Couverture de COMMU_092

Article de revue

La performance ou la renaissance de l'action

Pages 277 à 290

Notes

  • [1]
    Eugenio Barba, Le Canoë de Papier. Traité d’Anthropologie Théâtrale, Lectoure, Bouffonneries, nos 28-29, 1993, p. 198.
  • [2]
    Victor Turner, From Ritual to Theatre : The Human Seriousness of Play, New York, Performing Arts Journals, 1987 ; Richard Schechner, The Future of Ritual : Writings on Culture and Performance (1993), New York, Taylor & Francis, 1995.
  • [3]
    Jean-Marie Pradier, « Flesh is Spirit. Ritual or the Problem of Action », in Bent Holm, Bent Flemming Nielsen et Karen Vedel (eds), Religion, Ritual, Theatre (proceedings of the international conference « Religion, Ritual, Theatre », Copenhague, 2006), Francfort, Peter Lang GMBH Internationaler Verlag der Wissenschaften, 2008, p. 205-228.
  • [4]
    Ferdinando de Toro, « Performance : quelle performance ? », in André Helbo (sous la dir. de), Performance et Savoirs (Actes du colloque « Savoirs et performance spectaculaire », organisé à l’Université libre de Bruxelles du 23 au 25 avril 2010), Bruxelles, de Boeck, 2011, p. 65-102. Manquent à cet article les échanges plutôt vifs entre l’auteur et Richard Schechner.
  • [5]
    Ted Shawn, Every Little Movement : A Book about François Delsarte, the Man and his Philosophy, his Science and Applied Aesthetics, the Application of this Science to the Art of the Dance, the Influence of Delsarte on American Dance, Brooklyn, Dance Horizons, 1954.
  • [6]
    Voir les Actes du colloque international « L’impact de l’avant-garde américaine sur les théâtres européens et la question de la performance – The Impact of American Avant-Garde(s) on European Performing Arts », 21-23 janvier 2008, Théâtre de la Colline/INHA, dossier conçu et réalisé par Christian Biet, Ophélie Landrin et Marie Pecorari, Théâtre/Public, nos 190-191, 2008.
  • [7]
    Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris, Armand Colin, 1996.
  • [8]
    Dictionnaires consultés : Ch. Lebaigue, 1881 ; E. Sommer & E. Chatelain, 1896 ; L. Quicherat (Librairie Hachette et Cie), 1884 ; F. Gaffiot (Librairie Hachette), 1937.
  • [9]
    Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle (1880-1895), Paris, F. Vieweg (Émile Bouillon), 10 volumes, 1881-1902, vol. V, p. 766.
  • [10]
    Ibid., p. 767.
  • [11]
    Noah Webster, A Compendious Dictionary of the English Language, from Sydney’s Press, For Hudson & Goodwin, Book-Sellers, Hartford, and Increase Cooke & Co. Book-Sellers, New Haven, 1806, p. 221.
  • [12]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne. 1. La Présentation de soi (trad. par Alain Accardo), Paris, Éditions de Minuit, 1973, p. 239-240.
  • [13]
    Jack Goody, Representations and Contradictions. Ambivalence towards Images, Theatre, Fiction, Relics and Sexuality, Oxford, Blackwell Publishers, 1997 ; trad. fr., La Peur des représentations. L’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la fiction, des reliques et de la sexualité, Paris, La Découverte, 2003, p. 113.
  • [14]
    Richard Schechner, Essays on Performance Theory, 1970-1976, New York, Drama Book Specialists (Publishers), 1977, p. 1 (« Performance est une forme inclusive précise de la notion d’action »).
  • [15]
    Josette Rey-Debove et Gilberte Gagnon, Dictionnaire des anglicismes, Paris, Le Robert, coll. « Les Usuels du Robert », 1989, p. 710-715.
  • [16]
    Journal Permanent de l’Humanisme Méthodologique du 29 septembre 2008, en ligne.
  • [17]
    Maurice Blondel, L’Action, Paris, Alcan, 1893, introduction, p. xxii.
  • [18]
    René Virgoulay, « L’Action » de Maurice Blondel – 1893. Relecture pour un centenaire, B.A.P., 54, Paris, Beauchesne Éditeur, 1992, p. 9.
  • [19]
    Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Seuil, 1997, p. 33.
  • [20]
    Ibid., p. 456-457.
  • [21]
    Jean-Pierre Cometti, Qu’est-ce que le pragmatisme ?, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2010.
  • [22]
    Bronislaw Malinowski, « The Problem of Meaning in Primitive Languages » (1923), in C. K. Ogden et I. A. Richards, Meaning of Meaning – A Study on the Influence of Language upon Thought and the Science of Symbolism, with supplementary essays by B. Malinowski and F. G. Crookshank, San Diego, Harcourt Brace Jovanovich; nouvelle édition avec une introduction par Umberto Eco, A Harvest/HBJ Book, 1989, p. 296-336.
  • [23]
    Ibid., p. 315 (« Nous avons là sans aucun doute un nouveau type d’usage linguistique – la “communion phatique”, dirais-je, poussé par le démon de l’invention terminologique –, un type de discours dans lequel les liens se créent par simple échange de mots […]. Les mots, dans la “communion phatique”, sont-ils d’abord utilisés pour exprimer un sens, sens qui est symboliquement le leur ? Certainement pas ! Ils remplissent une fonction sociale et c’est là leur vocation principale, mais ils ne résultent pas d’une réflexion intellectuelle, pas plus qu’ils ne suscitent nécessairement la réflexion chez celui qui les écoute »).
  • [24]
    Ibid., p. 316 (« Aussi longtemps qu’il y a des mots à échanger entre soi, la “communion phatique” introduit semblablement le sauvage et le civilisé dans l’atmosphère agréable des interrelations sociales policées »).
  • [25]
    Richard Bauman (with supplementary essays by Barbara A. Babcock, Gary H. Gossen, Roger D. Abrahams and Joel F. Sherzer), Verbal Art as Performance (1977), Prospect Heights (Ill.), Waveland Press, Inc., 1984, p. 4 (« L’emploi du mot “performance” dans les travaux de ces chercheurs a pour fin de communiquer à la fois le sens d’action artistique – le faire, dans le folklore – et l’événement artistique – sa réalité même, incluant le performeur, la forme artistique, le public et les éléments de sa réalisation »).
  • [26]
    John Searle, Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language, Cambridge, Cambridge University Press, 1969.
  • [27]
    Noam Chomsky, Aspects of the Theory of Syntax, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 1969, p. 4 ; voir également p. 10 sq., le paragraphe « Toward a theory of performance ».
  • [28]
    Anthony F. C. Wallace, Religion : An Anthropological View, New York, Random House, 1966, p. 102. Opinion cependant discutable si l’on prend soin de lire le texte en son entier.
  • [29]
    John Stewart, Olivier Gapenne et Ezequiel A. Di Paolo (eds), Enaction : Toward a New Paradigm for Cognitive Science, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 2011 ; Francisco Varela, Evan Thompson et Eleanor Rosch, The Embodied Mind : Cognitive Science and Human Experience, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 1992 (trad. fr., L’Inscription corporelle de l’esprit, Paris, Seuil, 1993) ; Lawrence A. Shapiro, Embodied Cognition, New York, Routledge, 2010.
  • [30]
    Démosthènes Davvetas, « La performance, une philosophie en action », 3 et 10 décembre 2010, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 2010.
  • [31]
    Eugenio Barba, Le Canoë de Papier, op. cit., p. 132. Voir John A. R. Blacking, Joann Keali’inohomoku (eds.), The Performing Arts : Music and Dance, The Hague, Mouton, 1979.
  • [32]
    Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs (2008), Paris, Odile Jacob, coll. « Poches », 2011, p. 10.
On dit qu’un spectacle est image et métaphore. Sur ce point j’ai quelques certitudes. Je sais que ce n’est pas vrai ; je sais qu’il s’agit d’une action réelle.
[...]
Outre le passé, une chose encore nous unit : d’avoir intensément expérimenté le divorce et l’alliance entre l’action et le mot, et de savoir que seule l’action est vivante mais que seul le mot reste, dans le spectaculaire désert des villes sales et des musées trop grands.
Eugenio Barba, lettre à Jerzy Grotowski, 1er juin 1991 [1]

