Communio 2021/1 N° 273

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Article de revue

Paternité de Dieu et initiative divine

Le logos kénotique et l’alliance

Pages 55 à 66

Notes

  • [1]
    « Le Grand Brahma, le Conquérant, l’Inconsidéré, le Tout-Voyant, le Tout-Puissant, le Seigneur Souverain, le Créateur, le Chef, le Normateur et le Souverain, le Père de tous ceux qui ont été et seront », Kevatta (Kevaddha) Sutta : À Kevatta, Digha Nikaya 11 du Canon Pali (traduction française du Pali par Thanissaro Bhikkhu, 1997). Access to insight (BCBS Edition), 2013.
  • [2]
    Saint Justin, Seconde apologie, 6,1, éd. Wartelle, trad. modifiée, Études augustiniennes, 1987, p. 205.
  • [3]
    « Celui qui attribue un commencement à la Parole de Dieu et à la Sagesse de Dieu, ne bafoue-t-il pas davantage encore de façon impie le Père inengendré, en lui refusant d’avoir toujours été père, d’avoir engendré une Parole et eu une Sagesse dans tous les temps et siècles antérieurs, de quelque façon qu’on puisse les nommer ? », Origène, De Principiis, I, 2, 3, Sources Chrétiennes, Cerf, 252, 116-117.
  • [4]
    Voir Apocalypse 16, 14 ; 19, 15 ; 1, 8 ; 4, 8 ; 11, 17 ; 15, 3 ; 16, 7 ; 19, 6 ; 21, 22.
  • [5]
    Par exemple : « Le Dieu Père de l’univers (patròs pántōn) et Seigneur (despótou) », Justin, Apologie en faveur des chrétiens adressée à Antonin, dite Première Apologie, I, 12, 9.
  • [6]
    « Père, parce qu’il est avant tout (tà hóla) ; démiurge et créateur (poiētḗs) parce qu’il a fait de rien toutes choses (tō̂n hólōn) ; Très-Haut, parce qu’il est au-dessus de tout ce qui est », Théophile d’Antioche Ad Autolycum, 1,4, Trois livres à Autolycus, Sources Chrétiennes, Paris, éditions du Cerf, 1948, Vol. 20, 64.
  • [7]
    Ibidem.
  • [8]
    Irénée de Lyon, Adversus haereses, V, 17, i ; traduction française par A. Rousseau, Contre les hérésies, Paris, Cerf, 1991 (3e éd), p.619.
  • [9]
    Voir Clément d’Alexandrie, à propos du Pseudo-Tertullien, Eclogae Propheticae 26, éd. Otto Stählin, Série : Die griechischen christlichen Schriftsteller, t. 17, Leipzig, Hinrich, p.144.
  • [10]
    Terme attesté antérieurement chez Tertullien, Carmen adversus Marcionem, 5,9,5, Patrologie latine, T. 2, 1089 a.
  • [11]
    Voir Saint Augustin, In Johannis evangelium, 106, 5, éd. Willems, Corpus Christianorum, t. 36, p. 611 ss ; Ed. française de M.-F. Berrouard, Homélies sur l’évangile de Jean, Bibliothèque augustinienne T. 75, Institut d’études augustiniennes Paris, 2003, p.90-92.
  • [12]
    Hans Urs von balthasar, Pâques le mystère, Paris, éditions du Cerf 1981. Nous suivons ici plusieurs de ses observations.
  • [13]
    Hilaire de Poitiers, De Trinitate, Livre VIII, 45 ; édition A. Martin : La Trinité, le Fils de Dieu, Paris, DDB 1981, p.158-159.
  • [14]
    Origène, In Johannem I,32, Patrologie Grecque, XIV 85D.
  • [15]
    Thomas d’Aquin, Summa theologiae, IIIa, 9. 14, a 1.
  • [16]
    Gottfried Thomasius, Christi Person und werk, T. II, 1857. Cité dans Paul Henry art. « Kénose » Dictionnaire de la Bible, Supplément, sous la direction de L. Pirot et de A. Robert, Paris, Letouzey, tome 5, 1957, p.139.
  • [17]
    Wolfgang Friedrich Gess, Die Lehre von der Person Christi (1856), cité par P. Henry, Ibid. p.140.
  • [18]
    Voir par exemple Dorothée Sölle, Politische theologie, Kreuz-Verlag, Stuttgart, Berlin, 1971.
  • [19]
    Serge Boulgakov, Du Verbe incarné (1933), Paris, Aubier, 1946, p.281.
  • [20]
    Id. p.306
  • [21]
    Grégoire de Nysse, De tridui inter mortem et resurrectionem domini nostri Jesu, in Le Christ pascal, Paris, Migne, 1994, p.51. Voir à cet égard le commentaire de Jean Danielou, Grégoire de Nysse et son milieu, Cours polycopié (non daté) Institut catholique de Paris, p.141-156.
  • [22]
    Id. p. 49-50
  • [23]
    Grégoire de Nysse, Contre Eu-nome, tome II, Sources chrétiennes, Cerf, 2010, p. 125-126.
  • [24]
    Saint Augustin, Confessions, XI, 13 ; La Genèse au sens littéral, IV,12.
  • [25]
    Id, Confessions, X-XI, 1
  • [26]
    Søren Kierkegaard, « Le Concept d’angoisse », Œuvres complètes, Vol VII, Paris, L’Orante, 1973, p. 188.
  • [27]
    Franz Rosenzweig, L’étoile de la rédemption Traduction française par A. Derczanski et J.-L. Schlegel, Paris, Seuil, 1982, p.190.
  • [28]
    Id, p. 192.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    Id. p. 132
  • [31]
    « La théorie catholique de la création […] a une certaine tendance à rationaliser. Quand, ce faisant, elle se réfère à Aristote, cela n’est pas seulement faux mais avant tout surérogatoire », Martin Heidegger, « Exercice de lecture », Texte inédit, tiré d’un résumé des Protocoles du semestre d’hiver 1950-51, traduction française par J. Beaufret in Heidegger et la question de Dieu, Paris, Grasset, 1980, p.333.
  • [32]
    Martin Heidegger, Beiträge zur Philosophie Vom Ereignis, (1936-38) ; traduction française par Fr. Fédier : Apports à la philosophie. De l’avenance, Paris, Gallimard, 2013.
    C’est au titre d’une pensée de l’événement inspirée par le second Heidegger que J.-L. Nancy a estimé devoir instruire un refus théorique de la Création biblique. Son motif : l’alternative radicale des termes « ex nihilo » et « Dieu ». Comprenons : ou bien il s’agit du Dieu qui crée, alors le monde ne surgit pas de « rien » ; ou bien il s’agit effectivement d’un monde ex nihilo, alors c’est l’athéisme qui s’impose. Afin d’être pleinement honorée comme événement du monde, la Création impliquerait ainsi sa dé-théologisation. L’argument a séduit. Il néglige cependant cette donnée essentielle ; (a) dans la tradition de l’ex nihilo, il est une séquence précisément codée qui permet à saint Augustin, son premier grand théoricien, de récuser, à propos du monde, l’idée d’ « engendrement » – voir la Cité de Dieu. En sollicitant le lexique de l’initium de l’incipere (entreprendre), il insiste sur le caractère de nouveauté radicale de la Création inscrite dans le dessein éternel de Dieu. La notion d’ex nihilo renvoie en effet à celle d’une différenciation : logique kénotique du don paternel, d’où s’entend, en alliance, la création même du temps.
  • [33]
    Nous nous permettons de renvoyer à ce sujet au tome i de notre Principe alliance : Phénoménologie de l’alliance, Paris, Hermann, 2021, § 2.
  • [34]
    Voir Genèse 49,8ss.
  • [35]
    Emmanuel Levinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, La Haye / Boston / Londres, M. Nijhoff, éd. 1980, p.30.
  • [36]
    Traduction TOB. Autre traduction possible : « … que c’est moi qui dis : “me voici” » (Bible de Jérusalem).
Nous croyons en Dieu le Père qui a puissance sur le tout (eis héna theòn patéra pantokrátora), qui a fait le ciel et la terre, le tout visible et invisible.
Symbole de Nicée-Constantinople

