Couverture de COMLA_187

Article de revue

Les formes symboliques de l’événement dramatique. Pour une grammaire du fait divers au journal télévisé.

Pages 3 à 22

Notes

  • [1]
    Georges Gabory, « Faits-divers », Action, 8, 1921. Cité par Ivanne Rialland, « Faits divers et revues littéraires de l’orée des années 1920 à l’aube des années 1930 : Action, La Révolution surréaliste, Bifur », Fabula/Les colloques, « Ce que le document fait à la littérature (1860-1940) », [en ligne] http://www.fabula.org/colloques/document1746.php.
  • [2]
    La catégorie « fait divers » peut aussi présenter des faits joyeux, cocasses et insolites. Pour notre analyse, qui s’intéresse notamment à la place de l’émotion dans la médiatisation des faits divers, nous avons préféré concentrer notre regard uniquement sur les faits dramatiques qui présentent une à plusieurs victimes.
  • [3]
    Jacques Noyer décrit l’acte de médiation comme quelque chose qui « s’inter-pose » comme élément de signification et de monstration entre le réel-référent et le lecteur/téléspectateur. Cf. Jacques Noyer, Quand la télévision donne la parole au public. La médiation de l’information dans L’Hebdo du Médiateur, Presses universitaires du Septentrion, 2009, p. 52.
  • [4]
    La notion de « texte » mentionnée ici suit la définition qu’en donne D. F. McKenzie, pour qui le terme « texte » inclut « toutes les informations verbales, visuelles, orales et numériques, sous la forme de cartes, de pages imprimées, de partitions, d’archives sonores, de films, de cassettes vidéo, de banques de données informatiques, bref tout ce qui va de l’épigraphie aux techniques les plus avancées de discographie ». Donald Francis McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, Éditions du Cercle de la Librairie, 1991 [1986], p. 31.
  • [5]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de “l’infra-ordinaire” », Communication & langages, 172, 2012, p. 13.
  • [6]
    Bernard Lamizet parle d’une « grammaire » qui, organisée autour de certaines règles fondamentales, rend l’événement « lisible » par le public. Sémiotique de l’événement, Lavoisier Hermès, 2006, p. 255.
  • [7]
    Bernard Stiegler, « Individuation et grammatisation : quand la technique fait sens… », Documentaliste-Sciences de l’Information, 42(6), 2005, p. 354-360.
  • [8]
    Bérénice Mariau, Écrire le fait divers à la télévision. La rhétorique émotionnelle du drame personnel au journal télévisé de TF1, Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la direction d’Emmanuël Souchier, Celsa-Paris-Sorbonne, décembre 2014.
  • [9]
    Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits », Communications, 8(1), 1966, p. 1-2.
  • [10]
    Eliseo Verón, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications, 38, 1983 p. 98.
  • [11]
    Jean-Claude Soulages, Les mises en scène visuelles de l’information. Étude comparée France, Espagne, États-Unis, Armand Colin, 1999, p. 7.
  • [12]
    Philippe Marion parle de « médiativité » pour désigner la capacité propre à un média à représenter et placer cette représentation dans une dynamique communicationnelle. Cf. « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, 1997, p. 80.
  • [13]
    Par « professionnels de l’information », nous entendons toutes les personnes qui participent à l’élaboration du reportage. Divers corps de métiers interviennent : caméraman et preneur de son (deux fonctions souvent assumées par une seule personne), journaliste, monteur, rédacteur en chef, directeur de l’information, présentateur…
  • [14]
    Formule employée par Gilles Bouleau, présentateur du JT de 20 heure de TF1, avant le lancement d’un reportage revenant sur un quadruple meurtre à Chevaline le 5 septembre 2012. JT du 6 septembre 2012, 1er reportage.
  • [15]
    Patrick Charaudeau, Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours, De Boeck, 2005, p. 52.
  • [16]
    François Jost, La télévision du quotidien. Entre réalité et fiction, De Boeck, 2001, p. 17-19. Voir également les différents débats autour de la notion de « contrat » et de « promesse » tenus au Colloque de Cerisy, « Penser la télévision », en juin 1997.
  • [17]
    Umberto Eco, Lector in fabula. Le rôle du lecteur, Grasset, 1985, p. 61-83.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Jean-Claude Soulages, Les rhétoriques télévisuelles. Le formatage du regard, De Boeck, 2007, p. 21.
  • [20]
    Même si nous constatons une propension à la segmentation du fait divers sous plusieurs reportages – revenant sur diverses dimensions de l’événement, comme « la découverte macabre », l’enquête, la tristesse des proches, les cas similaires à travers l’histoire – la concision reste une règle d’écriture pour les journalistes du JT.
  • [21]
    Revenant sur de grandes « affaires » survenues quelques mois ou quelques années auparavant, des émissions comme Faites entrer l’accusé sur France 2, Enquêtes criminelles sur W9, Suspect n° 1 sur TMC, Présumé innocent sur D8 ou En quête de vérité sur NRJ 12 consacrent ou consacraient – certaines ne faisant plus partie de la grille de programmation – entre 30 et 90 minutes à un seul fait divers.
  • [22]
    Pour Mikhaïl Bakhtine, les genres du discours permettent à l’énonciateur d’organiser sa parole, de la « mouler » dans des formes acquises par expérience, et reconnaissables par autrui, par ce même apprentissage. Ainsi, en « entendant la parole d’autrui, nous savons d’emblée, aux tous premiers mots, en pressentir le genre, en deviner le volume […] ». Mikhaïl Bakhtine, Esthétique de la création verbale, Gallimard, 1979, p. 285.
  • [23]
    Annette Béguin-Verbrugge, Images en texte, images du texte : dispositifs graphiques et communication écrite, 2006, p. 63.
  • [24]
    L’« éclair » est un terme employé par Roland Barthes pour désigner, dans les pièces de Racine, le moment où le revirement se produit. En langage classique, on l’appelle aussi un coup : « le héros frappé tient dans une perception déchirante l’état ancien dont il est dépossédé et l’état nouveau qui lui est assigné ». Roland Barthes, Sur Racine, Le Seuil, 1963, p. 52.
  • [25]
    Expression de Jean-Bertrand Pontalis pour parler du fait divers, Un jour, le crime, Gallimard, 2011, p. 27.
  • [26]
    « 20 heures » du 21 avril 2011, TF1, « Découverte macabre à Nantes », 1re position.
  • [27]
    Gaston Bachelard, Poétique de l’espace, PUF - Quadrige, 2012 [1957], p. 17.
  • [28]
    Ibid., p. 191.
  • [29]
    Dominique Kalifa, « Les lieux du crime. Topographie criminelle et imaginaire social à Paris au xixe siècle », Sociétés & Représentations, 17(1), 2004, p. 131.
  • [30]
    Dominique Kalifa se réfère notamment à l’œuvre d’Eugène Sue, Les mystères de Paris, publiée dans un premier temps sous la forme d’un roman-feuilleton dans Le Journal des Débats entre l’été 1842 et l’automne 1843. Les Parisiens plongent ainsi dans les entrailles de la capitale, suivant les aventures de personnages issus du « petit peuple » qui vivent dans des conditions épouvantables.
  • [31]
    Patrick Charaudeau, « La situation de communication comme lieu de conditionnement du surgissement interdiscursif », TRANEL, « Interdiscours et intertextualité dans les médias », Institut de linguistique de l’Université de Neuchâtel, 44, 2006. Consulté sur le site de Patrick Charaudeau, http://www.patrick-charaudeau.com/La-situation-de-communication,166.html.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    Patrick Charaudeau, Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Nathan, 1997, p. 75.
  • [34]
    Béatrice Galinon-Mélénec, Samir Zlitni (dir.), L’homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines, CNRS Éditions, 2011, p. 25.
  • [35]
    Ibid., p. 16.
  • [36]
    Yves Jeanneret, « Complexité de la notion de trace. De la traque au tracé », L’homme trace…, ibid., p. 82.
  • [37]
    Paul Ardenne, Corpopoétique. Regarder la victime, Éditions La Muette - Le Bord de l’eau, 2001, p. 70.
  • [38]
    Jean-Jacques Boutaud, Stéphane Dufour, « L’indicible et l’indiciel : empreinte gustative et trace figurative », L’Homme trace…, op. cit., p. 157.
  • [39]
    Christian Vandendorpe, « La lecture du fait divers : fonctionnement textuel et effets cognitifs », Tangence, 37, 1992, p. 65.
  • [40]
    Ibid.
  • [41]
    Par ce terme, l’auteur renvoie à une culture de l’audiovisuel. Thierry Devars, « Pour une poétique de l’ “audiovitie” : l’impensé de la culture audiovisuelle. Le cas des vidéos politiques », Communication & langages, 167, 2011, p. 17-29.
  • [42]
    Michel Foucault, Surveiller et punir – Naissance de la prison, Gallimard, 1975, p. 159-161.
  • [43]
    Ibid., p. 159.
  • [44]
    « 20 heures » du 10 avril 2011, TF1, « Tué chez ses parents à Villepinte : une méthode digne de la mafia », 1re position.
  • [45]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 87.
  • [46]
    Michel Guerin, « Les stéréotypes visuels de la guerre en Afghanistan », Le Monde, 16 novembre 2001, cité par Dominique Ducard, « Stéréotypage discursif d’une image de presse », Communication & langages, 165, 2012, p.4.
  • [47]
    Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique, Livre de poche, 1992, p. 276.
  • [48]
    Gaston Bachelard, Poétique de l’espace, op. cit.
  • [49]
    « 20 heures » du 26 mai 2011, TF1, « Un écolier se pend à Arles, son pronostic vital engagé », 4e position.
  • [50]
    Annette Béguin-Verbrugge, Images en texte, images du texte, op. cit., p. 70.
  • [51]
    Gaston Bachelard, Poétique de l’espace, op. cit., p. 3.
  • [52]
    Jean Cloutier, « La communication audio-scripto-visuelle », Communication & langages, 19, 1973, p. 86.
  • [53]
    Alain Rabatel, « L’effacement énonciatif dans les discours rapportés et ses effets pragmatiques », Langages, 156, 2004, p. 5.
  • [54]
    Oswald Ducrot, Le dire et le dit, Éditions de Minuit, 1984, p. 205.
  • [55]
    Patrick Charaudeau, « Une problématisation discursive de l’émotion. À propos des effets de pathémisation à la télévision », in Christian Plantin, Marianne Doury et Véronique Traverso (dir.), Les émotions dans les interactions, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 127.
  • [56]
    Patrick Charaudeau, Les médias et l’information, op. cit., p. 67.
  • [57]
    « 20 heures » du 15 mars 2012, TF1, « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame », 1re position.
  • [58]
    « 20 heures » du 15 mars 2012, TF1, « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame », 1re position.
  • [59]
    Roland Barthes, Sur Racine, op. cit., p. 52.
  • [60]
    Les scripts, comme les « schémas » ou les « matrices », correspondent à des « structures mentales acquises par l’expérience pratique ou par la familiarité avec d’autres récits ». Ces structures permettent alors « d’expliquer les fondements de la compréhension de l’action et, par extension, des textes narratifs ». Raphaël Baroni, La tension narrative. Suspense, curiosité et surprise, Le Seuil, 2007, p. 163.
  • [61]
    Jean-François Tétu fait notamment référence aux travaux de Roland Barthes sur la photographie : Bernard Lamizet, Jean-François Tétu, « L’émotion dans les médias : dispositif, formes et figures », Mots. Les langages du politique, 75, 2004, p. 9-20.
  • [62]
    Louis Marin, « Représentation et simulacre », Critique, Revue générale des publications françaises et étrangères, 373-374, 1978, p. 535.
  • [63]
    Louis Marin, Le portrait du roi, Éditions de Minuit, 1981, p. 9.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie, Le Seuil, 1980.
  • [66]
    Jack Goody, La culture des fleurs, Le Seuil, 1994, p. 336.
  • [67]
    Patricia Paperman, Ruwen Ogien, « L’absence d’émotion comme offense », Raisons pratiques, 6, « La couleur des pensées. Sentiments, émotions, intentions », Éditions de l’EHESS, 1995, p. 178.
  • [68]
    Luc Boltanski, La souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique, Éditions Métailié, 1993, p. 117.
  • [69]
    Ibid., p. 122
  • [70]
    Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Le Seuil, 1972, p. 59-60.
  • [71]
    Bernard Lamizet, Jean-François Tétu, « L’émotion dans les médias », art. cit., Les deux auteurs empruntent l’expression « climats émotionnels » à Klaus Scherer, « Évolution de la société : quel avenir pour les émotions ? », Revue européenne des sciences sociales, XLIV(134), 2006.
Les faits divers sont la chronique du cœur humain, le petit écho des passions : je me propose de l’éveiller et de le faire retentir dans vos cœurs, lecteurs sensibles […].
Georges Gabory, Action, 1921 [1].