1Une vague d’intérêt pour le lexème « performance », ses affiliés académiques – Performance Theory, Performance Studies – et notionnels – « performativité », performer – touche depuis quelques années les milieux artistiques et universitaires. Programmateurs et créateurs ne manquent pas de l’adjoindre à des appellations classiques, comme pour leur conférer un air de nouveauté – « conférence-performance », « chorégraphie-performance », « lecture-performance », « exposition-performance »... Déferlante venue des États-Unis, elle ne cesse d’enfler en Europe latine, non sans confusion, malentendus, contresens et expérimentations. D’autant que certains théoriciens (Victor Turner, Richard Schechner [2]) lui associent souvent le terme « rituel », aussi polysémique [3]. Leur expansion conjointe sous forme de colloques, journées d’étude, conférences, publications, a engendré un excès d’usage, des polémiques (Ferdinando de Toro) [4], des études novatrices et des créations artistiques. Cette féconde effervescence assortie d’un indigeste brouillamini aura-t-elle pour effet de favoriser la redécouverte des théoriciens et des praticiens de l’action sur ces mêmes territoires où d’autres vogues ont estompé leur mémoire, alors que le développement des neurosciences semble rejoindre certaines de leurs intuitions ? L’œuvre du Français François Delsarte, ignoré après sa mort à Solesmes en 1871, a connu la gloire aux États-Unis, d’où elle est revenue en France via Ted Shawn (1891-1972), pionnier de la danse moderne américaine. Le message porté par le petit livre du danseur et chorégraphe, publié pour la première fois en 1954 – Every Little Movement[5] –, a incité à se tourner vers les précurseurs d’une anthropologie de la corporéité : Marcel Mauss (1872-1950), Georges Hébert (1875-1957), Marcel Jousse (1886-1961), André Leroi-Gourhan (1911-1986), Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), entre autres pour la France. Personnalités à lire en ayant à l’esprit les innombrables virtuoses du corps qui souffrirent longtemps dans notre culture d’être tenus pour de simples artisans en raison du primat de la littérature dramatique.