1Lidée de paternité divine trouve dans la tradition chrétienne une figure inédite d’accomplissement. Si elle s’articule, dans les deux « Symboles de la foi » – des Apôtres et de Nicée-Constantinople –, à celles de « toute-puissance » et de création », elle en bouleverse les significations antérieurement formées, ouvrant à une intelligence inouïe du mystère divin.

2Son concept se trouve en effet attesté au sein de plusieurs religions anciennes du Proche-Orient ou de l’Extrême-Orient tel le Bouddhisme [1]. Dans le Timée de Platon, en résonance avec les traditions religieuses de la Grèce, la paternité divine est associée à l’idée de « fabricant », d’auteur de l’univers : « « Auteur et père du tout » (poiētḕn kaì patéra toûde toû pantós) (28c) ; « Artisan-démiurge, père des œuvres » (dēmiourgòs patḗr te érgōn (41a).

3Présente dans l’Ancien Testament avec ses 14 occurrences, de façon moindre dans les Écrits de Qumran (voir notamment l’hymne IX, 29-36), consolidée dans la pensée rabbinique en raison de l’influence chrétienne naissante, la figure de Dieu-Père se décline dans le Nouveau Testament à proportion de ses 241 occurrences, dont plus de la moitié dans les écrits johanniques. Cette dernière donnée quantitative saisissante n’est cependant que l’indicateur d’une prise de position théologique fondatrice à laquelle le destin du christianisme est entièrement lié.

1. « Sur le tout, la puissance du Père ». Pater Pantokrátôr

Dieu le Père engendre et crée.

4Dès le iie siècle, Justin, premier philosophe converti au christianisme, s’en fait précocement l’écho en réunissant dans l’idée de paternité divine les deux thèmes de la génération et de la création :

5

Le Père du tout (pántōn patrí), qui est inengendré (agennḗtōn) n’a pas de nom qui lui soit imposé, car recevoir un nom suppose quelqu’un de plus ancien qui donne ce nom. Ces mots : Père (patḗr), Dieu (theós), Créateur/Constructeur (Ktístēs), Seigneur (Kúrios), Maître (Despótēs) ne sont pas des noms mais des désignations tirées de ses bienfaits (eupoiṓn) et de ses œuvres (érgōn). Quant au Fils, le seul qui soit proprement appelé “Fils”, le Verbe existant avec lui et engendré par lui avant les créatures, quand au commencement, il créa et ordonna par lui l’univers [2].

6Ainsi que le formalisera conséquemment Origène [3], la paternité de Dieu n’est pas un accident ou une simple modalité de sa toute-puissance initiatrice, elle la précède et l’irradie de son énergie propre. Non plus, elle ne saurait être seulement tenue pour l’expression de sa relation aux créatures : le Père est celui du Fils engendré non pas créé (gennēthénta, ou poiēthénta ; genitum, non factum). Aussi n’est-ce point la Création qui « fait » la paternité de Dieu, mais l’inverse : la paternité de Dieu « fait » la Création en vertu d’une initiative qui lui est propre.

