réforme ainsi que les débats entre les iconodules et iconoclastes irriguent l’ouvrage et la pensée de Leonhart Fuchs, lui-même converti à la doctrine luthérienne. Leonhart Fuchs, De historia stirpium commentarii insignes, Bâle, imprimé sur les presses d’Isengrin, 1542, (dans l’épître dédicatoire).
  • [6]
    Version de ce même ouvrage, le Nouvel Herbier de 1543 mise en couleurs dans une volonté de réalisme.
  • [7]
    L’ouvrage comporte cinq cent onze gravures en tout dont les portraits des artistes et de Fuchs lui-même.
  • [8]
    Francis Hallé, actuellement, montre dans ses dessins des structures architecturales des arbres, dépouillant ses représentations de toute forme superflue. C’est un travail d’analyse et de synthèse qui est à l’inverse du travail entrepris par Fuchs.
  • [9]
    Première édition Leyde, 1735, Douzième édition, Stockholm, p. 1766-1768.
  • [10]
    Joseph Pitton de Tournefort, Éléments de botanique ou méthode pour connaître les plantes, Paris, Imprimerie royale, 1694.
  • [11]
    Jean-Luc Nancy, Le Plaisir au dessin, Paris, Hazan, 2007, p. 21.
  • [12]
    Ibid., p. 21.
  • [13]
    Georges Roque, Qu’est-ce que l’art abstrait?, Paris, Gallimard, 2011, p. 313.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Henri Bergson, L’Évolution créatrice (1907), Paris, PUF, 2013, p. 113.
  • [16]
    Étienne-Pierre Ventenat, Le Jardin de la Malmaison, planches de Pierre-Joseph Redouté, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1803.
  • [17]
    Étienne-Pierre Ventenat écrit dans son introduction, hommage à Marie Bonarparte – à qui est dédié l’ouvrage –, un avertissement dont la délicatesse autorise une lecture orientée de certaines descriptions : « Si, dans le cours de cet ouvrage, je viens à décrire quelqu’une de ces plantes modestes et bienfaisantes qui semblent ne s’élever que pour répandre autour d’elles une influence douce et salutaire, j’aurais bien de la peine, Madame, à me défendre d’un rapprochement qui n’échappera point sans doute à mes lecteurs » (ibid., avant-propos).
  • [18]
    Charles Darwin et Francis Darwin, La Faculté motrice dans les plantes, Paris, Reinwald, 1882, p. 203.
  • [19]
    Francis Hallé a écrit et collaboré à une vingtaine de livres dont Éloge de la plante. Pour une nouvelle biologie, Paris, Seuil, 1999 ; Aux origines des plantes, t. I-II, Paris, Fayard, 2008 ; 30 ans d’exploration des canopées forestières tropicales, Montpellier, Éditions Museo, 2017.
  • [20]
    « Cela explique pourquoi le dessin botanique crée souvent une émotion particulière, et c’est là une troisième raison de le préférer à la photo : revoir la Grande Touffe d’herbes de Dürer, Le Printemps de Botticelli, les herbiers d’Aldrovandi et de Mutis, Les Roses de Redouté ou, plus près de nous, l’Herbier alpin, herbier divin de Hainard, la Flore forestière française illustrée par Mansion, le Plant Form de Bell illuminé par les dessins de Bryan ou la Monographie de la flore vasculaire de l’archipel Juan Fernandez de Danton, c’est convenir que le dessin botanique fait partie de ces précieuses traditions qu’il importe de respecter, de faire vivre, d’enrichir » (in Francis Hallé, Atlas de botanique poétique, Paris, Arthaud, 2016, p. 9).
  • [21]
    Ibid., p. 7.
  • [22]
    Charles Darwin, cité par Francis Hallé, ibid., p. 8.
  • [23]
    Giuseppe Penone, Respirer l’ombre, Paris, École nationale des beaux-arts de Paris, 2004.
  • [24]
    Ibid., p. 143.
  • [25]
    Commande publique passée en 1999 pour le jardin des Tuileries de Paris.
  • [26]
    Giuseppe Penone, Respirer l’ombre, op. cit., p. 210.
  • [27]
    Voir à ce sujet le rappel historique que fait Emanuele Coccia in La Vie des plantes, op. cit, p. 100-103.
  • [28]
    François Jullien, La grande image n’a pas de forme. À partir des Arts de peindre de la Chine ancienne (2003), Paris, Seuil, 2009, p. 34.
  • [29]
    Paris, les Arènes, 2017.
  • [30]
  • [31]
  • [32]
    Sébastion Barot, « La biodiversité des sols nous protège, protégeons-la aussi », The Conversation, 4 décembre 2017 (https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538).
  • [33]
    Entretien avec Xavier Raynaud et Sébastien Barot, Sorbonne Université, Faculté des sciences, Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (IEES-Paris), janvier 2019.
  • [34]
    Gaston Bachelard, La Terre et les Rêveries du repos, op. cit., p. 247.
Enfoncées dans un monde cloisonné et cryptique, elles passent leur vie sans avoir le moindre soupçon de l’explosion de formes et d’événements qui bouillonnent entre terre et ciel. Les racines sont les formes les plus énigmatiques du monde végétal.
Emanuele Coccia [1]