Voyage autour de l’action

2La pertinence dénotative d’un terme est inversement proportionnelle à l’extension de son usage. La polysémie tend à rendre prédominant le rôle des contextes de l’énonciation et de la réception dans le traitement de l’information. Le risque, en raison de l’imprécision formelle du message, tient à la prolifération des malentendus, contresens, pseudo-communications, phénomènes de projection et autres. Reprenant la terminologie de Greimas, le sémème « performance » comporte aujourd’hui une telle collection de sèmes, parfois antonymiques, qu’il est parfois difficile d’estimer la capacité de résistance du noyau sémique et ce qu’il peut offrir de fondamental : le concept d’action.

3Ironie du quiproquo lexical, le succès voyageur de la performance, venue du monde anglo-américain, est indubitablement lié à l’importance de l’anglais en qualité de lingua franca de notre temps comme à la fertilité de l’« avant-garde américaine [6] ». Or ce n’est qu’un retour au bercail linguistique, via les champs de courses, après une longue absence. Voici quelques décennies, si le mot « performance » était devenu d’usage courant chez les plasticiens et les danseurs, seul le substantif performer, prononcé « performeur », circulait en France dans les études théâtrales. Encore avait-il un caractère quasi initiatique dans la mesure où, considéré comme un américanisme un peu affecté, il vous identifiait en tant que grotowskien. De fait, Eugenio Barba se contentait d’« acteur », et de la locution « acteur-danseur ». Aux États-Unis, Jerzy Grotowski avait rencontré un lexème qui lui permettait de mettre l’accent sur l’être en action, action réelle et non pas simulée ou destinée à complaire. Aussi avait-il adopté tour à tour les mots doer (1973), actuant (1975), performer (1977), néologismes destinés à le débarrasser des liens qui assujettissaient les mots « acteur » et « comédien » au théâtre de la tradition européenne, entortillés à ses yeux dans de désuètes façons. Pour les dictionnaires du théâtre des années 1990, l’entrée « Performer » était introduite par ces mots : « (Performer) terme anglais, parfois utilisé [7] … »

4La « performance » est passée dans la langue anglaise par l’anglo-normand, en provenance de l’ancien français qui l’avait empruntée au latin par substantivation. À l’origine se trouve le verbe latin performare, devenu « parformer » et « parfourmer » en ancien français. Le verbe latin formare indique l’action de donner une forme, façonner, représenter, figurer. Au sens figuré, il signifie « faire », « former », « travailler », « dresser », « instruire » ; puis « former dans son esprit », « concevoir », « imaginer » ; enfin, « composer », « écrire » [8]. Le préfixe pre- surenchérit. Il indique que l’acte est parachevé, accompli de bout en bout. Sa valeur superlative souligne l’intensité de l’action. En français, un document de 1291 garde le même sens : « Que droit soit fait et performé. » Le Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle (1880-1895), de Frédéric Godefroy, mentionne « parformance », parfois orthographié « performence » – « accomplissement », « exécution » – et « parformation », au sens de « conclusion » – la parformation d’un traité [9]. Quelques auteurs de langue anglaise – repris par le lexicographe nord-américain Noah Webster (1758-1843) – semblent confondre le verbe « parformer » avec « parfournir », dont le sens premier lui est proche puisque, selon Godefroy, il signifie « accomplir entièrement » [10].

5Au xixe siècle, le verbe to perform et le substantif performance ont acquis une stabilité sémantique dans la langue anglaise pour dire l’action et sa qualité, y compris dans les domaines de la vie sociale et des arts. Noah Webster retient le verbe to perform, l’adjectif performable et les substantifs performance et performer dans son lexique A Compendious Dictionary of the English Language (1806). Seul le mot performer fait référence au spectacle – « one who performs, one who plays » –, encore que play, polysémique, suggère aussi bien l’activité sportive que ludique et théâtrale (to act) [11]. Webster est plus explicite dès la première édition, en 1828, de l’American Dictionary of English Language (ADEL). La définition du verbe y est conforme à celle de ses origines : « To do, to execute, to accomplish. » La deuxième édition en deux volumes, publiée en 1913, précise : « To carry through ; to bring to completion ; to achieve ; to accomplish ; to execute ; to do. » Distinguant les tournures transitive et intransitive de to perform, il note leur emploi dans la pratique des arts de la scène et la musique : « To do ; to act a part. The player performs well in different characters. The musician performs well on the organ. » L’auteur esquive l’argot, plus salace. Quant à performance, il lui accorde quatre groupes de significations, dont le deuxième définit le jeu de l’acteur, prenant pour exemple Garrick, le fameux comédien qui enthousiasma Diderot : « The acting or exhibition of character on the state. Garrick was celebrated for his theatrical performances. »

Traduire ?