1Le « terrible drame », la « tuerie », l’« effroyable accident » ne se prévoient pas, ils surgissent. Ces « découvertes macabres » viennent rompre le court normal des choses, créant un « avant » et un « après » l’événement. Si cette rupture est plus évidente pour certains événements qui secouent fortement une société – on pense notamment à des attentats ou des catastrophes naturelles –, elle l’est moins pour des événements où l’onde de choc est a priori plus limitée. Ainsi, les événements qui se retrouvent généralement dans la catégorie « fait divers » – par leur dimension isolée, personnelle, dramatique et apolitique [2] – présentent-ils cette forme de rupture qui, si elle n’est pas relayée et formée médiatiquement, reste invisible pour une grande partie des citoyens.

2Le journal joue alors un rôle crucial dans la mise en visibilité de ces faits, il « s’inter-pose » comme élément de monstration et de signification entre le drame et le public [3]. Selon les caractéristiques du dispositif, il opère une activité de mise en forme, avec en arrière-plan la volonté de produire un texte[4] lisible pour le destinataire envisagé. Les spécificités de cette mise en forme déterminent, en partie, les parcours interprétatifs effectués par les lecteurs pour prendre connaissance des faits. Emmanuël Souchier parle d’un « chemin » emprunté qui façonnerait notre mémoire [5]. Ainsi, la matérialité de l’événement et le processus de lecture qu’elle met en place jouent-ils un rôle dans l’empreinte mémorielle que laisse l’information. L’élément qui « s’inter-pose », le journal en l’occurrence, propose selon ses possibilités techniques, ses enjeux économiques ou encore ses contraintes pragmatiques une lecture de l’événement à son public.

3Nous proposons de revenir sur les différents éléments qui viennent composer ce que l’on pourrait appeler une « grammaire » [6] du fait divers, c’est-à-dire un ensemble de règles et de structures qui régissent l’écriture de l’événement et rendent possible sa lecture par le public. Par ce travail de grammatisation qui, comme le rappelle Bernard Stiegler, ne se limite pas au langage mais peut également s’appliquer à une grande variété de contenus [7], nous souhaitons discrétiser des textes médiatiques complexes en un nombre d’unités, plus ou moins limité. La grammaire que nous présentons n’est en effet pas figée et exhaustive. Les règles tacites d’écriture exposées – qui n’empêchent pas pour autant une pluralité d’interprétations – restent sujettes aux créations individuelles des professionnels de l’information, aux évolutions techniques des médias, mais également aux caractéristiques de l’événement. Certains événements peuvent en effet entraîner la mise en place de nouvelles formes d’écriture adaptées aux faits et au contexte social dans lequel ils surviennent.

4Cette approche structurale des récits de faits divers s’inscrit dans un travail de recherche doctorale plus vaste [8]. Celui-ci prenait notamment en compte les différents paramètres intervenant dans l’écriture de l’événement, comme les spécificités communicationnelles du fait divers, ses conditions de production ou encore son contexte de diffusion. Ce travail de décomposition, motivé par ce que Roland Barthes décrit pour l’analyse structurale des récits comme l’envie de « dégager de l’anarchie apparente des messages un principe de classement et un foyer de description » [9], nous semblait d’autant plus nécessaire pour des récits d’événements où la variété des sujets est soulignée dans la locution même qui les désigne. Cette recherche des invariants permet alors de dégager une économie discursive propre à un type donné [10] – les récits de drames dans notre cas – et d’interroger des pratiques d’écriture de professionnels qui, pour reprendre les termes de Jean-Claude Soulages, « fabriquent le sens du monde à travers des formes qui concourent à sa sémiotisation » [11].

5Cette grammaire étant en grande partie dépendante des caractéristiques du dispositif, nous avons fait le choix de concentrer notre propos sur un seul type de support, le journal télévisé (JT), qui selon ses contraintes et ses enjeux élabore une grammaire particulière pour raconter le fait divers. Nous exposerons brièvement, dans un premier temps, les principales caractéristiques du dispositif du JT, pour ensuite présenter les différents éléments saillants qui viennent composer la grammaire du fait divers, créant ainsi un imaginaire du drame pour ce support.