1Blanchâtre ou brunâtre, livrant des formes aux coloris rompus dont la palette se décline en dehors de toute lumière, dans l’ombre des terreaux, loin des effets de séduction des fleurs aux pétales chargés de mille couleurs, aux pistils déployant de riches senteurs, loin de la magnificence épanouie des feuillages luisants des grands arbres, la racine. Ainsi, des radicelles et des radicules, des rhizomes et des tubercules s’entrecroisent et s’enfouissent dans les parties meubles et souterraines pour sentir l’état du monde et croissent silencieusement, imperceptiblement mais radicalement. Entre botanique, biologie et puissance imageante, c’est d’un vivant souterrain, vivant sous-jacent, vivant enraciné dans les images de notre imaginaire que nous dessinerons ici les contours. La racine est la part invisible de la plante, sa part la plus méconnue aussi. Entre ciel et terre, la plante mêle l’« apparaître » et le « non-apparaître », et s’inscrit dans un lien indéfectible avec son milieu du fait de son caractère amphibie. Ainsi, qu’elle soit un être aérien autant que souterrain, qui adapte et développe ses puissances et ses forces en suivant le milieu dans lequel elle se fond et qu’à la fois elle nourrit et aide à construire, fait d’elle un embrayeur d’imaginaire et de rêverie. Nous considérerons ici l’imaginaire comme la faculté humaine à produire des images et fictions afin de comprendre le réel, de lui donner du sens, de se situer par rapport à lui, de l’accepter ou non. Il est l’origine des processus de création. Par exemple, Gaston Bachelard dans La Terre et les Rêveries du repos[2] montre un foisonnement d’images poétiques et littéraires qui témoigne de l’ancrage profond de l’image de la racine dans notre pensée. Sa dimension opaque reste à déchiffrer [3], écrit le philosophe Emanuele Coccia dans le chapitre de La Vie des plantes consacré aux racines. « La racine est comme un deuxième corps, secret, ésotérique, latent : un anticorps, une antimatière anatomique [4]. » Pour tenter d’approcher un tel secret nous irons chercher les illustrations et descriptions que font des racines les botanistes, les artistes comme les scientifiques. Ce sont eux qui dessinent, analysent la racine comme productrice d’un imaginaire singulier. Un espace souterrain qui ouvre un autre champ de création. Alors comment cette réflexion sur l’invisible rend-elle visible une autre part du monde et stimule notre imagination ? Plutôt, comment cette prise de conscience de cet état du végétal nous permet-elle de nouvelles représentations du monde sensible ? Les nouvelles connaissances sur le vivant façonnent-elles différemment notre imaginaire ? Pour comprendre cette relation entre l’invisible et la mise en visibilité, il est important de contextualiser des œuvres d’époques différentes mais qui n’en sont pas moins reliées entre elles par des passerelles que nous allons présenter. Il nous faut prendre appui sur l’histoire de l’illustration botanique afin de saisir l’importance de la démarche et des processus de représentation des végétaux et particulièrement ici des racines. Cet article est ainsi l’occasion de visiter les œuvres d’époques anciennes comme celles de Leonhart Fuchs, de Joseph Pitton de Tournefort, de Pierre-Joseph Redouté, mais également de faire appel aux artistes contemporains comme Agnès Varda, ainsi qu’aux textes et productions de l’artiste de l’Arte povera Giuseppe Penone.

