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Article de revue

Le sens de l'histoire en question

Critique des notions d'adaptation et d'évolution orientée

Pages 31 à 40

Notes

  • [1]
    Émile Durkheim, Cours de philosophie fait au Lycée de Sens, Paris, Bibliothèque de la Sorbonne, ms 2351 (notes prises en 1883-1884 par le philosophe français André Lalande).
  • [2]
    Ludwig Wittgenstein, Le Cahier bleu et le Cahier brun (1958), Paris, Gallimard, 2004.
  • [3]
    Henri Bergson, Durée et Simultanéité (1922), Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2009.
  • [4]
    Niles Eldredge, Stephen Jay Gould, « Punctuated Equilibria. An Alternative to Phyletic Gradualism », in Thomas J.M. Schopf (ed.), Models in Paleobiology, San Francisco, Freeman, Cooper and Co., 1972, p. 82-115 ; Stephen Jay Gould, Quand les poules auront des dents, Paris, Fayard, 1984.
  • [5]
    En fait, il y eut encore une extinction, des reptiles et amphibiens principalement, au trias, il y a 208 millions d’années, dont les futurs dinosaures auraient semble-t-il profité. Mais les chercheurs sont en conflit sur les origines et les conséquences de ce bouleversement.
  • [6]
    Bruno Latour, « Nouvelles règles de la méthode scientifique », revue Projet, 2001/4, no 268, p. 98.
  • [7]
    Quelques références sur la critique récente de l’histoire orientée des techniques : Stephen Jay Gould, Quand les poules auront des dents, op. cit. ; Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L’Événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013 ; Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Seuil, 2012 ; Alain Gras, Fragilité de la puissance, Paris, Fayard, 2003 ; id., Le Choix du feu, Paris, Fayard, 2007 ; id., Les Imaginaires de l’innovation technique, Paris, Éditions Manucius, 2013 ; François Jarrige, Face au monstre mécanique. Une histoire des résistances à la technique, Paris, Éditions IMHO, coll. « Radicaux libres », 2009 ; id., Techno-Critiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences, Paris, La Découverte, 2014 ; Salvador Juan, Critique de la déraison évolutionniste, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Olivier Rey, Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, Paris, Seuil, 2003.

Évolution et adaptation

1Le terme « adaptation » fait fortune, on le sait, avec le darwinisme, et accompagne la pensée évolutionniste tout au long de son histoire, car dès le début, s’éloignant très vite de la question de l’évolution des espèces, des penseurs de sciences sociales en ont fait la clé pour penser l’évolution sociale. C’est le cas, entre autres, de Spencer, Tylor, Morgan, et de Durkheim lui-même, qui s’exprime avec une naïveté désarmante : « Tous les individus sont le développement les uns des autres et dérivent tous d’un type primordial unique. La nécessité de l’adaptation au milieu suscite dans l’organisme de l’être d’heureuses modifications qui le perfectionnent. La sélection supprime ou relègue les êtres qui n’ont pas subi ces modifications. L’hérédité les fixe et en fait un attribut de l’espèce [1]. »

2De nos jours, la notion d’adaptation est largement remise en question sans que pour autant le langage commun l’ait reniée, or cette problématique croise directement celle de l’incertitude.

3Dans tous les domaines, un écho résonne : « Il faut s’adapter à la mondialisation, à l’innovation technique, à la flexibilité du travail, à la remise en cause de soi » – à tout et donc à rien. C’est devenu une sorte de mantra de la modernité que les thuriféraires de la croissance à tout prix répètent à l’envi.

4Je vais tenter de démonter le mécanisme intellectuel qui a permis à cet artifice de la pensée, qui n’est pas sans intérêt en soi, de devenir une illusion, un bobard, une pieuse ineptie des docteurs de la loi du progrès.

5Je réfuterai d’abord l’un des sens en m’intéressant à la philosophie du changement social que cache le mot « adaptation », puis sous l’éclairage de ce terme je me pencherai sur le lien entre changement social et changement technologique, enfin je m’interrogerai sur l’histoire des temps modernes du point de vue qui nous intéresse.