7Elle ne pouvait donc être en christianisme une simple convenance lexicale optionnelle ; elle désigne ce qui ne convient qu’à l’Éternel, dans une exclusivité que le Fils a révélée : « N’appelez personne votre Père sur la terre car vous n’en avez qu’un, le Père céleste » (Matthieu 23, 9). Non moins cependant devenait-elle une paternité partagée avec les disciples : « Quand vous priez, dites : Père » (Luc 11,2), « Notre Père » (Matthieu 6,9). Dieu est appelé Père non seulement par son Fils unique (monogenē̂, le monogène, unigénitum) mais aussi, fraternellement, par les disciples. La Paternité éternelle de l’engendrement a été révélée dans la médiation du Christ (« par qui tout a été fait » per quem ómnia facta sunt) à même la Paternité créatrice et toute puissante.

8Assurément l’expression « Dieu tout-puissant » (Theòs pantokrátōr) est-elle la plus fréquemment utilisée dans la période patristique d’avant le ive siècle, précédant le Concile de Nicée. Mais l’association de la titulature paternelle dont elle deviendra l’objet dans les Symboles de la foi, relève d’un double rapport, d’une part - de façon essentielle - au Nouveau testament et aux formules baptismales trinitaires, d’autre part au legs sémantique du grec « Pantokrátôr ».

9Ce vocable est de fait déjà présent dans nombre de récits de la mythologie grecque, y désignant notamment Jupiter comme « Souverain du monde ». Il avait été mobilisé dans la Septante pour rendre plusieurs désignations bibliques, tels « El Shaddaï » tirée du livre de la Genèse 17,1 ; 35,11 (traduit hypothétiquement par « Dieu montagnard » ou « Dieu protecteur », voire « le Très-haut »), ou encore « Yahvé sabbaôth » tiré des livres prophétiques (indûment traduit par « Dieu des armées »). Moyennant quoi, il entraînait une possible inflexion du sens biblique, en faveur d’un Dieu « Maître du monde ». C’est naturellement, en quelque sorte, que le Pantokrátôr, dans la formulation des deux Credo, fut associé par les premiers auteurs chrétiens, à l’acte paternel de la Création du monde. Il convenait en effet de déclarer le Dieu du salut non pas seulement comme père d’un groupe particulier mais comme initiateur de l’universel - ce dont le livre de l’Apocalypse fournit plusieurs attestations [4]. On retrouve significativement cette connexion « Toute-puissance - Création », chez Clément de Rome (ier siècle) dans son Épître aux Corinthiens, chez Justin dans sa Première Apologie[5], ainsi que dans l’Ad Autolycum de Théophile d’Antioche (iie siècle [6]). La formulation de celui-ci est particulièrement éloquente : « Tout-Puissant (pantokrátōr) parce que lui-même tient tout et embrasse tout [7] ». En introduisant ici les deux verbes « krateî » (tient) puis « emperiékhei » (renferme, embrasse), Théophile décline le « Pantokrátōr » non point comme le souverain dominateur mais comme celui qui tout uniment subvient et enveloppe, accompagne activement et protège pleinement. En établissant le lien entre Création et amour, Irénée en donnera la clef principale : « Celui-ci est le Créateur : selon son amour, il est notre Père ; selon sa puissance, il est notre Seigneur ; selon sa sagesse, il est celui qui nous a faits et modelés [8] ».

10La traduction latine de « pantokratôr » par « omnipotens » a résulté d’un choix certes marqué par des versions anciennes, empreintes de la mythologie grecque, qualifiant de « maître de l’univers » chaque divinité romaine. Toutefois, le périmètre sémantique latin de « potens/ posse » débordait celui du grec « kratôr/kratein » en direction du possible, surpassant alors celui de domination. Que Dieu « omnipotens » soit désormais compris comme capable de tout, i.e. comme maître du possible et de l’impossible, cela renvoyait pourtant davantage au vocable « pantodynamos » - dont l’usage se trouve attesté dans les livres grecs tardifs de l’Ancien testament (voire notamment le Livre de la Sagesse 7,23) ainsi que dans la littérature chrétienne du iie siècle [9]. Cependant, la distinction instruite par saint Augustin, entre « omnipotens » et « omnitenens [10] » (celui qui tient, conserve tout) – ce dernier étant à ses yeux plus conforme au « pantokratôr [11] » –, n’empêchera guère le succès du premier dans toute la patristique latine.

11Mais une autre trajectoire spéculative, inspirée par le schème kénotique venait heurter la conception grecque qui solidarisait la toute-puissance divine et son immutabilité. La nouveauté portée par le Père créateur se redoublait de la nouveauté portée et révélée par la kénose du Fils rédempteur.

2. Initiative et kénose

La nouveauté kénotique de Dieu bouleverse l’idée même de nouveauté.

12Comme le faisait observer Hans Urs von Balthasar, l’une des difficultés théoriques majeures que les Pères de l’Eglise ont dû affronter concernait l’articulation entre la nouveauté de l’Incarnation et l’idée gréco-antique du « Dieu immuable [12] ». Une première réception de la question s’est focalisée sur l’idée d’humiliation délibérée : pour Athanase d’Alexandrie, mais aussi pour saint Augustin, Dieu, en s’incar-nant, n’a pas connu un accroissement de son être mais, prenant la forme d’esclave, il s’est abaissé : l’événement d’Incarnation comme geste kénotique.