2Au cœur de la Renaissance, le réalisme est devenu un des atouts de la botanique. Leonhart Fuchs, né à l’aube du xvie siècle, est un botaniste et professeur de médecine à l’université de Tübingen. Il est aussi le fondateur du premier jardin botanique allemand. Le scientifique défend l’idée que les images sont des outils de transmission et en affirme l’usage et la valeur scientifique. En 1542 paraît De Historia stirpium commentarii à Bâle. Fuchs confie les représentations des plantes à trois artistes : un dessinateur (Albrecht Meyer) chargé des dessins d’après l’observation directe des plantes, un artiste (Heinrich Füllmaurer) qui transpose les dessins sur le bois et un graveur (Veit Rudolf Speckle) qui exécute des xylographies. L’identification sert la connaissance et en ce sens un changement s’opère dans le rapport au réel. Ce livre a la particularité de vouloir s’attacher à connaître le maximum de plantes et pas uniquement, comme dans l’Antiquité puis au Moyen Âge, les plantes médicinales ou comestibles. Il déplore la méconnaissance de la botanique, ce qui explique son exigence quant à la précision de l’iconographie qui accompagne ses propres descriptions. Au fond, ce sont de nouveaux schèmes de compréhension et d’approche du réel que produisent de nouvelles images, construisant un nouvel imaginaire et un nouveau rapport au monde. Une forme de conscientisation du monde qui va de pair avec une approche humaniste, caractéristique de la période, qui commence à s’extraire du théocentrisme du Moyen Âge. Ne plus placer la Terre mais le Soleil au centre du système – autrement dit l’héliocentrisme découvert par Nicolas Copernic vers 1511 puis développé ultérieurement par Galilée – modifie considérablement la relation que l’homme entretien avec son univers et l’Univers. Et corrélativement c’est tout le rapport au savoir qui opère une révolution. Le besoin d’objectivation du réel se fait sentir, car les images deviennent porteuses de l’avancée des connaissances scientifiques et témoignent des outils de savoir à part entière. L’importance du regard artistique est centrale, il vient compléter et affermir le regard scientifique. Les images permettent l’identification. Fuchs défend fermement cette position « Qui, écrit-il, en son honnête âme condamnerait des images qui communiquent des informations bien plus clairement que des mots, même du plus éloquent des hommes [5] ? » Il y a donc un double enjeu : la présence d’images mais surtout d’images réalistes produites par des artistes, participant ainsi de l’approche scientifique. Fuchs fait valoir la complémentarité des regards entre savants, botanistes, médecins et artistes, ce qui contribue à augmenter la précision avec laquelle sont représentées les plantes. Chacune d’entre elles – arbre ou petite fleur délicate – est dessinée en couleurs [6] de la racine au bout du pétale ou de la branche. L’attention portée à chaque détail de la plante révèle un idéal de connaissance. Sur l’ensemble des cinq cents planches dessinées et gravées [7], seules trois ne représentent pas les racines. Chaque illustration montre une observation très fine du moindre détail de la plante. Ce qui est privilégié, c’est moins la forme générale de la plante [8], sa structure, que le moindre de ses détails. Les racines y déploient toutes leurs variétés de formes, de couleurs, de textures et de comportements. Le soin ici porté à chaque plante témoigne de l’ampleur de l’entreprise menée par Fuchs. Il donne à voir, il met en lumière l’ensemble du plant en l’extrayant de son contexte pour l’exposer à plat dans un espace abstrait sur fond blanc, ce qui ajoute à l’idée d’un dessous qui se révèle, d’une face cachée qui apparaît. Montrer cet aspect, c’est témoigner d’une conscience de la globalité et non de la seule apparence du monde sensible, c’est creuser le revers du décor, construire un nouvel imaginaire collectif par une nouvelle compréhension du vivant. Si la Renaissance est le témoin d’une acuité sensible et cognitive, effet d’une démarche visant à une connaissance globale à portée universalisante, la question est posée différemment au xviie siècle. On bascule de la question de l’identification à celle de la classification orientant ainsi différemment les représentations.

3Joseph Pitton de Tournefort, originaire d’Aix-en-Provence, a une très grande expérience de l’herborisation qui lui confère une forte notoriété lorsque Guy-Crescent Fagon – intendant du Jardin royal – le recrute. Il partage son temps entre l’enseignement à Paris et de nombreux voyages où il poursuit sa grande entreprise : son herbier. Il publie en 1694 Éléments de botanique ou Méthode pour connaître les plantes, dont les illustrations sont l’œuvre de Claude Aubriet. L’objet de ce livre est de rassembler des plantes d’un même genre, c’est-à-dire qui ont plusieurs caractéristiques communes, sous un même nom. Il établit ici les concepts de genre (il en distingue près de sept cents) et d’espèce. La complémentarité entre les sciences et les arts produit des livres