6Ce bref regard lexicophile annonce les difficultés rencontrées ultérieurement par les traducteurs et les commentateurs des théoriciens anglo-saxons de la performance, et des sociologues interactionnistes. L’un des cas les plus flagrants nous est offert par la diffusion en langue française de l’ouvrage d’Erving Goffman, The Presentation of Self in Everyday Life. Initialement copieux rapport publié en 1956 au Research Centre for Social Sciences de l’université d’Édimbourg, l’étude est devenue livre culte après son édition en 1959 aux États-Unis par Doubleday Anchor. Le premier chapitre a pour titre original « Performances ». Repris en 1973 aux Éditions de Minuit, il devient « Les représentations ». Sociologue proche de Pierre Bourdieu, Alain Accardo ne disposait guère pour la traduction d’un équivalent lexical satisfaisant. Cependant, le mot français « représentation » – qui court au fil des pages – est singulièrement étriqué au regard de l’anglais performance, infiniment plus dynamique. Plus encore, la métaphore théâtrale à laquelle Goffman recourt faute de mieux s’en trouve accentuée au profit de la fable vieillissante de la simulation, du double jeu et du mensonge extraite d’un poncif shakespearien. Goffman a beau récuser en conclusion le langage et le masque du théâtre [12], son étude n’en véhicule pas moins une idée de cet art propre à l’Occident, et que désavouent aussi bien la notion de performance que sa pratique contemporaine. L’embarras de la traduction peut conduire à l’absurde. La version française de l’ouvrage de l’anthropologue britannique Jack Goody, Representations and Contradictions. Ambivalence towards Images, Theatre, Fiction, Relics and Sexuality (1997), n’hésite pas à accoler parfois mot français et original anglais, comme pour mettre en évidence une complexité singulière qu’il est impossible d’identifier nominalement. Ainsi, à propos des rituels :

7

De prime abord, il s’agit à chaque fois de représentations (performances)…

8L’usage du mot performance, remarque Goody, permet d’éviter de recourir au substantif « théâtre » hors de son acception stricto sensu. C’est également la neutralité culturelle des dérivés du verbe to perform qui a conduit les ethnoscénologues à les adopter. Recourir au lexème ambigu « représentation » pour expliquer ce que l’on veut dire par « performance » revient à faire du vieux avec du neuf [13].

9L’action est bien le noyau sémique de la performance. Richard Schechner lui prête allégeance quand il adopte la notion dans les années 1970 :

10

Performance is a very inclusive notion of action[14].

11Encore faut-il s’entendre sur le sens à donner au mot action.

De l’hippodrome à la scène

12Les recherches lexicologiques montrent que ce qui est vu comme un anglicisme est tôt adopté en France au xixe siècle dans les milieux hippiques (1839), puis sportifs (1872, 1876, 1877), par les physiologistes (1869), puis par les ingénieurs (1929). Le Littré de 1872 consacre une entrée à « Performances » :

13

substantif féminin pluriel : Mot anglais employé dans la langue du turf pour indiquer le tableau des épreuves subies dans l’hippodrome pour un cheval de course.
Étymologie : anglais performance, exécution, accomplissement, mot de forme française fait du latin per, et formare, former.

14Le supplément au dictionnaire (1877) ajoute :

15

2° Manière de courir d’un cheval, de se comporter pendant la course.

16Le Larousse universel en deux volumes publié en 1923 reprend une définition similaire :

17

Performance : (mot anglais signifiant achèvement). Résultat obtenu dans chacune de ses exhibitions par un cheval de course, un champion quelconque : une magnifique performance.
(vol. II, p. 542)

18Le Robert en 6 volumes de 1974 est relativement plus précis. Il mentionne l’emprunt de l’ancien français « performance » par l’anglais, et reprend la définition du Littré, tout en lui adjoignant un détail piquant : dans un sens libre, le mot « performance » peut signifier « exploit amoureux » (vol. V, p. 121).

19Le supplément fait état de l’adoption de l’anglicisme par les vocabulaires de la psychologie, de la technologie et de la linguistique (p. 375). Suit le néologisme de l’adjectivation, dérivé de l’anglais : « performant, qui se dit des systèmes électroniques dont les résultats sont élevés ». Le Dictionnaire des anglicismes de Josette Rey-Debove et Gilberte Gagnon livre sur plusieurs pages de nombreux exemples de l’expansion des termes « performance », « performant », performer et « performatif » [15]. Les écrivains recourent à la performance pour narrer les exploits physiques, sociaux et sexuels de leurs héros et héroïnes. Les scientifiques l’adoptent au prorata du développement de leurs disciplines aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Économistes, industriels, sociologues, anthropologues, philosophes s’interrogent sur les nouveaux champs de la performance, où paraît se construire un mode particulier d’aliénation lorsque, affectée à la production, elle s’introduit dans le monde du travail.

20Des néologismes énigmatiques se présentent. « Performatique », a annoncé un colloque sur la performance artistique (2011) ; Roger Nifle se dit l’inventeur de l’« Humanisme Méthodologique », et des méthodes de la « socio-performance », qui « dessinent une “socio-performatique”, art ou ingénierie des processus communautaires de développement et de performance où interviennent des “socio-performateurs”, dispositifs d’action pour la performance collective [16] » (sic).

