Notes
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[1]
Ce travail a fait l’objet d’une première présentation au séminaire Chemins d’écritures dirigé par Emmanuël Souchier et Anne Zali à l’École doctorale V « Concepts et langages » de l’université Paris-Sorbonne, Gripic-Celsa, le 13 mars 2015.
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[2]
Before Present, l’année de référence étant 1950.
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[3]
L’œuvre de Kenneth White est abondante et passionnante. Pour « faire connaissance », je conseille la lecture du Plateau de l’Albatros. Introduction à la géopoétique, Grasset & Fasquelle, 1994, 367 p.
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[4]
André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l’art occidental, Mazenod, 482 p. (rééd. 1971 et 1995). Cette notion a été reprise notamment par Michel Lorblanchet, Les grottes ornées de la Préhistoire. Nouveaux regards, Errance, 287 p.
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[5]
Vers 32 000 ans BP.
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[6]
De 28 000 à 22 000 ans BP.
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[7]
Entre 22 000 et 18 000 ans BP, ce qui correspond au Dernier Maximum Glaciaire.
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[8]
Entre 18 000 et 12 000 ans BP.
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[9]
Certains essais graphiques ont pu exister et disparaître, réalisés sur de la matière périssable ou des supports instables.
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[10]
Par exemple Alistair W. G. Pike, Dirk L. Hoffmann, Marcos Garcia-Diez, Paul B. Pettitt, José J. Alcolea González, Rodrigo de Balbín, César González-Sainz, Carmen de las Heras, José A. Lasheras, Ramón Montes et Joao Zilhão, « U-Series Dating of Paleolithic Art in 11 Caves in Spain », Science, 336(6087), 2012, p. 1409-1413.
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[11]
Dans sa thèse publiée sous le titre De Chauvet à Lascaux. L’art des cavernes, reflet de sociétés préhistoriques en mutation, Errance, coll. « Les Hespérides », 2013, 253 p.
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[12]
Pour le détail de chacune d’elles, avec ses points forts et ses écueils, je renvoie par exemple au très éclairant petit livre de Jean Clottes, Pourquoi l’art préhistorique ?, Folio essais, n° 557, 2011, 336 p.
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[13]
Dont on a beaucoup parlé à la suite de la parution de l’ouvrage de Jean Clottes et David Lewis-Williams, Les chamanes de la Préhistoire. Transe et magie dans les grottes ornées, Le Seuil, coll. « Arts rupestres », 1996, 118 p.
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[14]
Un état de l’art est proposé par Sophie Archambault de Beaune, « Chamanisme et préhistoire. Un feuilleton à épisodes », L’Homme, 38(147), 1998, p. 203-219.
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[15]
J’emprunte ces éléments de définition à André Marro, « Les gravures rupestres du mont Bégo et le chamanisme », ARCHÉAM–Cahiers du Cercle d’Histoire et d’Archéologie des Alpes-Maritimes, 15, 2008, p. 100-105. L’auteur est docteur en paléoanthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle.
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[16]
Denis Vialou, L’art des grottes en Ariège magdalénienne, XXIIe supplément à Gallia Préhistoire, CNRS, 1986, 432 p.
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[17]
Ce qui est le cas, de nos jours, avec les grottes ornées où il est défendu de toucher les parois et les pigments.
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[18]
Montignac-sur-Vézère, Dordogne. Grotte fermée au public.
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[19]
Cabrerets, Lot.
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[20]
Montesquieu-Avantès, Ariège. Grotte fermée au public.
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[21]
Aventignan, Hautes-Pyrénées.
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[22]
Le mondmilch (lait de lune en allemand, aussi appelé moonmilk) est une forme de calcaire superficiel remobilisé et rendu malléable, dont la consistance rappelle du fromage caillé et que les artistes de la Préhistoire ont parfois travaillée pour réaliser des tracés digitaux, souvent qualifiés de méandres ou de macaronis lorsqu’ils ne semblent pas figurer d’entité identifiable.
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[23]
Thorigné-en-Charnie, Mayenne. Grotte fermée au public.
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[24]
Meyrals, Dordogne.
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[25]
Souvent qualifiées d’anthropomorphes. Il s’agit d’un thème assez rare, voire marginal au côté des milliers d’animaux, des signes et des figurations sexuelles.
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[26]
Ils constituent un thème à part entière dans l’art des grottes, bien qu’on ne sache pas s’il s’agit de blessures réelles ou de blessures symboliques.
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[27]
Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne.
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[28]
Cette théorie est formalisée dans son ouvrage Animisme et arts premiers. Historique et nouvelle lecture de l’art préhistorique, Thot, 2004, 299 p.
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[29]
Vallon-Pont-d’Arc, Ardèche. Grotte fermée au public.
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[30]
Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne.
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[31]
Niaux, Ariège.
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[32]
Ramales de la Victoria, Cantabrie, Espagne.
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[33]
Marcos García Diez et Joaquín Eguizabal Torre, La cueva de Covalanas. El grafismo rupestre y la definicíon de territorios gráficos en el paleolítico cantábrico, Consejería de Cultura, Turismo y Deporte del Gobierno de Cantabria, 2003, 126 p.
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[34]
Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne.
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[35]
Escobedo de Camargo, Cantabrie, Espagne.
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[36]
Voir les travaux de Marija Gimbutas dans Le langage de la déesse, Préface de Jean Guilaine, Camille Chaplain et Valérie Morlot-Duhoux trad., Éditions des femmes - Antoinette Fouque, 2005, 415 p. [NDLR].
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[37]
Signes en forme de toit.
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[38]
Signes en forme de massue.
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[39]
Selon les travaux de Denis Tauxe (2007), la grotte de Lascaux comporte quelque six cents figures animales identifiées et plus de quatre cents signes, certains thèmes étant propres à certains secteurs ou dispositifs et qu’il est donc raisonnable d’interpréter par des orientations symboliques différentes. Par exemple, le cheval conserve une place éminente–c’est l’animal le plus représenté dans l’art paléolithique ; l’aurochs domine le bison tandis que le cerf est prééminent sur le bouquetin ; ou encore, l’association cheval-aurochs se rencontre dans tous les secteurs de la grotte. En outre, la base du système peint repose principalement sur l’alternance chevaux/bovins et bovins noirs/bovins rouges, à laquelle s’ajoute l’intervention ponctuelle du cerf ou du bouquetin. Par ces observations qui permettent d’entrevoir comme l’ébauche d’une « grammaire » graphique, on peut considérer les principales espèces animales comme des identités culturelles, certains signes caractéristiques parfois complexes (branchiformes, signes en damier…) venant encadrer et accompagner le dispositif, et qui deviennent alors les éléments moteurs de croyances distinctes.
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[40]
Thorigné-en-Charnie, Mayenne.
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[41]
Voir par exemple Romain Pigeaud, Stephan Hinguant, Hervé Paitier, Vincent Pommier, Pascal Bonic, « La grotte Margot (Thorigné-en-Charnie, Mayenne) : un sanctuaire complexe aux influences multiples », Préhistoire, Arts & Sociétés, Bulletin de la Société préhistorique Ariège-Pyrénées, LXVII, 2013, p. 81-101.
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[42]
Cabrerets, Lot. Galerie fermée au public.
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[43]
Loubens, Ariège. Grotte fermée au public.
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[44]
Iégor Reznikoff, Michel Dauvois, « La dimension sonore des grottes ornées », Bulletin de la Société préhistorique française, 85(8), 1988, p. 238-246.
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[45]
La belette du Réseau Clastres (Niaux, Ariège), le bison de Marcenac (Cabrerets, Lot ; grotte fermée au public), certain mammouth d’Arcy-sur-Cure, les petits chevaux jaunes très stylisés de Chauvet-Pont-d’Arc sont des modèles du genre.