dont la beauté résiste quand la connaissance, pour sa part, évolue, voire devient caduque. En effet, le système élaboré par le naturaliste suédois Carl von Linné – dit système sexuel de Linné qu’il publie en 1735 sous le titre Systema Naturae[9] – est devenu la base de la botanique moderne. Mais comment apparaissent les racines dans le livre de Joseph Pitton de Tournefort ? Si l’ouvrage est de petite taille, cela ne fait qu’accroître l’infinie délicatesse des gravures en noir et blanc qu’il contient. L’extrême définition du tracé semble être le corrélat de la visée pédagogique qui détermine en grande partie l’existence même de l’œuvre. Mais, si une attention extrême est portée aux feuilles, fleurs, étamines, fruits et autres éléments qui constituent la part aérienne des plantes, les racines apparaissent avec parcimonie au gré des planches. Le dessin botanique devient à cette époque une synthèse de plusieurs plantes. Il ne représente plus, comme par le passé, une plante particulière mais l’espèce. Il a pour visée de faciliter la reconnaissance et l’identification des plantes, la classification des espèces. Mais, s’il s’agit de l’intention première, le caractère artistique n’en est pas moins présent. C’est aussi celui qui perdure par-delà les siècles : la beauté intrinsèque du livre. Or, au cœur de ce livre constitué de trois volumes, un est consacré au texte de présentation, deux sont dévolus aux illustrations de Claude Aubriet. Joseph Pitton de Tournefort classe les végétaux suivant la structure des fleurs, et introduit les notions de genre et d’espèce : « La méthode qu’on a suivie est fondée ordinairement sur la structure des fleurs et des fruits. On ne pourra s’en écarter sans se jeter dans d’étranges embarras [10]. » De cette réflexion naît une présentation singulière de l’ouvrage qui met en avant la part aérienne et visible de la plante et renvoie les dessins de racines à la fin de l’ouvrage : leur inventaire s’établit sur sept pages et dénombre treize types de racines différentes. En opérant un tel déplacement Joseph Pitton de Tournefort éloigne la plante de ses racines et rend impossible la connaissance entre le dessus et le dessous : quelle plante ? quelle taille ? quelle texture ? et quel comportement ? Les racines sont ici distinctes, isolées, découpées et typifiées. Ce processus de division dépose la racine au fond de l’ouvrage, au fond de la représentation, au fond de l’inconscient d’une certaine façon. Les racines existent bien, mais c’est dans un espace distinct du livre qui empêche toute porosité avec les autres planches traitant de la partie aérienne des plantes. Seules dans la page ou associées par deux, les racines deviennent de pures abstractions, réduites à l’essence de leur forme. Étonnamment, le caractère de vivant semble disparaître pour laisser advenir des formes en suspens accolées les unes aux autres. Mais, paradoxalement, bien que les racines ne soient pas l’objet de la recherche de Joseph Pitton de Tournefort, le livre leur offre de belles planches avec des dessins en pleine page. C’est ici qu’interviennent les qualités de dessinateur de Claude Aubriet qui porte attention aux jeux des enchevêtrements des formes et qui se délecte à dessiner des racines réduites ici à quelques éléments essentiels, qui prêtent à des jeux graphiques faits de lignes, de traits, de courbes, de volutes, et autres stries et hachures. Le plaisir prend ici toute sa place : « Sensation, sentiment, assentiment du mouvement qui se reçoit, qui s’approuve et qui se redemande en sa propre naissance. […] Le plaisir du dessin est le plaisir de qui ne reconnaît aucune forme mais qui se trouve au monde comme si la première forme venait tout juste à se distinguer dans la motion de son tracé [11]. » Comme s’il y avait là une invention, une forme primaire de l’artiste, une forme première. C’est alors qu’apparaît la part la plus abstraite du processus de représentation, celle où l’artiste en faisant affleurer la partie invisible de la plante rend corrélativement perceptible la partie invisible de sa pratique car assujettie à la question de la représentation. Devenue objet de délectation et non plus objet de connaissance, la forme « se tend, s’étend, se bande et s’élance [12] », la racine advient comme forme existant par elle-même, sans son corps aérien, libre d’évoluer dans l’espace, ou plutôt dans l’esprit et dans le corps de l’artiste. Georges Roque, s’inspirant de l’Encyclopédie, écrit : « l’abstraction consiste à se former un concept détaché de ce qui nous a amené à le former [13] ». En effet, la racine est ici détachée en tous sens de la plante et acquiert ainsi une autonomie qui nous conduit à la remarquer. Mais l’auteur poursuit : « or comment exprimer ce concept si ce n’est avec des mots » ? [14] C’est là une question qui interroge la représentation du végétal dans son ensemble mais qui est particulièrement sensible dès lors que le concept doit exprimer cette part abstraite de la racine, quand les mots deviennent essentiels pour s’en saisir.

