Notes
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[1]
Par exemple, voir Thomas Pettitt, “Bracketing the Gutenberg Parenthesis”, Explorations in Media Ecology, 11(2), 2012, p. 95-114.
-
[2]
Brigitte Simonnot, L’accès à l’information en ligne: Moteurs, dispositifs et médiations, Hermès, 2012.
-
[3]
Nikos Smyrnaios, Franck Rebillard, « L’actualité selon Google: L’emprise du principal moteur de recherche sur l’information en ligne », Communication & langages, 160, 2009, p. 95-109.
-
[4]
Emmanuël Souchier, Yves Jeanneret, « Pour une poétique de l’écrit d’écran », Xoana, 6, 1999, p. 97-107.
-
[5]
Autrement dit : une posture visant à « déplier les médiations qui associent le logistique et le sémiotique dans l’institution sociale de l’accès aux textes et aux documents ». Yves Jeanneret, Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ?, Presses universitaires du Septentrion, 2000.
-
[6]
« La notion d’architexte […] est utile pour qualifier la double fonction de ces outils : produire le texte et le rendre visible […]. L’architexte est une manière de parler de l’univers logiciel (moteur de recherche, logiciel de messagerie, logiciel graphique, logiciel de chat, logiciel de publication de blog, etc.) nécessaire à la production du texte, en mettant l’accent sur le fait que ces logiciels permettent d’écrire mais également de présenter à la vue une disposition des formes textuelles qui se reproduit en se transformant. » Julia Bonaccorsi, Approches sémiologiques du web, in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du web, Armand Colin, 2013, p. 125-146.
-
[7]
La polyphonie énonciative, théorie empruntée aux études littéraires de M. Bakhtine et étendue à l’analyse des productions médiatiques, articule les dimensions sociales, techniques et sémiotiques que supposent l’énonciation éditoriale et l’existence matérielle (numérique ou non) des textes pour rendre compte des rapports de pouvoir liant la pluralité des acteurs dont ils procèdent.
-
[8]
Dans le cadre des médias informatisés, un algorithme est une abstraction textualisée qui décrit la méthode à appliquer pour accomplir une tâche donnée. Il constitue littéralement un pro-gramme d’action en ce qu’il anticipe et formalise des opérations informatiques à appliquer sur des ensembles de données structurées. En tant qu’écriture de pratiques spécifiques, il emporte une définition des objets qu’il instrumentalise et implicite un imaginaire des opérations et des arbitrages qui lui sont délégués. L’algorithme est indépendant du langage de programmation qui le traduit et de la machine qui l’opère.
-
[9]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web”, 1998.
-
[10]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, in Philip H. Enslow & Allen Hellis (ed.), Proceedings of the Seventh International Conference on World Wide Web, 1998, p. 107-117.
-
[11]
Lawrence Page, Method for scoring documents in a linked database, 2001.
-
[12]
“[…] we believe the issue of advertising causes enough mixed incentives that it is crucial to have a competitive search engine that is transparent and in the academic realm.” Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a LargeScale Hypertextual Web Search Engine”, op. cit.
-
[13]
“We hope Google will be a resource for searchers and researchers all around the world and will spark the next generation of search engine technology”, Ibid.
-
[14]
“[…] we expect that advertising funded search engines will be inherently biased towards the advertisers and away from the needs of the consumers. […] a search engine could add a small factor to search results from ‘friendly’ companies, and subtract a factor from results from competitors.”, Ibid.
-
[15]
Yves Jeanneret, Critique de la trivialité : Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Éditions Non Standard, 2014, p. 668.
-
[16]
Il y a quelque chose de paradoxal à constituer des algorithmes invisibles en objet de recherche. Mais la fascination des publics pour les pouvoirs qu’ils emportent – de la « censure » de Twitter, aux bulles affinitaires de Facebook, aux « prédictions » de Walmart – justifie un pas de côté visant à étudier cette « fièvre discursive » dans la mesure où elle explicite les imaginaires de l’algorithme et l’élabore comme objet de discours polémiques.
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[17]
« Documentariser, c’est ni plus ni moins traiter un document comme le font, ou faisaient, traditionnellement, les professionnels de la documentation (bibliothécaire, archivistes, documentalistes) : le cataloguer, l’indexer, le résumer, le découper, éventuellement le renforcer, etc. » Jean-Michel Salaün, « La redocumentarisation, un défi pour les sciences de l’information », Études de communication, 30, 2007, p. 13-23.
-
[18]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, op. cit.
-
[19]
Selon les estimations, les algorithmes d’appariement et de classement de Google considéreraient plus de deux cents paramètres, dont le PageRank n’est qu’une variable.
-
[20]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web”, op. cit.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Ibid.
-
[23]
Ibid.
-
[24]
Soit une optimisation et une instrumentalisation de formes écrites rationalisées par une stratégie qui les incorpore à une visée marchande.
-
[25]
« […] remplacer le mot “lien” par l’expression “signe passeur” n’est pas une nouvelle façon de nommer la même réalité sémiotique et technique. C’est qualifier comme signes pleins les formes qui permettent de représenter dans un texte actuel un texte virtuel, prendre au sérieux ce que signifie une nouvelle forme de lecture gestualisée, refuser l’isolement artificiel des signes pour les intégrer à une construction et à un contexte, indépendamment desquels ils n’ont aucun sens. » Jean Davallon, Yves Jeanneret, « La fausse évidence du lien hypertexte », Communication & langages, 140, 2004, p. 43-54.
-
[26]
« […] aucun lien n’est un lien, mais un acte d’écriture, qui réalise une responsabilité éditoriale et propose une architecture pour la communication: le geste d’écrire un signe passeur anticipe un acte de lecture possible […] » Yves Jeanneret, Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ?, op. cit., p. 173.
-
[27]
« […] le lien hypertexte est à a fois un acte de reconnaissance et un signe d’autorité. » Dominique Cardon, « Dans l’esprit du PageRank », Réseaux, 177, 2013, p. 63-95.
-
[28]
« Un indice est un signe qui renvoie à l’objet qu’il dénote parce qu’il est réellement affecté par cet objet. » C. S. Peirce, Écrits sur le signe, Seuil, 1978.
-
[29]
« […] un certain nombre d’acteurs, idéologues, commerçants, ingénieurs, poussent les feux d’une réduction du sémiotique au logistique, en posant que la quantification des “traces” de tout ordre permet de “générer” des classement, des jugements, des pratiques. » Yves Jeanneret, Désigner, entre sémiotique et logistique, in Ismaïl Timimi, Susan Kovacs (dir.), Indice, index, indexation : Actes du colloque international organisé les 3 et 4 novembre 2005 à l’Université Lille 3 par les laboratoires Cersates et Gerico, Paris, ADBS, 2006, p. 32.
-
[30]
Eugene Garfield, “Citation Analysis as a Tool in Journal Evaluation”, Science, 4060, 1972, p. 471-479.
-
[31]
Leo Katz, “A New Status Index Derived from Sociometric Analysis”, Psychometrika, 18, 1953, p. 18-39.
-
[32]
Eugene Garfield publie la première édition du Science Citation Index en 1964. Elle figure parmi les premières bases de données importantes de l’informatique émergente; elle contient quelque 1,4 millions de citations récoltées manuellement au fil des pages de 613 revues scientifiques publiées au cours de l’année 1961.
-
[33]
Dans le contexte des États-Unis des années 1960, le savoir scientométrique fut prioritairement récupéré comme instrument « efficace » d’une rationalisation politique de la recherche scientifique.
-
[34]
La première édition du Science Citation Index est publiée par Eugene Garfield en 1964. Le dispositif figure parmi les premières bases de données importantes de l’informatique alors émergente ; il répertorie près d’1,5 millions de citations récoltées manuellement au fil des articles de 613 revues scientifiques publiées au cours de l’année 1961.
-
[35]
Pour une description détaillée des logiques citationnelles, voir Stéphane Olivesi, Référence, déférence. Une sociologie de la citation, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 35-38.
-
[36]
Par honnêteté, il faut reconnaître que les publications d’Eugène Garfield ne sont pas aussi caricaturales que les dérives de la scientométrie le laissent supposer. Par exemple, dans “Citation analysis as a tool in journal evaluation”, il associe la citation à 15 motifs différents, parmi lesquels il identifie l’hommage, la critique ou la rectification de travaux antérieurs. Sans doute la réduction de la pratique éditoriale de la citation à la pratique électorale du vote peut-elle être imputée à l’institutionnalisation de la scientométrie elle-même.
-
[37]
Pour une histoire des pratiques scientifiques de la citation, voir Anthony Grafton, Les origines tragiques de l’érudition : une histoire de la note en bas de page, Paris, Seuil, 1998.