1. Le dispositif du jt : « Au plus près de l’événement »

6Au JT, tout d’abord, l’enjeu est de pouvoir mettre en avant les possibilités techniques de la télévision, qui permet la production d’un texte imagé et animé [12]. Ces possibilités techniques, qu’il s’agit de valoriser pour se différencier des autres médias, guident au quotidien les pratiques des professionnels de l’information dans l’écriture de l’événement [13]. La promesse de donner à voir l’événement, et parfois même de le donner à « revivre minute par minute » [14], est ainsi faite aux téléspectateurs.

A. Une promesse de « transparence »

7Pour décrire cette reconnaissance par le locuteur et l’interlocuteur des « conditions de réalisation du type d’échange langagier dans lequel ils sont engagés » [15], Patrick Charaudeau parle d’un « contrat de communication » passé implicitement entre les deux instances. Si nous trouvons le concept de « contrat » pertinent, nous préférons plutôt utiliser, pour cette situation de communication, le terme de « promesse » proposé par François Jost [16]. Ce terme suggère en effet une proposition faite par le sujet parlant à son interlocuteur qui, comme le rappelle Eliseo Verón, reste libre d’actualiser, ou non, par des mouvements coopératifs actifs et conscients de sa part, la « chaîne d’artifices expressifs » contenue dans le texte[17].

8La promesse du JT, et de tout autre support d’information, est alors basée sur le « mode authentifiant » : le programme promet de tenir « de vraies assertions sur notre monde » et de donner « des informations pour en améliorer la connaissance » [18]. Il correspond à ce que Jean-Claude Soulages identifie comme un « dispositif de monstration » avec pour visée communicationnelle de montrer « le monde tel qu’il se donnerait à voir » [19]. Ce type de dispositif se caractérise par une énonciation visuelle qui multiplie et construit des effets de transparence afin de rendre la plus discrète possible la présence d’un intermédiaire entre les images d’actualité et le public. La grammaire du fait divers au JT repose ainsi sur cette volonté d’authentification visant à rendre présent l’événement.

B. Une promesse d’« actualité »

9Cette reconstitution, composée de sons et d’images animées, ne peut, au JT, excéder deux minutes. La contrainte du format implique alors une forme de concision de la part des journalistes qui, après avoir choisi un angle précis, opèrent une sélection des informations portées à l’écran [20]. Cette concision est, par exemple, beaucoup moins présente pour des émissions hebdomadaires ou mensuelles dédiées aux faits divers. Ces dernières disposent d’un temps d’écriture nettement plus conséquent qui permet l’élaboration de mises en scène télévisuelles élaborées afin de reconstituer l’événement [21].

10La ligne éditoriale du JT reposant, elle, sur une promesse de simultanéité, d’« actualité », la nécessité d’une certaine réactivité de la part des professionnels est prégnante. Cette promesse est d’autant plus forte pour les chaînes d’information en continu, qui proposent une information présentée comme « instantanée », laissant peu de temps pour la production d’un récit imagé. Cette rapidité au niveau du traitement favorise notamment la répétition de procédés d’écriture connus et l’application de pratiques acquises par expérience au sein d’une rédaction. La contrainte du temps serait en quelque sorte davantage propice aux réflexes qu’à la réflexion.

11Ainsi, les conditions de production de l’information et la nature des faits conduisent-elles à l’existence de structures et de règles d’écriture récurrentes qui permettent l’écriture et la lecture du fait divers au JT. Cette stabilité au niveau des formes d’écriture favorise une reconnaissance rapide du « genre » de discours produit [22] et du type d’événements rapportés. Nous allons maintenant exposer ces différents « invariants » qui donnent une forme générique à une diversité de drames.

2. La grammaire du fait divers

12

Le créateur est condamné à travailler la fragmentation et le collage, le lecteur-spectateur à combler les vides entre les fragments pour construire le monde comme on lui enjoint de le faire. [23]

13Au journal télévisé, et pour tout autre support audiovisuel, le créateur d’un texte de fait divers doit notamment composer avec une absence, un creux iconique, du moment fatidique. En effet, l’« éclair »  [24] qui entraîne un revirement de situation, le mouvement de trop créant une « déchirure dans le tissu des jours » [25], est rarement filmé. Ou s’il l’est, sa diffusion dans un programme de grande écoute peut éthiquement poser problème. La grammaire du fait divers s’élabore alors autour d’une absence, qu’il s’agit de compenser par divers procédés, permettant de signifier le drame sans jamais vraiment pouvoir le montrer.

A. Tissage entre l’ordinaire et l’extraordinaire : lieux communs et images symptômes

14Face à l’absence de visuels significatifs de l’événement, nous avons identifié deux types d’images sélectionnées par les journalistes : des images de remplissage qui viennent combler un espace visuel, disponible, pendant l’exposition des faits par le journaliste et des images typiques qui sont lues par le public comme symptomatiques du drame. La rencontre de ces deux catégories d’images, aux statuts sémiotiques divergents, laisse une empreinte mémorielle du fait divers tissée d’images banales et d’images hautement symboliques. La combinaison de ce qui pourrait s’apparenter à des morphèmes vient créer un syntagme cohérent et signifiant pour exposer visuellement l’événement dramatique.

A.1. Des lieux ordinaires

15

Figure 1 : Reportage « Découverte macabre à Nantes », JT du 21 avril 2011 [26] – Journaliste : « Tués, selon les premières constatations, par arme à feu ».

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Figure 1 : Reportage « Découverte macabre à Nantes », JT du 21 avril 2011 [26] – Journaliste : « Tués, selon les premières constatations, par arme à feu ».

16La première catégorie d’images représente principalement des lieux communs, dans le sens de partagés et d’ordinaires. Ces images de remplissage représentent généralement les environs de l’événement. La rue, les façades d’immeubles, les routes de campagne, le RER sont autant d’espaces représentés dans les reportages de faits divers. Si la rue représente majoritairement le lieu du danger, il arrive également que le drame se produise au sein de l’espace privé et familial, comme l’illustre cette image (figure 1), extraite d’un reportage revenant sur le meurtre d’une mère et de ses quatre enfants, découverts enterrés sous la terrasse de la maison familiale. Le principal suspect, le père, aurait assassiné sa famille durant la nuit, avant d’enterrer les corps dans le jardin et de prendre la fuite.

17Pour les reportages revenant sur ce drame – aussi nommé par les médias « tuerie de Nantes» –, les chaînes ont largement diffusé la devanture de la maison familiale. Ne pouvant filmer l’intérieur de l’habitat pour des raisons légales, les journalistes ont dû se contenter de la façade. Les images de la maison aux volets fermés symbolisent alors une sorte de rempart empêchant le téléspectateur d’accéder au lieu du crime. L’opacité de la façade, qui ne laisse transparaître aucune forme de vie, invite le public à imaginer l’espace intime dans lequel l’événement s’est produit. Gaston Bachelard évoque, pour la maison, un imaginaire de la profondeur et de l’intimité [27]. Inaccessible aux yeux du public, la profondeur de l’espace privé s’oppose à la froideur et à l’opacité de la façade ; le dedans et le dehors formant une dialectique de l’écartèlement [28]. L’opacité de la façade devient le contenant d’un événement qu’il revient aux téléspectateurs d’imaginer, permettant, de la sorte, une appropriation plus personnelle des faits.

18Les lieux jouent un rôle central dans les récits de crimes. Dominique Kalifa rappelle en effet qu’« autant que les mobiles, les circonstances ou les auteurs du crime, les “lieux” jouent un rôle essentiel dans la construction des réalités criminelles » [29]. Il montre, par exemple, comment l’évocation du lieu du crime dans diverses productions du xixe siècle – comme les romans-feuilletons ou les « chroniques parisiennes » – témoigne d’un imaginaire du crime chargé des craintes de l’époque. À un moment où Paris connaît d’importants changements urbanistiques et démographiques, il constate notamment une forte représentation dans les récits de crimes de lieux surpeuplés, aux rues étroites, tortueuses et obscures. Le quartier de la Cité – qui s’étend du Palais de Justice jusqu’à Notre-Dame – devient ainsi la scène de théâtre de nombreux crimes dans les récits romanesques et journalistiques de l’époque [30]. Les lieux surpeuplés constituent alors les symboles d’une criminalité grandissante, d’une urbanisation qui entraîne décadence et violence.