Les mots de la racine

4Henri Bergson écrivait en 1907 : « Nous définirons l’animal par la sensibilité et la conscience éveillée, le végétal par la conscience endormie et l’insensibilité [15]. » Au cœur des trois règnes de la nature (minéral, végétal, animal), le vivant est principalement et essentiellement considéré comme l’attribut du règne animal, et particulièrement de l’homme. Mais le mot « végétal » tire son origine du latin vegetus, le « vivant », substantif proche du verbe « végéter » qui, dans son sens premier, voulait dire « se développer », bien loin de son sens actuel et figuré qui renvoie à une manière quasi inerte de vivre, à un mode d’inaction, aux antipodes de la réalité du végétal. Il s’agit donc de revenir à l’idée d’un vivant souterrain qui respire, se nourrit, croît, et de s’intéresser au radical d’un mot autant qu’à la radicule d’un végétal, de s’étonner de la racine d’un verbe autant que de l’enracinement d’une plante. Comme si de tout temps la racine et le langage se confondaient, s’entremêlaient. C’est par un travail sur la langue que les racines, un siècle après l’ouvrage de Pitton de Tournefort, sont dotées d’une nouvelle forme de vie.

5En 1803 et 1804, Étienne-Pierre Ventenat réalise en collaboration avec Pierre-Joseph Redouté le livre Le Jardin de la Malmaison[16]. L’édition constituée de deux tomes répond aux souhaits de Joséphine de Beauharnais de donner à connaître toutes les espèces de plantes rares rapportées de différentes régions du monde et plantées dans les jardins et serres du château de Malmaison. En confiant cette mission aux deux hommes, elle s’assure des qualités scientifiques et esthétiques de l’ouvrage précieux. Seules vingt éditions seront livrées. Chaque plante gravée et mise en couleurs fait face directement à sa description. De fait on y trouve peu de dessins de racines ; en revanche celles-ci sont présentes dans les pages de présentation dont le vocabulaire témoigne de la difficulté à qualifier cette partie souterraine des végétaux. Ainsi, sur les cent vingt descriptions de plantes, on ne trouve que dix planches sur lesquelles figurent des racines tandis que quarante descriptions tentent d’en faire état par les mots. Le mode de visibilité dans l’ouvrage est assez hasardeux : elles sont décrites avant la feuille, ou bien elles précèdent la fleur ou encore la tige ; le plus souvent les racines sont absentes des descriptions, résumées parfois par un mot, présentées parfois par une longue description écrite en termes plus poétiques que scientifiques qui pourraient décrire tout autre chose. Si la racine du Volkameria fragrans – planche 70 – est « rameuse d’un brun foncé en dehors, blanche en dedans, sans saveur ni odeur », visiblement décevante, celle du Solenandria – planche 69 –, quant à elle, est « rampante, rougeâtre, hérissée de fibres courtes, munie à son collet de plusieurs écailles droites, en lance, pointues, connexes, glabres, se recouvrant mutuellement comme les tuiles d’un toit ». La description rigoureuse et objective se double d’une poésie latente qui s’origine dans le désir de faire image, de communiquer la forme par le langage [17]. S’élabore ainsi une ekphrasis de la racine au cœur de laquelle une poïétique est à l’œuvre. Cependant une approche plus rigoureuse de la racine fait surface dans les écrits de Charles Darwin et Francis Darwin. Dans La Faculté motrice dans les plantes, ils consacrent un long chapitre à l’observation et l’analyse du mouvement de la radicule et de sa croissance. Ils développent un vocabulaire scientifique dont on comprend rapidement qu’il est nourri de leurs réflexions sur l’homme et l’animal. En effet, si le développement est rigoureux, cherchant véritablement à produire une analyse précise des mouvements des plantes et témoignant d’une forte volonté de compréhension du règne végétal, sa conclusion n’en reste pas moins surprenante, car elle abandonne la spécificité végétale au profit d’un vocabulaire qui ne craint pas d’utiliser une terminologie zoocentrée. Ils écrivent : « Une radicule peut être comparée à un animal fouisseur, tel qu’une taupe, qui s’efforce de pénétrer perpendiculairement dans la terre [18]. » Cette difficulté à élaborer une pensée qui préserve la spécificité des modes d’existence et de comportement du monde de la plante, en particulier celui des racines, se révèle être une impasse jusqu’à récemment. Comme si le monde des racines se refusait au langage.

6En effet la difficulté est bien de dire, de décrire la lisière entre les mondes, entre visible et invisible, entre sentir et sentant, entre conscient et inconscient, entre le réalisme et une pure abstraction, entre ce qui pousse vers le ciel et la lumière et ce qui s’étend vers le bas. L’homme a néanmoins besoin de traduire ses perceptions en images, de faire image, de construire un imaginaire : une image dessinée, peinte, mise en couleurs, une image synthétique, réaliste. Mais c’est parfois l’absence de représentation, qu’elle soit dessinée ou écrite, un silence, qui énonce avec force l’existence d’une chose. Il est difficile encore aujourd’hui de penser la racine pour ses qualités spécifiques.

Délices botaniques

7Après de nombreux ouvrages scientifiques [19] au sein desquels le dessin a une part essentielle [20], le botaniste Francis Hallé livre en 2016 une œuvre dont le titre pose déjà l’ambition : Atlas de botanique poétique. Si de Fuchs à Tournefort, de Ventenat à Darwin, les questions d’identification, de classification, de genre, d’espèce, ou de système dominent, ici Francis Hallé offre une autre approche, l’émerveillement. Il écrit en introduction : « Cet ouvrage présente une sélection de plantes remarquables observées au cours de mon travail de botaniste dans les forêts “tropicales humides” ou “équatoriales”. Mon choix s’est porté sur des plantes au caractère étrange, à l’esthétique bizarre, à la cocasserie inattendue et à la poésie qui les entoure comme le nuage d’abeilles entoure la ruche, ou les embruns le pont du navire [21]. » Chaque texte « raconte » la plante qu’il présente. L’auteur nous emmène dans un voyage aux confins des sens, où la rigueur scientifique ne cède en rien à l’éloquence tendre d’un homme qui ne se lasse d’aucune des créations des forêts tropicales. L’expérience est si forte qu’elle emplit le scientifique d’émotions, que les mots peinent à traduire, ce qu’il partage avec Charles Darwin : « Je n’ai jamais éprouvé de délices aussi intenses. Délice est un mot trop faible pour exprimer les sentiments d’un naturaliste qui, pour la première fois, s’aventure en forêt du Brésil […]. Hosannah ! Hosannah ! Le plaisir est tel qu’il n’y a aucun moyen, ni d’ailleurs aucun espoir, d’en éprouver jamais un plus profond [22]. » Nous pourrions dire avec Francis Hallé et l’écologue Jacques Tassin que c’est certainement la poésie qui énonce le mieux ce qu’est un arbre. Un délice, un imaginaire entre sciences et arts au creux duquel les racines ont pris existence.

8Au sein de son recueil de textes Respirer l’ombre[23], l’artiste Giuseppe Penone livre une approche sensible, poétique aux accents animistes de sa relation à la nature : la tension de la cime aux racines apparaît dans le choix de mots, dans le rythme des phrases qui donnent à percevoir l’enfoncement des radicules dans le sol, leur vie souterraine, leur mouvement, leur sensation aussi. Cette poésie de la racine s’accomplit dans le regard et sous les mots de l’artiste. Et l’on assiste à une réminiscence des processus sous-jacents du vivant que la langue révèle dans un rythme que la nature induit. La beauté du mouvement est livrée mot à mot et l’on perçoit les forces qui animent l’arbre s’étirant dans le sol, cherchant dans ces zones, aveugles à la lumière, les sources d’une prolifération de la vie.