13Cette affirmation pouvait-elle se concilier celle de l’immutabilité de Dieu ? La réponse d’Hilaire de Poitiers fut lumineuse : « Celui qui porte la marque de la forme de Dieu, doit nécessairement porter en lui l’image entière de la divinité. C’est la raison pour laquelle l’Apôtre nous présente celui que Dieu a marqué de son sceau comme demeurant dans la forme de Dieu [13] ». Dit autrement, tout de Dieu se produit en vertu de la liberté souveraine de Dieu. Dieu est tellement Dieu qu’il peut, en vertu de sa seule initiative, renoncer à tous ses attributs. Ainsi était préservé le concept d’immutabilité alors même qu’était pleinement honorée la nouveauté de l’Incarnation.

14Dieu a donc pris une initiative à l’égard des humains dont la clef n’est pas la souveraineté abstraite mais la bonté intrinsèque que traduit la kénose. Origène écrivait ainsi :

15

On doit oser dire que la bonté du Christ apparaît plus grande et plus divine et vraiment à l’image du Père, quand il s’humilie dans l’obéissance jusqu’à la mort […] ; elle apparaît mieux de cette façon que s’il avait tenu pour un bien inaliénable son égalité avec Dieu et s’il s’était refusé à devenir esclave pour le salut du monde [14].

16Thomas d’Aquin prolongera ; les données de l’Écriture lui apparaissent à cet égard sans équivoque par son insistance sur le lien entre la libre décision du Christ et sa condition d’humble serviteur [15].

17Ces quelques références suffisent à en attester la longue mémoire théorique : la tradition ecclésiale n’a pas cantonné la kénose à la seule humanité de Jésus mais l’a placée dans l’acte divin qui l’envoie en mission. Le premier risque était toutefois de faire de la kénose un moment inscrit dans la logique des nécessités divines. Ainsi les kénoticiens du xixe siècle, G. Thomasius (1802-1875) et W. F. Gess (1819-1891), qui ont pris en charge cette question sous influence hégélienne, ont porté le refus de l’immutabilité divine à sa plus extrême conséquence métaphysique. Certes, pour Thomasius, le Fils a kénotiquement abandonné les attributs relatifs à la Trinité économique – toute puissance, omniscience, omniprésence – mais a gardé les attributs absolus de la Trinité immanente – vérité, sainteté, amour – et ainsi conservé sa nature divine [16]. Mais Gess, en contestant l’affirmation chalcédonienne de la double essence de Jésus, disqualifiant ainsi la distinction entre attributs relatifs et attributs absolus en Dieu, a destitué le Logos divin de toutes les propriétés de Dieu jusqu’à sa conscience divine - le Verbe ne retrouvant celle-ci que progressivement, en prenant conscience de soi comme homme [17].

18Les théologiens dits de la « Mort de Dieu » en ont renforcé le pli : Dieu en Jésus-Christ n’existe plus comme « transcendant » : se vidant de sa Seigneurie, Dieu n’a plus à être pensé comme Dieu : telle serait la kénose de Dieu. Comprenons : sa nouveauté kénotique culmine dans sa disparition [18] !

19Mais en rivant l’initiative divine de la Création au geste kénotique, c’est une alternative radicale qu’aura constituée à cet égard la thèse du théologien orthodoxe Boulgakov (1871-1944) : Dieu assume de toute éternité la responsabilité du succès de la Création et, en prévision du péché, assume éternellement la Croix – « La Croix du Christ est inscrite dans le monde depuis sa Création [19] ». Boulgakov opérait ce redressement théologique en déployant la dimension principiellement trinitaire de Dieu ; le Père, le Fils et l’Esprit sont engagés en plénitude dans le geste kénotique : le Père en tant qu’il envoie son Fils et le livre, le Fils qui se sacrifie, l’Esprit-Saint en tant qu’il est la force inspiratrice du devenir du monde. Que le monde créé ne parvienne point, dans le processus de son devenir, à recueillir la plénitude du Fils envoyé du Père, faisait signe vers l’humble puissance divine qui conditionne la kénose de l’Esprit [20].

3. Création et événement

Le logos kénotique accomplit l’histoire de la Création.

20Dès la première patristique, l’idée de Création fut entendue à la fois comme événement de la Création originelle ex nihilo (en référence à 2 Maccabées 7, 28) et comme événement dans la Création, ce en vertu d’une intimité ontologique que donne à entendre la mission du Fils.

21En effet, comme le soutient résolument Grégoire de Nysse, c’est le Christ qui inaugure la « nouvelle Création » : le cosmos devient, par l’incarnation rédemptrice, christocentrique. Venu de Dieu, Dieu lui-même fait homme, il est, en tant que rédempteur, au cœur de l’articulation entre Création et re-Création, là où l’homme se présente enfin à l’image de son Créateur : « En ce jour est créé aussi le véritable homme, celui qui est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Tu vois quel monde ce jour inaugure, ce ’jour que fit le Seigneur’ et dont le Prophète dit qu’il n’est ni un jour semblable aux autres jours, ni une nuit pareille aux autres nuits [21] ». L’événement de re-Création qui intervient à même la Création, n’est donc pas seulement inscrit dans la suite événementielle de celle-ci, il en est, en vertu de la Résurrection, la clef eschatologique. C’est pourquoi la nouvelle Création n’est ni totalement intelligible ni immédiatement abordable par le sujet humain rivé à sa condition pécheresse.