6Dans une des pensées des Cahiers[2], Wittgenstein dit en substance : « À supposer que je change sans cesse, et ce qui m’entoure aussi, reste-t-il encore quelque continuité, je veux dire : est-ce que cela continue à être moi et mon environnement qui changeons ? » Cette question fait en quelque sorte écho à la critique que faisait déjà Bergson à Einstein dans son ouvrage sur le temps, ouvrage oublié et pourtant si pertinent, Durée et Simultanéité[3].

7Pour s’adapter il faut donc un invariant qui serve de référence, or s’adapter implique un processus historique, sans quoi rien ne changerait. Nous sommes là face à un grave problème épistémologique, une aporie, c’est-à-dire une contradiction logique interne, de la biologie évolutionniste ou évolutionnaire et du darwinisme en général, à savoir : l’environnement crée une contrainte, mais cet environnement se modifie en permanence, comment dès lors choisir les éléments à privilégier, comment définir le texte qui devient contexte ? Durkheim ne se demande pas comment ou pourquoi le milieu évolue, il en fait l’invariant de référence, mais un invariant qui, comme le dit Wittgenstein, change sans cesse !

8On sait que le darwinisme classique propose un moteur du changement qui fonctionne grâce à trois principes : la sélection dite « naturelle », l’adaptation et l’accroissement de complexité identifiée au progrès. La sélection et l’adaptation sont évidemment complémentaires tandis que le progrès donne un sens.

9Il est vrai que l’on rencontre une grande difficulté à comprendre ce système de pensée, qui me paraît bien platonicien. Mais je ne suis pas biologiste et je resterai dans mon domaine en le rapprochant de mon expérience sur le terrain sociétal. Une première remise en cause de cette façon de penser vient de la cybernétique. Par exemple, à propos du paradigme darwinien qu’est l’évolution du cheval, Gregory Bateson a cette remarque cinglante : « Ce n’est pas le cheval qui évolue, c’est la prairie qui évolue avec le cheval et devient herbe rase (turf). » On sait que dans la pensée cybernétique la co-évolution est une donnée de base, donc l’adaptation devient une donnée tellement générale qu’elle perd son sens : on s’adapte sans cesse les uns aux autres.

10Pour en revenir au modèle darwinien, une autre interprétation me semble féconde sur le plan des sciences sociales : je pense à la théorie des « équilibres ponctués », ou « ponctuated equilibria », qui supprime toute référence à une adaptation prévisible en rapport avec un contexte donné d’avance et rend caduque la notion d’« évolution orientée ». Niles Eldredge et Stephen Jay Gould, célèbre pour son essai Quand les poules auront des dents, y développent une philosophie du devenir fondée sur l’incertitude du temps [4]. Cette théorie repose sur une constatation première et vérifiée par les datations « scientifiques » : les tendances observées dans le monde fossile témoignent dans l’évolution des espèces de périodes de stagnation combinées à des périodes de brusque accélération. Par ailleurs, elle distingue radicalement la méga-évolution et la micro-évolution. Elle fait donc l’hypothèse que durant des temps plus ou moins longs, à l’occasion d’un changement dans l’environnement, climatique, géologique ou autre, une espèce peut donner l’impression de disparaître alors qu’elle se protège en restant isolée dans une niche de l’écosystème. Elle se révèle ensuite plus adaptée que ses concurrentes et montre un dynamisme évolutif d’autant plus fort qu’elle s’est endurcie dans sa phase de récession. On peut interpréter ainsi le renouveau qui a suivi l’extinction quasi totale des espèces au permien il y a 250 millions d’années et la disparition plus connue des dinosaures il y a 65 millions d’années [5].

11L’histoire des êtres vivants repose donc selon ce modèle sur une série de discontinuités (ponctuations) et non sur des mutations continues dues à une pression sélective constante. Je simplifie de manière sans doute outrancière pour les puristes, mais il m’importe d’en donner la substance anthropologique pour éclairer son usage dans un autre domaine que le biologique, où on verra qu’elle retrouve peut-être une conception antique du devenir.