1Cet article de Florian Berrouet prolonge son intervention au séminaire doctoral « Chemins d’écritures » qui s’est tenu à la Maison de la Recherche (université Paris-Sorbonne) en mars 2015. Dans la perspective d’une anthropologie des écritures, ce séminaire ambitionne de réinterroger l’écriture en s’évadant de la vulgate logocentrique qui la condamne au statut de servante de la parole. De la préhistoire au « numérique », il se propose d’ouvrir de nouveaux chemins de traverse. Il s’agit de renouer avec les savoirs anciens de l’écriture qui sont aussi les savoirs du corps, corps pensant, corps rêvant, corps symbolisant, corps se projetant dans l’aventure de l’espace, déposant dans la matérialité d’un support son empreinte, risquant à travers dessins, signes et figures, les visages inconnus de son éternité, ordonnant ses messages selon une syntaxe visuelle et créant ainsi l’ébauche d’un véritable langage graphique en interaction avec l’ensemble des corps vivants.
2Invité à se prononcer sur la part du corps dans les pratiques chamaniques de la préhistoire, Florian Berrouet nous convie à un retour vers les « origines », vers ces genèses bouillonnantes où nous postulons que l’écriture se « prépare ».
3Paradoxe de cette perspective menée sur le temps long dont la démarche toute communicationnelle offre pour le chercheur en sciences de la communication un anachronisme radical et heuristique. En observant les productions de l’« art préhistorique », l’auteur soulève des questions fécondes sur les relations entre corps et supports, expressions, symboles et contexte, interrogeant une écriture in statu nascendi dans les « dispositifs » que sont les grottes préhistoriques. Sensible à l’espace et au support, il ne délaisse pas pour autant le statut de son discours, qu’il replace dans une juste perspective épistémologique.
4***
5La préhistoire présente le paradoxe d’être une science humaine, avec l’homme comme principal sujet d’étude, mais de laquelle ce protagoniste essentiel a disparu. Il s’agit d’une science désincarnée. Il est donc intéressant d’évoquer le corps : en plus de soulever des pistes de réflexion qui me paraissent incontournables pour tenter d’appréhender l’humain, avec toutes les précautions d’usage, derrière les vestiges archéologiques et les manifestations graphiques qu’il nous a laissés, une telle approche permet de s’extraire d’une science parfois jugée mortifère.
6Le chemin d’écriture [1] empruntera un parcours dans des temps très anciens, au Paléolithique supérieur, entre 32 000 et 10 000 ans BP [2]. De ces trois termes – corps, chamanisme et écriture – qui n’ont a priori pas grand-chose à voir entre eux et gravitent chacun dans leur sphère symbolique émergeront des associations souvent ignorées dans les études préhistoriques. Nous verrons comment ces concepts s’allient pour comprendre de quelle manière il est fait appel au corps dans l’appréhension du milieu souterrain lors de la réalisation de messages graphiques d’ordre symbolique.
7Bien des préhistoriens poursuivent l’objectif d’incarner l’homme préhistorique, de le faire se matérialiser dans les esprits, voire physiquement dans le cadre de reconstitutions plastiques (ou virtuelles) des différents représentants du genre humain, désormais incontournables dans les centres d’interprétation. Mais en art préhistorique, il faut souvent choisir entre une démarche hyper-scientifique, qui utilise des outils mathématiques clinquants pour accoucher de résultats guère nouveaux et qui rejoignent des tendances déjà identifiées, pressenties à la faveur d’une bonne connaissance de l’art préhistorique, et une démarche hyper-interprétative, qui s’écarte rapidement du rationnel pour aborder des rivages douteux. Aucune de ces directions n’étant, rapportée à un corpus élargi, véritablement convaincante, une voie intermédiaire se dessine, qu’empruntent de plus en plus de préhistoriens. À l’image de ce que propose Kenneth White [3] avec la géopoétique, je considère qu’il y a en termes d’art préhistorique un nouvel espace de pensée à investir, celui entre l’artiste et la paroi. Curieusement, ce territoire a été peu exploré jusque-là. Il s’étend de l’infiniment petit (échelle particulaire, microreliefs pariétaux) à l’immensité des champs de pensée de l’homme face au support (réminiscences, projections mentales, traduction en gestes d’une démarche symbolique flottante qui va être figée pour l’éternité). Sans explorer toutes ces échelles, je propose ici une approche chamanique de l’art paléolithique qui s’écarte quelque peu du modèle ethnographique souvent décrié pour emprunter davantage à la pensée symbolique. Les études en cours (éclairages plus performants, photographies de grande qualité, recours à la microbiologie…) permettent de défricher cet espace.
8Quels sont les indices de l’investissement corporel, charnel, sensoriel, symbolique de l’artiste préhistorique dans l’art des cavernes ? Comment la grotte, en tant que « caverne participante [4] », suscite-t-elle la réalisation de cet art et la mise en place d’un langage graphique, à l’origine d’un véritable échange entre l’artiste, le préhistorien et la paroi ?
L’art préhistorique, un corps à corps avec la paroi
Panorama de l’art pariétal : la grotte, à la fois décor et actrice
9L’art rupestre est un phénomène universel, de tous les types de milieu sauf les déserts froids. L’art pariétal (pour les manifestations souterraines) est, lui, circonscrit à l’Europe de l’Ouest et particulièrement à l’aire franco-cantabrique. Il est étonnamment homogène : les mêmes thèmes (animaux, signes, figurations humaines souvent caricaturales) ou absences (pas de paysages, de ciel, de végétaux indiscutables, peu ou pas de scènes narratives…) se rencontrent sur près de quatre cents siècles. Les premières manifestations, dominées par des animaux souvent impressionnants, se rapportent à l’Aurignacien [5] ; puis le Gravettien [6], qui accompagne une péjoration climatique, est une sorte de longue transition jusqu’au Magdalénien, où les herbivores placides dominent peu à peu le bestiaire ; au Solutréen [7], les sites se raréfient, peut-être en raison de difficultés d’accès aux sites ; enfin, au Magdalénien [8], le climat se radoucit, l’art explose et connaît une diversité sans précédent. À l’Azilien, l’art figuratif disparaît au profit de décors abstraits, sur galets notamment. L’art pariétal préhistorique est donc parfaitement délimité dans le temps, avec un avant [9] et un après. Des travaux en cours [10] tendraient à montrer que les hommes de Néandertal ont pu avoir été les auteurs de certains graphismes ; par ailleurs, les progrès des datations au radiocarbone ont tendance à vieillir les sites. De l’un à l’autre (vastes sanctuaires ou petites cavités…), styles, thématiques majoritaires, techniques employées ou nombre de représentations varient fortement.
10À l’exception des signes, ce sont essentiellement des corps (humains, animaux) qui sont figurés, souvent sans échelle. Le cheval domine largement, suivi des grands herbivores (bisons, aurochs, cervidés) puis des animaux jugés dangereux comme le mammouth, l’ours ou le rhinocéros, et enfin des thématiques animales plus anecdotiques comme les pinnipèdes, les mustélidés, les insectes… Ce sont néanmoins les signes qui survolent le corpus : l’art préhistorique est avant tout abstrait.
11Aujourd’hui, on distingue généralement une phase ancienne (de l’Aurignacien au Solutréen) et une phase récente (Magdalénien). C’est à cette dernière que l’on assiste véritablement à l’explosion de l’art préhistorique : par commodité, tout ce qui est plus ancien est qualifié d’anté-magdalénien.