22Pourtant, sur cet horizon eschatologique qui surpasse l’Histoire sans l’annihiler, l’Église fait davantage que diffuser le message christique, elle est, selon Grégoire, investie de la figure eschatologique de la re-Création à la manière dont elle porte la naissance de l’homme nouveau, un nouveau-né : « Ce nouveau-né est conçu par la foi ; la régénération due au baptême le conduit à la lumière ; l’Église est sa Mère, les enseignements sont le sein, le pain d’en-haut sa nourriture ; il mûrit dans la vie céleste, se marie et vit avec la sagesse [22] ».

23On en comprend l’audace que nombre de données factuelles, d’hier et d’aujourd’hui, contrarieraient aisément : pour Grégoire, c’est par la médiation ecclésiale inscrite dans la médiation christique de la Re-création, que Dieu « soutient » (perikrateî) et « conserve » (suntēreî) la création dans l’être, parce qu’il « relie » (sunékhei) le tout [23]. Toute demande de réforme de/dans l’Église (semper reformanda) peut-elle s’exonérer de ce trait fondamental ? Saint Augustin lui-même a décliné l’événement dans la Création, par les deux notions solidaires de « omnicreans » – qui traduit l’actualisation de la Création originelle du monde – et de l’ « omnitenens » – au sens relevé plus haut, de « soutien du tout [24] ». Le monde créé n’est certes pas assigné à une programmatique totalisante ; mais pas davantage à la liberté des seules improvisations ; il est investi d’une initiative qui, paradoxalement, ménage la distance de la créativité eschatologique divino-humaine.

24Ainsi peut être thématisé théologiquement, après le « moment » eschatologique du Christ, le statut de l’événement dans la Création, i.e. de la finitude historique et de ses potentialités. Par sa distinction fondamentale entre « distentio », « intentio » et « aversio », saint Augustin a homologué solidairement trois figures temporelles dans la Création ; comme temps discontinué (« temps » signifie « sécable »), comme visée résolue du Royaume de Dieu, et comme poids continu de la condition de pécheur [25]. Selon un autre lexique, contre-distinguant l’esthète et l’éthicien du « religieux », Kierkegaard a conféré aux concepts d’ « instant » et de « reprise » (mal rendu par « répétition ») une densité inouïe, à savoir la présence de l’éternel immémorial dans l’événement de la Création temporelle. L’instant en tant que reprise est « le concept de temporalité par où le temps interrompt constamment l’éternité et où l’éternité pénètre sans cesse le temps [26] » ; il est alors anticipation, il est marqué du sceau eschatologique.

25Il conviendrait à ce stade – ce que le cadre de cette étude ne permet pas – d’interroger les concepts scientifiques formés dans l’ordre cosmologique et biologique, tels ceux d’ « émergence » et d’ « évolution », dès lors que l’événement se décline comme initium. Portons seulement une double attention à la logique de revendication transhumaniste aussi bien qu’à celle des « Gender studies » ou des déterminations bioéthiques qui brouillent en ces lieux les repères séculaires. Leur projet commun est ordonné sur un temps sans origine, sur une liberté initiatrice qui ne fait de contrat qu’avec le futur. Tel est le point. Le théologien rejoint ici le métaphysicien qui demande : quel est le statut d’une temporalité progressive où la puissance inspirante de l’héritage immémorial est reléguée ? Le transhumaniste, tout comme le théoricien du « Genre » ne congédient certes jamais entièrement le biologique, mais le tiennent pour un simple puits, une réserve où l’on « absorbe », sans rapport actif à l’antériorité mystérieuse, créatrice du possible.

4. L’événement de la Révélation

La Création est une révélation que met en lumière la Révélation de ce « Nom au-dessus de tout nom » par qui tout a été fait.

26Dans L’étoile de la Rédemption, Franz Rosenzweig consacre tout un « Livre » à l’idée de Révélation comme alternative à l’idée de « totalité » hégélienne. Tel est le défi métaphysique assumé comme tel : comment ce qui se révèle, devenant manifeste, littéralement un phénomène, peut-il demeurer caché ? Réponse : « La Création n’est pas seulement Création du monde, c’est un événement qui se passe en lui-même en tant qu’il est caché [27] ».

27Comprenons : la Création comme telle toujours déjà révèle ; mais cette révélation-là en appelle d’emblée une autre, afin que, contre la dilution de Dieu dans l’immanence du monde, se dise la facticité irréductible de la Révélation : « Pour recouvrer la ’facticité’ de Dieu qui risquait de se perdre dans sa nature cachée, il ne faut pas en rester à sa première révélation dans une infinité d’actes créateurs ; là, Dieu menaçait de se perdre de nouveau derrière l’infinité de sa Création et, du fait même, de redevenir caché [28] ». Dieu, en créant, se manifestait mais il manifestait la relation mystérieusement cachée à sa puissance créatrice : « De la nuit de son obscurité, autre chose doit émerger que sa simple puissance créatrice, que quelque chose qui maintienne dans une visibilité la vaste infinité des actes créateurs de sa puissance ». Une autre Révélation est donc exigée pour que, d’une part, la Création puisse se révéler selon son mode propre de révélation et que, d’autre part, la Révélation puisse se révéler en tant que telle : « Aussi la première Révélation, celle de la Création, réclame-t-elle l’irruption d’une « ’seconde’ Révélation, d’une Révélation qui ne soit rien que Révélation, d’une Révélation au sens plus strict du mot, ou plutôt : au sens le plus strict du mot [29] ».