-
[38]
L. Katz est un statisticien américain. Il s’est notamment appliqué dans les années 1950 à étudier la distribution du pouvoir au sein de différents réseaux sociaux non-numériques.
-
[39]
“[…] if a web page has a link off the Yahoo home page, it may be just one link but it is a very important one. This page should be ranked higher than many pages with more links but from obscure places.” Lawrence Page, Sergey Brin, “The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web”, op. cit.
-
[40]
“The web is a vast collection of completely uncontrolled heterogeneous documents.” Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, op. cit.
-
[41]
Yves Jeanneret, Critique de la trivialité: Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, op. cit., p. 12.
- [42]
-
[43]
Dominique Cardon, « Dans l’esprit du PageRank », Réseaux, 177, 2013, p. 63-95.
-
[44]
Qu’il s’agisse, en France, des archives de l’Internet proposées par la BNF et l’INA ou, aux États-Unis, de l’initiative menées par Internet Archive.
-
[45]
Les résultats suggérés varient en fonction d’une variété de paramètres, dont l’historique de recherche de l’internaute, l’état de l’index au moment de la requête, la localisation de son adresse IP et, bien évidemment, les termes employés.
-
[46]
Les catégories proposées par M. de Certeau, la tactique et la stratégie, sont partiellement opérantes pour la description du succès de Google. Le PageRank constitue un « coup » à l’égard du web considéré comme dispositif médiatique; initialement, le PageRank propose une alternative aux autres modes d’organisation du web et tente de « faire avec » la structure logistique et les pratiques d’écriture qu’il conditionne. L’initiative tactique du PageRank circonscrit le « lieu propre » à partir duquel Google est susceptible de configurer des opérations en fonction d’une stratégie.
-
[47]
Un moteur de recherche vertical, par opposition à un moteur de recherche généraliste, propose des résultats spécifiés par un format documentaire particulier ou un champ d’indexation délimité a priori.
-
[48]
Yves Jeanneret, Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ?, op. cit.
-
[49]
Cléo Collomb, Samuel Goyet, « Meeting the machine halfway : vers une sémiopolitique de l’agir computationnel », 2015, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01253444.
-
[50]
« […] la prolifération des documents s’est vite accompagnée de la création d’outils pour rendre visible un immense texte inaccessible au regard. » Yves Jeanneret, « Écriture et multimédia », in Anne-Marie Christin (dir.), Histoire de l’écriture : De l’idéogramme au multimédia, Flammarion, 2012.
-
[51]
Pascal Robert, Mnémotechnologies : une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Paris, Hermès, 2010.
-
[52]
Il y aurait matière à pousser la réflexion du côté du SEO, parce que le métier de ces professionnels du référencement consiste à incorporer les pratiques d’écriture et la morale du texte prescrites par Google pour « optimiser » la visibilité des « contenus » de leurs clients. Pour les acteurs qui le briguent, le certificat d’autorité conféré par les premières places de ces pages de résultats suppose de respecter des modes de production du texte et des modèles éditoriaux particulièrement coûteux. De sorte que le moteur de recherche favorise invariablement des structures plus ou moins professionnalisées au détriment des écrivants amateurs.
-
[53]
Selon une étude réalisée par Chitika en 2013, 91,5% des usagers se contenteraient de la première page des résultats de Google. À lui seul, le premier résultat intéresse 36% des lecteurs.
-
[54]
« Est un lieu l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. S’y trouve donc exclue la possibilité, pour deux choses, d’être à la même place. La loi du “propre” y règne : les éléments considérés sont les uns à côté des autres, chacun situé en un endroit “propre” et distinct qu’il définit. Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. » Michel de Certeau, L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, 1990, p. 173.
-
[55]
Emmanuël Souchier, Yves Jeanneret, « L’énonciation éditoriale dans les écrits d’écran », Communication & langages, 145, 2005, p. 3-15.
-
[56]
Emmanuël Souchier, « L’image du texte, pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les cahiers de médiologie, 6, 1998, p. 137-145.
-
[57]
Roland Barthes, Le Neutre: Cours au collège de France, Paris, Seuil, 2002.
-
[58]
Ce type de sémiotique est difficile à analyser parce qu’elle implique des non-signes ou, plus précisément, des signes considérés in-signifiants pour les publics auxquels ils sont destinés. De sorte que, dans le cas du moteur de recherche de Google, les conclusions de l’analyse repèrent moins les signes d’une neutralité effective que les imaginaires textualisés du neutre.
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[59]
La prétention à la neutralité de Google est gênée par une sorte de « paradoxe de l’observateur » dans la mesure où les acteurs du web tendent à conformer leurs écritures aux formes que les algorithmes privilégient. De sorte que Google, dans la rubrique « Informations supplémentaires concernant la création de sites de qualité » de son forum dédié aux webmasters leur recommande de faire « le nécessaire pour satisfaire au mieux les internautes qui visitent [leur] site Web et [de ne pas se préoccuper] inutilement des algorithmes ou des paramètres utilisés par Google pour le classement. »
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[60]
Valérie Jeanne-Perrier, « Des outils d’écriture aux pouvoirs exorbitants ? », Réseaux, 137, 2006, p. 97-131.
-
[61]
Louis Marin, Le Portrait du roi, Éditions de Minuit, 1981.
-
[62]
Romain Badouard, Clément Mabi, Guillaume Sire, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois logiques de gouvernementalité numérique », French Journal for Media Research, 6, 2016, [en ligne] http://frenchjournalformediaresearch.com/index.php?id=1001
-
[63]
Gilles Deleuze, Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie. 2, Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980.
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[64]
Cette typologie du « pouvoir » est empruntée à la thèse de doctorat de Guillaume Sire. Voir Guillaume Sire, La production journalistique et Google. Chercher à ce que l’information soit trouvée, thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la direction de Nathalie Sonnac, université Paris II – Panthéon Assas, 2013.
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[65]
Ces discours d’accompagnement, à vocation pédagogique, sont disséminés dans l’ensemble des espaces de communication du moteur de recherche lui-même. Mais ils se trouvent particulièrement condensés sur le Centre d’aide Search Console dédié aux éditeurs de sites web. Voir: https://support.google.com/webmasters
Entre parenthèses
1 À la fin des années 2000, dans une série de prises de position controversées, Thomas Pettitt – professeur de littérature à Odense, au Danemark – affirmait que les « nouveaux médias » clôturaient la « parenthèse Gutenberg » [1] ouverte au XVe siècle par l’invention de l’imprimerie. Selon lui, pendant les cinq siècles de cette « parenthèse », l’autorité des médiations éditoriales qui assuraient la sélection, la production et la circulation des textes imprimés suffisait à les légitimer auprès de leurs publics de sorte que – schématiquement – l’existence matérielle de l’écrit supposait la vérité de l’énoncé. D’après lui, cette « parenthèse » se refermerait parce que les écritures du web tendraient paradoxalement à reconduire les modes de valorisation des savoirs caractéristiques des sociétés orales. Effectivement, T. Pettitt redoutait que la liberté de publication promise par le web n’éclipse l’autorité des médiateurs éditoriaux historiques et n’aboutisse à une anarchie documentaire ruineuse pour le système de valeurs traditionnellement attachées à l’écrit. Opposant les imaginaires de la participation et de l’autoédition qui accompagnent le web à une représentation simpliste de l’histoire de l’imprimé, T. Pettitt définit le web comme un espace a-cratique, une zone de non-droit où régneraient des savoirs « autonomes », affranchis de l’ordre du discours et de l’autorité qu’il conditionne. Certes, cette position est caricaturale tant elle méconnaît les formes du pouvoir des médias informatisés opérant sur le web, mais elle définit un cadre théorique et axiologique largement repris qui constitue la doxa des discours critiques du web. Ce tigre de papier constitue le point de départ à partir duquel nous voudrions appréhender quelques-uns des différents aspects de l’autorité algorithmique et éditoriale que recouvre le moteur de recherche de Google.
2 Il ne s’agira pas d’analyser ce moteur de recherche dans une perspective info-communicationnelle pour souligner comment il configure l’accès des usagers à l’information médiatisée [2], non plus que de revenir sur les polémiques juridiques qui ont opposé Google aux entreprises de presse françaises [3] : ces questions ont déjà été discutées par ailleurs. Il s’agira plutôt de penser les mutations de l’économie des écritures du web à partir d’une définition de la communication particulièrement attentive aux représentations que le moteur de recherche de Google textualise, aux formes et aux statuts des savoirs qu’il médiatise, aux manières dont il conditionne des pratiques interprétatives. Convoquant simultanément une théorie des « écrits d’écran » [4] et une « sémiotique documentaire » [5] appliquée aux médias informatisés, nous reviendrons, dans un premier temps, sur les formes de l’autorité inscrites au cœur des architextes [6] de ce moteur de recherche pour, dans un second temps, étudier les signes du pouvoir que recouvre la gestion éditoriale de la polyphonie énonciative [7] caractéristique de ses listes de résultats. Ce faisant, nous espérons repérer la manière dont les logiques réifiées par les architextes du moteur de recherche de Google sont réfléchies dans leur emprise sur l’ordre documentaire du web et, partant, mettre au jour le feuilletage des médiations qui retourne l’algorithmique de l’autorité en autorité algorithmique. Aussi s’agira-t-il d’analyser dans quelle mesure la définition de l’autorité incorporée à l’algorithme de classement du moteur de recherche et instrumentalisée en vue de la qualification automatique des documents indexés contribue – ne fût-ce que symboliquement – à la construction de l’autorité du dispositif médiatique lui-même.