19À la fois révélateurs des peurs latentes d’une société, les lieux du crime tels qu’ils sont médiatisés viennent également fournir une représentation, un décor, pour l’incarnation des craintes d’une époque. La matérialisation de l’espace du crime par le média joue alors un rôle fondamental dans l’empreinte mémorielle que laisse l’événement. Après le drame, le lieu est l’élément qui subsiste. Il fait le lien entre le passé du crime, le présent de sa médiatisation et le futur de sa cristallisation dans un imaginaire collectif. Au JT, nous l’avons évoqué, les lieux du drame tels qu’ils sont médiatisés présentent une forme de banalité. Le récit du fait divers s’inscrit ainsi dans un environnement quotidien qui rend le revirement dramatique envisageable pour tout un chacun. Ce décor familier serait propice au processus d’identification et d’appropriation du texte.

A.2. Des images symptômes

20Articulées aux images de remplissage, nous trouvons des images symptômes qui viennent guider la lecture des lieux filmés. Comme l’adjectif renseigne le mot qui le précède ou lui succède, l’image symptôme oriente le sens et colore l’espace médiatisé. Toutes les traces de l’événement, et notamment la tache de sang, qui symboliquement représente le paroxysme du drame, constituent des images symptômes. Fortement réitérées pour des raisons pratiques et symboliques, leur présence au sein du reportage permet la convocation de discours antérieurs. Patrick Charaudeau souligne en effet l’intertextualité de l’image symptôme, qui se caractérise par sa répétition au fil du temps : « réduite à quelques traits dominants », elle apparaît « de façon récurrente, tant dans l’histoire que dans le présent » [31].

21La répétition de ces images s’explique notamment par les sujets qu’elles évoquent, des sujets qui sont propices à un « effet symptôme » puisque ces images sont « remplies de ce qui touche le plus les individus », c’est-à-dire « les drames, les joies, les peines ou la simple nostalgie d’un passé perdu, renvoyant à des imaginaires profonds de la vie » [32]. Ces images font alors l’objet d’une accentuation médiatique qui se manifeste notamment dans les mouvements de caméra, avec un zoom avant, ou par leur forte réitération dans les reportages. Deux images symptômes retiennent notre attention pour leur forte intertextualité – c’est-à-dire leur capacité à renvoyer à une grande variété de textes – témoignant d’un important potentiel symbolique. La trace de sang et l’uniforme des hommes de l’ordre constituent ainsi deux éléments typiques du drame.

La trace

22Selon la nature des faits, différents types de traces viennent composer la grammaire du fait divers. En les intégrant dans les reportages, les journalistes leur confèrent, par ce geste d’auctorialité, une valeur d’« authentification de l’événement » [33]. Elles attestent d’un dysfonctionnement, d’une anomalie qui, selon la trace, renseignent sur les circonstances du drame. Béatrice Galinon-Mélenec rappelle en effet la relation de causalité qui unit la trace et l’action qui l’a formée [34]. Elle ajoute également, en prenant l’exemple des traces de pas du premier homme marchant sur la Lune, que l’instauration du statut de trace est liée à la personne qui l’observe :

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On voit également que c’est l’existence passée (dimension résiduelle) d’un autre phénomène qui est en cause et que ce renvoi n’est possible que parce que celui qui observe la trace (l’empreinte de la semelle dans le sol) corrèle le phénomène présent (observation immédiate) avec le phénomène absent (l’homme sur la lune).

24La trace présentée par le média devient la « trace de trace » [35], c’est-à-dire une trace subsistant à l’action passée que le journaliste a choisi de rendre visible en lui donnant le statut de trace. La sélection et la diffusion de ces images participent ensuite à la construction d’un imaginaire social du drame. Yves Jeanneret rappelle en effet que « l’écriture n’est pas seulement trace mais tracé, qu’elle produit du social au moins autant qu’elle en condense » [36]. En ce sens, l’écriture journalistique renseigne à la fois sur un imaginaire social du drame autant qu’elle le construit.

25La tache de sang est peut-être l’une des traces les plus emblématiques de l’imaginaire du fait divers. Elle correspond à ce que Paul Ardenne nomme la « rhétorique de l’épanchement » [37]. L’auteur explique ainsi que des liquides comme le sang, les lymphes ou l’eau, s’ils s’extériorisent, alors qu’ils appartiennent normalement à la sphère interne du corps, deviennent les signes d’un dysfonctionnement, d’un problème interne. La trace de sang représente métonymiquement le corps de la victime qui, quelque temps auparavant, se trouvait au même emplacement. La trace possède ainsi une « potentialité de médiation temporelle » : elle constitue un embrayeur pour la production de séquences narratives permettant une reconfiguration du temps [38].

26La trace de sang, signe d’un épanchement et donc d’un dysfonctionnement corporel, conduit à la reconfiguration d’une atteinte faite au corps, généralement guidée par les commentaires du journaliste. Cette atteinte physique est propice à la convocation de filtres profonds de lecture [39]. Pour l’appréhension de chaque nouveau texte, le lecteur convoque en effet des connaissances, schèmes et filtres acquis au fil du temps. Christian Vandendorpe illustre notamment ce processus de lecture avec l’analyse d’un fait divers, survenu aux États-Unis, où un adolescent abat toute sa famille à la hache. L’auteur montre, pour cet exemple, qu’il est nécessaire de faire appel à des scripts sociaux-culturels spécifiques pour appréhender toutes les subtilités du récit. Ces scripts sont particulièrement profonds lorsque l’histoire racontée présente une atteinte à l’intégrité physique [40]. En effet, l’atteinte au corps, parce qu’elle conduit à l’imagination d’une sensation de douleur commune à l’être humain, représente une donnée universelle au fort potentiel émotionnel. Malgré les divergences culturelles, cette donnée sensorielle est lisible par une grande diversité de lecteurs.

27D’autres traces témoignent d’une anomalie, d’un dysfonctionnement, comme la tache noire, qui n’est pas, quant à elle, le signe d’une atteinte directe faite au corps, mais la trace d’un dégât matériel identifiable comme signe d’un incendie. Déchiffrable par le destinataire comme une trace de suie laissée par la fumée, elle devient le signe d’un danger et laisse envisager la présence de victimes. Un troisième type de trace du drame est justement l’absence de signe pouvant symboliser une disparition. Ainsi certaines images ont-elles pour objectif de nous montrer qu’il n’y a rien à voir. L’absence devient suspecte et inquiétante. Enfin, il y a ces objets, ces déformations matérielles – comme la carcasse d’une voiture après un accident ou un abribus déformé par la percussion d’un véhicule – qui viennent signifier un désordre, un déplacement anormal. L’anormalité et le caractère suspect de cette présence et de ce déplacement nous sont renseignés par un recentrage de la caméra sur l’objet.

28Ces différents exemples soulignent bien l’importance du geste journalistique dans le fondement de la trace. C’est par une focalisation particulière, un centrage de l’image ou un zoom, que l’auteur donne le statut de trace à l’élément iconique. Par ces procédés filmiques, reconnus par le public, grâce à ce que Thierry Devars nomme l’« audiovitie » [41], les professionnels de l’information renseignent les téléspectateurs sur le statut sémiotique de l’élément rendu visible. Ils guident la lecture du signe en indiquant le lien de causalité qui unit le signifiant et le signifié.

Les « corps dociles »

29La présence des « corps dociles » – expression que nous empruntons à Michel Foucault qui revient sur les évolutions de la figure du « soldat » entre le xviie et le xixe siècle dans l’ouvrage Surveiller et punir[42] – est aussi symptomatique d’un dysfonctionnement. Foucault souligne, à ce propos, l’importance de l’apparence physique du soldat pour qui son corps devient le principal signe de bravoure :

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Voici la figure idéale du soldat telle qu’elle était décrite encore au début du xviie siècle. Le soldat, c’est d’abord quelqu’un qui se reconnaît de loin ; il porte des signes : les signes naturels de sa vigueur et de son courage, les marques aussi de sa fierté ; son corps, c’est le blason de sa force et de sa vaillance […] [43]

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Figure 2 : Reportage « Tué chez ses parents à Villepinte : une méthode digne de la mafia »

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Figure 2 : Reportage « Tué chez ses parents à Villepinte : une méthode digne de la mafia »

JT du 10 avril 2011 [44]

32Dans les reportages de fait divers, le « soldat », terme derrière lequel nous mettons le gendarme et le policier, est avant tout un corps. N’étant pas autorisé à prendre la parole – cette fonction est principalement réservée aux syndicats de police ou à des personnes de grade plus élevé –, le « soldat » reste une figure iconique. Les signes de sa fonction sont ostensiblement affichés par le port de l’uniforme, qui le rend facilement reconnaissable et télégénique.

33L’itération de cette figure n’est pas propre à la télévision, il s’agit d’une figure « transmédiatique ». En cela, nous pourrions parler d’une « transmédiagénie » du soldat, notion que Philippe Marion définit comme une capacité d’étoilement, de circulation et de propagation transmédiatique d’un récit [45].