28L’enjeu est double : (a) assurer l’événementialité propre de la Révélation afin que soit préservée l’accessibilité à l’originaire de l’événementialité de la Création ; (b) en réciproque : préserver le phénomène de Révélation attestée par la Création pour que soit évitée toute dilution de la Révélation dans la magie et redonnée sa portée au « miracle authentique [30] ».

29C’est contre Hegel que Rosenzweig a voulu redonner une dignité métaphysique aussi bien à la Création qu’à l’idée de Révélation, toutes deux menacées par leur confusion. Mais c’est contre l’idée de Création que le « second Heidegger » a développé sa pensée de l’événement. À ses yeux, que Dieu soit créateur du ciel et de la terre, n’était pas à proprement parler une « Révélation » de Dieu, mais une explication des étants ; autrement dit, la théologie serait restée prisonnière du schème grec de la production [31]. Non sans lointaine influence luthérienne, il aura ainsi refoulé l’idée que la Création puisse relever de l’authentique événementialité de l’ « Ereignis » i.e. à la fois comme surgissement, déploiement, survenance, avenance [32]. Mais Heidegger a voulu ignorer le surcroît de foisonnement, réel et possible, d’impliqué dans l’idée de Création divine, paternelle, christique et spirituelle. … Une création, dont le triple caractère inaugural, décisionnel et eschatologique l’éloigne tant de l’idée grecque de production que du concept néoplatonicien d’émanation. L’enjeu : l’irréductibilité de la paternité créatrice qui, par amour, crée un autre que soi, capable d’acquiescer et pro-créer, mais aussi de nier et détruire.

30Toutefois, l’irréductibilité de la Création reste encore indéterminée tant que la distinction entre la cosmologie et l’anthropologie n’est pas intégrée dans son concept. En effet, la Création est celle d’un monde et, de façon non moins irréductible, celle du sujet humain. Or, seule la créature humaine est dite bibliquement à l’image et la ressemblance du Créateur, non pas seulement conçue comme un « vivant miroir de l’univers » (Leibniz). C’est pourquoi l’événementialité de la Création se dédouble : mondaine et humaine - le monde offert à l’humain et l’humain invité à le nommer (Genèse 2,19ss). Son intelligibilité requiert ainsi la mise en mémoire de l’ « alliance ».

5. Création et alliance

Le logos kénotique est au cœur du mystère de l’alliance.

31Nous en venons à l’élément ultime dans lequel est révélé et reçu le mystère de la paternité initiatrice de Dieu. L’alliance, en effet, est la donnée principielle et du judaïsme et du christianisme. Elle ne forme pas seulement un thème biblique ou le simple fil conducteur d’événements canoniquement privilégiés. Elle traduit la relation fondatrice entre Dieu et son peuple, mais aussi l’appel kénotique du Père maintes fois réitéré et définitivement scellé en Jésus le Messie.

32Le thème de l’alliance est certes présent et largement sollicité dans le Proche-Orient ancien dès le iiie millénaire avant JC, en tant que phénomène politico-diplomatique [33] ; elle exprime alors la modalité de règlement des relations entre groupes humains, peuples, pays, royaumes, souverains ou vassaux : rapports d’égalité ou de domination, institués et parfois ritualisés, toujours garantis par des divinités-témoins. Or, la reprise de l’alliance dans le monde hébraïque fut non point d’abord ni essentiellement politique mais centralement « théologique » : Dieu n’est plus le simple témoin des alliances humaines, il en est l’initiateur, le partenaire, l’acteur. Il est exact que les premiers écrits des Hébreux conçoivent leur union avec Dieu sans recourir à la notion de « berith », à travers des bénédictions patriarcales, des rites nationaux (des lévites et des aaronides) et à l’élection d’une dynastie. La première alliance « berith » est abrahamique ; dans la Torah, elle se formule d’abord par l’élection d’un roi de Juda [34], héritier des promesses divines faites à Abraham, ensuite dans l’accord selon lequel, par la médiation de Moïse, le peuple s’engage à observer les commandements divins. C’est dans le Livre du Deutéronome que l’alliance-berith est présentée comme un don gratuit fait à son peuple ainsi élu.

33Ainsi, la mise en jeu biblique de l’alliance est foncièrement duelle, traduisant l’initiative divine qui comme telle se dédouble. Elle résulte d’abord de ce que Dieu, dans la libre souveraineté de son amour abondant, décide d’instaurer. Aussi trouve-t-on principalement dans Genèse 6, 18 ; 9,9.11.17 ; 17,7.19.21 (de façon moindre dans Exode) la formule de l’hébreu : « heqim berith » qui signifie « établir une alliance ». Cette ’première’ alliance initie un nouveau monde, crée une nouvelle terre. Mais, dans les textes deutéronomistes, une autre formule : « « karat berith » qui se traduit par « conclure une alliance » exprime une autre écriture de l’alliance, résultant de ce que Dieu et le peuple décident en signatures distinctes. Cette ’seconde’ alliance initie une nouvelle création, expression ultime de la kénose divine mais, ce faisant, elle déplie le caractère principiellement kénotique de l’établissement divin de l’alliance. De là seulement peuvent s’entendre ces mots sagement provocateurs de Levinas : « C’est certainement une grande gloire pour le créateur que d’avoir mis sur pied un être capable d’athéisme, un être qui, sans avoir été causa sui, a le regard et la parole indépendants et est chez soi [35] ». Liberté native du sujet qui résiste à toute annexion et s’instaure selon l’originaire mystérieux du don parfait de l’alliance.