9

L’extension des branches, le développement du fût se joignent
à l’enfouissement des racines,
continuellement à la recherche de nourriture.
Le plein des racines occupe l’espace de la matière extraite
qui se révèle dans le feuillage.
Les petits bruits continus, obstinés et secs de l’expansion,
la lente coulée de la matière qui glisse, rampe, crée de la vibration,
le bruissement, le crépitement de la croissance [24].

10L’Arbre aux voyelles[25] de Penone, réalisé à Paris en 1999, est le moulage en bronze d’un arbre arraché dans la région de Turin faisant vingt-huit mètres de long. L’arbre vu dans sa longueur s’inscrit dans l’horizontalité du jardin des Tuileries et apparaît progressivement au promeneur qui, quand il le contourne, se trouve nez à nez avec les racines arrachées. Un amas au cœur duquel on décèle des voyelles AOUEI. « La motte de l’arbre est soulevée, et les racines en l’air. On peut lire dans l’entrelacement des lettres de l’alphabet : les cinq voyelles, l’imprononçable nom de la divinité, les “Voyelles” de Rimbaud [26]. » La métaphore qui consiste à penser les racines comme étant la tête de l’arbre est évidemment présente ici [27]. Mais c’est la dimension spirituelle et poétique – voire symbolique rappelant peut-être le primat du verbe – qui semble plutôt surgir de ces entrelacs de lignes et de lettres, de graphique et de graphein, de dessin et de dessein, pour révéler un sens profond de l’union abîmée entre l’homme et la nature.

11Agnès Varda, elle aussi, joue des mots du végétal souterrain. Si on la connaît comme cinéaste (Cléo de 5 à 7, Sans toit ni loi, etc.), elle fait vraiment son entrée dans le champ de l’art contemporain avec la présentation de son œuvre Patatutopia à Venise en 2003. Son intérêt pour les tubercules de pommes de terre débute en 2000 avec le tournage du film Les Glaneurs et la Glaneuse. À Venise, dans la suite de la réflexion amorcée dans son film documentaire, l’installation proposée par l’artiste présentait un amoncellement de patates derrière lequel se trouvaient trois écrans vidéo qui diffusaient des images du tubercule. Déguisée en pomme de terre, Agnès Varda se promenait dans l’installation en énumérant le nom de différentes variétés de tubercules, non en latin mais en français, anglais et allemand. Des noms qu’elle avait glanés au gré des ouvrages de botanique du xixe siècle. La « Géante sans pareille », la « Caillou à germe bleu », la « Belle de juillet », l’« Artichaut jaune », la « Royale », la « Feuille d’ortie » ou encore la « Fouilleuse » livrent leur part d’invention poétique dont la force imageante se superpose aux images réelles de l’installation immersive. Agnès Varda crée ainsi un milieu où les sept cents kilogrammes de pommes de terre évoluent, germent, pourrissent, déclinent des formes d’un vivant souterrain là encore arraché à l’invisible. La quantité, la monumentalité des images vidéo et photographiques de l’installation, l’odeur omniprésente, quasi oppressante, créent une visibilité accrue pour ce tubercule modeste, ce légume du pauvre que les noms enchantent et imagent.

12Comme l’écrit François Jullien :

13

Que le peintre s’attaque à l’invisible n’a en soi rien de surprenant – n’est-ce pas même la vocation qui n’a cessé de provoquer la peinture en l’attirant à sa limite ? En revanche que cet invisible soit du « caché », que le peintre peigne sur le mode à la fois du « manifeste » et du « caché », du « latent-patent », et qu’il ne cesse ainsi, dans ses figurations, d’entremêler le visible et l’invisible, donne à penser plus avant sur la nature de cet invisible [28].

14Pour l’attention que l’artiste lui accorde, différente du regard que lui porte le botaniste, le végétal introduit à un autre sensible, au mystère de la création, comme à celui de la Création. Il dérobe son regard dans l’élégance d’un léger enfouissement, d’un non-dit, d’un non-peint et laisse libre la puissance imageante de pouvoir se renouveler.