21Après de nombreux débats, le Journal officiel de la République française en date du 22 juillet 2010 a publié dans la rubrique « Avis et commission », texte 105, la liste des termes, expressions et définitions du vocabulaire de la culture et de la communication adoptés par la commission générale de terminologie et de néologie créée en 1986 par Alain Juppé. L’information a été reprise par le numéro 43 du Bulletin officiel du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, du 25 novembre 2010. « Performance » et « performeur » y figurent, marquant ainsi leur acquisition de la nationalité française :

22

performance, n.f.
Domaine : Arts.
Définition : Évènement artistique qui recourt à différents modes d’expression dont l’exécution constitue l’œuvre elle-même.
Voir aussi : performeur.
Équivalent étranger : performance.

23

performeur, -euse, n.
Domaine : Arts.
Définition : Personne qui exécute une performance artistique.
Voir aussi : performance.
Équivalent étranger : performer.

Philosophie et pratique de l’action

24L’éclatante cacophonie sémantique produite par l’épanouissement du mot « performance » dans la culture française serait-elle l’expression du renversement d’un paradigme idéaliste ancien, longtemps majoritaire, à l’œuvre dans la pensée et l’habitus ?

25Lorsque Maurice Blondel (1861-1949) soutient sa thèse le 7 juin 1893, il en choque plus d’un. Le titre sonne comme un manifeste : L’Action. Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique. Il déclare en introduction :

26

C’est dans l’action qu’il va falloir transporter le centre de la philosophie, parce que là se trouve aussi le centre de la vie[17].

27Au-delà de la question de la croyance – Blondel est un fervent catholique –, la proposition blondélienne invite à associer praxéologie et sémiotique. Serait-ce barbarisme que de la croiser avec l’action pensée par Hannah Arendt ? Ce n’est pas le cogito, estime-t-il, mais l’action qui fonde le sujet. À l’occasion du centenaire de la soutenance, René Virgoulay est revenu sur une démarche insolite qui avait suscité l’étonnement : « Ce choix s’oppose en effet à une certaine manière de concevoir la supériorité, voire l’exclusivisme de la pensée [18]. » À l’époque, la notion d’action ne figurait pas dans les dictionnaires de philosophie. Lorsque André Lalande s’engage, de concert avec d’autres collègues, dans le projet d’établir un vocabulaire technique et critique de la philosophie, à la suite du Congrès international de philosophie de 1900, il inclut le mot dans les épreuves qu’il fait circuler et invite Blondel à participer aux discussions. Les débats qui suivent sont pour nous d’un grand intérêt dans la mesure où ils préfigurent ce qui survient de nos jours à propos de la performance. De fait, le caractère polysémique propre à ces deux notions tient en grande partie aux systèmes culturels dans lesquels elles s’inscrivent, localement et historiquement. La pensée chinoise, note Anne Cheng, apparaît totalement immergée dans la réalité : « il n’y a pas de raison hors du monde […]. Dans cette pensée de plain-pied avec les choses, l’emporte la réflexion moins sur la connaissance en soit que sur son rapport à l’action [19]. » Les philosophes du temps des Song du Nord au xie siècle estiment qu’une connaissance qui ne peut être mise en action est superficielle ; une mauvaise action vient du non-savoir [20].

28C’est un faisceau d’orientations culturelles et scientifiques concordantes qui ont maintenu et épanoui le cœur épistémologique de la performance dans la culture anglo-américaine et, partant, la langue anglaise. Il conviendrait de s’attarder sur l’école philosophique américaine connue sous le nom de « pragmatisme », trop souvent ignorée du public français et largement sous-estimée [21]. Je dirai deux mots de l’anthropologie et de la linguistique.

Phatique

29L’anthropologue polonais Bronis?aw Malinowski (1884-1942) a été le premier à évoquer ce qu’il nomme « phatic communion », dans son article « The Problem of Meaning in Primitive Languages » [22]. Il entendait mettre en évidence par cette locution cet aspect de la communication verbale qui sert non pas à échanger de l’information mais à établir ou à maintenir un contact entre un ou plusieurs locuteurs. Fort de ses observations sur le terrain, Malinowski s’est avisé que le langage dans sa fonction première pouvait être considéré comme un mode d’action plutôt que comme l’expression d’une conceptualisation :

30

There can be no doubt that we have here a new type of linguistic use–phatic communion I am tempted to call it, actuated by the demon of terminological inventiona type of speech in which ties of union are created by a mere exchange of words. […] Are words in Phatic Communion used primarly to convey meaning, the meaning which is symbolically theirs ? Certainly not ! They fulfil a social function and that is their principal aim, but they are neither the result of intellectual reflection, nor do they necessarily arouse reflection in the listener[23].