12Cette théorie renouvelle le darwinisme en évacuant la notion de temps orienté dans l’évolution biologique, puisque personne ne peut savoir quel changement demain modifiera le statut de ce qui est adapté aujourd’hui (par certains aspects, elle met en péril le darwinisme, comme certains créationnistes l’ont compris, mais, ce champ n’étant pas le mien, je laisse la question ouverte). En outre, la notion de tendance, dans ce cadre, rejoint la forme évolutive que j’appelle « trajectoire » : l’évolution d’un être/objet se situe dans un temps discontinu et l’« évolution orientée » est ponctuée mais aussi ponctuelle, c’est-à-dire limitée dans le temps, avec une origine et une fin. Elle ouvre également vers une théorie positive du rôle des catastrophes dans l’histoire et elle rejoint la vision grecque des trois temps :

  • Eon, la longue durée régie par les lois propres : chaque époque de la succession cyclique des quatre âges – les yuga indo-européens, en fait – a une qualité particulière, c’est la méga-évolution ;
  • Chronos, le temps neutre, mesurable, celui de Newton, en quelque sorte, sans intérêt pour le monde antique ;
  • Kairos, la rupture, la brèche entre deux mondes, la bifurcation décisive, le moment d’une nouvelle aventure. C’est ce moment fatidique qui fascinait les Grecs – les prédictions de la Pythie et des oracles en général ne concernaient, en effet, que ce temps. Ce qui rend évidemment difficile notre compréhension de l’oracle, et j’ajouterais même que la voyance d’aujourd’hui, tellement décriée par la science mais si populaire, souffre de la totale réduction de notre champ intellectuel au seul Chronos.

13Avec ce modèle des équilibres ponctués, la prévision sur la longue durée devient impossible. Durant une période (dont la durée peut varier grandement, mesurée en années solaires), une espèce semble l’emporter, puis brusquement une autre, dont l’existence était cachée, remonte à la surface, puis plus tard la donne change encore, et ainsi de suite. Il n’y a pas de gagnant, sinon provisoire, au grand jeu de la vie.

14Ici, la notion d’adaptation, si on veut la conserver, prend un sens très particulier. L’espèce s’adapte à un micro-environnement, ou du moins l’adaptation reste un phénomène limité à la survie dans un milieu concret et non un phénomène général dans une globalité abstraite qui tendrait à aller vers quelque chose. Le Kairos n’est pas le moment où l’espèce est adaptée ou non mais celui où elle choisit sa voie lorsque les conditions externes changent indépendamment de sa propre histoire.

15On peut représenter ainsi cette conception du changement :

Arbre de l’évolution et équilibres ponctués

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Arbre de l’évolution et équilibres ponctués

16Dans le cas de gauche, généralement présenté comme étant la règle darwinienne, les espèces se suivent par adaptation progressive ; dans le cas de droite, les équilibres ponctués, une espèce marginale, donc relativement inadaptée, peut à la faveur d’un changement dans l’environnement remplacer celle qui était dominante, et ainsi de suite. Pour l’évolution sociale, le modèle est intéressant comme métaphore.

Technique et évolution

17C’est à partir de cette représentation non orientée du changement qu’il faut reprendre la question de l’adaptation, dans le cas cette fois des phénomènes sociaux. Je prendrai l’exemple de la technique parce que c’est dans ce domaine que les principes constitutifs des thèses évolutionnistes, dont en premier lieu celui d’adaptation, sont le plus souvent utilisés. Mais ce seul et ultime indicateur du progrès n’est qu’un leurre. En effet, alors que toutes les croyances dans le progrès se sont effondrées, seule reste celle fondée sur la technique. La technique proclamée autonome, idéologie que déjà pourfendait Jacques Ellul, est devenue ainsi le seul référent qui marque la progression cumulative de l’humanité abstraite à travers les âges.

18L’anthropologue Leslie Alvin White a même identifié l’évolution des civilisations (cultures) en fonction de leur capacité à capter l’énergie grâce à leurs techniques. Le livre est ancien mais l’idéologie reste très actuelle. En France, le paléontologue André Leroi-Gourhan a développé des thèses évolutionnistes assez proches mais sur une période encore plus longue. La figure ci-dessous décrit l’histoire du couteau, de la pierre taillée rudimentaire à la pierre polie et au métal. On apprend ainsi dans les manuels que l’âge de pierre se termine vers le néolithique, environ 3 000-4 000 ans avant notre ère. Or la splendide civilisation amérindienne des montagnes (peuples Nahuatl, Mayas, Incas) a développé une technologie lithique très efficace, dont la trajectoire a été interrompue par nous il y a à peine 500 ans. Ces peuples ont rejeté la métallurgie (sauf pour l’or, ce qui a causé leur perte), la roue, et bien d’autres objets essentiels à nos yeux, ce qui ne les a pas empêchés de construire des merveilles tels Machu Picchu, Chichén Itzá, Teotihuacán ou l’extraordinaire complexe urbain hydraulique de Tenochtitlán (Mexico).