Les détours de la méthode
3 Pour éclairer un tant soit peu la problématique de l’autorité des médias informatisés, nous voudrions donc analyser la définition de l’autorité engrammée dans l’architexte du moteur de recherche de Google, et plus particulièrement dans l’algorithme [8] qui compare et classe l’ensemble des documents du web en fonction de leur « importance » : le fameux PageRank. Mais, au préalable, quelques commentaires semblent nécessaires afin de clarifier les méthodes et limites de notre recherche.
4 Bien sûr, la formule du PageRank est protégée par l’opacité du secret industriel. Et pour cause, elle a permis à Google de proposer des résultats plus « pertinents » que les moteurs concurrents et, par voie de conséquence, lui a assuré un quasi-monopole sur le marché de la recherche d’information médiatisée. Il n’empêche que quelques documents « anciens » divulguent certains aspects de cette formule et laissent entrevoir les ingrédients qui la composent. Deux de ces documents, datés de 1998, correspondent à des publications scientifiques dans lesquelles deux doctorants de Stanford, Lawrence Page et Sergey Brin, décrivent la logique d’un algorithme alors en chantier [9] pour exposer l’anatomie du moteur de recherche qui pourrait l’industrialiser [10] : Google. Le troisième document [11] correspond au brevet déposé par Google en 2001 et détaille les aspects techniques distinctifs du PageRank pour rendre compte de son caractère innovant. Quel que soit le motif de l’attention portée sur Google, ces trois documents valent le détour – ne serait-ce que pour le décalage ironique des axiologies qu’ils connotent. En effet, le moteur de recherche de Google y est défini comme un outil « transparent » [12], visant prioritairement à favoriser la circulation des savoirs au sein de la communauté scientifique [13]. En outre, le modèle économique de ses concurrents historiques (Alta Vista et Yahoo! notamment) y est critiqué sous prétexte que leurs logiques publicitaires biaiseraient les résultats proposés au détriment de leur pertinence, et au profit des annonceurs [14]. Envisagés comme des discours d’escorte « génétiques », ces trois documents constituent donc les premiers éléments du corpus à partir duquel nous questionnerons le caractère « médiatisant » du moteur de recherche de Google dans la mesure où, conçu comme un « expert des passages » [15], il prétend moins produire des contenus médiatiques originaux qu’il ne vise à optimiser la circulation, à encadrer l’éditorialisation et à industrialiser la qualification d’objets culturels élaborés par des tiers pour en dégager de la valeur symbolique ou marchande.
5 Ces documents nous semblent précieux à trois égards. D’abord, parce qu’ils offrent une prise sur les rouages d’une médiation informatisée qui, par nature, résiste à l’enquête. Entre ses parts techniques et sémiotiques, ils introduisent un interdiscours qui définit les prétentions communicationnelles du moteur de recherche et nomme les imaginaires cachés dans sa « boîte noire ». Ensuite, parce qu’ils rappellent que la plupart des analyses qui dénigrent le pouvoir algorithmique de Google se fondent sur un manque qui, paradoxalement, constitue le principe de leur argumentation : dénoncer les abus de pouvoir d’un algorithme reconstitué à partir de conjectures plus ou moins étayées pour inviter Google à davantage de « transparence » [16]. Cette démarche serait sans doute utile si la fascination de l’invisible ne polarisait pas l’essentiel du discours critique, au mépris d’observables où le pouvoir du moteur de recherche est plus explicitement donné à voir. Enfin, parce qu’ils invitent à une attitude réflexive vis-à-vis des conditions de possibilité d’une herméneutique des écritures architextuelles et incitent à une forme de prudence méthodologique. Le raisonnement qui suit relève donc de la déduction artisanale, fondée sur des observables hétérogènes et collectionnés en « texte », plutôt que de la démonstration stricto sensu.
6 Par précaution, et pour éviter les malentendus, trois remarques sont encore nécessaires. Premièrement, il semble évident que Google n’est pas le seul acteur à prétendre contrôler les processus de publicisation et de valorisation des documents du web. Au contraire, l’économie documentaire propre au web suscite une concurrence intense entre des dispositifs médiatiques qui bataillent pour s’emparer de la position dominante du marché des médiations de la communication. Deuxièmement, les algorithmes d’appariement et de classement d’un moteur de recherche ne constituent qu’une fraction des figures de l’autorité engagées dans son projet de documentarisation [17] du web. Pour dégager une définition synthétique de l’autorité qui y est engrammée, il faudrait également étudier les processus de crawling et d’indexation [18]. Troisièmement, le PageRank n’est que l’un des paramètres du jugement industrialisé par les architextes de Google, même s’il semble surdéterminer leur algorithmique [19]. Bref, les médiations informatisées de l’autorité ne seront considérées que par le petit bout de la lorgnette ; en aucun cas l’ordre documentaire médiatisé par Google n’est réductible aux seules logiques du PageRank.
L’arbre dans le labyrinthe
7 Fermons ces parenthèses épistémologique et méthodologique et revenons aux trois discours de L. Page et S. Brin pour essayer de dégager les définitions du PageRank qu’ils suggèrent. En premier lieu, ils le qualifient de « méthode pour évaluer et noter les pages web objectivement et mécaniquement, afin de mesurer efficacement leur intérêt et l’attention qu’elles méritent » [20]. Ou encore, de « méthode de production informatique du classement de toutes les pages web basée sur le “graphe” du web » [21]. Dans les deux cas, l’algorithme prétend d’emblée déterminer le « rang » des documents du web à partir de leur situation au sein de sa structure interdocumentaire [22] – et ce indépendamment du statut de leur auteur et de la nature de leurs contenus. Par ailleurs, S. Brin et L. Page considèrent que le PageRank propose une « mesure objective » de l’importance d’un document qui se trouve – avec bonheur – « correspondre à la définition que “les gens” se font de l’importance » [23]. Cette proposition est caractéristique de la prétention du PageRank à s’instituer en étalon universel de l’autorité documentaire, attendu qu’il ne propose rien moins que définir une unité de mesure susceptible de rendre commensurables des ressources hétérogènes. Pour y parvenir, il mobilise exclusivement des informations extérieures aux pages web elles-mêmes, considérant que l’extériorité de la démarche en légitime l’objectivité. Concrètement, l’algorithme décompte les liens qui « pointent » vers un document et déduit son importance du nombre de citations qu’il reçoit. Ainsi, le savoir construit par le PageRank ne porte pas sur les objets documentaires eux-mêmes, mais sur les relations qu’ils entretiennent. Au total, la valeur des documents est donc indexée sur le traitement statistique d’une pratique du texte instrumentalisée – la citation – dans la mesure où elle est tenue pour caractéristique de l’économie des écritures du web. Alors que ces discours décrivent les conditions informatiques d’une évaluation automatique de l’autorité, elle s’y trouve paradoxalement réifiée en tant que qualité « naturelle » des documents publiés – qualité qui précéderait l’algorithmique du PageRank dont l’opération se résumerait, en définitive, à objectiver la mesure d’un fait social. Il est notable que les conséquences du régime d’intelligibilité proposé par l’algorithme sur les pratiques d’écriture dont il prétend rendre compte, comme les enjeux d’une mise en signe de la reconnaissance symbolique déduite d’une arithmétique de la citation, restent impensés dans l’ensemble de ces discours.