31Depuis, le terme « communion », chargé de sa connotation religieuse, a été évincé au profit de « communication » – phatic communication – et de « discours » – phatic speech. La communion phatique n’est nullement pour l’anthropologue le signe d’une incapacité. Elle n’est pas le symptôme d’une infirmité pré-civilisationnelle. Tout au contraire, dans cet échange apparemment dénué de raison(nement), les mots sont l’expression de la civilité. Le dialogue protocolaire qui s’engage entre deux personnes qui se rencontrent et ont peu à se dire sans pour autant vouloir se quitter rapidement est le ciment d’une communauté éphémère, apprentissage d’une socialité à long terme :

32

As long as there are words to exchange, phatic communion brings savage and civilized alike into the pleasant atmosphere of polite, social intercourse[24].

33Peut-on imaginer des degrés dans la communication phatique, qui conduiraient à des événements spécifiques, ce que Richard Bauman nomme « verbal art », dont la forme dialogique est le théâtre stricto sensu ? Le folklorist nord-américain – en France on dirait « anthropologue », tant le terme « folklore » est dévalué – rappelle dans un essai remarqué que la conception de l’art verbal comme mode de communication est fort ancien. La notion de performance convient pour rendre compte de l’action conduite ici et maintenant par le poète, et par le barde. Évoquant les travaux de ses prédécesseurs, il justifie leur emploi du terme performance :

34

As employed in the work of these scholars, the term « performance » has been used to convey a dual sense of artistic actionthe doing of folkloreand artistic eventthe performance situation, involving performer, art form, audience, and settingboth of which are basic to the developing performance approach[25].

35Entièreté d’un événement fort bien exposée par Nicole Revel dans son étude sur les tultul quand elle analyse avec une singulière acuité ces grandes histoires chantées par les bardes palawan, art surprenant qui exige long apprentissage et inspiration.

Quand dire, c’est faire

36En 1955, le philosophe anglais John L. Austin (1911-1960), professeur à l’université d’Oxford, prononça une série de conférences sur le langage dont les perspectives, fondées sur l’observation et l’expérience quotidienne, allaient à l’encontre de la linguistique positiviste et de ses approches formalistes. Deux ans après sa mort, en 1962, ses disciples se chargèrent de réunir et d’éditer les textes de leur maître sous un titre qui exprimait le cœur de sa pensée : How to Do Things with Words. L’ouvrage parut en français sous un énoncé non moins évocateur : Quand dire, c’est faire. Tout aussi importante est l’œuvre de John Rogers Searle, né en 1932, qui fut l’étudiant d’Austin à Oxford avant d’enseigner à l’université de Californie, Berkeley. Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language (1969) [26] fut traduit en français en 1972 sous le titre Les Actes de langage. Pour le philosophe naturaliste, la capacité à parler est une capacité biologique, qui repose sur des capacités mentales plus fondamentales, comme la perception et l’action. Le langage est une capacité dérivée. La perception implique déjà l’intentionnalité. La continuité de l’esprit au langage est une évidence. La production d’un énoncé revient à accomplir un certain acte qui vise à modifier la situation des interlocuteurs. Searle appelle « force illocutoire » ce qui permet d’établir sa valeur d’acte de langage. Pour lui, le contenu d’un énoncé résulte de sa force illocutoire ajoutée à son contenu propositionnel.

37Dans l’essai mentionné plus haut, Bauman revient sur l’historique des approches linguistiques qui ont conduit à privilégier la notion de performance. La rhétorique n’était-elle pas un art de la parole en action, capable d’émouvoir et ainsi de convaincre, c’est-à-dire de modifier l’état mental et le comportement des auditeurs ? Les actes de parole produits dans le contexte des rites, des liturgies, des interventions médiumniques les plus diverses parviennent à opérer des métamorphoses radicales, telle la transsubstantiation dans l’action eucharistique catholique. Les travaux de Karl Bühler, Roman Jakobson, Charles Bally, Charles S. Peirce, Charles W. Morris ou Ludwig Wittgenstein se rencontrent peu ou prou au carrefour théorique dressé par Austin et Searle.

38C’est en 1965 que Noam Chomsky, retravaillant la distinction saussurienne entre « langue » et « langage », en vient à envisager le couple « compétence »/« performance ». La compétence se rapporte à la connaissance tacite de sa langue incorporée par un locuteur auditeur idéal tandis que la performance est la mise en œuvre de cette compétence dans l’action langagière qui émerge ici et maintenant – « the actual use of language in concrete situations[27] ». En d’autres termes, la « performance » chomskyenne est la langue en action, elle évoque la définition du rituel que donnait l’anthropologue A. F. C. Wallace : « Ritual is religion in action[28]. »

39Les recherches interdisciplinaires sur la corporéité du langage, l’étude de ses fondements biologiques (Lenneberg, 1968), les bases pulsionnelles de la phonation (Fonagy), plus récemment les travaux sur les notions d’enaction, d’embodied mind et embodied cognition[29] sont comme l’écho scientifique des expérimentations des théâtres-laboratoires pour qui le texte devient acte de parole, et des chorégraphes explorateurs de la chair de l’esprit.

La pensée en action

40La réinsertion de l’expérience sensible et comportementale dans le champ de la cognition, son appareillement à la connaissance signalent le paradigme nouveau qui depuis quelques décennies prend une grande assurance tant dans les neurosciences que dans les pratiques pédagogiques novatrices, artistiques et leur théorisation.