Form follow the function

15Que penser de ce besoin de déraciner le vivant pour tenter de le connaître ? N’est-ce pas là le signe d’excès, de tentatives de retour à la nature par le biais d’un sensible, ce qui semble conduire vers des postures anthropomorphiques récurrentes ? Par exemple, l’ouvrage de l’écrivain Peter Wohlleben La Vie secrète des arbres[29], qui connaît un large succès public, est sujet à polémique : certains lui font reproche des dérives interprétatives de faits scientifiques, au point que l’Académie d’agriculture de France, face à son succès grandissant, publie en septembre 2017 une note de lecture qui précise sa position : « Nombre de réponses qu’il [Peter Wohlleben] apporte prêtent malheureusement le flanc à la critique : sources absentes ou non vérifiables, extrapolations non justifiées, interprétations abusives et même erreurs manifestes [30]. » Si ses talents de conteur, comme le précise Jacques Tassin [31] sont indéniables, les déplacements anthropomorphiques font perdre à cet ouvrage sa valeur de vulgarisation scientifique. Ce livre a néanmoins le mérite essentiel d’attirer l’attention sur des faits écologiques notoires qui sont étudiés différemment par l’ingénieur forestier et vice-président de la Société française d’écologie Sébastien Barot dans ses recherches sur le sol. Or c’est certainement grâce à une vision plus globale, qui tente de penser l’unité et les interrelations entre organismes, que les représentations du monde souterrain pourront être modifiées. À l’occasion d’un article dans la revue The Conversation[32], celui-ci rappelle que « la biodiversité des sols est encore très mal connue, les organismes y vivant étant petits et cachés ; l’étude des micro-organismes nécessite […] des méthodes de biologie moléculaire développées depuis une vingtaine d’années seulement ». L’appréhension du réel change, les botanistes contemporains parlent désormais de rhizosphère et cette évolution de la langue s’accompagne de modifications dans les représentations mentales et dans les dessins du végétal. Ainsi, l’étude de la racine et de ses différentes parties (racines pivots, racines structurelles, racines latérales, etc.) conduit à repérer les différentes fonctions et les phénomènes chimiques qui s’y produisent : s’ancrer dans le sol pour tenir debout, pomper l’eau, absorber les nutriments. De ces fonctions essentielles découlent des comportements très ciblés et localisés telles les variations de pH dans la zone d’élongation, les échanges de carbone et d’azote dans le sol, ou encore les processus de « recrutement » de communautés microbiennes afin de créer le substrat propice au développement de la plante. Aujourd’hui, la question de la représentation se pose (quoi, comment et pourquoi) puisque la compréhension des racines et de la rhizosphère a considérablement changé ces dernières années. Les méthodes d’études actuelles parfois agressives (le secouage par exemple qui consiste à déraciner les plantes y compris les grands arbres et analyser la terre qui reste autour des racines), ou trop subtiles et très coûteuses, mettent néanmoins en évidence la façon dont les fonctions influent les formes, les déterminent et les construisent. Élargissant le spectre des ondes étudiées grâce aux tomographies et mesures acoustiques, le monde souterrain peut être lu autrement. À cela s’ajoute la modélisation fondée sur la synthèse de données qui permet aux scientifiques d’élaborer des hypothèses quant aux comportements des racines et vient augmenter le champ des représentations, puisque ne sont plus prises en compte désormais les seules reconnaissances formelles mais les différentes fonctions [33]. Modélisations en trois dimensions, équations et graphiques sont désormais aussi des modes de visibilité de l’appareil végétal souterrain, car ils mettent en forme des processus fonctionnels invisibles à l’œil nu. Pour Sébastien Barot, il s’agit de savoir quelles sont les fonctions essentielles des racines et comment la connaissance de leurs comportements change les représentations. Il y a un écart fort entre l’imaginaire collectif et l’avancée scientifique au sein desquels se télescopent des images aux intentions et intuitions différentes.

16Aujourd’hui, penser les racines nécessite aussi de penser l’unité et la relation plante/sol. La racine, cette part invisible, est, plus encore que les autres parties de la plante, une part intrigante. Pour Gaston Bachelard, « comme image dynamique, la racine reçoit également les forces les plus diverses. Elle est force de maintien et force térébrante. Aux confins de deux mondes, de l’air et de la terre, l’image de la racine s’anime d’une manière paradoxale selon deux directions selon qu’on rêve à une racine qui porte au ciel les sucs de la terre, ou qu’on rêve à une racine qui va travailler chez les morts, pour les morts [34] ». Prise dans un imaginaire et une tension entre mort et vivant, la racine offre ses formes les plus obscures, surprenantes ou incongrues, aux multiples tentatives de notre esprit de les saisir. En vain. Cette forme-racine, cet objet-racine, cet élément difficilement qualifiable, se préserve dans son intimité gracieuse dont l’infinie délicatesse est certainement de savoir se situer à l’abri des regards humains, dans l’ombre fraîche d’une terre humide et meuble ou dans la sécheresse d’une glaise aride, mais protégée de la visibilité du monde des apparences.


Mots-clés éditeurs : représentations, imaginaire, langage poétique, racines, vivant invisible

Date de mise en ligne : 04/11/2019.