34La figure du policier n’est pas de l’ordre du « récit », c’est une image transmédiatique qui circule dans différents médias et dans différents genres, notamment fictionnels. Favorisée par la capacité d’étoilement des récits de faits divers, cette propagation fait de la figure du policier une image symptomatique des drames et constitutive du genre « fait divers ». Si nous constatons des variations au niveau de la forme du récit selon le support qui l’accueille, certains éléments comme les « corps dociles » constituent des invariants de l’imaginaire du fait divers.

A.3 Conditions de production et formes de l’information

35Deux éléments expliquent la récurrence de ces images symptômes. Le premier, nous l’avons mentionné, est la force symbolique de ces images qui font référence à des univers fortement émotionnels. La seconde raison est d’ordre pratique : ces images sont les uniques traces restantes du drame, elles constituent les seules preuves visuelles que quelque chose est advenu. Cette contrainte au niveau de la production peut inciter les journalistes à utiliser toujours les mêmes images, entraînant ainsi un traitement stéréotypé de l’événement et renforçant, par leur répétition, leur dimension symptomatique.

36Ce phénomène d’itération, lié aux conditions de production de l’information, se retrouve pour d’autres types de sujets comme le traitement journalistique de la guerre notamment. Un journaliste, qui a suivi la guerre en Afghanistan, souligne en effet comment la restriction imposée au droit de l’information contraint les journalistes à photographier des « stéréotypes » de la guerre et de la souffrance, donnant lieu à : « des photos primaires qui se répètent, par leur motif et par leurs formes, d’un conflit à l’autre ; qui, sans mention de la date et du lieu, seraient interchangeables ; des images qui, plutôt que d’informer ou de susciter la réflexion, renvoient le spectateur à des codes visuels qui renforcent ses convictions. [46]

37Les images des reportages de faits divers au JT donnent également cette impression d’une possibilité d’interchangeabilité entre les différents événements médiatisés. Malgré la diversité des événements, une forme commune se dégage pour le fait divers. Cette forme générique doit ainsi se lire à la lumière des conditions de production qui prédéterminent la grammaire de l’événement.

B. Figures rhétoriques et procédés filmiques

38Nous avons principalement décrit, jusqu’à présent, ce que nous avons comparé à des morphèmes, c’est-à-dire des unités, pour notre cas principalement iconiques, isolées et segmentées. Nous allons maintenant nous intéresser à une plus grande unité, la figure rhétorique, qui a également pour objectif de rendre compte visuellement de l’événement. La figure de l’hypotypose – qui consiste à mettre devant les yeux du lecteur l’événement – est en effet au cœur de cette écriture médiatique. Elle représente en quelque sorte une méta-figure s’exprimant à travers l’usage de différentes figures rhétoriques, comme la prétérition ou la métonymie, ou dans certains procédés filmiques qui tentent de donner à vivre l’événement.

B.1 La prétérition : l’effet « photo volée »

39Différents cadrages ont pour objet de signifier au public qu’il visionne quelque chose qu’il ne devrait pas voir. Ces cadrages s’apparentent à la prétérition, une figure rhétorique qui consiste à dire quelque chose qui devrait normalement rester secret et à le signifier [47]. Visuellement, ce procédé rhétorique se manifeste par la présence d’un obstacle au premier plan, cachant ainsi une partie de la scène filmée. Ce cadrage place le téléspectateur en position de voyeur, l’image lui donne à voir ce qu’elle ne montre pas. Le public se trouve alors ni trop près ni trop loin de l’événement.

40L’image suivante (figure 3) présente cette figure de la prétérition. Elle est extraite d’un reportage revenant sur la mort d’un enfant qui s’est accidentellement pendu à un portemanteau dans le couloir de son école. Au premier plan, nous voyons la partie d’un buste d’homme dont l’attitude et l’habillement suggèrent le buste d’un gendarme posté devant les lieux du drame, contrôlant le périmètre de sécurité. Cet élément visuel semble constituer une barrière entre le lieu de l’événement et le journaliste. Une porte ouverte nous permet d’apercevoir au loin, dans la cour de l’école, un homme au téléphone. Nous retrouvons dans cette image l’imaginaire de l’« entr’ouvert » [48]. Partiellement visible, l’espace où il semble se passer quelque chose invite à imaginer le « hors cadre ».

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Figure 3 : Reportage « Un écolier se pend à Arles, son pronostic vital engagé »

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Figure 3 : Reportage « Un écolier se pend à Arles, son pronostic vital engagé »

JT du 26 mai 2011 [49] – Journaliste : « Ce soir, rien ne permet d’expliquer comment un garçon de 11 ans scolarisé ici en CM2 s’est retrouvé pendu à un portemanteau dans un couloir de cette école. »

42Le cadrage de cette image amène en effet le téléspectateur à concentrer son regard sur cet espace « entr’ouvert » symbolisant le lieu où le drame s’est produit. Les limites et les contours de l’image invitent également à s’interroger sur ce qui se trouve en dehors du cadre qui représente, pour cet exemple, le couloir où l’enfant est mort pendu. Annette Béguin-Verbrugge souligne ce « double rôle » assumé par le cadre :

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Situé entre le dehors et le dedans, le cadre est une sorte d’invitation à se poser des questions sur le rapport qui unit les deux zones. Il joue un double rôle : il permet de focaliser l’attention sur un élément particulier mais il sollicite également l’attention divergente du lecteur vers la relation entre l’inscription et son contexte d’insertion. [50]

44Cette fonctionnalité du cadre peut se retrouver dans toute image, néanmoins, elle semble d’autant plus présente pour des images qui mettent en scène la dialectique du visible et du caché. Recherchée par d’autres médias, cette dialectique du visible et du caché, du « dehors » et du « dedans », cristallise un grand nombre de fantasmes. Les images présentant cette dialectique font partie des images singulières qui apparaissent comme « une concentration de tout le psychisme » [51].

B.2 La caméra subjective : « faire ressentir » l’événement

45Le langage télévisuel relève de ce que Jean Cloutier appelle la « communication audio-scripto-visuelle » [52], il permet la combinaison du son et de l’image, le tout en mouvement. En cela, il favorise l’exploration de différents procédés filmiques qui rendent compte de postures narratives divergentes. Le point de vue adopté par le journaliste – terme derrière lequel nous englobons les différents professionnels de l’information intervenant dans la réalisation du reportage – est généralement extérieur au récit. Le journaliste se positionne en surénonciateur, transmettant une image de neutralité face à la captation des images et à leur retranscription. Cette posture de surénonciation – qu’Alain Rabatel définit « comme l’expression interactionnelle d’un point de vue surplombant dont le caractère dominant est reconnu par les autres énonciateurs » [53] – est notamment fondée par la fonction d’« organisateur » des différentes prises de parole qu’assume le journaliste. Il sélectionne et organise les témoignages pour créer un récit cohérent de l’événement et s’apparente également en cela à ce qu’Oswald Ducrot nomme le « locuteur » qui, en tant que responsable de l’énoncé, structure un texte à plusieurs voix [54].

46Il arrive cependant, à certains moments, que le journaliste semble quitter cette place de surénonciateur pour adopter le point de vue de l’un des protagonistes. Cela se traduit visuellement par l’usage de la caméra subjective, qui donne l’impression que les images diffusées sont vues par la victime, le coupable ou un possible témoin. Ce procédé filmique est comparable en littérature à la focalisation interne, moment où le narrateur parle pour l’un des personnages. Cette posture renvoie l’image d’un narrateur omniscient qui aurait été présent au moment des faits. Ce point de vue incarné, à hauteur d’homme, réduit la distance entre le public et le drame. Il instaure une proximité d’ordre pathémique [55], c’est-à-dire propice au surgissement d’une émotion. Ce point de vue est également hypothétique puisqu’il s’agit bien souvent d’une reconstitution temporaire des faits.

47Le pouvoir pathémique de la caméra subjective réside également dans sa décontextualisation. Normalement réservé à la fiction, l’insertion de ce procédé filmique dans le JT peut surprendre. Il semble davantage correspondre à ce que Patrick Charaudeau identifie comme un procédé porté par une visée séductrice – consistant à « faire ressentir », c’est-à-dire à « provoquer chez l’autre un état émotionnel agréable ou désagréable » – qu’à un procédé fondé sur une finalité à visée informative[56]. Avec la caméra subjective, il ne s’agit plus seulement de « faire savoir » – qui est la base de la visée informative –, mais de faire vivre et ressentir par l’adoption du regard de l’un des protagonistes de l’événement.