Histoire du couteau, de la pierre taillée à la pierre polie, et au métal

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Histoire du couteau, de la pierre taillée à la pierre polie, et au métal

19Derrière un tel canevas historique, le sujet universel s’affirme dans la technique, ou plutôt il semble que la technique suive ses propres lois d’évolution indépendamment du sujet particulier, situé dans le temps et l’espace.

20Ainsi, le problème épistémologique devient plus voyant : l’adaptation n’est pas la simple relation entre un texte et un contexte, elle se dévoile comme une obligation à se conformer à une loi évolutive fixée arbitrairement, l’incertitude du devenir disparaît totalement dans la longue durée.

21Je vais donner quelques contre-exemples pour illustrer les dangers de la notion d’adaptation évolutive lorsqu’elle devient une métaphilosophie, ou une métaphysique, du changement.

22Le dirigeable au tout début du xxe siècle semblait ouvrir la voie aux transports aériens internationaux, mais en 1903 le premier vol des frères Wright change la donne. La guerre de 14-18 fera de l’avion un outil militaire, qui ensuite éliminera le dirigeable et aura le succès que l’on sait dans le civil.

23De même, pour rester dans le domaine aérien, les Chinois, qui avaient inventé le missile, ont abandonné son usage militaire au profit du spectacle, le feu d’artifice. C’est l’échec de la Luftwaffe dans la bataille d’Angleterre (1942) qui a orienté les Allemands vers la fusée et les a fait repartir du « Dragon de feu sortant de l’eau » (voir ci-dessous) pour élaborer les V1 et V2 de von Braun, puis une lignée d’engins « missiles » qui équipent aujourd’hui toutes les armées, et encore une autre lignée « fusées » qui a conduit au satellite.

Une trajectoire technologique oubliée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale

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Une trajectoire technologique oubliée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale

24Je pourrais multiplier les exemples, mais l’essentiel est à saisir dans le fait que la bifurcation évolutive mêle, au moment de choisir la voie de l’avenir, des êtres humains, avec leurs désirs, leurs intérêts, leurs pulsions, et des artefacts, avec leur déterminisme propre, lequel n’est en aucun cas décisif. Bruno Latour parle avec un peu d’emphase du « Parlement des choses [6] » et d’hybrides ; je me contenterai de dire que l’évolution technologique (à ne pas confondre avec la croissance ou le progrès) procède par rupture de sens.

25La bifurcation, au xixe siècle, vers un univers entièrement fondé sur le pouvoir de la chaleur n’est pas une banalité anthropologique qui serait le résultat d’une nécessité inscrite dès l’aube de l’humanité dans la « nature humaine ». Elle ne demande pas à être expliquée, car on ne peut pas concevoir le radicalement neuf qu’est la création dans une série de causalités linéaires, série trompeuse parce que fondée sur un temps unique artificiel (le fameux principe Post hoc ergo propter hoc – Après donc à cause de cela – institué par le droit canon médiéval). On doit la comprendre à partir d’une situation unique dans la niche écologique et percevoir son émergence comme une œuvre d’art, une coalescence, une cristallisation, une précipitation, une apparition, au sens religieux du terme, d’un phénomène porteur d’un sens jusque-là inconnu.

26La société thermo-industrielle est fondée sur un usage prédateur de la nature où s’exprime l’hybris de la volonté de puissance sous une forme que l’on peut résumer ainsi :

Le trépied sur lequel repose l’imaginaire de la puissance à l’époque de l’énergie fossile

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Le trépied sur lequel repose l’imaginaire de la puissance à l’époque de l’énergie fossile

27Elle se trouve donc aujourd’hui confrontée aux limites de sa capacité adaptative en raison de ses besoins en énergie fossile, naturellement limitée, et l’incertitude sur son devenir grandit chaque jour, les ressources fossiles exigeant de plus en plus d’énergie pour être extraites.

28Les énergies renouvelables posent des problèmes du fait qu’elles imposent elles aussi un prélèvement sur la nature. Elles utilisent en effet des métaux difficiles à extraire, des « terres rares » extrêmement diluées dans la biomasse, et la production de métaux traditionnels tel le cuivre a atteint, tout comme pour le pétrole, un pic.