8 Mais il faut considérer cette ingénierie de la citation, et les impensés qui l’accompagnent, avec précaution. Car, dans les faits, le PageRank opère une industrialisation [24] d’actes éditoriaux que J. Davallon et Y. Jeanneret nomment des traces d’usages effectués et anticipés, textualisées sous l’espèce de signes passeurs [25]. Cette industrialisation implique une double réduction. Dans un premier temps, les discours de L. Page et S. Brin doivent négliger la complexité des signes passeurs – des objets simultanément signifiants et opératoires qui engagent des pratiques du texte et conditionnent son interprétation – pour confondre la dimension technique du lien avec les dimensions sémiotique et sociale de la citation. Ils sont ainsi conduits à éluder les parts matérielles des signes passeurs pour ne valoriser que la sociabilité et les prédilections dont ils témoignent. De sorte que, dans un deuxième temps, la pratique du texte anticipée [26] par les signes passeurs peut être interprétée comme l’indice d’une lecture recommandée d’après son seul intérêt. Bref, pour que la comptabilité du PageRank opère, les signes passeurs sont uniformément redéfinis en citations, et ces citations, instrumentalisées comme indices d’une reconnaissance symbolique [27]. Ce repli du registre symbolique sur le registre indiciaire [28] est caractéristique d’une idéologie de la « trace » [29], qui prétend rendre compte des pratiques du texte sans prendre au sérieux les médiations supposées par la conversion des gestes d’écriture et de lecture en signes d’une sociabilité. Cette transformation progressive des signes passeurs en citations semble définir la prétention de Google à capter et enregistrer des pratiques du texte hétérogènes pour les convertir en signes homogènes d’une économie « politique » du document. Effectivement, dans les discours de L. Page et S. Brin, le recours à la métaphore électorale semble excuser le raccourci qui rapatrie le geste éditorial de la citation sur le geste politique du « vote ». La citation fonctionne donc comme un pivot à partir duquel les auteurs s’autorisent à assimiler le caractère technique du lien hypertexte à la signification culturelle d’une élection. Dans cette optique, la citation instrumentalisée par le PageRank peut finalement être conçue comme l’unité de mesure d’une comparaison universelle au service d’un projet documentaire réductionniste : la logique formelle de l’algorithme rapporte tous les documents indexés au mètre-étalon de la citation, de sorte que leur classement dans les bases de données de Google suffirait à apprécier l’ordre « objectif » du web.
9 De manière plus ou moins explicite, ces éléments de définition du PageRank convoquent une définition de l’autorité qui emprunte simultanément à la scientométrie d’E. Garfield [30] et à la sociométrie de L. Katz [31] – héritages explicités par les références bibliographiques proposées par L. Page et S. Brin. Prioritairement, à la scientométrie d’E. Garfield [32], le PageRank emprunte un objet – la citation – et une méthode visant à classer une collection de documents à partir de la quantité de citations qui les interrelient [33]. En effet, le Science Citation Index [34] d’E. Garfield propose déjà de traiter la pratique éditoriale de la citation comme le pendant de la pratique électorale du vote. Pour la scientométrie, selon une logique linéaire, la « qualité » d’un article scientifique apparaît strictement proportionnelle au nombre des articles qui s’y réfèrent. Dans le cadre du Science Citation Index, la simplification et la formalisation des sociabilités scientifiques textualisées occupent une place méthodologique déterminante dans la mesure où elles permettent de construire un objet et, simultanément, un savoir sur cet objet. Cependant, la logique formelle de la scientométrie la conduit à écraser les différentes significations de la citation [35] (cooptation, allégeance, reconnaissance, interdépendance, connivence, appartenance, autopromotion) [36], à proposer une qualification des contenus indifférente à leurs spécificités, et à privilégier une représentation « réticulaire » de la science surdéterminée par les notions de notoriété et d’influence. Dans cette optique, la valeur épistémique de la citation – historiquement liée au régime de vérité du discours scientifique [37] – est donc négligée de sorte que la citation peut monnayer une sociabilité mise en texte sans que la construction tactique du savoir dont elle répond ne soit plus considérée. Bien que ce principe formel soit déjà problématique dans le cas de l’évaluation des littératures scientifiques, il est repris, systématisé et instrumentalisé par le PageRank sans le moindre commentaire quant aux limites du transfert d’un univers de pratiques scripturaires à un autre. Mais l’héritage d’E. Garfield revendiqué par L. Page et S. Brin a une fonction stratégique puisqu’il convoque un imaginaire du formalisme qui, sous prétexte d’être insensible à la nature des objets qu’il manipule, s’impose paradoxalement en garant de l’objectivité et de la « vérité » des hiérarchies proposées. En définitive, la posture que le PageRank emprunte à la scientométrie engage une définition du social et des conditions de sa description : il suffirait, dans cette perspective, de chiffrer une pratique, de la rendre commensurable, pour en déchiffrer la signification.
10 Secondairement, à la sociométrie de L. Katz [38], le PageRank emprunte un principe de pondération essentiel à ses « performances ». En substance, les travaux de L. Katz démontrent que la distribution de l’autorité au sein d’un réseau social est vectorielle plutôt que linéaire. Selon le principe de « centralité » proposé par le statisticien, dans un réseau social déterminé, l’autorité d’un individu est relative au nombre des individus qui la reconnaissent et, récursivement, à l’autorité reconnue desdits individus. Dans cette optique, l’autorité d’un individu est simultanément redevable de la quantité et de la qualité des individus appelés à la déterminer. En introduisant un principe de récursivité dans sa modélisation de la distribution sociale de l’autorité, L. Katz la définit comme une valeur transitive susceptible d’être communiquée au sein d’un collectif selon un ensemble de pratiques électives plus ou moins réglées. Transposés au réseau documentaire du web, les principes de centralité et de récursivité reviennent à constater que toutes les citations ne se valent pas. Le PageRank considère ainsi que la citation d’un document A par un document B accorde d’autant plus d’autorité au premier que le second est lui-même mieux autorisé. Autrement dit, les citations issues de documents jugés « importants » sont elles-mêmes jugées plus significatives que les autres. À cet égard, L. Page et S. Brin affirment par exemple que la moindre citation en provenance du portail de Yahoo! suffirait à autoriser le document cité, tandis qu’un nombre déconcertant de citations issues de « documents obscurs » [39] serait nécessaire pour le créditer d’une autorité similaire. Le PageRank enregistre donc une théorie élitiste du discernement, d’après laquelle les documents les plus distingués sont jugés plus capables d’apprécier la valeur des autres documents et, pour cela, reçoivent davantage de pouvoir électif. À y regarder de plus près, peut-être ce type de conception est-il déjà présent dans la théorie du réseau sur laquelle le PageRank est bâti. Effectivement, dans les travaux de L. Katz, la structure même d’un réseau suppose une définition du pouvoir puisque celui-ci suppose des relations asymétriques et disparates entre les éléments qu’il organise – ce que les représentations « graphiques » du web illustrent de manière spectaculaire. S’il est pris au sérieux, le réseau n’incarne donc pas un idéal de décentralisation. Il suggère plutôt la géométrie d’un cercle compliqué, qui inclut des nœuds et des liens, une variété de centres et de rayons, mais surtout des espaces périphériques et marginaux. Partant, il semble important de dénaturaliser les métaphores qui prétendent décrire l’architecture technique du web selon les catégories spatiales du « réseau » ou du « graphe » – ou du moins convient-il de souligner qu’elles reposent sur des catégories politiques qui, en tant que telles, impliquent des conceptions de l’autorité et de sa distribution.
11 De manière plus générale, L. Page et S. Brin définissent le web comme une « vaste collection de documents hétérogènes qui échappe à toute forme de contrôle » [40]. Par là, ils soutiennent une définition critique d’un web qu’il s’agirait d’organiser dans la mesure où, n’observant pas les régimes consacrés de l’édition, il menace la hiérarchie des valeurs traditionnelles. Cette dystopie documentaire, proche de celle convoquée par T. Pettitt, explique sans doute la prétention de Google à fournir une organisation algorithmique du web. D’où la mission civilisatrice d’une industrie médiatisante [41] qui, sur son site institutionnel, prétend « organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous » [42]. Il me semble que, dans cette mission, le PageRank joue un rôle central parce qu’il arraisonne le labyrinthe du web pour lui substituer la logique hiérarchique de l’arbre. Dans les faits, l’algorithme transforme le web en un archipel documentaire dont les rares îlots émergés exercent une force centripète sur les regards car, selon une loi de puissance conventionnelle, 10% des documents indexés cumulent 90% de l’autorité distribuée [43]. Les diverses représentations du pouvoir incorporées au PageRank participent donc à la construction d’un web aux antipodes des imaginaires anarchiques et a-cratiques que suggèrent la plupart des discours circulants.
Gestion sémiotique, polyphonie énonciative et pouvoir éditorial
12 Maintenant que la théorie de l’autorité formalisée par l’algorithme a été éclaircie, nous voudrions changer de plan d’analyse pour nous intéresser aux formes éditoriales et sémiotiques qui la textualisent au sein des pages de résultats recommandés par Google. Effectivement, afin d’étudier la circulation médiatique de l’autorité, il semble possible d’interpréter la manière dont les principes inscrits au cœur du PageRank sont traduits à l’écran pour, réflexivement, questionner l’autorité du moteur de recherche lui-même.