48L’extrait suivant (figure 4) illustre ce procédé, les images du reportage « accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame » donnent à voir le parcours d’un car transportant des enfants avant qu’il ne percute le mur d’un tunnel souterrain.

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Figure 4 : Reportage « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame »

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Figure 4 : Reportage « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame »

JT du 15 mars 2012 [57] – Journaliste : « si un véhicule le percute, la collision est frontale »

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Figure 5 : Reportage « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame »

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Figure 5 : Reportage « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame »

JT du 15 mars 2012 [58] – Journaliste : « c’est précisément ce qui s’est passé mardi soir »

51Ces images filmées depuis la voiture du journaliste placent le téléspectateur en position de passager du véhicule. La caméra subjective permet de visualiser les dernières images que les victimes ont pu voir juste avant la collision. De spectateur externe, le public devient, par ce point de vue incarné, acteur du drame.

52D’autres procédés visuels, comme l’infographie par exemple, permettent de représenter le retournement de situation, ou l’« éclair », pour reprendre le terme de Roland Barthes [59]. De plus en plus utilisés et perfectionnés, les montages infographiques répondent en effet à un réel besoin des rédactions. Ils rendent possible, à partir d’images de synthèse, une visualisation de l’événement, permettant au public une meilleure appréhension du déroulement des faits. Ces montages, qui rendent compte schématiquement du temps fort du drame, se présentent avant tout comme des productions à visée didactique. Or, en mettant en scène un contenu au fort potentiel émotionnel, ils sont également au cœur d’enjeux de captation. En effet, bien que le contenu puisse perdre en réalisme avec les images de synthèse, l’infographie présente néanmoins l’avantage d’être explicite et facilement compréhensible par le public, lui conférant alors une certaine force communicationnelle. Ainsi, le moment où le véhicule dévie de sa trajectoire et percute le mur du tunnel, et le moment où le tueur pénètre dans le bâtiment et abat plusieurs personnes, sont autant de scènes que l’infographie permet de représenter.

53Avec ces montages, le JT se positionne comme médiateur d’une information qu’il souhaite rendre facilement lisible pour son public, tout en répondant à des enjeux de captation. Néanmoins, en reconfigurant de manière détaillée le drame, pour le mettre devant les yeux du téléspectateur, le journal entraîne par la même occasion une réduction de la distance entre l’événement et son public, distance pourtant nécessaire pour une lecture critique du texte. L’acte de médiation qu’opère le journal se transpose alors, métaphoriquement, comme une sorte de loupe que l’on aurait placée entre le drame et le public. La loupe, comme symbole de l’acte de médiation assumé par le journal, a d’ailleurs longtemps été présente dans l’une des versions du générique du JT de TF1. Diffusée jusqu’en août 2011, cette introduction au programme mettait en scène des plaques transparentes, à effet grossissant, qui passaient au-dessus des continents. Dès son générique, le programme annonçait ainsi un contact rapproché avec l’actualité.

54La question de la définition de l’acte de médiation endossé par le journal se pose également pour la médiatisation des témoignages d’émotion. Leur fort relais médiatique est en effet, lui aussi, peu propice à une lecture distanciée des faits.

B.3 La synecdoque : inscription du drame au sein du collectif

55Le dernier élément constitutif de la grammaire du fait divers, que nous souhaitons présenter porte sur le rôle médiatique que joue l’émotion collective dans les récits de faits divers. Par la médiatisation d’une émotion exprimée par un groupe, plus étendu que le cercle amical ou familial, le journal inscrit symboliquement le drame dans un collectif. Les marches blanches et autres objets, fortement représentés à l’écran, ont pour but de le signifier. Les accentuations filmiques dont ils font l’objet témoignent en effet d’une forte dimension symbolique accordée à ces témoignages d’affection ou d’indignation. Ces objets confèrent une valeur synecdotique au fait divers, la collectivité témoigne à travers eux, ou à travers d’autres témoignages d’émotion comme les rassemblements, un intérêt au drame, a priori isolé. La partie, le fait divers, semble alors valoir pour un tout, le groupe, qui se présente comme représentatif de la société.

Fleurs, bougies et photos : réification de l’émotion

56Le drame engendre la mise en place de plusieurs rites funéraires largement relayés par les médias. Dans les images médiatiques fortement présentes à l’écran, mais aussi dans d’autres supports, nous retrouvons les photos des victimes, autour desquelles fleurs, bougies, dessins ou autres objets témoignant d’une attention portée envers le défunt et son entourage, ont été déposés. La récurrence de ces images et leur force symbolique en font des images symptômes, c’est-à-dire, comme nous l’avons exposé précédemment, des images qui circulent à travers le temps et qui renvoient ainsi à une multitude de textes. Si ces images tiennent une place importante dans la grammaire du fait divers, c’est parce qu’elles invitent le lecteur à opérer différents niveaux de lecture permettant ainsi, en quelques secondes, la convocation de plusieurs scripts[60] connus du public.

57Prenons l’exemple de la photo qui, placée sur les lieux du drame et entourée de fleurs et de bougies, devient un espace de recueillement et de deuil. Hautement symbolique, l’image photographique, parce qu’elle permet la confrontation d’un « ici-maintenant » de la lecture et d’un « avant-ailleurs » de la prise [61], devient, dans le cas du fait divers, un objet signifiant la rupture. Venant combler l’absence du corps de la victime, elle symbolise un état qui n’est plus, une absence. Entre l’« avant-ailleurs » de la prise et l’« ici-maintenant » de la lecture, l’événement a entraîné la disparition du corps. La photo, telle qu’elle est présentée dans les reportages, porte alors « en présence un objet absent » [62] ; elle devient signe de l’absence de l’objet qu’elle représente. Entretenant un rapport analogique avec cet « objet » auquel elle réfère, à savoir la victime, l’image photographique est reconnue comme un objet iconique nous permettant d’accéder au visage du défunt. Elle « re-présente », dans le sens de présenter à nouveau « quelque chose qui était présent et ne l’est plus » [63]. L’image photographique a, dans ce cas de figure, valeur de substitution et adopte la première fonction de la représentation évoquée par Louis Marin [64].

58À travers cette présence de l’image photographique, le téléspectateur peut opérer un second niveau de lecture, qui nécessite un savoir culturel. En effet, si à un premier niveau la photo permet de présenter à nouveau un « avant-ailleurs », qui correspondrait également à ce que Roland Barthes nomme le « ça a été » de la prise [65], à un second niveau, le téléspectateur replace l’objet dans son contexte d’apparition et analyse sa présence d’un point de vue conventionnel. Entourée de bougies et de fleurs – ici signe d’un « présage mortel » [66] – et diffusée par le média, la photo apparaît dans un environnement qui indique qu’il ne s’agit pas seulement d’une absence momentanée du référent, mais plutôt d’une absence irrévocable. L’image photographique devient alors le symbole d’une pratique, celle du deuil, et de l’hommage que rend un groupe à un individu disparu.

C. Une « forme sociale attendue »

59Le fort relais médiatique des marches blanches et autres témoignages d’émotion souligne également le rôle central que tient l’expression d’une émotion partagée par un groupe dans la grammaire du fait divers. Représentant ce que Patricia Paperman qualifie de « forme sociale attendue » [67], l’émotion exprimée à la suite d’un drame – socialement condamné par le groupe de référence – est fortement valorisée par le journal. Consensuelle, cette mise en lumière d’une émotion partagée confère au journal l’image d’un médiateur concerné et impliqué par ce qui pourrait toucher son public. Ces réactions viennent alimenter ce que Luc Boltanski appelle la « topique du sentiment » [68]. En jouant sur l’émotion provoquée par la tragédie, cette topique offre au spectateur une « métaphysique de l’intériorité » [69]. Le cas particulier soulève des valeurs universelles et renvoie le spectateur à sa propre condition humaine. Le caractère dramatique des événements étant indiscutable, le fort relais de ces manifestations d’émotion apparaît alors comme naturel. C’est dans cette apparente naturalité que réside la force communicationnelle de ces récits. Ils semblent se situer à un degré zéro de l’écriture – que Roland Barthes définit comme une écriture neutre et indicative, tout en précisant que celle-ci reste utopique [70] – alors qu’ils présentent pourtant des accentuations pathémiques.