29À tel point qu’un article paru en 2012 dans la revue Nature, écrit par un collectif d’auteurs experts en matière d’écologie scientifique, soutient que le risque est très grand d’un effondrement des ressources disponibles dans les années 2040, en raison de toutes les contraintes qui pèsent sur la biosphère, et notamment de la raréfaction des terres agricoles, morcelées par la construction de tous les ouvrages d’art imposés par la modernité en réseau des macro-systèmes techniques. Perspective assez différente de celle du Club de Rome, qui prévoyait la stérilisation progressive de la terre agricole par les pollutions de toute sorte. On voit ci-dessous la croissance fulgurante de la part des éco-systèmes « highly affected », c’est-à-dire rendus stériles.

Le morcellement et le grignotage des terres agricoles font craindre un état critique à partir des années 2025

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Le morcellement et le grignotage des terres agricoles font craindre un état critique à partir des années 2025

(Anthony D. Barnosky et al. « Approaching a State Shift in Earth’s Biosphere », Nature, 486, 7 June 2012, p. 52-58)

30La techno-science, dont les thuriféraires ont propagé l’adage populaire « On n’arrête pas le progrès », nous laisse croire qu’une seule voie d’évolution existe, aux conditions de laquelle il faut s’adapter. Aujourd’hui, la technologie « dans le vent » est digitale, numérique, électronique, mais elle reste largement dépendante des ressources fossiles, car l’électricité est tout autant une sorcière qu’une magicienne. La demande est telle que le charbon est redevenu la première source d’énergie, ce qui nous ramène au tout début de la civilisation thermo-industrielle. Étrange parcours qui, loin de l’inattendu, ressemble plutôt à celui du pareil au même !

31En bref, pour conclure, l’histoire – et l’histoire des techniques tout comme les autres – est une suite de bifurcations qui, loin d’être des adaptations, sont au contraire des voies ouvertes à la liberté humaine et à sa créativité, comme au pouvoir des dieux… au hasard, à l’inattendu par excellence [7].


Date de mise en ligne : 21/11/2014

https://doi.org/10.3917/commu.095.0031

Notes

  • [1]
    Émile Durkheim, Cours de philosophie fait au Lycée de Sens, Paris, Bibliothèque de la Sorbonne, ms 2351 (notes prises en 1883-1884 par le philosophe français André Lalande).
  • [2]
    Ludwig Wittgenstein, Le Cahier bleu et le Cahier brun (1958), Paris, Gallimard, 2004.
  • [3]
    Henri Bergson, Durée et Simultanéité (1922), Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2009.
  • [4]
    Niles Eldredge, Stephen Jay Gould, « Punctuated Equilibria. An Alternative to Phyletic Gradualism », in Thomas J.M. Schopf (ed.), Models in Paleobiology, San Francisco, Freeman, Cooper and Co., 1972, p. 82-115 ; Stephen Jay Gould, Quand les poules auront des dents, Paris, Fayard, 1984.
  • [5]
    En fait, il y eut encore une extinction, des reptiles et amphibiens principalement, au trias, il y a 208 millions d’années, dont les futurs dinosaures auraient semble-t-il profité. Mais les chercheurs sont en conflit sur les origines et les conséquences de ce bouleversement.
  • [6]
    Bruno Latour, « Nouvelles règles de la méthode scientifique », revue Projet, 2001/4, no 268, p. 98.
  • [7]
    Quelques références sur la critique récente de l’histoire orientée des techniques : Stephen Jay Gould, Quand les poules auront des dents, op. cit. ; Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L’Événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013 ; Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Seuil, 2012 ; Alain Gras, Fragilité de la puissance, Paris, Fayard, 2003 ; id., Le Choix du feu, Paris, Fayard, 2007 ; id., Les Imaginaires de l’innovation technique, Paris, Éditions Manucius, 2013 ; François Jarrige, Face au monstre mécanique. Une histoire des résistances à la technique, Paris, Éditions IMHO, coll. « Radicaux libres », 2009 ; id., Techno-Critiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences, Paris, La Découverte, 2014 ; Salvador Juan, Critique de la déraison évolutionniste, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Olivier Rey, Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, Paris, Seuil, 2003.

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