12Stéphane Petrognani [11] a formalisé la tendance suivante : les représentations attribuables à la phase ancienne de l’art préhistorique offrent une grande liberté de formes, de techniques, une certaine créativité ainsi qu’un réel opportunisme dans la manière d’investir les parois et les reliefs et de dompter la perspective ; à l’inverse, l’art magdalénien apparaît beaucoup plus codifié, avec le recours à des tronçons anatomiques presque « standardisés » : au cours des millénaires, une certaine rigidité formelle se fait jour. Par exemple, le cheval, animal le plus figuré dans l’art préhistorique, subit une baisse de la diversité des traitements graphiques des membres et de leur perspective. Il émane de ces observations que le champ des possibles de l’artiste en tant qu’individu – ou du moins en tant que vecteur, porte-parole, messager de la symbolique du groupe social auquel il appartient – est assujetti aux contraintes imposées par le groupe. C’est donc cette appartenance au groupe qui va agir sur le libre arbitre, la personnalité de l’artiste : il y avait très certainement des écoles, des « chapelles » présidant à la transmission et à la diffusion de l’art préhistorique.
13Cette approche ignore cependant un aspect fondamental qui est le rôle de la grotte elle-même, du milieu souterrain, les contraintes d’espace et de paroi. La caverne constitue le théâtre, le réceptacle de l’art pariétal. Les possibilités offertes ou non par le support, la topographie d’une grotte et, d’une manière générale, l’inscription d’une image dans son environnement topographique et symbolique me semblent déterminantes.
14Cet art des périodes anciennes apparaît donc comme un art de « contact », où l’artiste tisse des liens étroits avec la paroi. Ce n’est pas un hasard si l’on y trouve assez bien représentés, parmi les modes d’expression graphique, la peinture ou les tracés digitaux dans l’argile – qui supposent de toucher le pigment ou la roche. Comme si le corps de l’artiste devait s’imprégner des gestes à venir, s’approprier la matière. Graver est différent : il s’agit là d’en ôter ; c’est une représentation « en creux », nécessitant l’outil comme intermédiaire entre le corps et le support. Certes, la réalisation d’un tracé digité suppose aussi un enlèvement de matière ; mais celle-ci peut rester collée au bout du doigt jusqu’à former des bourrelets en fin de trait. Ce double contact avec la matière et le support me paraît primordial.
La théorie du chamanisme
15Différentes théories ont été proposées pour expliquer l’art pariétal [12], en particulier – et par ordre chronologique – celle de l’art pour l’art défendue par Émile Cartailhac, la magie de la chasse portée par Salomon Reinach et Henri Bégouën et la théorie du structuralisme échafaudée par André Leroi-Gourhan et Annette Laming-Emperaire ; aucune d’entre elles n’est véritablement satisfaisante pour appréhender l’art pariétal dans toute sa diversité de lieux et de formes. Leur point faible est qu’elles déconnectent les images de leur support et de l’environnement de la grotte. Il n’est notamment guère fait référence aux reliefs, pourtant essentiels dans l’appréhension et la compréhension du milieu souterrain.
16Le chamanisme [13] n’est en réalité qu’un retour sur le devant de la scène d’une théorie des années 1950 ; Horst Kirchner (1952) et Andreas Lommel (1960) l’ont notamment explicitée [14]. Examinons auparavant quelques bases pour définir le chamanisme de manière générale [15], dans un contexte qui n’est pas nécessairement celui de la grotte.
17Par une approche symbolique, un homme (ou une femme) cherche à établir une relation, un contact direct avec les esprits surnaturels « dans le but de gérer au mieux les aspects aléatoires de l’économie d’un groupe social ». Le chamane « communique avec les esprits lorsqu’il est en état de transe, mais également par le moyen de songes ou de visions. […] La transe est obtenue par différents rituels généralement associés à des éléments rythmiques et musicaux [répétitifs] qui altèrent la conscience du chamane », lequel peut se livrer à des danses, des tremblements, des cris, des gesticulations particulières… Cet état d’excitation est en général suivi d’une « transe manifestée par une chute dans l’inertie résultant du “voyage” chamanique dans le monde des esprits ».
Dans les sociétés de chasseurs, le chamane a essentiellement pour fonction de garantir la vie du groupe en gérant les ressources naturelles que représente le gibier. […] Il incombe donc au chamane d’entrer en relation avec les esprits des animaux afin d’établir un accord permettant de prélever les ressources nécessaires à la survie […]. À cette fin, le chamane se transforme lui-même en animal.
19Le chamanisme est un phénomène quasiment universel. Kirchner a rapproché l’art pariétal du chamanisme, suivi par Lommel, puis Clottes et Lewis-Williams, qui ont étayé cette hypothèse par les résultats de travaux de recherches neurophysiologiques ayant décomposé la transe chamanique en trois étapes majeures, qui se succèdent généralement mais peuvent se chevaucher :
- – stade 1 : vision de formes géométriques qui scintillent, bougent, peuvent enfler, se contracter, flotter… ;
- – stade 2 : ces formes se transforment en objets chargés de significations religieuses ou émotionnelles propres au sujet (les zigzags peuvent se changer en serpents, par exemple) ;
- – stade 3 : le sujet est attiré par un tourbillon, une sorte de vortex dont les parois sont tapissées de formes géométriques, de personnes et d’animaux. À l’extrémité du tunnel, où se trouve une vive lumière, ces images se retrouvent projetées, et le sujet sent qu’il peut voler et se transformer en animal – expérience de la transe la plus fréquemment attestée.
21On comprend le rapprochement qui a pu être fait avec les représentations préhistoriques : les thèmes évoqués sont similaires, la projection de ces images rappelle les parois de grottes, le tunnel en évoque les galeries… Les promoteurs de cette théorie considèrent qu’elle permet, dans l’état actuel des connaissances, d’expliquer le maximum de représentations et le plus grand nombre de cas. Mais elle a été lourdement décriée parce qu’elle insiste sur des considérations d’ordre physiologique qui sont apparues incompatibles avec l’acte extrêmement précis de peindre, dessiner ou graver. Un malentendu de taille, car les auteurs n’ont jamais fait correspondre explicitement le moment de la transe et celui de la réalisation de l’art : il s’agissait bien de reproduire sur les parois des images issues de visions antérieures.
Les dispositifs symboliques : vers une autre conception du chamanisme
22À l’école structuraliste de Leroi-Gourhan s’oppose l’école symbolique ; elle regroupe plusieurs auteurs qui voient l’acte d’orner comme une manière de faire se matérialiser des figures – animales essentiellement – déjà présentes en germe dans la paroi, interface entre le réel et le monde autre, celui du surnaturel, des esprits.
Figure 1 : Grotte du Sorcier (Saint-Cirq, Dordogne)
Figure 1 : Grotte du Sorcier (Saint-Cirq, Dordogne)
Dispositif symbolique à la voûte.24La notion de dispositif a été établie par Denis Vialou [16] : « Les dispositifs pariétaux sont des constructions symboliques dans la mesure où les liens existant entre les thèmes et entre ceux-ci et leurs supports et la grotte sont généralement implicites et porteurs de signification ». Elle s’oppose au mythogramme, que Leroi-Gourhan avait défini comme une figure ou un groupe de figures dont les éléments sont simplement juxtaposés, sans référence au temps et à l’espace. Cette notion suppose de ne plus lire les images isolément et indépendamment du support, mais en relation topographique et symbolique avec les représentations voisines auxquelles elles peuvent être liées. Ces constructions symboliques se comprennent à l’échelle d’un panneau, d’une paroi, et on peut même dans certains cas extrapoler le concept à la grotte tout entière lorsque celle-ci, à la faveur d’une thématique hyper-dominante, d’une cohérence stylistique ou d’une séquence narrative particulière, présente une homogénéité qui paraît avoir présidé à l’intention graphique des artistes. Les dispositifs symboliques associent généralement des animaux et des signes dans un cadre topographique spécifique, partie intégrante de la composition.
25Le chamanisme comme possible théorie explicative de l’art pariétal, telle que développé par Clottes et Lewis-Williams, a ainsi pâti d’un rapprochement assez immédiat avec les pratiques de chamanes contemporains (danses, transe…). Le spectre de référents ethnographiques trop actuels, trop précis par rapport à l’indigence des indices dont disposent les archéologues, s’est rapidement imposé.