Conclusion

60Malgré l’absence d’images explicites de l’événement, nous avons souhaité souligner l’existence d’une grammaire du fait divers à la télévision permettant une reconfiguration du drame qui, dans sa forme médiatique, favorise l’identification et l’implication du public. Naturalisée par le journal comme un principe rédactionnel attendu du public, la proximité qu’il souhaite instaurer entre les téléspectateurs et les faits vient questionner la définition des actes de médiation assumés par le journal. Privilégiant la proximité, le journal favorise en effet une lecture plus émotionnelle de l’événement, une pathémisation qui est alors difficilement remise en question au vu du caractère dramatique évident des faits rapportés.

61En mettant en avant des formes télévisuelles qui permettent de raconter les faits divers au JT, nous avons ainsi questionné l’imaginaire du drame que ce support alimente et le potentiel pathémique de ces mécanismes discursifs. Souvent propres à l’information télévisée, et au format qu’implique le JT, ces procédés d’écriture peuvent également se constater dans d’autres supports. Ces mécanismes discursifs transmédiatiques témoignent alors d’un imaginaire et de manières de faire communes de professionnels qui semblent trouver un intérêt pragmatique et symbolique dans l’usage de structures structurantes pour rendre compte du drame. Liés à la nature de l’événement, à ses ressorts émotionnels et aux conditions d’accessibilité à l’information, ces processus d’écriture participent à la création de « climats émotionnels » qui, comme le rappellent Bernard Lamizet et Jean-François Tétu, sont si propices à la politisation de l’événement [71].

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  • Galinon-Mélénec Béatrice, Zlitni Samir (dir.), L’homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines, CNRS Éditions, 2011.
  • Goody Jack, La culture des fleurs, Le Seuil, 1994.
  • Jeanneret Yves, « Complexité de la notion de trace. De la traque au tracé », in Béatrice Galinon-Mélénec, Samir Zlitni (dir.), L’homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines, CNRS Éditions, 2011, p. 59-86.
  • Jost François, La télévision du quotidien. Entre réalité et fiction, De Boeck, 2001.
  • Kalifa Dominique, « Les lieux du crime. Topographie criminelle et imaginaire social à Paris au xixe siècle », Sociétés & Représentations, 17(1), 2004, p. 131-150.
  • Lamizet Bernard, Tétu Jean-François, « L’émotion dans les médias », Mots. Les langages du politique, 75, 2004, p. 9-20.
  • Lamizet Bernard, Sémiotique de l’événement, Lavoisier Hermès, 2006.
  • Mariau Bérénice, Écrire le fait divers à la télévision. La rhétorique émotionnelle du drame personnel au journal télévisé de TF1, Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication sous la direction d’Emmanuël Souchier, Celsa-Paris-Sorbonne, décembre 2014.
  • Marin Louis, Le portrait du roi, Éditions de Minuit, 1981.
  • Marin Louis, « Représentation et simulacre », Critique, Revue générale des publications françaises et étrangères, 373-374, 1978, p. 535-543.
  • Marion Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, 1997, p. 61-88.
  • McKenzie Donald Francis, La bibliographie et la sociologie des textes, Éditions du Cercle de la Librairie, 1991 [1986].
  • Molinié Georges, Dictionnaire de rhétorique, Livre de poche, 1992.
  • Noyer Jacques, Quand la télévision donne la parole au public. La médiation de l’information dans L’Hebdo du Médiateur, Presses universitaires du Septentrion, 2009.
  • Paperman Patricia, Ogien Ruwen, « L’absence d’émotion comme offense », Raisons pratiques, 6, « La couleur des pensées. Sentiments, émotions, intentions », Éditions de l’EHESS, 1995, p. 175-196..
  • Rabatel Alain, « L’effacement énonciatif dans les discours rapportés et ses effets pragmatiques », Langages, 156, 2004, p. 3-17.
  • Souchier Emmanuël, « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de “l’infra-ordinaire” », Communication & langages, 172, 2012, p. 3-19.
  • Soulages Jean-Claude, Les mises en scène visuelles de l’information. Étude comparée France, Espagne, États-Unis, Armand Colin, 1999.
  • Stiegler Bernard, « Individuation et grammatisation : quand la technique fait sens… », Documentaliste-Sciences de l’Information, 42(6), 2005, p. 354-360.
  • Tétu Jean-François, « L’émotion dans les médias : dispositif, formes et figures », Mots. Les langages du politique, 75, 2004, p. 9-20.
  • Soulages Jean-Claude, Les rhétoriques télévisuelles. Le formatage du regard, De Boeck, 2007.
  • Vandendorpe Christian, « La lecture du fait divers : fonctionnement textuel et effets cognitifs », Tangence, 37, 1992, p. 56-69.
  • Verón Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications, 38, 1983, p. 98-120.