https://doi.org/10.3917/commu.105.0027

Notes

  • [1]
    Emanuele Coccia, La Vie des plantes. Une métaphysique du mélange, Paris, Payot et Rivages, 2016, p. 99.
  • [2]
    Gaston Bachelard, La Terre et les Rêveries du repos, Paris, José Corti, 1948, p. 249 : « C’est le privilège philosophique des images premières qu’en les étudiant on puisse développer, à propos de chacune d’elles, presque tous les problèmes d’une métaphysique de l’imagination. L’image de la racine est, à cet égard, particulièrement favorable. Elle correspond, au sens de Jung, comme les images du serpent, à un archétype enseveli dans l’inconscient de toutes les races et elle a aussi, dans la partie la plus claire de l’esprit et jusqu’au niveau de la pensée abstraite, une puissance de métaphores multiples, toujours simples, toujours comprises. L’image la plus réaliste et les métaphores les plus libres traversent ainsi toutes les régions de la vie psychique. Un psychologue qui étudierait en une longue enquête les images diverses de la racine explorerait toute l’âme humaine. »
  • [3]
    « Médiateurs cosmiques, les plantes sont des êtres ontologiquement amphibies : ils relient les milieux, les espaces, en montrant que le rapport entre vivant et milieu ne peut être conçu en termes exclusifs […] mais toujours inclusifs » (Emanuele Coccia, La Vie des plantes, op. cit., p. 104).
  • [4]
    Ibid., p. 105.
  • [5]
    On entend bien ici que les questions soulevées par la Réforme ainsi que les débats entre les iconodules et iconoclastes irriguent l’ouvrage et la pensée de Leonhart Fuchs, lui-même converti à la doctrine luthérienne. Leonhart Fuchs, De historia stirpium commentarii insignes, Bâle, imprimé sur les presses d’Isengrin, 1542, (dans l’épître dédicatoire).
  • [6]
    Version de ce même ouvrage, le Nouvel Herbier de 1543 mise en couleurs dans une volonté de réalisme.
  • [7]
    L’ouvrage comporte cinq cent onze gravures en tout dont les portraits des artistes et de Fuchs lui-même.
  • [8]
    Francis Hallé, actuellement, montre dans ses dessins des structures architecturales des arbres, dépouillant ses représentations de toute forme superflue. C’est un travail d’analyse et de synthèse qui est à l’inverse du travail entrepris par Fuchs.
  • [9]
    Première édition Leyde, 1735, Douzième édition, Stockholm, p. 1766-1768.
  • [10]
    Joseph Pitton de Tournefort, Éléments de botanique ou méthode pour connaître les plantes, Paris, Imprimerie royale, 1694.
  • [11]
    Jean-Luc Nancy, Le Plaisir au dessin, Paris, Hazan, 2007, p. 21.
  • [12]
    Ibid., p. 21.
  • [13]
    Georges Roque, Qu’est-ce que l’art abstrait?, Paris, Gallimard, 2011, p. 313.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Henri Bergson, L’Évolution créatrice (1907), Paris, PUF, 2013, p. 113.
  • [16]
    Étienne-Pierre Ventenat, Le Jardin de la Malmaison, planches de Pierre-Joseph Redouté, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1803.
  • [17]
    Étienne-Pierre Ventenat écrit dans son introduction, hommage à Marie Bonarparte – à qui est dédié l’ouvrage –, un avertissement dont la délicatesse autorise une lecture orientée de certaines descriptions : « Si, dans le cours de cet ouvrage, je viens à décrire quelqu’une de ces plantes modestes et bienfaisantes qui semblent ne s’élever que pour répandre autour d’elles une influence douce et salutaire, j’aurais bien de la peine, Madame, à me défendre d’un rapprochement qui n’échappera point sans doute à mes lecteurs » (ibid., avant-propos).
  • [18]
    Charles Darwin et Francis Darwin, La Faculté motrice dans les plantes, Paris, Reinwald, 1882, p. 203.
  • [19]
    Francis Hallé a écrit et collaboré à une vingtaine de livres dont Éloge de la plante. Pour une nouvelle biologie, Paris, Seuil, 1999 ; Aux origines des plantes, t. I-II, Paris, Fayard, 2008 ; 30 ans d’exploration des canopées forestières tropicales, Montpellier, Éditions Museo, 2017.
  • [20]
    « Cela explique pourquoi le dessin botanique crée souvent une émotion particulière, et c’est là une troisième raison de le préférer à la photo : revoir la Grande Touffe d’herbes de Dürer, Le Printemps de Botticelli, les herbiers d’Aldrovandi et de Mutis, Les Roses de Redouté ou, plus près de nous, l’Herbier alpin, herbier divin de Hainard, la Flore forestière française illustrée par Mansion, le Plant Form de Bell illuminé par les dessins de Bryan ou la Monographie de la flore vasculaire de l’archipel Juan Fernandez de Danton, c’est convenir que le dessin botanique fait partie de ces précieuses traditions qu’il importe de respecter, de faire vivre, d’enrichir » (in Francis Hallé, Atlas de botanique poétique, Paris, Arthaud, 2016, p. 9).
  • [21]
    Ibid., p. 7.
  • [22]
    Charles Darwin, cité par Francis Hallé, ibid., p. 8.
  • [23]
    Giuseppe Penone, Respirer l’ombre, Paris, École nationale des beaux-arts de Paris, 2004.
  • [24]
    Ibid., p. 143.
  • [25]
    Commande publique passée en 1999 pour le jardin des Tuileries de Paris.
  • [26]
    Giuseppe Penone, Respirer l’ombre, op. cit., p. 210.
  • [27]
    Voir à ce sujet le rappel historique que fait Emanuele Coccia in La Vie des plantes, op. cit, p. 100-103.
  • [28]
    François Jullien, La grande image n’a pas de forme. À partir des Arts de peindre de la Chine ancienne (2003), Paris, Seuil, 2009, p. 34.
  • [29]
    Paris, les Arènes, 2017.
  • [30]
  • [31]
  • [32]
    Sébastion Barot, « La biodiversité des sols nous protège, protégeons-la aussi », The Conversation, 4 décembre 2017 (https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538).
  • [33]
    Entretien avec Xavier Raynaud et Sébastien Barot, Sorbonne Université, Faculté des sciences, Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (IEES-Paris), janvier 2019.
  • [34]
    Gaston Bachelard, La Terre et les Rêveries du repos, op. cit., p. 247.
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