26Mais au-delà du chamanisme vu à travers le prisme du comparatisme ethnographique, il me paraît intéressant, en lien avec l’étude des constructions symboliques, de considérer que ce qui procède d’une démarche d’ordre chamanique est peut-être la manière dont l’artiste investit le milieu souterrain, se l’approprie ; comment il fait d’un milieu hostile, inquiétant, sombre, humide un allié dans sa manière d’épouser les parois, de faire corps avec les volumes. L’artiste commence par incorporer la grotte à son corps, au long d’un cheminement ou se succèdent passages d’étroitures, reptation, apposition des mains, prélèvement de matière, tâtonnements, peut-être recours aux cris pour déceler des points de résonance, balisage… Puis il incorpore les représentations qu’il crée à la grotte à la faveur d’un véritable jeu avec les reliefs. De nombreuses figures décrites comme incomplètes, après de nouvelles lectures et une prise en compte des formes naturelles du support, ont révélé qu’en réalité, seuls les éléments anatomiques absents des reliefs naturels ont été dessinés ou gravés ; certains reliefs sont parfois simplement raclés, surcreusés, prolongés… Il s’opère ainsi un véritable dialogue, sur tous les plans – topographie, techniques pour entamer le support, rendu visuel, perceptions, engagement corporel… –, entre l’artiste et la paroi et, par extension, la grotte.
Le chamanisme comme vecteur d’expression graphique chez les artistes du Paléolithique
Le poids de la grotte
27Le milieu souterrain est souvent considéré comme lieu de transition entre le monde des vivants et le monde des esprits. À ce titre, s’y engouffrer, pénétrer les entrailles de la terre constitue une démarche singulière. On quitte le dehors, ouvert, pour un univers fermé, qui supposera nécessairement un aller-retour et où les perceptions changent. En particulier, le toucher se voit souvent complètement modifié dans la mesure où les sensations tactiles sont soit hyper-sollicitées – ramper, se hisser à la force des bras pour franchir une étroiture, tâter le sol à la recherche d’une pierre pour éviter une mare de boue… –, soit au contraire empêchées [17]. En outre, en grotte, on apprend à ralentir ses gestes, à contrôler ses mouvements, à adopter un rythme très différent de celui qui régit nos comportements habituels. L’acclimatation est facilitée car le temps s’écoule différemment sous terre. Les perceptions changent, on ne dispose d’aucun indice naturel permettant de distinguer le jour de la nuit, on évolue en permanence dans une semi-pénombre…
28Gagner le monde souterrain, c’est quitter un environnement à la fois minéral, organique, aérien pour un milieu totalement minéral, sans horizon, où le sol a souvent la même couleur que le ciel, où certains repères sensoriels sont brouillés. Le corps se prépare à vivre des expériences nouvelles. Le comportement adopté, par nécessité – ramper, creuser… – mais aussi par réflexe – être plus attentif aux sons, s’inquiéter lorsqu’un bruit sec vient rompre le silence… –, rend le visiteur proche de l’animal. On prête plus attention au souffle, à la respiration, laquelle peut être altérée, par exemple lors du passage d’étroitures ou quand le taux de dioxyde de carbone est trop élevé ; on se met à l’écoute de son corps, parce qu’on a la sensation de vivre quelque chose d’inhabituel et que le confinement, la sensation d’étouffement parfois vont « brider » nos capacités à nous extraire en pensées de notre enveloppe charnelle. Comme si ce que nos gestes, nos attitudes renvoient vers l’extérieur en temps normal venait ricocher sur les parois et nous revenait. À l’image de ce que l’on peut ressentir pendant une transe chamanique, la grotte est un espace où le temps n’existe plus, où les repères spatiaux sont bouleversés.
29Par ailleurs, il y a une certaine religiosité dans notre conception du milieu souterrain. Peut-être est-ce lié au fait que comme souvent dans le milieu scientifique, bien des initiateurs de la science préhistorique étaient des ecclésiastiques : l’abbé Henri Breuil, pionnier de l’étude et du relevé de l’art pariétal ; l’abbé André Glory, auteur des premiers relevés de Lascaux [18] ; le chanoine Amédée Lemozi, inventeur de Pech-Merle [19], qu’il qualifiait de « grotte-temple »… Pour décrire les grottes, on trouve les termes de chapelle (chapelle de la Lionne des Trois-Frères [20]), abside, nef (Lascaux), camarin (Gargas [21])… On parle de grottes aux dimensions de cathédrale, de voûtes, de sanctuaires… Certaines stalagmites sont qualifiées de cierges… Il existe un champ lexical de la religion et de l’architecture religieuse dans le vocabulaire réservé au milieu souterrain et une orientation toute religieuse dans la manière de le décrire.
30La grotte est ainsi cet inframonde où l’on s’enfonce dans les entrailles de la terre pour gagner des territoires symboliques. À côté des grands sanctuaires, il existe beaucoup de grottes de dimensions bien plus modestes, confidentielles, avec une topographie parfois complexe et de nombreux recoins difficilement accessibles qui ont pourtant été ornés. Il y avait donc une véritable motivation, une démarche suscitée par des impératifs d’ordre symbolique, un probable dépassement de soi auxquels certaines personnes se livraient pour aller produire des images au fond des cavités.
31L’art préhistorique ainsi compris n’a rien d’anodin et nécessite souvent, à la fois pour le réaliser et pour le contempler (mais peut-être n’était-il pas destiné à être vu ?), un engagement corporel total, une gestuelle exigeante (reptation, contorsions, extensions…). L’esprit se prépare à braver des conditions rebutantes, le corps est parfois mis à rude épreuve. L’art préhistorique engage l’artiste dans son entier.
Un artiste, une paroi
32Afin d’accéder à la surface à orner ou une fois l’artiste devant cette paroi, c’est à nouveau le corps tout entier qui donne force et maîtrise au geste : équilibre (appuis), apposition des mains pour la technique du pochoir, souffle (crachis de pigments)… Ici, une main positive marque l’arête rocheuse à laquelle, déséquilibré, l’on s’est rattrapé ; là, une particularité anatomique (auriculaire tordu) permet de suivre l’artiste à la trace en plusieurs endroits où il a réalisé des mains négatives. Ailleurs, un enfant a probablement été porté à bout de bras pour prélever du mondmich [22] en hauteur. Il arrive aussi que le cœur du sanctuaire oblige à s’accroupir pour pénétrer au milieu de dalles rocheuses où se trouvent les dessins…
33La reconstitution (en une semaine) du panneau des Chevaux ponctués de Pech-Merle a permis de déterminer une durée minimale passée devant la paroi et une succession chronologique des gestes, par l’examen des superpositions ou des recoupements de traits. On met ainsi en évidence une véritable gestuelle, une chorégraphie ; dans ce cas précis, la configuration des lieux se prête idéalement à une mise en scène, avec une assistance, peut-être de la musique, des chants, des danses… La réalisation dans son ensemble avec ses différentes étapes pourrait, d’un point de vue symbolique, avoir été aussi importante que le résultat. Il y a un avant (emplacement, choix de cette paroi qui évoque un profil de cheval), un pendant, un après (lieu de procession ? aboutissement d’un cheminement ? ou bien abandon du dispositif symbolique sitôt réalisé ?). Ce panneau visible de loin occupe une position centrale au cœur du sanctuaire. Dans la même grotte, le plafond couvert d’une pellicule d’argile a obligé les artistes à escalader de gros blocs rocheux et à tracer à bout de bras des méandres, des embrouillaminis de traits d’où émergent un mammouth, un signe circulaire et trois représentations féminines schématiques.