41L’historien de l’art Démosthènes Davvetas, en deux conférences récentes, revient sur la consanguinité des esprits des philosophes de l’Antiquité et des artistes de la performance. Hésiode et les futuristes, Héraclite et Yves Klein, Joseph Beuys, Socrate, les sophistes, Marina Abramovi?, le mouvement Fluxus ne présenteraient-ils pas des attitudes analogues sinon communes relatives au chaos créatif, à l’éphémère, au monde élémentaire ? La destruction des instruments musicaux d’Arman ou le concert 4’33’’ de John Cage n’auraient-ils pas un lien de parenté avec l’exercice de concentration de soi dans le silence du philosophe Pyrrhon ? La performance, pour Davvetas, est une philosophie en action [30]

42Au cours du séminaire « Théâtre, anthropologie et anthropologie théâtrale » organisé l’automne 1988 à Leicester par le Centre for Performance Research, l’anthropologue et ethnomusicologue John Blacking parla d’« une pensée qui ne devient pas concept ». Eugenio Barba :

43

Blacking explique de quelle façon « pense », dans le moindre détail, le système circulaire cerveau-main-pierre-cerveau d’un homme « primitif » qui casse un morceau de silex pour en faire la pointe d’une arme. Il décrit comme des « pensées » les actions des mains qui roulent un bâtonnet pour faire jaillir l’étincelle ou qui jouent du tambour. Il parle du corps qui « pense » par la danse. Au premier abord, les formules de Blacking semblent n’être que des façons de parler suggestives. Puis on soupçonne qu’il s’agit de quelque chose de plus, comme une façon de parler « à la lettre ».
Blacking conclut en proposant la polarité thinking in motion – thinking in concepts. Comment traduire motion ? « Mouvement » ne convient pas, « action » non plus. Mieux vaut ne pas traduire.
Je me demande si thinking in motion ne serait pas la meilleure façon de définir l’enseignement sur les « actions physiques » que Stanislavski essayait de transmettre à l’acteur, cet enseignement dont Grotowski est aujourd’hui le vrai maître [31].

44Vingt ans plus tard, Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, à propos des neurones miroirs, rapportaient une réflexion de Peter Brook sur l’évidence de leurs conclusions :

45

Le cerveau qui agit est aussi et avant tout un cerveau qui comprend [32].