13 La collection des pages de résultats ici rassemblées a été constituée entre janvier et février 2016. Son hétérogénéité témoigne de l’un des obstacles que rencontrent les sciences sociales qui voudraient proposer une archéologie des médias informatisés. Effectivement, au contraire des sites web statiques dont les pages sont convenablement archivées par différents organismes [44], le caractère dynamique et personnalisé des pages de résultats proposées par les moteurs de recherche complique la systématisation des processus d’indexation. Et pour cause, ces organismes ne conservent aucune mémoire de ce type de textes. Dans la mesure où ces pages sont générées ad hoc en fonction du contexte dans lequel est effectuée la requête, et à partir de ce que le moteur de recherche croit savoir des préférences informationnelles de l’usager qui l’interroge [45], il semble impossible d’en tenir une archive exhaustive. Cette situation condamne l’enquête archéologique à se fonder sur des documents empruntés, dans la plupart des cas, à des professionnels du référencement qui tentent de retracer l’évolution formelle des pages de résultats pour l’interpréter, sans pour autant systématiser leur démarche. Les documents collectés aux fins de cette analyse archéologique sont donc hétéroclites, kitsch par certains aspects, mais néanmoins heuristiques dans la mesure où ils témoignent non seulement des états successifs d’une forme-texte, mais également de la complexité des méthodes à mettre en œuvre pour les interroger.
14 Concrètement, les deux premières pages de résultats de ce corpus sont issues des publications de L. Page et S. Brin déjà mentionnées. Il n’est cependant pas certain qu’elles soient représentatives de ce que furent les premières moutures publiques des résultats proposés par le moteur de recherche. Elles auront donc un statut particulier, et constitueront le mythe de l’origine de cette archéologie. L’ensemble des autres pages – mises à part les plus récentes, collectées par nos soins – est emprunté à des sites professionnels du référencement. La mise en série chronologique de ces pages de résultats permet de les dénaturaliser en forçant le trait du caractère en « chantier » des architextes qui les sous-tendent. Peut-être est-ce la vertu d’une approche diachronique des écrits d’écran : la tactique éditoriale [46] dont relève le texte rendu lisible, difficile à penser dans le moment de la lecture, apparaît dans le temps reconstruit par la sériation. Par ailleurs, cette série tend à accentuer les mutations de la promesse documentaire du moteur de recherche.
Liste de résultats du moteur de recherche de Google en 1998, extraite de The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web, par Lawrence Page et Sergueï Brin.
Liste de résultats du moteur de recherche de Google en 1998, extraite de The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web, par Lawrence Page et Sergueï Brin.
15 Entre le minimalisme des premières listes, prioritairement constituées de matériaux linguistiques, et la complexité des tableaux actuels, composés de matériaux sémiotiques variés, Google illustre sa capacité à mobiliser et à traiter des ressources documentaires hétérogènes pour affirmer sa prétention à administrer la totalité du web. Effectivement, à partir de 2001, la recherche peut être affinée en fonction de catégories documentaires dont le nombre et les dénominations varient progressivement. Cependant, en 2001, seules les catégories « Web », « Images », « Groupes » et « Répertoire » sont proposées. La catégorie « Actualités » semble apparaître en 2004 – du moins notre corpus n’en atteste-t-il pas d’occurrences antérieures. En 2005, les catégories « Froogle » et « Local » prolongent provisoirement la liste des options de recherche spécialisées, avant de disparaître en 2007, remplacées par la catégorie « Maps ». Parallèlement, au cours de cette année, Google explicite une prétention documentaire – disons – « totalisante » en proposant une recherche dite « universelle ». Dès lors, Google capitalise sur les résultats de ses différents moteurs verticaux [47] pour les reverser au sein d’une page « universelle » qui agence des ressources documentaires hétérogènes. Incidemment, alors que la logique de la liste semblait prévaloir depuis 1998, la recherche « universelle » conduit à une réorganisation de l’espace paginal selon une logique tabulaire. Les modalités de la hiérarchisation des résultats se dédoublent et, désormais, leur « importance » relative est connotée par leur distribution sur les axes vertical et horizontal qui définissent le plan du texte. Au total, ces pages de résultats synthétiques apparaissent comme un texte composite qui tisse et ordonne des documents dont la nature sémiotique et le statut médiatique sont dépareillés. Par là, Google semble incarner de manière particulièrement exemplaire la capacité des médias informatisés à opérer une « gestion technique homogène des signes de statut culturel [et documentaire] hétérogène » [48]. Dans cette perspective, il semble possible de soutenir que la disparité croissante de ces textes constitue en elle-même l’argument d’autorité d’une rhétorique de l’intégration caractéristique du projet culturel de l’informatique.
Liste de résultats dits « universels » proposée par le moteur de recherche de Google, le 16 mars 2016.
Liste de résultats dits « universels » proposée par le moteur de recherche de Google, le 16 mars 2016.
16 Mais, plutôt que de retracer l’histoire de Google à partir des moindres changements dans l’organisation sémiotique de ses pages de résultats, nous voudrions adopter une démarche inverse et porter une attention particulière sur les agencements éditoriaux et les formes textuelles qui se répètent. Car, en dépit de variations spectaculaires, ces pages donnent surtout à voir le processus par lequel un nombre restreint d’écritures et de modèles de représentation se stabilisent pour singulariser un dispositif médiatique.
17 En premier lieu, il est étonnant de constater que la morphologie de ce qui ressemble à la notice bibliographique des documents cités est constante – au moins entre 2000 et 2016. La représentation des documents sous l’espèce de fragments distingue trois niveaux de description : en bleu, le titre du document tel qu’il est renseigné dans la balise title du fichier HTML correspondant ; en vert, l’URL qui localise le document ; en noir, le résumé de son contenu, qui peut être prélevé dans ses méta-descriptions – pour peu qu’elles soient correctement renseignées par son éditeur – ou généré automatiquement. Outre que le titre du document est la seule portion opératoire de ces pseudo-notices, il est à noter que le contraste du gras « accentue » invariablement l’adéquation des recommandations et des termes employés par l’usager. Au total, s’il n’y a rien de surprenant à cela, c’est précisément que cette combinaison de formes textuelles et de valeurs typographiques instrumentalise une prédilection sémiotique fondée sur un imaginaire stéréotypé de l’hyperlien et suppose, du côté des concepteurs de ces pages, une définition « normalisée » des écritures du web.
18 En deuxième lieu, et de manière assez significative, l’expression du nombre total des résultats « retournés » et la mention du temps utile à Google pour les proposer sont également constantes – malgré quelques variantes dans les formulations. Bien entendu, Google se garde de préciser l’étendue de la collection documentaire dont proviennent ces résultats, comme la nature des traitements opérés dans le laps de temps affiché. Pourtant lapidaires, ces indications entretiennent un certain flou quant aux différentes temporalités que suppose le fonctionnement du moteur de recherche. Le temps déclaré ne correspond pas au temps nécessaire à une analyse de la totalité du web ; il signale plutôt le temps requis par Google pour « évoquer » une sélection de documents « pertinents » à partir de la collection de documents préalablement enregistrés et indexés dans ses propres bases de données. Ce flou laisse le lecteur libre de déduire que le temps de la réponse est synchrone au temps de la question. Ces mesures, paradoxalement inaperçues alors qu’elles dominent les pages de résultats, contribuent à rendre ostensibles les ressorts de la médiation technique et à soutenir les prétentions documentaires du moteur de recherche. Discrètement, elles sémiotisent la prouesse logistique du dispositif médiatique et, du même coup, convoquent un imaginaire de la performance fondé sur la mesure chiffrée. Diamétralement opposées sur le spectre du gigantesque et du minuscule, ces mesures reposent sur une rhétorique de la technique et de son efficacité, où l’ampleur de la collection et la rapidité de sa représentation connotent immanquablement la « pertinence » des documents recommandés. De sorte que l’autorité des résultats proposés se trouve encore une fois indexée sur le pouvoir symbolique du nombre. Ces deux mesures contribuent à la « mythification de l’agir machinique » [49] dans la mesure où elles figurent simultanément l’espace incommensurable du web et le temps infinitésimal de la technique qui le médiatise. Partant, en suggérant la complexité de la logistique documentaire nécessaire au traitement de requête, elles contribuent à persuader le lecteur que le moteur de recherche est un instrument indispensable à la rationalisation de sa navigation.