34Alliance noachique de l’ordre cosmique, alliance abrahamique de l’ordre croyant, alliance mosaïque de l’ordre normatif et alliance christique du salut universel dans la mort/résurrection : alliance « nouvelle et éternelle ». L’alliance divine est ainsi constitutive des ensembles cosmique et humain où Dieu, deux fois, révèle et se révèle : et dans la Création et dans le procès de Révélation rédemptrice du Nom au-dessus de tout nom (Philippiens 2, 9). Loin de référer à une détermination régionale, décorative ou simplement métaphorique de l’Église, l’alliance lui est consubstantielle, liée à sa naissance, à son existence, à sa propre initiative.

35Conséquence. Le Nom de « Dieu » tel que le christianisme le décline ne s’exonère jamais de ce que la paternité initiatrice ainsi révèle : elle offre à celui qu’elle engendre ou crée de quoi se mettre à distance de qui il (se) reçoit, ouvrant, par surcroît, à la reconnaissance d’un don plus grand encore. C’est donc bien en vertu de son statut d’indépendant que le sujet créé est, avant toute réponse explicite, un « répondant ».

36Explication. On ne s’étonne guère de ce que le Dieu « créant » et « appelant » soit la condition effective du « Me voici » (Hi Neni), l’accusatif de la réponse humaine, ce à mille lieues du «Je viens » fièrement assertif. Mais en tant que « répondant », il honore l’image de son Créateur, lequel toujours déjà répond autant qu’il appelle. Voici donc le grand mystère de l’alliance kénotique dont le texte biblique fournit l’indice. Dans Esaïe 52, 6, on lit en effet : « Dès lors, dit Dieu, mon peuple va savoir quel est mon Nom ; dès lors, de ce jour, il va savoir que je suis celui-là même qui affirme : ’Me voici’ (Hi Neni[36]) ». Traumatisme par excellence : le Nom de Dieu est riche non seulement du «Je suis » (Exode 3,14 ; Jean, 8,58), mais aussi, en tension harmonieuse avec elle, du « Me voici » de sa réponse éternelle. Pauvre sujet humain, je réponds au tout-autre divin qui me répond en se signant sur la Croix de son altération éternellement aimante. Telle est, par la kénose du Père, du Fils et de l’Esprit - le logos kénotique, la révélation inouïe de l’alliance créatrice et rédemptrice.

37Après la Pentecôte, ce traumatisme s’accentue : « L’Esprit saint et nous-mêmes avons en effet décidé », écrivent audacieusement les Apôtres et les Anciens (Actes 15, 28). L’alliance de la décision divino-humaine forme ainsi la structure fondamentale de la mission apostolique, d’une mission kénotiquement confiée dans l’Esprit et, à ce compte, co-initiatrice du temps de l’Esprit vivifiant : « Celui qui croit en moi fera les mêmes œuvres (érga) que moi ; il en fera même de plus grandes (meízona) » (Jean 14, 12).