34À Mayenne-Sciences [23], l’étude des segments qui composent la silhouette d’un cheval tracé au manganèse montre une réalisation très rapide, avec une sorte d’urgence, quoique l’artiste soit certainement resté immobile : lorsque le crayon de manganèse s’est cassé en passant sur un petit bourrelet rocheux, il n’a pas pris la peine de le réaffûter ou d’en changer, et la suite du tracé est alors moins nette, le trait plus épais. Exemple rare dans l’art préhistorique où l’examen même de l’image indique qu’il y avait nécessité, pour des raisons qui nous échappent mais qui pourraient être d’ordre chamanique ou symbolique, de poursuivre le tracé, de ne pas marquer d’arrêt. Parce qu’il fallait le faire et que l’acte de dessiner était primordial.
35À Bernifal [24], il a fallu grimper une cheminée quasi verticale de plusieurs mètres de haut, d’accès périlleux, pour y nicher un mammouth tracé à l’argile et utilisant pour partie le relief naturel. Dans ce cas-là, le relief a probablement « appelé » la figure ; il fallait donc la faire là, peut-être parce que le mammouth était déjà contenu en germe dans cette paroi.
36Parfois, on pressent que l’image une fois réalisée continue à « vivre ». Il en est ainsi de la vache anamorphosée de Lascaux (diverticule axial), où la position de l’observateur détermine l’allure de l’animal. Y avait-il une position particulière à adopter pour « bien lire » cet animal ? Fallait-il le voir déformé ? Avait-on simplement le choix ?
37Il arrive aussi que la réalisation graphique « trahisse » les exécutants, que d’immenses figures ou compositions n’aient pu être contemplées dans leur totalité. La démesure, l’ampleur de certaines représentations ou compositions échappent, d’une certaine manière, à leurs auteurs.
Figure 2 : Grotte de Mayenne-Sciences (Thorigné-en-Charnie, Mayenne)
Figure 2 : Grotte de Mayenne-Sciences (Thorigné-en-Charnie, Mayenne)
Deux chevaux tracés en noir, de style différent ; celui du bas montre une exécution très rapide.Figure 3 : Grotte de Commarque (Sireuil, Dordogne)
Figure 3 : Grotte de Commarque (Sireuil, Dordogne)
Ce cheval gravé ne peut pas être vu en entier.Figure 4 : Grotte de Cougnac (Payrignac, Lot)
Figure 4 : Grotte de Cougnac (Payrignac, Lot)
Sur une paroi fortement concrétionnée, silhouettes fantomatiques, ponctuations et profil de bovidé.Le chamane représenté ?
41L’objectif du préhistorien doit tendre selon moi à faire se matérialiser l’homme préhistorique, et en particulier l’artiste, par le biais des vestiges lithiques et osseux et des indices laissés en termes de cheminement, de position, de temps passé devant la paroi. Or, lorsqu’on examine les représentations humaines [25] réalisées par les hommes du Paléolithique, on se trouve la plupart du temps face à de simples silhouettes (des « fantômes »), des caricatures, des masques, des hommes blessés [26], des êtres composites (formés d’éléments anatomiques empruntés à plusieurs animaux)… Le plus connu de ces « sorciers » est sans doute celui des Trois-Frères, qui domine un secteur densément gravé et semble veiller sur la grotte : une véritable mise en scène est perceptible, tandis que l’accès à cette représentation qui se voit de loin est assez malaisé et périlleux. En termes de mise en scène, la plus remarquable se voit à El Castillo [27], avec un bison peint en noir et gravé sur un bloc stalagmitique : en projetant l’ombre du rocher sur la paroi opposée, une silhouette surgit, celle d’un personnage debout avec masque ou capuche, dont seules les jambes ont été peintes sur la paroi.
42Dans le cadre d’une approche chamanique, en reprenant les stades exposés précédemment, il est manifeste qu’à la fin de la transe, le chamane se transforme lui-même en animal. Par conséquent, on peut considérer que les anthropomorphes pourraient ne figurer que le chamane à une (ou plusieurs) étape(s) de sa transe.
43Et pour brouiller les pistes et nous permettre de pousser plus loin la réflexion, il existe plusieurs cas où, à l’inverse d’humains bestialisés, des animaux sont représentés avec des caractères humains. Des visages où semblent s’exprimer des sentiments que chacun pourra lire différemment…
44Parmi les théories qui ont accompagné – voire poursuivi, complété – l’hypothèse du chamanisme de Clottes et Lewis-Williams, celle de Pascal Raux [28], l’un des meilleurs connaisseurs sur le terrain de l’art préhistorique franco-cantabrique, reprend l’idée que la paroi est une porte, une frontière poreuse entre le monde des vivants et le monde des esprits ou du surnaturel, mais va plus loin dans la lecture même des tracés, en relation étroite avec les formes de relief.
- Les animaux blessés, trop peu nombreux dans l’art paléolithique pour signifier la magie de la chasse, symboliseraient le chamane en transe, son agonie, sorte de « petite mort » chamanique. À Chauvet-Pont-d’Arc [29], un rhinocéros peut-être victime d’hémorragies nasales est marqué de traits rouges sur le flanc, figurant des blessures réelles ou symboliques.
- Les animaux en général sont des chamanes représentés sous les traits de leur animal tutélaire. Étant en train d’accomplir le voyage de la transe et de voir leurs visions se matérialiser dans leur esprit, ils n’auront pas besoin d’yeux, ni de bouche, ni de jambes puisqu’ils volent. Ceci expliquerait l’absence fréquente d’yeux, de l’extrémité des pattes, de certains autres attributs anatomiques liés aux sens. Un cervidé de Las Monedas [30] n’a ni œil ni bouche ; les ours tracés en rouge de Chauvet-Pont-d’Arc n’ont pas d’yeux non plus et l’extrémité des pattes n’est pas représentée. Même chose pour un cheval de Niaux [31], qui peut avoir été figuré au moment où le chamane débute le voyage puisque l’avant-main est plus incomplète que l’arrière-train. Les exemples foisonnent.
- Le cheval pourrait signifier le voyage accompli par le chamane et être en quelque sorte le passeur, l’intercesseur avec le monde autre. À Covalanas [32], il accompagne des biches/chamanes, représentées sans yeux ni pattes [33]. À Mayenne-Sciences, grotte couverte d’argile du sol à la voûte, il faut aller au bout du cheminement et se mettre sur le dos pour découvrir, près d’une cheminée naturelle, l’avant-main d’un cheval qui n’a pas d’œil et est peut-être en train d’accomplir un voyage chamanique, de s’envoler vers les hauteurs de la grotte.
- L’animal/chamane, au cours de l’aller-retour chamanique, traverse la paroi et en ressort. À Covalanas, le tracé qui barre le garrot de l’animal est interprété comme cette séparation par laquelle l’animal va entrer dans la paroi, puis en ressortir. Des failles matérialisent parfois ce passage. Un cervidé de Las Chimeneas [34] se sert de deux fissures pour accomplir cet aller-retour. Il n’a ni yeux, ni bouche, ni oreilles, ni sabots. À Lascaux, le cervidé à la ramure extravagante est accompagné du cheval pour franchir la paroi, le carré tracé en dessous pouvant symboliser cette fausse porte. Le relevé du panneau d’El Pendo [35], immense cavité cantabrique, montre une biche rouge au tracé ponctué coupée en deux.
46Cette approche ne prétend évidemment pas, comme les précédentes, expliquer la totalité de l’art pariétal connu à ce jour, à la fois en grotte et en plein air ; mais elle a sans doute, plus que les autres, le mérite d’instaurer un dialogue entre l’artiste et la paroi et de mettre véritablement le corps au cœur du sujet, dans toutes ses dimensions : le corps scindé des animaux qui accomplissent cet aller-retour, le corps du chamane/artiste qui a vécu cette transe et en inscrit les épisodes sur la paroi, le corps du cheval qui voyage et accompagne dans l’autre monde.