19 En troisième lieu, la liste des régularités observables serait incomplète si elle ne tenait pas compte, précisément, de la liste. Métonymies du web, ces listes de résultats rapportent un intertexte incommensurable à un espace graphique cohérent et compréhensible pour le regard. Le web, collection documentaire pourtant compliquée à (se) représenter, reçoit de la liste une figure familière qui participe à son intelligibilité [50]. Cette forme éditoriale semble proposer une métamédiation du web qui contribue aux possibilités de sa manipulation et de son interprétation dans la mesure où elle opère une réduction de ses dimensions [51] et, en investissant un espace paginal culturellement connoté, explicite la hiérarchie des éléments répertoriés. Les thèses de J. Goody concernant la rationalité graphique de la liste sont connues : la liste est une forme textuelle qui propose une distribution spatiale de l’information et implique, compte tenu de l’orientation historique de la lecture, un classement décroissant d’éléments qui se trouvent constitués en paradigme du seul fait de leur voisinage dans l’espace de l’écrit. Si cette proposition est contestable dans l’absolu – puisque certaines listes « poétiques » refusent tout principe de classement –, elle paraît particulièrement pertinente dans une étude attentive à la matérialité des écrits d’écran. Effectivement, mobilisée par le moteur de recherche, la liste apparaît comme une redoutable technologie de distinction qui, pour assimiler l’ordre de l’espace écrit à l’ordre de l’autorité calculée, instrumente une logique du regard. Peut-être la valeur de cette forme éditoriale héritée explique-t-elle la disparition, à partir de 2006, des écritures explicites du PageRank – qu’il s’agisse de formes graduées dont la proportion de vide et de plein indique un rang (1998, 2006) ou du chiffre d’une position (2006). Les pages de résultats suivent ainsi un processus de « neutralisation » au regard duquel il paraît inutile d’expliciter l’autorité des documents représentés puisque celle-ci est implicitement signalée par l’agencement des documents cités.
20 Selon une logique qui relève simultanément des raisons graphique et algorithmique, les premiers résultats reçoivent une prime de valeur par rapport à ceux qu’ils dominent. De sorte que la première place des « résultats organiques » de Google est un lieu incontournable pour les acteurs qui cherchent à être visibles sur le web et justifie, rétrospectivement, l’honoraire des experts du référencement « naturel » [52] – deux métaphores circulantes qui tendent à naturaliser l’ordre des documents proposés et à éclipser les constructions dont il procède. La valeur de la visibilité que promettent les positions dominantes est d’autant plus forte que l’analyse des historiques de transaction témoigne de la prédilection des usagers pour la première page des résultats [53]. Si le résultat attendu n’apparaît pas en tête de liste, les usagers préféreront reformuler leur requête plutôt que de douter de la capacité du moteur de recherche à le fournir. Peut-être ces usages du dispositif médiatique sont-ils des conséquences de la dimension matérielle des écrans puisque, selon leurs formats et leurs configurations, tous n’autorisent pas la visualisation de l’ensemble de cette première page. Par exemple, avec une configuration paramétrée par défaut, un écran de 13 pouces affichera entre deux et quatre résultats alors qu’un écran de 15 pouces permettra d’en visualiser entre quatre et six – quantité qui varie notamment selon la position assignée aux mosaïques d’images. La valeur des premières places est encore accrue quand on considère la variété des terminaux mobiles et les pratiques de lecture qu’ils conditionnent. L’espace matériel de l’écran s’interprète alors comme une topographie de l’autorité où s’écrivent des rapports de domination, un lieu [54] de pouvoir où des acteurs luttent pour la portion congrue du web visible. Outre la dimension algorithmique déjà évoquée, l’emprise du moteur de recherche sur les documents médiatisés dépend donc également de la gestion sémiotique de l’espace de l’écrit, soit de l’énonciation éditoriale [55] du texte coulé au sein de la surface matériellement cadrée de l’écran.
21 En dernier lieu, il convient de prendre du recul et de considérer la stabilité de l’image du texte de ces pages de résultats. Succinctement, la théorie de l’image du texte [56] propose d’articuler les aspects poétique et politique de la communication écrite en considérant les dimensions matérielle et formelle du texte afin de penser les dynamiques du pouvoir qui traversent les médiations sociales et techniques engagées dans sa production. Penser l’image du texte proposée par le moteur de recherche de Google à partir de son énonciation éditoriale revient donc à prendre le parti de considérer l’observable de ces pages de résultats pour interpréter la politique des écritures qu’elles recouvrent. L’exercice est particulièrement éclairant parce que l’image du texte homogène que livrent ces pages de résultats masque la polyphonie des acteurs qu’elles textualisent. Les singularités esthétiques des documents cités sont uniment gommées de sorte que les projets éditoriaux et le sens formel qui les caractérisaient dans leurs lieux propres sont rapportés aux seules formes sémiotiques imposées par Google. La complexité énonciative de ces pages de résultats est lissée par l’uniformité de l’image du texte et ramenée au mythe d’un degré zéro de l’expressivité graphique. Pour « esquiver le paradigme » [57], le dispositif est contraint de convoquer une sorte de « sémiotique du neutre » [58] – un pseudo-langage de la neutralité – qui, en l’occurrence, s’exprime dans l’exubérance du blanc, le choix d’une typographie « standard » (une variation sur le motif de l’Arial), des cadres discrets, des nuances de gris, etc. Cette mise en scène de la neutralité du dispositif médiatique relève certainement d’un idéal de la désintermédiation. Mais elle renvoie également – et sans doute avant tout – à une stratégie de dissimulation de l’emprise des architextes du moteur de recherche sur les documents cités, trans-formés et représentés. Pour se maintenir comme industrie médiatisante incontournable, Google doit minimiser les signes de son intervention sur les productions mises en circulation. La promesse du neutre définit, au total, la posture médiatique paradoxale d’un dispositif qui cherche à s’effacer dans l’évidence même des signes de son énonciation [59]. Le « pouvoir exorbitant » [60] du moteur de recherche de Google prétend ainsi s’éclipser derrière l’opération neutralisée d’une logistique documentaire dépourvue de toute espèce de présupposés sociaux, symboliques, politiques. Si le pouvoir repose sur la « mise en réserve de la force dans les signes » [61], comme le suggère L. Marin, force est de conclure que le pouvoir éditorial de cette industrie médiatisante est d’autant plus ambigu que les signes qu’il convoque visent à le dissimuler. Dès lors, ce raisonnement indique que le pouvoir des architextes de Google ne peut être pensé convenablement que par l’articulation des théories de l’autorité qu’ils incorporent et de la gestion sémiotique de la polyphonie énonciative qu’ils éditorialisent.
Le chiasme des autorités
22 Cet exposé a évidemment ignoré certains aspects polémiques des pouvoirs de Google et, sans doute, les quelques points abordés ont été insuffisamment développés. Force est de reconnaître que la question de départ était ambitieuse : on ne répond pas si facilement aux « problématiques » communicationnelles que Google suscite. Il reste que cette réflexion rend compte d’un chiasme caractéristique de l’opérativité des médias informatisés, par lequel l’algorithmique de l’autorité se traduit en autorité algorithmique. Raison pour laquelle cette étude a, dans un premier temps, tenté de faire valoir la conception de l’autorité et la théorie politique inscrites au cœur des architextes de Google afin, dans un deuxième temps, de penser l’emprise « méta-éditoriale » du moteur de recherche sur les pratiques d’écriture du web et, dans un troisième temps, de questionner sa prétention à s’inter-poser dans la circulation sociale des savoirs en intervenant sur l’économie documentaire des textes de réseau.