Notes

  • [1]
    Georges Gabory, « Faits-divers », Action, 8, 1921. Cité par Ivanne Rialland, « Faits divers et revues littéraires de l’orée des années 1920 à l’aube des années 1930 : Action, La Révolution surréaliste, Bifur », Fabula/Les colloques, « Ce que le document fait à la littérature (1860-1940) », [en ligne] http://www.fabula.org/colloques/document1746.php.
  • [2]
    La catégorie « fait divers » peut aussi présenter des faits joyeux, cocasses et insolites. Pour notre analyse, qui s’intéresse notamment à la place de l’émotion dans la médiatisation des faits divers, nous avons préféré concentrer notre regard uniquement sur les faits dramatiques qui présentent une à plusieurs victimes.
  • [3]
    Jacques Noyer décrit l’acte de médiation comme quelque chose qui « s’inter-pose » comme élément de signification et de monstration entre le réel-référent et le lecteur/téléspectateur. Cf. Jacques Noyer, Quand la télévision donne la parole au public. La médiation de l’information dans L’Hebdo du Médiateur, Presses universitaires du Septentrion, 2009, p. 52.
  • [4]
    La notion de « texte » mentionnée ici suit la définition qu’en donne D. F. McKenzie, pour qui le terme « texte » inclut « toutes les informations verbales, visuelles, orales et numériques, sous la forme de cartes, de pages imprimées, de partitions, d’archives sonores, de films, de cassettes vidéo, de banques de données informatiques, bref tout ce qui va de l’épigraphie aux techniques les plus avancées de discographie ». Donald Francis McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, Éditions du Cercle de la Librairie, 1991 [1986], p. 31.
  • [5]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de “l’infra-ordinaire” », Communication & langages, 172, 2012, p. 13.
  • [6]
    Bernard Lamizet parle d’une « grammaire » qui, organisée autour de certaines règles fondamentales, rend l’événement « lisible » par le public. Sémiotique de l’événement, Lavoisier Hermès, 2006, p. 255.
  • [7]
    Bernard Stiegler, « Individuation et grammatisation : quand la technique fait sens… », Documentaliste-Sciences de l’Information, 42(6), 2005, p. 354-360.
  • [8]
    Bérénice Mariau, Écrire le fait divers à la télévision. La rhétorique émotionnelle du drame personnel au journal télévisé de TF1, Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la direction d’Emmanuël Souchier, Celsa-Paris-Sorbonne, décembre 2014.
  • [9]
    Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits », Communications, 8(1), 1966, p. 1-2.
  • [10]
    Eliseo Verón, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications, 38, 1983 p. 98.
  • [11]
    Jean-Claude Soulages, Les mises en scène visuelles de l’information. Étude comparée France, Espagne, États-Unis, Armand Colin, 1999, p. 7.
  • [12]
    Philippe Marion parle de « médiativité » pour désigner la capacité propre à un média à représenter et placer cette représentation dans une dynamique communicationnelle. Cf. « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, 1997, p. 80.
  • [13]
    Par « professionnels de l’information », nous entendons toutes les personnes qui participent à l’élaboration du reportage. Divers corps de métiers interviennent : caméraman et preneur de son (deux fonctions souvent assumées par une seule personne), journaliste, monteur, rédacteur en chef, directeur de l’information, présentateur…
  • [14]
    Formule employée par Gilles Bouleau, présentateur du JT de 20 heure de TF1, avant le lancement d’un reportage revenant sur un quadruple meurtre à Chevaline le 5 septembre 2012. JT du 6 septembre 2012, 1er reportage.
  • [15]
    Patrick Charaudeau, Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours, De Boeck, 2005, p. 52.
  • [16]
    François Jost, La télévision du quotidien. Entre réalité et fiction, De Boeck, 2001, p. 17-19. Voir également les différents débats autour de la notion de « contrat » et de « promesse » tenus au Colloque de Cerisy, « Penser la télévision », en juin 1997.
  • [17]
    Umberto Eco, Lector in fabula. Le rôle du lecteur, Grasset, 1985, p. 61-83.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Jean-Claude Soulages, Les rhétoriques télévisuelles. Le formatage du regard, De Boeck, 2007, p. 21.
  • [20]
    Même si nous constatons une propension à la segmentation du fait divers sous plusieurs reportages – revenant sur diverses dimensions de l’événement, comme « la découverte macabre », l’enquête, la tristesse des proches, les cas similaires à travers l’histoire – la concision reste une règle d’écriture pour les journalistes du JT.
  • [21]
    Revenant sur de grandes « affaires » survenues quelques mois ou quelques années auparavant, des émissions comme Faites entrer l’accusé sur France 2, Enquêtes criminelles sur W9, Suspect n° 1 sur TMC, Présumé innocent sur D8 ou En quête de vérité sur NRJ 12 consacrent ou consacraient – certaines ne faisant plus partie de la grille de programmation – entre 30 et 90 minutes à un seul fait divers.
  • [22]
    Pour Mikhaïl Bakhtine, les genres du discours permettent à l’énonciateur d’organiser sa parole, de la « mouler » dans des formes acquises par expérience, et reconnaissables par autrui, par ce même apprentissage. Ainsi, en « entendant la parole d’autrui, nous savons d’emblée, aux tous premiers mots, en pressentir le genre, en deviner le volume […] ». Mikhaïl Bakhtine, Esthétique de la création verbale, Gallimard, 1979, p. 285.
  • [23]
    Annette Béguin-Verbrugge, Images en texte, images du texte : dispositifs graphiques et communication écrite, 2006, p. 63.
  • [24]
    L’« éclair » est un terme employé par Roland Barthes pour désigner, dans les pièces de Racine, le moment où le revirement se produit. En langage classique, on l’appelle aussi un coup : « le héros frappé tient dans une perception déchirante l’état ancien dont il est dépossédé et l’état nouveau qui lui est assigné ». Roland Barthes, Sur Racine, Le Seuil, 1963, p. 52.
  • [25]
    Expression de Jean-Bertrand Pontalis pour parler du fait divers, Un jour, le crime, Gallimard, 2011, p. 27.
  • [26]
    « 20 heures » du 21 avril 2011, TF1, « Découverte macabre à Nantes », 1re position.
  • [27]
    Gaston Bachelard, Poétique de l’espace, PUF - Quadrige, 2012 [1957], p. 17.
  • [28]
    Ibid., p. 191.
  • [29]
    Dominique Kalifa, « Les lieux du crime. Topographie criminelle et imaginaire social à Paris au xixe siècle », Sociétés & Représentations, 17(1), 2004, p. 131.
  • [30]
    Dominique Kalifa se réfère notamment à l’œuvre d’Eugène Sue, Les mystères de Paris, publiée dans un premier temps sous la forme d’un roman-feuilleton dans Le Journal des Débats entre l’été 1842 et l’automne 1843. Les Parisiens plongent ainsi dans les entrailles de la capitale, suivant les aventures de personnages issus du « petit peuple » qui vivent dans des conditions épouvantables.
  • [31]
    Patrick Charaudeau, « La situation de communication comme lieu de conditionnement du surgissement interdiscursif », TRANEL, « Interdiscours et intertextualité dans les médias », Institut de linguistique de l’Université de Neuchâtel, 44, 2006. Consulté sur le site de Patrick Charaudeau, http://www.patrick-charaudeau.com/La-situation-de-communication,166.html.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    Patrick Charaudeau, Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Nathan, 1997, p. 75.
  • [34]
    Béatrice Galinon-Mélénec, Samir Zlitni (dir.), L’homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines, CNRS Éditions, 2011, p. 25.
  • [35]
    Ibid., p. 16.
  • [36]
    Yves Jeanneret, « Complexité de la notion de trace. De la traque au tracé », L’homme trace…, ibid., p. 82.
  • [37]
    Paul Ardenne, Corpopoétique. Regarder la victime, Éditions La Muette - Le Bord de l’eau, 2001, p. 70.
  • [38]
    Jean-Jacques Boutaud, Stéphane Dufour, « L’indicible et l’indiciel : empreinte gustative et trace figurative », L’Homme trace…, op. cit., p. 157.
  • [39]
    Christian Vandendorpe, « La lecture du fait divers : fonctionnement textuel et effets cognitifs », Tangence, 37, 1992, p. 65.
  • [40]
    Ibid.
  • [41]
    Par ce terme, l’auteur renvoie à une culture de l’audiovisuel. Thierry Devars, « Pour une poétique de l’ “audiovitie” : l’impensé de la culture audiovisuelle. Le cas des vidéos politiques », Communication & langages, 167, 2011, p. 17-29.
  • [42]
    Michel Foucault, Surveiller et punir – Naissance de la prison, Gallimard, 1975, p. 159-161.
  • [43]
    Ibid., p. 159.
  • [44]
    « 20 heures » du 10 avril 2011, TF1, « Tué chez ses parents à Villepinte : une méthode digne de la mafia », 1re position.
  • [45]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 87.
  • [46]
    Michel Guerin, « Les stéréotypes visuels de la guerre en Afghanistan », Le Monde, 16 novembre 2001, cité par Dominique Ducard, « Stéréotypage discursif d’une image de presse », Communication & langages, 165, 2012, p.4.
  • [47]
    Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique, Livre de poche, 1992, p. 276.
  • [48]
    Gaston Bachelard, Poétique de l’espace, op. cit.
  • [49]
    « 20 heures » du 26 mai 2011, TF1, « Un écolier se pend à Arles, son pronostic vital engagé », 4e position.
  • [50]
    Annette Béguin-Verbrugge, Images en texte, images du texte, op. cit., p. 70.
  • [51]
    Gaston Bachelard, Poétique de l’espace, op. cit., p. 3.
  • [52]
    Jean Cloutier, « La communication audio-scripto-visuelle », Communication & langages, 19, 1973, p. 86.
  • [53]
    Alain Rabatel, « L’effacement énonciatif dans les discours rapportés et ses effets pragmatiques », Langages, 156, 2004, p. 5.
  • [54]
    Oswald Ducrot, Le dire et le dit, Éditions de Minuit, 1984, p. 205.
  • [55]
    Patrick Charaudeau, « Une problématisation discursive de l’émotion. À propos des effets de pathémisation à la télévision », in Christian Plantin, Marianne Doury et Véronique Traverso (dir.), Les émotions dans les interactions, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 127.
  • [56]
    Patrick Charaudeau, Les médias et l’information, op. cit., p. 67.
  • [57]
    « 20 heures » du 15 mars 2012, TF1, « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame », 1re position.
  • [58]
    « 20 heures » du 15 mars 2012, TF1, « Accident de car : les familles des victimes sur les lieux du drame », 1re position.
  • [59]
    Roland Barthes, Sur Racine, op. cit., p. 52.
  • [60]
    Les scripts, comme les « schémas » ou les « matrices », correspondent à des « structures mentales acquises par l’expérience pratique ou par la familiarité avec d’autres récits ». Ces structures permettent alors « d’expliquer les fondements de la compréhension de l’action et, par extension, des textes narratifs ». Raphaël Baroni, La tension narrative. Suspense, curiosité et surprise, Le Seuil, 2007, p. 163.
  • [61]
    Jean-François Tétu fait notamment référence aux travaux de Roland Barthes sur la photographie : Bernard Lamizet, Jean-François Tétu, « L’émotion dans les médias : dispositif, formes et figures », Mots. Les langages du politique, 75, 2004, p. 9-20.
  • [62]
    Louis Marin, « Représentation et simulacre », Critique, Revue générale des publications françaises et étrangères, 373-374, 1978, p. 535.
  • [63]
    Louis Marin, Le portrait du roi, Éditions de Minuit, 1981, p. 9.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie, Le Seuil, 1980.
  • [66]
    Jack Goody, La culture des fleurs, Le Seuil, 1994, p. 336.
  • [67]
    Patricia Paperman, Ruwen Ogien, « L’absence d’émotion comme offense », Raisons pratiques, 6, « La couleur des pensées. Sentiments, émotions, intentions », Éditions de l’EHESS, 1995, p. 178.
  • [68]
    Luc Boltanski, La souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique, Éditions Métailié, 1993, p. 117.
  • [69]
    Ibid., p. 122
  • [70]
    Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Le Seuil, 1972, p. 59-60.
  • [71]
    Bernard Lamizet, Jean-François Tétu, « L’émotion dans les médias », art. cit., Les deux auteurs empruntent l’expression « climats émotionnels » à Klaus Scherer, « Évolution de la société : quel avenir pour les émotions ? », Revue européenne des sciences sociales, XLIV(134), 2006.
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