Vers une forme de langage graphique ?
Évolution des représentations féminines
47À la Préhistoire, les femmes sont figurées depuis l’Aurignacien jusqu’au Magdalénien, avec une prédominance au Gravettien, où elles vont connaître leur plus grande aire d’extension géographique puisqu’on va les retrouver en nombre sur des sites russes et ukrainiens. À l’instar de l’évolution dans la manière de représenter les animaux, l’image de la femme, de la féminité, avec tout ce qui peut y être associé en termes de fécondité, de maternité etc., se transforme tout au long du Paléolithique supérieur.
48Au sein de ces sociétés matrilinéaires, la figure féminine était centrale ; elle régissait la pensée symbolique. Peut-être était-elle rassurante, un gage de stabilité dans les profondeurs inquiétantes de la terre. Naturellement, on se prend à imaginer qu’assimiler la femme à la grotte coulait alors de source. La grotte, c’est en effet la matrice, l’utérus de la terre si souvent décrit. L’utilisation de l’ocre rouge illustre à maintes reprises ce rapport étroit – qui a toujours été interprété ainsi et que bien des sociétés traditionnelles aujourd’hui font leur – de la grotte avec le sexe féminin.
49Cette relation entre la figure féminine, aux formes opulentes, et la caverne, elle-même foncièrement féminine et dont les volumes rappellent ceux des statuettes, s’atténue à l’approche du Magdalénien. D’essentiellement mobilières, les représentations deviennent majoritairement pariétales, ou bien sont gravées sur des plaquettes calcaires, souvent dépourvues de reliefs. On passe en quelque sorte de la 3D à la 2D, de l’image au signe. En parallèle, les formes se simplifient, parfois à l’extrême : les extrémités encore présentes aux périodes antérieures (tête, parfois pieds) disparaissent, la poitrine généreuse des madones du Gravettien n’est plus figurée que par un tracé rectiligne – un deuxième tracé parallèle puis arrondi suffit à représenter le dos et la fesse. Enfin, le propre des figures féminines schématiques magdaléniennes est leur reproductibilité graphique : ce sont des formes simples, quasi abstraites et l’on retrouve fréquemment sur un site une multitude de ces gravures, identiques ou presque, parfois alignées.
50J’attribue à cette évolution graphique des causes symboliques, avec deux visions opposées.
- La désacralisation de l’image féminine, sa « banalisation ». La déesse-mère [36] qui était gage de fertilité, d’abondance et, par ses volumes, rappelait la grotte, la matrice souterraine, le lieu de contact entre le monde des vivants et celui des esprits, a laissé la place à une proposition abstraite, un « signe » simple, une suggestion de l’image féminine.
- L’accession de cette image féminine à un statut d’icône, passant ainsi d’un être de pierre à une figure désincarnée. À l’image des animaux/chamanes, elle n’a plus besoin de ses attributs (seins, ventre…) puisqu’elle a dépassé le stade d’entité de pierre ou de chair. Cette hypothèse – ce n’est qu’une piste de réflexion – a tout à voir avec une lecture chamanique. Ces manières symboliques de figurer des femmes, et au-delà tout ce qu’elles incarnent, au moyen de graphismes simples, transmissibles, sont peut-être à l’origine d’une forme de proto-langage graphique.
Convergences, transmission
52Ce glissement de la représentation féminine vers l’abstraction conduit naturellement à parler des signes, qui constituent l’essentiel de l’art préhistorique mais sont souvent moins spectaculaires que les grandes peintures de Lascaux ou les dessins de Chauvet-Pont-d’Arc. Les signes existants ont fait l’objet de typologies, de classements divers. Ils ne se rencontrent pas dans toutes les grottes ornées, mais certaines d’entre elles ne comportent que des signes, des motifs indéterminés.
Figure 5 : Grotte de Lascaux (Montignac-sur-Vézère, Dordogne)
Figure 5 : Grotte de Lascaux (Montignac-sur-Vézère, Dordogne)
Diversité des signes…54Par ailleurs, quelques signes constituent d’excellents marqueurs territoriaux : les tectiformes [37] du Périgord ; les claviformes [38], avec une aire de répartition plus large… Il existe des signes extrêmement complexes et des signes au contraire très simples, élémentaires : points, lignes, bâtonnets… [39]
55Souvent associés aux figures animales, certains signes parfois complexes (branchiformes, damiers…) viennent encadrer et accompagner les dispositifs. Les interprétations sont multiples : préparation de la paroi et disposition de repères avant la réalisation des images animales, appropriation de l’espace souterrain, calendriers (lunaisons…). Tout ou presque a été écrit à ce sujet.
56Parfois, les signes – et en particulier les points – constituent des éléments de base dans la réalisation de certaines figures animales : on a là en quelque sorte l’équivalent pour le dessin de la technique du piquetage observé sur certaines gravures, lorsque la nature du support (par exemple un calcaire coquillier, à cupules coalescentes) ne permet pas de graver un trait continu.
57Le recours à des successions de points pour dessiner des animaux peut être un marqueur territorial. En revanche, des signes simples, pris isolément, ne peuvent être mis en avant pour déterminer des territoires, des aires d’influence, parce que les chances de convergence sont élevées : en plusieurs endroits géographiquement très éloignés, les mêmes signes peuvent se retrouver. Dans le cas de signes plus complexes, en revanche, il a pu y avoir une transmission, sans doute de proche en proche, d’un groupe humain à un autre, parfois sur une longue distance. L’étude de la provenance des matières premières ou des coquillages retrouvés dans des sépultures vient corroborer le fait que certains matériaux – mais aussi manifestement des éléments de pensée – pouvaient ainsi être diffusés dans un laps de temps relativement court.
« Écrire » l’espace ?
58Les mains négatives ou positives, abondantes au Gravettien – c’est-à-dire durant les millénaires où l’art des grottes montre une relation étroite, presque charnelle par endroits, entre l’artiste et la paroi –, sont de deux ordres : les appositions involontaires, rares, qui témoignent d’une maladresse de l’artiste ou d’un simple appui, lors d’un passage un peu délicat par exemple ; et les appositions volontaires, parfois des dizaines sur une même paroi, qui peuvent entrer dans une démarche d’ordre chamanique. On imagine aisément que toucher la paroi, laisser une trace de soi associée à un contact était une sorte de sésame pour gagner le monde des esprits et faisait partie intégrante du processus de transe. Les mains de Gargas sont les plus célèbres : on en dénombre 143 noires et 80 rouges, toutes situées dans le même secteur. Il s’agissait peut-être aussi de montrer sa présence dans la grotte, voire de dialoguer avec les esprits… À Chauvet-Pont-d’Arc, on trouve des mains cette fois-ci positives associées à des signes et à des félins. Parfois, une partie de l’avant-bras apparaît également en négatif ; peut-être y avait-il des « intensités » différentes, des intentions plus ou moins fortes, un engagement du corps plus ou moins poussé dans la réalisation de ces mains, qui pouvaient dénoter un rapport variable avec la paroi. Ces mains positives et négatives qui, avec les empreintes de pieds (classées parmi les vestiges de passage et d’occupation au même titre que les traces de foyer), constituent les seules marques anatomiques des hommes préhistoriques en action dans la grotte, sont peut-être les indices de présence les plus émouvants, d’autant plus qu’il est parfois possible, à partir de l’examen d’une main, de déterminer la stature de l’individu ou son sexe… ce qui nous les rend plus proches.