23 Cette conclusion doit cependant être nuancée, notamment parce qu’elle repose sur une analyse de l’autorité que le moteur de recherche exerce sur l’économie documentaire du web qui n’interroge pas la place des pouvoirs susceptibles de lui faire face. Effectivement, il semble impossible d’envisager le pouvoir de Google au prisme exclusif de la contrainte [62]. Il est commun, dans les études qui se proposent de déconstruire un dispositif médiatique, d’élucider la question de ses pouvoirs en soulignant la permanence de « lignes de fuite » [63] qui, repérées et empruntées par les usagers, sont systématiquement constituées en témoignages de leur « résistance ». Mais la critique des formes de l’autorité du moteur de recherche semble insuffisante si elle se limite au constat d’un pouvoir exercé par le dispositif sur les différents usagers du web. Ainsi, dans le cas du moteur de recherche de Google, il s’agira sans doute moins de repérer des interstices susceptibles d’être investis par des initiatives tactiques, que de souligner l’existence d’espaces de négociation complexes où le pouvoir circule entre le dispositif et les acteurs qui assurent son fonctionnement – au rang desquels les éditeurs de sites web tiennent une place prépondérante. Effectivement, il semble heuristique – sinon « utile » – d’interroger les pouvoirs qui lient le moteur de recherche aux éditeurs en tenant compte de ce qu’il se partage entre un « pouvoir faire », un « pouvoir de faire », et un « pouvoir de faire faire » [64]. Ces trois modalités de l’exercice du pouvoir sont particulièrement prégnantes dans l’économie des écritures pensées par et pour le moteur de recherche. Au titre d’un « pouvoir faire », le moteur de recherche comme les éditeurs doivent d’abord s’accommoder du « milieu » défini par l’architecture technique du web et les propriétés des formats de publication qu’il autorise. Ce cadre – repris et commenté dans les publications de S. Brin et L. Page – circonscrit l’espace des possibles au sein duquel le dispositif pourra déployer sa propre « performance » et les éditeurs, envisager leur activité éditoriale. Ensuite, au titre d’un « pouvoir de faire », il faut considérer les marges de manœuvre laissées aux éditeurs par le moteur de recherche via une panoplie d’instruments proposés, de techniques d’écritures préconisées et de discours didactiques [65] qui les incitent à faciliter les processus d’indexation et de hiérarchisation afin – de manière plus ou moins efficace – d’« optimiser » le référencement « naturel » de leurs documents. Cette panoplie définit un espace de pouvoirs optatifs dans la mesure où les éditeurs sont « mis en capacité » d’agir en faveur de la visibilité de leurs productions, mais sont susceptibles de s’y refuser. Enfin, au titre d’un « pouvoir de faire faire », il convient de prendre au sérieux les enjeux du régime de publicité instauré et préempté par les moteurs de recherche pour comprendre dans quelle mesure ils sont susceptibles de « conduire les conduites » des éditeurs du web en réglant leurs pratiques d’écriture. Ces trois aspects de la distribution du pouvoir interrogés, peut-être sera-t-il possible de proposer des conclusions satisfaisantes quant au statut et à la nature des pouvoirs dont le moteur de recherche dispose. Faute de quoi l’analyse de cette médiation informatisée de l’autorité court le risque de rejoindre les discours qui dénoncent l’emprise éditoriale du moteur de recherche quand ils s’avisent que l’économie de la visibilité médiatisée recouvre, en elle-même, un enjeu de pouvoir.
Bibliographie
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- Garfield Eugene, “Citation Analysis as a Tool in Journal Evaluation”, Science, 4060, 1972, p. 471-479.
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- Jeanne-Perrier Valérie, « Des outils d’écriture aux pouvoirs exorbitants? », Réseaux, 137, 2006, p. 97-131.
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- Olivesi Stéphane, Référence, déférence. Une sociologie de la citation, Paris, L’Harmattan, 2007.
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- Page Lawrence, Brin Sergey, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, in Philip H. Enslow & Allen Hellis (ed.), Proceedings of the Seventh International Conference on World Wide Web, 1998, p. 107-117.
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Notes
-
[1]
Par exemple, voir Thomas Pettitt, “Bracketing the Gutenberg Parenthesis”, Explorations in Media Ecology, 11(2), 2012, p. 95-114.
-
[2]
Brigitte Simonnot, L’accès à l’information en ligne: Moteurs, dispositifs et médiations, Hermès, 2012.
-
[3]
Nikos Smyrnaios, Franck Rebillard, « L’actualité selon Google: L’emprise du principal moteur de recherche sur l’information en ligne », Communication & langages, 160, 2009, p. 95-109.
-
[4]
Emmanuël Souchier, Yves Jeanneret, « Pour une poétique de l’écrit d’écran », Xoana, 6, 1999, p. 97-107.
-
[5]
Autrement dit : une posture visant à « déplier les médiations qui associent le logistique et le sémiotique dans l’institution sociale de l’accès aux textes et aux documents ». Yves Jeanneret, Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ?, Presses universitaires du Septentrion, 2000.
-
[6]
« La notion d’architexte […] est utile pour qualifier la double fonction de ces outils : produire le texte et le rendre visible […]. L’architexte est une manière de parler de l’univers logiciel (moteur de recherche, logiciel de messagerie, logiciel graphique, logiciel de chat, logiciel de publication de blog, etc.) nécessaire à la production du texte, en mettant l’accent sur le fait que ces logiciels permettent d’écrire mais également de présenter à la vue une disposition des formes textuelles qui se reproduit en se transformant. » Julia Bonaccorsi, Approches sémiologiques du web, in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du web, Armand Colin, 2013, p. 125-146.
-
[7]
La polyphonie énonciative, théorie empruntée aux études littéraires de M. Bakhtine et étendue à l’analyse des productions médiatiques, articule les dimensions sociales, techniques et sémiotiques que supposent l’énonciation éditoriale et l’existence matérielle (numérique ou non) des textes pour rendre compte des rapports de pouvoir liant la pluralité des acteurs dont ils procèdent.
-
[8]
Dans le cadre des médias informatisés, un algorithme est une abstraction textualisée qui décrit la méthode à appliquer pour accomplir une tâche donnée. Il constitue littéralement un pro-gramme d’action en ce qu’il anticipe et formalise des opérations informatiques à appliquer sur des ensembles de données structurées. En tant qu’écriture de pratiques spécifiques, il emporte une définition des objets qu’il instrumentalise et implicite un imaginaire des opérations et des arbitrages qui lui sont délégués. L’algorithme est indépendant du langage de programmation qui le traduit et de la machine qui l’opère.
-
[9]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web”, 1998.
-
[10]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, in Philip H. Enslow & Allen Hellis (ed.), Proceedings of the Seventh International Conference on World Wide Web, 1998, p. 107-117.
-
[11]
Lawrence Page, Method for scoring documents in a linked database, 2001.
-
[12]
“[…] we believe the issue of advertising causes enough mixed incentives that it is crucial to have a competitive search engine that is transparent and in the academic realm.” Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a LargeScale Hypertextual Web Search Engine”, op. cit.
-
[13]
“We hope Google will be a resource for searchers and researchers all around the world and will spark the next generation of search engine technology”, Ibid.
-
[14]
“[…] we expect that advertising funded search engines will be inherently biased towards the advertisers and away from the needs of the consumers. […] a search engine could add a small factor to search results from ‘friendly’ companies, and subtract a factor from results from competitors.”, Ibid.
-
[15]
Yves Jeanneret, Critique de la trivialité : Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Éditions Non Standard, 2014, p. 668.
-
[16]
Il y a quelque chose de paradoxal à constituer des algorithmes invisibles en objet de recherche. Mais la fascination des publics pour les pouvoirs qu’ils emportent – de la « censure » de Twitter, aux bulles affinitaires de Facebook, aux « prédictions » de Walmart – justifie un pas de côté visant à étudier cette « fièvre discursive » dans la mesure où elle explicite les imaginaires de l’algorithme et l’élabore comme objet de discours polémiques.
-
[17]
« Documentariser, c’est ni plus ni moins traiter un document comme le font, ou faisaient, traditionnellement, les professionnels de la documentation (bibliothécaire, archivistes, documentalistes) : le cataloguer, l’indexer, le résumer, le découper, éventuellement le renforcer, etc. » Jean-Michel Salaün, « La redocumentarisation, un défi pour les sciences de l’information », Études de communication, 30, 2007, p. 13-23.
-
[18]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, op. cit.
-
[19]
Selon les estimations, les algorithmes d’appariement et de classement de Google considéreraient plus de deux cents paramètres, dont le PageRank n’est qu’une variable.
-
[20]
Lawrence Page, Sergey Brin, “The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web”, op. cit.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Ibid.
-
[23]
Ibid.
-
[24]
Soit une optimisation et une instrumentalisation de formes écrites rationalisées par une stratégie qui les incorpore à une visée marchande.
-
[25]
« […] remplacer le mot “lien” par l’expression “signe passeur” n’est pas une nouvelle façon de nommer la même réalité sémiotique et technique. C’est qualifier comme signes pleins les formes qui permettent de représenter dans un texte actuel un texte virtuel, prendre au sérieux ce que signifie une nouvelle forme de lecture gestualisée, refuser l’isolement artificiel des signes pour les intégrer à une construction et à un contexte, indépendamment desquels ils n’ont aucun sens. » Jean Davallon, Yves Jeanneret, « La fausse évidence du lien hypertexte », Communication & langages, 140, 2004, p. 43-54.
-
[26]
« […] aucun lien n’est un lien, mais un acte d’écriture, qui réalise une responsabilité éditoriale et propose une architecture pour la communication: le geste d’écrire un signe passeur anticipe un acte de lecture possible […] » Yves Jeanneret, Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ?, op. cit., p. 173.
-
[27]
« […] le lien hypertexte est à a fois un acte de reconnaissance et un signe d’autorité. » Dominique Cardon, « Dans l’esprit du PageRank », Réseaux, 177, 2013, p. 63-95.
-
[28]
« Un indice est un signe qui renvoie à l’objet qu’il dénote parce qu’il est réellement affecté par cet objet. » C. S. Peirce, Écrits sur le signe, Seuil, 1978.