Notes

  • [1]
    Eugenio Barba, Le Canoë de Papier. Traité d’Anthropologie Théâtrale, Lectoure, Bouffonneries, nos 28-29, 1993, p. 198.
  • [2]
    Victor Turner, From Ritual to Theatre : The Human Seriousness of Play, New York, Performing Arts Journals, 1987 ; Richard Schechner, The Future of Ritual : Writings on Culture and Performance (1993), New York, Taylor & Francis, 1995.
  • [3]
    Jean-Marie Pradier, « Flesh is Spirit. Ritual or the Problem of Action », in Bent Holm, Bent Flemming Nielsen et Karen Vedel (eds), Religion, Ritual, Theatre (proceedings of the international conference « Religion, Ritual, Theatre », Copenhague, 2006), Francfort, Peter Lang GMBH Internationaler Verlag der Wissenschaften, 2008, p. 205-228.
  • [4]
    Ferdinando de Toro, « Performance : quelle performance ? », in André Helbo (sous la dir. de), Performance et Savoirs (Actes du colloque « Savoirs et performance spectaculaire », organisé à l’Université libre de Bruxelles du 23 au 25 avril 2010), Bruxelles, de Boeck, 2011, p. 65-102. Manquent à cet article les échanges plutôt vifs entre l’auteur et Richard Schechner.
  • [5]
    Ted Shawn, Every Little Movement : A Book about François Delsarte, the Man and his Philosophy, his Science and Applied Aesthetics, the Application of this Science to the Art of the Dance, the Influence of Delsarte on American Dance, Brooklyn, Dance Horizons, 1954.
  • [6]
    Voir les Actes du colloque international « L’impact de l’avant-garde américaine sur les théâtres européens et la question de la performance – The Impact of American Avant-Garde(s) on European Performing Arts », 21-23 janvier 2008, Théâtre de la Colline/INHA, dossier conçu et réalisé par Christian Biet, Ophélie Landrin et Marie Pecorari, Théâtre/Public, nos 190-191, 2008.
  • [7]
    Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris, Armand Colin, 1996.
  • [8]
    Dictionnaires consultés : Ch. Lebaigue, 1881 ; E. Sommer & E. Chatelain, 1896 ; L. Quicherat (Librairie Hachette et Cie), 1884 ; F. Gaffiot (Librairie Hachette), 1937.
  • [9]
    Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle (1880-1895), Paris, F. Vieweg (Émile Bouillon), 10 volumes, 1881-1902, vol. V, p. 766.
  • [10]
    Ibid., p. 767.
  • [11]
    Noah Webster, A Compendious Dictionary of the English Language, from Sydney’s Press, For Hudson & Goodwin, Book-Sellers, Hartford, and Increase Cooke & Co. Book-Sellers, New Haven, 1806, p. 221.
  • [12]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne. 1. La Présentation de soi (trad. par Alain Accardo), Paris, Éditions de Minuit, 1973, p. 239-240.
  • [13]
    Jack Goody, Representations and Contradictions. Ambivalence towards Images, Theatre, Fiction, Relics and Sexuality, Oxford, Blackwell Publishers, 1997 ; trad. fr., La Peur des représentations. L’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la fiction, des reliques et de la sexualité, Paris, La Découverte, 2003, p. 113.
  • [14]
    Richard Schechner, Essays on Performance Theory, 1970-1976, New York, Drama Book Specialists (Publishers), 1977, p. 1 (« Performance est une forme inclusive précise de la notion d’action »).
  • [15]
    Josette Rey-Debove et Gilberte Gagnon, Dictionnaire des anglicismes, Paris, Le Robert, coll. « Les Usuels du Robert », 1989, p. 710-715.
  • [16]
    Journal Permanent de l’Humanisme Méthodologique du 29 septembre 2008, en ligne.
  • [17]
    Maurice Blondel, L’Action, Paris, Alcan, 1893, introduction, p. xxii.
  • [18]
    René Virgoulay, « L’Action » de Maurice Blondel – 1893. Relecture pour un centenaire, B.A.P., 54, Paris, Beauchesne Éditeur, 1992, p. 9.
  • [19]
    Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Seuil, 1997, p. 33.
  • [20]
    Ibid., p. 456-457.
  • [21]
    Jean-Pierre Cometti, Qu’est-ce que le pragmatisme ?, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2010.
  • [22]
    Bronislaw Malinowski, « The Problem of Meaning in Primitive Languages » (1923), in C. K. Ogden et I. A. Richards, Meaning of Meaning – A Study on the Influence of Language upon Thought and the Science of Symbolism, with supplementary essays by B. Malinowski and F. G. Crookshank, San Diego, Harcourt Brace Jovanovich; nouvelle édition avec une introduction par Umberto Eco, A Harvest/HBJ Book, 1989, p. 296-336.
  • [23]
    Ibid., p. 315 (« Nous avons là sans aucun doute un nouveau type d’usage linguistique – la “communion phatique”, dirais-je, poussé par le démon de l’invention terminologique –, un type de discours dans lequel les liens se créent par simple échange de mots […]. Les mots, dans la “communion phatique”, sont-ils d’abord utilisés pour exprimer un sens, sens qui est symboliquement le leur ? Certainement pas ! Ils remplissent une fonction sociale et c’est là leur vocation principale, mais ils ne résultent pas d’une réflexion intellectuelle, pas plus qu’ils ne suscitent nécessairement la réflexion chez celui qui les écoute »).
  • [24]
    Ibid., p. 316 (« Aussi longtemps qu’il y a des mots à échanger entre soi, la “communion phatique” introduit semblablement le sauvage et le civilisé dans l’atmosphère agréable des interrelations sociales policées »).
  • [25]
    Richard Bauman (with supplementary essays by Barbara A. Babcock, Gary H. Gossen, Roger D. Abrahams and Joel F. Sherzer), Verbal Art as Performance (1977), Prospect Heights (Ill.), Waveland Press, Inc., 1984, p. 4 (« L’emploi du mot “performance” dans les travaux de ces chercheurs a pour fin de communiquer à la fois le sens d’action artistique – le faire, dans le folklore – et l’événement artistique – sa réalité même, incluant le performeur, la forme artistique, le public et les éléments de sa réalisation »).
  • [26]
    John Searle, Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language, Cambridge, Cambridge University Press, 1969.
  • [27]
    Noam Chomsky, Aspects of the Theory of Syntax, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 1969, p. 4 ; voir également p. 10 sq., le paragraphe « Toward a theory of performance ».
  • [28]
    Anthony F. C. Wallace, Religion : An Anthropological View, New York, Random House, 1966, p. 102. Opinion cependant discutable si l’on prend soin de lire le texte en son entier.
  • [29]
    John Stewart, Olivier Gapenne et Ezequiel A. Di Paolo (eds), Enaction : Toward a New Paradigm for Cognitive Science, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 2011 ; Francisco Varela, Evan Thompson et Eleanor Rosch, The Embodied Mind : Cognitive Science and Human Experience, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 1992 (trad. fr., L’Inscription corporelle de l’esprit, Paris, Seuil, 1993) ; Lawrence A. Shapiro, Embodied Cognition, New York, Routledge, 2010.
  • [30]
    Démosthènes Davvetas, « La performance, une philosophie en action », 3 et 10 décembre 2010, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 2010.
  • [31]
    Eugenio Barba, Le Canoë de Papier, op. cit., p. 132. Voir John A. R. Blacking, Joann Keali’inohomoku (eds.), The Performing Arts : Music and Dance, The Hague, Mouton, 1979.
  • [32]
    Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs (2008), Paris, Odile Jacob, coll. « Poches », 2011, p. 10.
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