Date de mise en ligne : 01/02/2021

https://doi.org/10.3917/commun.273.0055

Notes

  • [1]
    « Le Grand Brahma, le Conquérant, l’Inconsidéré, le Tout-Voyant, le Tout-Puissant, le Seigneur Souverain, le Créateur, le Chef, le Normateur et le Souverain, le Père de tous ceux qui ont été et seront », Kevatta (Kevaddha) Sutta : À Kevatta, Digha Nikaya 11 du Canon Pali (traduction française du Pali par Thanissaro Bhikkhu, 1997). Access to insight (BCBS Edition), 2013.
  • [2]
    Saint Justin, Seconde apologie, 6,1, éd. Wartelle, trad. modifiée, Études augustiniennes, 1987, p. 205.
  • [3]
    « Celui qui attribue un commencement à la Parole de Dieu et à la Sagesse de Dieu, ne bafoue-t-il pas davantage encore de façon impie le Père inengendré, en lui refusant d’avoir toujours été père, d’avoir engendré une Parole et eu une Sagesse dans tous les temps et siècles antérieurs, de quelque façon qu’on puisse les nommer ? », Origène, De Principiis, I, 2, 3, Sources Chrétiennes, Cerf, 252, 116-117.
  • [4]
    Voir Apocalypse 16, 14 ; 19, 15 ; 1, 8 ; 4, 8 ; 11, 17 ; 15, 3 ; 16, 7 ; 19, 6 ; 21, 22.
  • [5]
    Par exemple : « Le Dieu Père de l’univers (patròs pántōn) et Seigneur (despótou) », Justin, Apologie en faveur des chrétiens adressée à Antonin, dite Première Apologie, I, 12, 9.
  • [6]
    « Père, parce qu’il est avant tout (tà hóla) ; démiurge et créateur (poiētḗs) parce qu’il a fait de rien toutes choses (tō̂n hólōn) ; Très-Haut, parce qu’il est au-dessus de tout ce qui est », Théophile d’Antioche Ad Autolycum, 1,4, Trois livres à Autolycus, Sources Chrétiennes, Paris, éditions du Cerf, 1948, Vol. 20, 64.
  • [7]
    Ibidem.
  • [8]
    Irénée de Lyon, Adversus haereses, V, 17, i ; traduction française par A. Rousseau, Contre les hérésies, Paris, Cerf, 1991 (3e éd), p.619.
  • [9]
    Voir Clément d’Alexandrie, à propos du Pseudo-Tertullien, Eclogae Propheticae 26, éd. Otto Stählin, Série : Die griechischen christlichen Schriftsteller, t. 17, Leipzig, Hinrich, p.144.
  • [10]
    Terme attesté antérieurement chez Tertullien, Carmen adversus Marcionem, 5,9,5, Patrologie latine, T. 2, 1089 a.
  • [11]
    Voir Saint Augustin, In Johannis evangelium, 106, 5, éd. Willems, Corpus Christianorum, t. 36, p. 611 ss ; Ed. française de M.-F. Berrouard, Homélies sur l’évangile de Jean, Bibliothèque augustinienne T. 75, Institut d’études augustiniennes Paris, 2003, p.90-92.
  • [12]
    Hans Urs von balthasar, Pâques le mystère, Paris, éditions du Cerf 1981. Nous suivons ici plusieurs de ses observations.
  • [13]
    Hilaire de Poitiers, De Trinitate, Livre VIII, 45 ; édition A. Martin : La Trinité, le Fils de Dieu, Paris, DDB 1981, p.158-159.
  • [14]
    Origène, In Johannem I,32, Patrologie Grecque, XIV 85D.
  • [15]
    Thomas d’Aquin, Summa theologiae, IIIa, 9. 14, a 1.
  • [16]
    Gottfried Thomasius, Christi Person und werk, T. II, 1857. Cité dans Paul Henry art. « Kénose » Dictionnaire de la Bible, Supplément, sous la direction de L. Pirot et de A. Robert, Paris, Letouzey, tome 5, 1957, p.139.
  • [17]
    Wolfgang Friedrich Gess, Die Lehre von der Person Christi (1856), cité par P. Henry, Ibid. p.140.
  • [18]
    Voir par exemple Dorothée Sölle, Politische theologie, Kreuz-Verlag, Stuttgart, Berlin, 1971.
  • [19]
    Serge Boulgakov, Du Verbe incarné (1933), Paris, Aubier, 1946, p.281.
  • [20]
    Id. p.306
  • [21]
    Grégoire de Nysse, De tridui inter mortem et resurrectionem domini nostri Jesu, in Le Christ pascal, Paris, Migne, 1994, p.51. Voir à cet égard le commentaire de Jean Danielou, Grégoire de Nysse et son milieu, Cours polycopié (non daté) Institut catholique de Paris, p.141-156.
  • [22]
    Id. p. 49-50
  • [23]
    Grégoire de Nysse, Contre Eu-nome, tome II, Sources chrétiennes, Cerf, 2010, p. 125-126.
  • [24]
    Saint Augustin, Confessions, XI, 13 ; La Genèse au sens littéral, IV,12.
  • [25]
    Id, Confessions, X-XI, 1
  • [26]
    Søren Kierkegaard, « Le Concept d’angoisse », Œuvres complètes, Vol VII, Paris, L’Orante, 1973, p. 188.
  • [27]
    Franz Rosenzweig, L’étoile de la rédemption Traduction française par A. Derczanski et J.-L. Schlegel, Paris, Seuil, 1982, p.190.
  • [28]
    Id, p. 192.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    Id. p. 132
  • [31]
    « La théorie catholique de la création […] a une certaine tendance à rationaliser. Quand, ce faisant, elle se réfère à Aristote, cela n’est pas seulement faux mais avant tout surérogatoire », Martin Heidegger, « Exercice de lecture », Texte inédit, tiré d’un résumé des Protocoles du semestre d’hiver 1950-51, traduction française par J. Beaufret in Heidegger et la question de Dieu, Paris, Grasset, 1980, p.333.
  • [32]
    Martin Heidegger, Beiträge zur Philosophie Vom Ereignis, (1936-38) ; traduction française par Fr. Fédier : Apports à la philosophie. De l’avenance, Paris, Gallimard, 2013.
    C’est au titre d’une pensée de l’événement inspirée par le second Heidegger que J.-L. Nancy a estimé devoir instruire un refus théorique de la Création biblique. Son motif : l’alternative radicale des termes « ex nihilo » et « Dieu ». Comprenons : ou bien il s’agit du Dieu qui crée, alors le monde ne surgit pas de « rien » ; ou bien il s’agit effectivement d’un monde ex nihilo, alors c’est l’athéisme qui s’impose. Afin d’être pleinement honorée comme événement du monde, la Création impliquerait ainsi sa dé-théologisation. L’argument a séduit. Il néglige cependant cette donnée essentielle ; (a) dans la tradition de l’ex nihilo, il est une séquence précisément codée qui permet à saint Augustin, son premier grand théoricien, de récuser, à propos du monde, l’idée d’ « engendrement » – voir la Cité de Dieu. En sollicitant le lexique de l’initium de l’incipere (entreprendre), il insiste sur le caractère de nouveauté radicale de la Création inscrite dans le dessein éternel de Dieu. La notion d’ex nihilo renvoie en effet à celle d’une différenciation : logique kénotique du don paternel, d’où s’entend, en alliance, la création même du temps.
  • [33]
    Nous nous permettons de renvoyer à ce sujet au tome i de notre Principe alliance : Phénoménologie de l’alliance, Paris, Hermann, 2021, § 2.
  • [34]
    Voir Genèse 49,8ss.
  • [35]
    Emmanuel Levinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, La Haye / Boston / Londres, M. Nijhoff, éd. 1980, p.30.
  • [36]
    Traduction TOB. Autre traduction possible : « … que c’est moi qui dis : “me voici” » (Bible de Jérusalem).

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