-
[29]
« […] un certain nombre d’acteurs, idéologues, commerçants, ingénieurs, poussent les feux d’une réduction du sémiotique au logistique, en posant que la quantification des “traces” de tout ordre permet de “générer” des classement, des jugements, des pratiques. » Yves Jeanneret, Désigner, entre sémiotique et logistique, in Ismaïl Timimi, Susan Kovacs (dir.), Indice, index, indexation : Actes du colloque international organisé les 3 et 4 novembre 2005 à l’Université Lille 3 par les laboratoires Cersates et Gerico, Paris, ADBS, 2006, p. 32.
-
[30]
Eugene Garfield, “Citation Analysis as a Tool in Journal Evaluation”, Science, 4060, 1972, p. 471-479.
-
[31]
Leo Katz, “A New Status Index Derived from Sociometric Analysis”, Psychometrika, 18, 1953, p. 18-39.
-
[32]
Eugene Garfield publie la première édition du Science Citation Index en 1964. Elle figure parmi les premières bases de données importantes de l’informatique émergente; elle contient quelque 1,4 millions de citations récoltées manuellement au fil des pages de 613 revues scientifiques publiées au cours de l’année 1961.
-
[33]
Dans le contexte des États-Unis des années 1960, le savoir scientométrique fut prioritairement récupéré comme instrument « efficace » d’une rationalisation politique de la recherche scientifique.
-
[34]
La première édition du Science Citation Index est publiée par Eugene Garfield en 1964. Le dispositif figure parmi les premières bases de données importantes de l’informatique alors émergente ; il répertorie près d’1,5 millions de citations récoltées manuellement au fil des articles de 613 revues scientifiques publiées au cours de l’année 1961.
-
[35]
Pour une description détaillée des logiques citationnelles, voir Stéphane Olivesi, Référence, déférence. Une sociologie de la citation, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 35-38.
-
[36]
Par honnêteté, il faut reconnaître que les publications d’Eugène Garfield ne sont pas aussi caricaturales que les dérives de la scientométrie le laissent supposer. Par exemple, dans “Citation analysis as a tool in journal evaluation”, il associe la citation à 15 motifs différents, parmi lesquels il identifie l’hommage, la critique ou la rectification de travaux antérieurs. Sans doute la réduction de la pratique éditoriale de la citation à la pratique électorale du vote peut-elle être imputée à l’institutionnalisation de la scientométrie elle-même.
-
[37]
Pour une histoire des pratiques scientifiques de la citation, voir Anthony Grafton, Les origines tragiques de l’érudition : une histoire de la note en bas de page, Paris, Seuil, 1998.
-
[38]
L. Katz est un statisticien américain. Il s’est notamment appliqué dans les années 1950 à étudier la distribution du pouvoir au sein de différents réseaux sociaux non-numériques.
-
[39]
“[…] if a web page has a link off the Yahoo home page, it may be just one link but it is a very important one. This page should be ranked higher than many pages with more links but from obscure places.” Lawrence Page, Sergey Brin, “The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web”, op. cit.
-
[40]
“The web is a vast collection of completely uncontrolled heterogeneous documents.” Lawrence Page, Sergey Brin, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, op. cit.
-
[41]
Yves Jeanneret, Critique de la trivialité: Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, op. cit., p. 12.
- [42]
-
[43]
Dominique Cardon, « Dans l’esprit du PageRank », Réseaux, 177, 2013, p. 63-95.
-
[44]
Qu’il s’agisse, en France, des archives de l’Internet proposées par la BNF et l’INA ou, aux États-Unis, de l’initiative menées par Internet Archive.
-
[45]
Les résultats suggérés varient en fonction d’une variété de paramètres, dont l’historique de recherche de l’internaute, l’état de l’index au moment de la requête, la localisation de son adresse IP et, bien évidemment, les termes employés.
-
[46]
Les catégories proposées par M. de Certeau, la tactique et la stratégie, sont partiellement opérantes pour la description du succès de Google. Le PageRank constitue un « coup » à l’égard du web considéré comme dispositif médiatique; initialement, le PageRank propose une alternative aux autres modes d’organisation du web et tente de « faire avec » la structure logistique et les pratiques d’écriture qu’il conditionne. L’initiative tactique du PageRank circonscrit le « lieu propre » à partir duquel Google est susceptible de configurer des opérations en fonction d’une stratégie.
-
[47]
Un moteur de recherche vertical, par opposition à un moteur de recherche généraliste, propose des résultats spécifiés par un format documentaire particulier ou un champ d’indexation délimité a priori.
-
[48]
Yves Jeanneret, Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ?, op. cit.
-
[49]
Cléo Collomb, Samuel Goyet, « Meeting the machine halfway : vers une sémiopolitique de l’agir computationnel », 2015, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01253444.
-
[50]
« […] la prolifération des documents s’est vite accompagnée de la création d’outils pour rendre visible un immense texte inaccessible au regard. » Yves Jeanneret, « Écriture et multimédia », in Anne-Marie Christin (dir.), Histoire de l’écriture : De l’idéogramme au multimédia, Flammarion, 2012.
-
[51]
Pascal Robert, Mnémotechnologies : une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Paris, Hermès, 2010.
-
[52]
Il y aurait matière à pousser la réflexion du côté du SEO, parce que le métier de ces professionnels du référencement consiste à incorporer les pratiques d’écriture et la morale du texte prescrites par Google pour « optimiser » la visibilité des « contenus » de leurs clients. Pour les acteurs qui le briguent, le certificat d’autorité conféré par les premières places de ces pages de résultats suppose de respecter des modes de production du texte et des modèles éditoriaux particulièrement coûteux. De sorte que le moteur de recherche favorise invariablement des structures plus ou moins professionnalisées au détriment des écrivants amateurs.
-
[53]
Selon une étude réalisée par Chitika en 2013, 91,5% des usagers se contenteraient de la première page des résultats de Google. À lui seul, le premier résultat intéresse 36% des lecteurs.
-
[54]
« Est un lieu l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. S’y trouve donc exclue la possibilité, pour deux choses, d’être à la même place. La loi du “propre” y règne : les éléments considérés sont les uns à côté des autres, chacun situé en un endroit “propre” et distinct qu’il définit. Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. » Michel de Certeau, L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, 1990, p. 173.
-
[55]
Emmanuël Souchier, Yves Jeanneret, « L’énonciation éditoriale dans les écrits d’écran », Communication & langages, 145, 2005, p. 3-15.
-
[56]
Emmanuël Souchier, « L’image du texte, pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les cahiers de médiologie, 6, 1998, p. 137-145.
-
[57]
Roland Barthes, Le Neutre: Cours au collège de France, Paris, Seuil, 2002.
-
[58]
Ce type de sémiotique est difficile à analyser parce qu’elle implique des non-signes ou, plus précisément, des signes considérés in-signifiants pour les publics auxquels ils sont destinés. De sorte que, dans le cas du moteur de recherche de Google, les conclusions de l’analyse repèrent moins les signes d’une neutralité effective que les imaginaires textualisés du neutre.
-
[59]
La prétention à la neutralité de Google est gênée par une sorte de « paradoxe de l’observateur » dans la mesure où les acteurs du web tendent à conformer leurs écritures aux formes que les algorithmes privilégient. De sorte que Google, dans la rubrique « Informations supplémentaires concernant la création de sites de qualité » de son forum dédié aux webmasters leur recommande de faire « le nécessaire pour satisfaire au mieux les internautes qui visitent [leur] site Web et [de ne pas se préoccuper] inutilement des algorithmes ou des paramètres utilisés par Google pour le classement. »
-
[60]
Valérie Jeanne-Perrier, « Des outils d’écriture aux pouvoirs exorbitants ? », Réseaux, 137, 2006, p. 97-131.
-
[61]
Louis Marin, Le Portrait du roi, Éditions de Minuit, 1981.
-
[62]
Romain Badouard, Clément Mabi, Guillaume Sire, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois logiques de gouvernementalité numérique », French Journal for Media Research, 6, 2016, [en ligne] http://frenchjournalformediaresearch.com/index.php?id=1001
-
[63]
Gilles Deleuze, Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie. 2, Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980.
-
[64]
Cette typologie du « pouvoir » est empruntée à la thèse de doctorat de Guillaume Sire. Voir Guillaume Sire, La production journalistique et Google. Chercher à ce que l’information soit trouvée, thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la direction de Nathalie Sonnac, université Paris II – Panthéon Assas, 2013.
-
[65]
Ces discours d’accompagnement, à vocation pédagogique, sont disséminés dans l’ensemble des espaces de communication du moteur de recherche lui-même. Mais ils se trouvent particulièrement condensés sur le Centre d’aide Search Console dédié aux éditeurs de sites web. Voir: https://support.google.com/webmasters