59Enfin, les notions de main gauche et main droite n’ont guère de sens dans la mesure où un négatif de main droite peut être obtenu en plaquant sur la paroi une main gauche retournée. Là encore, on se plaît à imaginer une gestuelle, une chorégraphie…
60Parmi les mains de Gargas, à 144 d’entre elles il manque un ou plusieurs doigts ou phalanges. On a répertorié les différentes combinaisons rencontrées, les associations éventuelles. On a jadis considéré le gel comme responsable de la perte de phalanges ; mais on s’accorde généralement à penser aujourd’hui que si ces négatifs de mains apparaissent tronqués, c’est parce que les doigts étaient repliés. Peut-être avait-on là un code gestuel, qui aurait correspondu à une forme de langage graphique, un signe de reconnaissance. On ne sait évidemment pas si cela entre dans le cadre d’une pratique d’ordre chamanique ou s’il s’agit de communiquer, d’échanger des informations au sein du groupe ou entre plusieurs groupes voisins.
61Dans certaines grottes, plusieurs indices graphiques laissent envisager une sorte de balisage. À Niaux, le premier ensemble orné rencontré depuis l’extérieur est le « panneau indicateur », composé de claviformes, de points et de traits. À El Castillo, le dernier tronçon conduisant au fond du sanctuaire est matérialisé par une série de grosses ponctuations rouges. À Margot [40], les représentations d’oiseaux du Tombeau des Troglodytes semblent indiquer le sens de cheminement dans le réseau. Dans cette grotte, les travaux et relevés que nous effectuons depuis bientôt une dizaine d’années [41] ont permis d’affiner notre connaissance des lieux et d’affirmer ainsi qu’il n’y a jamais de vis-à-vis, de représentations qui se font face. La distribution des entités graphiques dans le schéma de la grotte n’est pas aléatoire et semble obéir à une sorte de « grammaire spatiale ».
62Dans la galerie du Combel [42], qui appartient au même réseau que Pech-Merle, se rencontre un probable exemple remarquable de cheminement guidé depuis l’entrée de la galerie jusqu’à son terminus. Un premier panneau associe un lion et trois chevaux dessinés en rouge (ces derniers à petite tête et gros ventre, dans le style quercynois des chevaux du Gravettien), surmontés de quelques ponctuations. Puis les ponctuations sur les parois et à la voûte balisent l’itinéraire, assez malaisé, jusqu’à une étroite chatière où l’on se glisse pour découvrir le panneau final : trois animaux fantastiques que l’on a appelés « antilopes », tracés en noir.
63Par ailleurs, certaines ponctuations du Portel [43] et de Niaux, étudiées par Michel Dauvois et Iégor Reznikoff [44], sont situées selon les auteurs dans des lieux de grande résonance, y compris à des emplacements particulièrement malcommodes pour y réaliser des dessins ou des peintures. Les auteurs posent ainsi les deux principes suivants : 1. La vénération de l’image exige le son ; 2. Une bonne résonance appelle l’image. Le recours à la voix, aux cris, peut-être au chant, dans le choix des surfaces à orner constitue une forme d’investissement corporel qui s’inscrit pleinement dans une démarche d’ordre chamanique.
64Gestuelle, balisage, mise en relation des représentations entre elles selon des constructions d’ordre symbolique, associations récurrentes… posent les bases d’une sorte de grammaire graphique. La schématisation à l’extrême de certaines formes animales ou de tronçons anatomiques, la multiplication d’un thème sont peut-être des éléments à prendre en compte pour considérer la recherche de formes d’expression graphique traduisant une pensée, une transmission. Dans la grotte ornée, il y a aussi des palimpsestes, des pages blanches…
Figure 6 : Dans la grotte, le corps du préhistorique comme celui du préhistorien sont souvent soumis à une gestuelle bien particulière…
Figure 6 : Dans la grotte, le corps du préhistorique comme celui du préhistorien sont souvent soumis à une gestuelle bien particulière…
66Le parcours de l’artiste dans la grotte – ou du spectateur éventuel – s’apparente à une forme d’écriture dans l’espace, une gestuelle. Le chamanisme peut alors être considéré comme partie prenante de la réalisation de cet art ancien, au-delà de ce qui a été écrit concernant la transe, la prise de substances hallucinogènes, une dépossession de son propre corps… ; il n’est peut-être finalement – et pleinement – que cette gestuelle-là, cette appropriation du milieu souterrain, qui passe par de nombreux états et une palette de sensations, de l’appréhension à l’émerveillement, du sentiment d’oppression à la découverte d’une gestion différente du temps…
La « caverne participante »
67Il apparaît incontestable que les productions d’un chamane (graphiques ou autre) au cours de la transe ne peuvent être que fulgurantes, un jaillissement spontané… Or, l’art pariétal dans sa réalisation même, dans la confrontation avec la paroi, même s’il paraît délivrer des fulgurances, même si les repentirs sont rares, est tout sauf instinctif. La grotte et le milieu souterrain, avec leurs contraintes, leurs espaces à percevoir, doivent être au cœur de la discussion.
68Au côté de sites spectaculaires comme Lascaux, il existe des cavités plus modestes, avec moins de représentations, où celles-ci ne sont pas « offertes » mais se recherchent, se méritent. Ce qu’il me plaît d’appeler, en référence à une forme très particulière d’écriture, des « grottes-haïkus », qui ne renferment parfois qu’une ou deux représentations discrètes mais qui s’équilibrent entre elles et dans l’espace de la grotte. Des grottes qui vont à l’essentiel, mais sont très fortes dans le rapport perceptible entre l’artiste préhistorique et la paroi. Et si c’était de cavernes confidentielles, de quelques tracés esquissés ou gravés, que naissaient les plus grandes émotions ? Parce qu’une représentation comme en suspens sur une paroi laisse presque entrevoir le silex de l’artiste qui interrompt son geste.
69Il me semble – et l’on peut ainsi établir un rapport avec l’écriture – que la beauté qui émane d’un idéogramme chinois est du même ordre que celle que peut nous inspirer une représentation préhistorique schématique, de celles que l’on trouve souvent dans des grottes peu densément ornées mais qui vont à l’essentiel [45]. On se sent face à quelque chose d’universel, bien davantage à mon sens que devant des représentations trop « tapageuses » quoique d’une grande beauté.
70La beauté d’une œuvre préhistorique tient bien moins à son esthétique qu’au cheminement mental, graphique qui a permis sa réalisation. Comme dans l’art contemporain, ce qui interpelle dans l’art préhistorique est avant tout le processus d’élaboration mental de l’image, puis sa réalisation sur le support choisi. Tout comme pour les représentations pariétales, à jamais muettes, on peut se sentir fort dépourvu devant une œuvre contemporaine si l’on n’a pas accès au discours de l’artiste nous détaillant sa démarche. Dans le Guernica de Picasso, le message est dans le tableau final, puisque nous possédons les codes historiques pour comprendre ces corps disloqués, ces regards hagards. Dans l’art préhistorique, à l’inverse, le message réside dans l’enchaînement des gestes de l’artiste que l’on parvient parfois à reconstituer. Il n’est d’ailleurs pas anodin de remarquer que les artistes qui se disent les plus inspirés par l’art préhistorique et qui revendiquent une filiation avec cet art ancien, comme Pierre Soulages, sont davantage dans la gestuelle, le rapport à la matière, que dans la recherche d’une esthétique. Ses grandes brosses à la main, Soulages peint comme il toréerait… Il y a à mon sens une manière d’« écrire » l’espace, d’affirmer la singularité d’une grotte, sa topographie, ses volumes, mais aussi ce qui s’en dégage en termes de ressenti, de sensations diverses. La notion de « caverne participante » insiste sur la nécessité de ne pas dissocier les différentes disciplines étudiées en milieu souterrain de leur cadre géologique : elle prend ici pleinement son sens.
71Dans la grotte, le préhistorien s’attache à lire derrière la paroi. Son travail pensé ainsi peut être lui aussi considéré d’ordre chamanique.
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Mots-clés éditeurs : chamanisme, grotte, écriture, préhistoire, corps, art pariétal, langage graphique
Date de mise en ligne : 01/11/2017.
https://doi.org/10.3917/comla.186.0005Notes
-
[1]
Ce travail a fait l’objet d’une première présentation au séminaire Chemins d’écritures dirigé par Emmanuël Souchier et Anne Zali à l’École doctorale V « Concepts et langages » de l’université Paris-Sorbonne, Gripic-Celsa, le 13 mars 2015.
-
[2]
Before Present, l’année de référence étant 1950.
-
[3]
L’œuvre de Kenneth White est abondante et passionnante. Pour « faire connaissance », je conseille la lecture du Plateau de l’Albatros. Introduction à la géopoétique, Grasset & Fasquelle, 1994, 367 p.
-
[4]
André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l’art occidental, Mazenod, 482 p. (rééd. 1971 et 1995). Cette notion a été reprise notamment par Michel Lorblanchet, Les grottes ornées de la Préhistoire. Nouveaux regards, Errance, 287 p.
-
[5]
Vers 32 000 ans BP.
-
[6]
De 28 000 à 22 000 ans BP.
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[7]
Entre 22 000 et 18 000 ans BP, ce qui correspond au Dernier Maximum Glaciaire.
-
[8]
Entre 18 000 et 12 000 ans BP.
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[9]
Certains essais graphiques ont pu exister et disparaître, réalisés sur de la matière périssable ou des supports instables.
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[10]
Par exemple Alistair W. G. Pike, Dirk L. Hoffmann, Marcos Garcia-Diez, Paul B. Pettitt, José J. Alcolea González, Rodrigo de Balbín, César González-Sainz, Carmen de las Heras, José A. Lasheras, Ramón Montes et Joao Zilhão, « U-Series Dating of Paleolithic Art in 11 Caves in Spain », Science, 336(6087), 2012, p. 1409-1413.
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[11]
Dans sa thèse publiée sous le titre De Chauvet à Lascaux. L’art des cavernes, reflet de sociétés préhistoriques en mutation, Errance, coll. « Les Hespérides », 2013, 253 p.
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[12]
Pour le détail de chacune d’elles, avec ses points forts et ses écueils, je renvoie par exemple au très éclairant petit livre de Jean Clottes, Pourquoi l’art préhistorique ?, Folio essais, n° 557, 2011, 336 p.
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[13]
Dont on a beaucoup parlé à la suite de la parution de l’ouvrage de Jean Clottes et David Lewis-Williams, Les chamanes de la Préhistoire. Transe et magie dans les grottes ornées, Le Seuil, coll. « Arts rupestres », 1996, 118 p.
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[14]
Un état de l’art est proposé par Sophie Archambault de Beaune, « Chamanisme et préhistoire. Un feuilleton à épisodes », L’Homme, 38(147), 1998, p. 203-219.
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[15]
J’emprunte ces éléments de définition à André Marro, « Les gravures rupestres du mont Bégo et le chamanisme », ARCHÉAM–Cahiers du Cercle d’Histoire et d’Archéologie des Alpes-Maritimes, 15, 2008, p. 100-105. L’auteur est docteur en paléoanthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle.
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[16]
Denis Vialou, L’art des grottes en Ariège magdalénienne, XXIIe supplément à Gallia Préhistoire, CNRS, 1986, 432 p.
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[17]
Ce qui est le cas, de nos jours, avec les grottes ornées où il est défendu de toucher les parois et les pigments.
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[18]
Montignac-sur-Vézère, Dordogne. Grotte fermée au public.
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[19]
Cabrerets, Lot.
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[20]
Montesquieu-Avantès, Ariège. Grotte fermée au public.
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[21]
Aventignan, Hautes-Pyrénées.
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[22]
Le mondmilch (lait de lune en allemand, aussi appelé moonmilk) est une forme de calcaire superficiel remobilisé et rendu malléable, dont la consistance rappelle du fromage caillé et que les artistes de la Préhistoire ont parfois travaillée pour réaliser des tracés digitaux, souvent qualifiés de méandres ou de macaronis lorsqu’ils ne semblent pas figurer d’entité identifiable.
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[23]
Thorigné-en-Charnie, Mayenne. Grotte fermée au public.
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[24]
Meyrals, Dordogne.
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[25]
Souvent qualifiées d’anthropomorphes. Il s’agit d’un thème assez rare, voire marginal au côté des milliers d’animaux, des signes et des figurations sexuelles.
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[26]
Ils constituent un thème à part entière dans l’art des grottes, bien qu’on ne sache pas s’il s’agit de blessures réelles ou de blessures symboliques.
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[27]
Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne.
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[28]
Cette théorie est formalisée dans son ouvrage Animisme et arts premiers. Historique et nouvelle lecture de l’art préhistorique, Thot, 2004, 299 p.
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[29]
Vallon-Pont-d’Arc, Ardèche. Grotte fermée au public.
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[30]
Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne.
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[31]
Niaux, Ariège.
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[32]
Ramales de la Victoria, Cantabrie, Espagne.
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[33]
Marcos García Diez et Joaquín Eguizabal Torre, La cueva de Covalanas. El grafismo rupestre y la definicíon de territorios gráficos en el paleolítico cantábrico, Consejería de Cultura, Turismo y Deporte del Gobierno de Cantabria, 2003, 126 p.
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[34]
Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne.
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[35]
Escobedo de Camargo, Cantabrie, Espagne.
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[36]
Voir les travaux de Marija Gimbutas dans Le langage de la déesse, Préface de Jean Guilaine, Camille Chaplain et Valérie Morlot-Duhoux trad., Éditions des femmes - Antoinette Fouque, 2005, 415 p. [NDLR].
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[37]
Signes en forme de toit.
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[38]
Signes en forme de massue.
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[39]
Selon les travaux de Denis Tauxe (2007), la grotte de Lascaux comporte quelque six cents figures animales identifiées et plus de quatre cents signes, certains thèmes étant propres à certains secteurs ou dispositifs et qu’il est donc raisonnable d’interpréter par des orientations symboliques différentes. Par exemple, le cheval conserve une place éminente–c’est l’animal le plus représenté dans l’art paléolithique ; l’aurochs domine le bison tandis que le cerf est prééminent sur le bouquetin ; ou encore, l’association cheval-aurochs se rencontre dans tous les secteurs de la grotte. En outre, la base du système peint repose principalement sur l’alternance chevaux/bovins et bovins noirs/bovins rouges, à laquelle s’ajoute l’intervention ponctuelle du cerf ou du bouquetin. Par ces observations qui permettent d’entrevoir comme l’ébauche d’une « grammaire » graphique, on peut considérer les principales espèces animales comme des identités culturelles, certains signes caractéristiques parfois complexes (branchiformes, signes en damier…) venant encadrer et accompagner le dispositif, et qui deviennent alors les éléments moteurs de croyances distinctes.
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[40]
Thorigné-en-Charnie, Mayenne.
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[41]
Voir par exemple Romain Pigeaud, Stephan Hinguant, Hervé Paitier, Vincent Pommier, Pascal Bonic, « La grotte Margot (Thorigné-en-Charnie, Mayenne) : un sanctuaire complexe aux influences multiples », Préhistoire, Arts & Sociétés, Bulletin de la Société préhistorique Ariège-Pyrénées, LXVII, 2013, p. 81-101.
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[42]
Cabrerets, Lot. Galerie fermée au public.
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[43]
Loubens, Ariège. Grotte fermée au public.
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[44]
Iégor Reznikoff, Michel Dauvois, « La dimension sonore des grottes ornées », Bulletin de la Société préhistorique française, 85(8), 1988, p. 238-246.
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[45]
La belette du Réseau Clastres (Niaux, Ariège), le bison de Marcenac (Cabrerets, Lot ; grotte fermée au public), certain mammouth d’Arcy-sur-Cure, les petits chevaux jaunes très stylisés de Chauvet-Pont-d’Arc sont des modèles du genre.