Couverture de COMLA_185

Article de revue

Publicité en série : lorsque la marque se raconte sur le Web

Pages 127 à 148

Notes

  • [1]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, Le Bord de L’eau, 2014, p. 18.
  • [2]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, 1997, p. 61-88.
  • [3]
    Paul Ricoeur, Temps et récit, t. 2, La configuration du temps dans le récit de fiction, Éditions du Seuil, 1984, p. 42. Cité dans Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 61-62.
  • [4]
    Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, La Découverte, 2007, p. 36.
  • [5]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 78.
  • [6]
    Karine Berthelot-Guiet développe ce concept pour saisir ce qui reste de la publicité lorsqu’elle s’éloigne des formats standards.
  • [7]
    Andrea Semprini, La marque : une puissance fragile, Vuibert, 2005, 288 p.
  • [8]
    Ibid., p. 19.
  • [9]
    La websérie d’Oasis L’Effet Papayon a cumulé sept millions de vues sur YouTube et 775 000 vues sur Facebook pour les vidéos de ses trois premiers épisodes (source : lareclame.fr).
  • [10]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, op. cit., p. 13-14.
  • [11]
    Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, op. cit., p. 36.
  • [12]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, op. cit., p. 13.
  • [13]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 61-88.
  • [14]
    Ibid., p. 80.
  • [15]
    Ibid., p. 85.
  • [16]
    Andrea Semprini, La marque : une puissance fragile, op. cit., p. 5.
  • [17]
    Le verbe « braconner » et la notion de « tactique » sont empruntés à Michel de Certeau dans L’invention du quotidien : arts de faire, Gallimard, 1990.
  • [18]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 67.
  • [19]
    Nous utilisons le terme « bricolage » au sens de Claude Lévi-Strauss dans La pensée sauvage, Pocket, 1990.
  • [20]
    Bruno Remaury, Marques et récits : la marque face à l’imaginaire culturel contemporain, IFM/Regard, 2004.
  • [21]
    Marshall McLuhan, The Medium is the Massage: An Inventory Of Effects, Bantam Books, 1967.
  • [22]
    Jean-Pierre Esquenazi, Les séries télévisées : l’avenir du cinéma ?, Armand Colin, 2010, p. 4.
  • [23]
    Vladimir Lifschutz, « Series Finale : une certaine idée de la fin », [en ligne] http://teteschercheuses.hypotheses.org/531, 25 janvier 2013.
  • [24]
    Noël Nel, « Téléfilm, feuilleton, série, saga, sitcom, soap opéra, telenovela : quels sont les éléments clés de la sérialité ? », CinémAction, 57, « Les feuilletons télévisés européens », Corlet/Télérama, octobre 1990, p. 64-65.
  • [25]
    Stéphane Benassi, Séries et feuilletons TV : pour une typologie des fictions télévisuelles, Éditions du Cefal, 2000.
  • [26]
    Nicolas Riou, Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, Éditions d’organisation, 1999, p. 125.
  • [27]
    Thomas Jamet, Les nouveaux défis du brand content : au-delà du contenu de marque, Pearson, 2013, p. 43.
  • [28]
  • [29]
    Thomas Jamet, Les nouveaux défis du brand content : au-delà du contenu de marque, op. cit., p. 44.
  • [30]
    Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », Communication, 4(1), 1964, p. 40-51.
  • [31]
    Daniel Bô, Brand culture : développer le potentiel culturel des marques, Dunod, 2013, p. 87.
  • [32]
    Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013.
  • [33]
    Jean Baudrillard, Le système des objets, Gallimard, 1968.
  • [34]
    Nicolas Riou, Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, op. cit., p. 126.
  • [35]
    Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, op. cit., p. 309.
  • [36]
    Jean Baudrillard, Le système des objets, op. cit.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Annabelle Klein, Philippe Marion, « Reconnaissance et identité face à l’espace médiatique », Recherches en communication, 6, 1996, p. 39-66.
  • [40]
    Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, op. cit., p. 310.
  • [41]
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Nicolas Riou, Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, op. cit., p. 126.
  • [45]
    Stéphane Benassi, Séries et feuilletons TV : pour une typologie des fictions télévisuelles, op. cit., p. 29.
  • [46]
    Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, op. cit., p. 36.
  • [47]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 61-88.
  • [48]
    Annabelle Klein, Philippe Marion, « Reconnaissance et identité face à l’espace médiatique », art. cit., p. 39-66.
  • [49]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 71-72.
  • [50]
    Ibid., p. 64.
  • [51]
    Ibid., p. 73.
  • [52]
  • [53]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 82-83.
  • [54]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, op. cit., p. 18.
  • [55]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 87-88.
  • [56]
    « Fruit-Fighter », http://fruit-fighter.com
  • [57]
    Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, op. cit.
  • [58]
    Caroline Marti de Montety, « Les marques, acteurs culturels. Dépublicitarisation et valeur sociale ajoutée », Communication & Management, 10(2), 2013, p. 29.
  • [59]
    Les verbes « bricoler » et « braconner » sont à entendre selon le sens que leur ont donné Claude Lévi-Strauss et Michel de Certeau dans La pensée sauvage et L’invention du quotidien : arts de faire, op. cit.
  • [60]
    André Gaudreault, Philippe Marion, « Un média naît toujours deux fois… », La fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique ?, Armand Colin, 2013, p. 149-177.
  • [61]
    Ibid., p. 151.
  • [62]
    Valérie Patrin-Leclère, « Un média est-il une marque ? », Communication, 32(2), 2013, [en ligne] http://communication.revues.org/5027 ; DOI : 10.4000/communication.5027

1Dans cet article, nous nous interrogeons sur la « mise en récit » des marques au sein de l’espace numérique à travers l’exemple des webséries de marque. Celles-ci peuvent être définies comme étant des programmes courts diffusés sur le Web, destinés à promouvoir une marque sous une forme sérielle. En mettant en perspective des concepts issus des recherches en SIC contemporaines avec les interprétations de certains experts en stratégie des marques, une question mérite d’être posée : jusqu’où peut-on considérer que les webséries « dépublicitarisent » la promotion des marques ? Caroline Marti de Montety, chercheuse au Gripic à l’université Paris-Sorbonne et spécialiste des transformations du marketing, des marques et de la consommation, parle de « dépublicitarisation » pour désigner « la tactique des annonceurs qui vise à se démarquer des formes les plus reconnaissables de la publicité pour lui substituer des formes de communication censées être plus discrètes, dégagées des marqueurs de la publicité » [1]. En ce sens, les webséries de marque constituent bien des contenus « dépublicitarisés » à travers une mise en récit médiatique. Dès lors, comment la marque parvient-elle à se raconter sur le Web à travers un genre hybride empruntant à la fois au discours publicitaire et sériel ? Cette réflexion fait écho au concept de « médiagénie » [2] développé par Philippe Marion, professeur en sciences de l’information et de la communication et membre actif de l’Observatoire du récit médiatique à l’université catholique de Louvain. Le chercheur part du principe, posé par Paul Ricoeur, que « de nouvelles formes narratives, que nous ne savons pas encore nommer, sont déjà en train de naître, qui attesteront que la fonction narrative peut se métamorphoser, mais non pas mourir » [3]. Un constat qui fait sens dans le cadre de la websérie de marque et de ses liens profonds avec la notion de récit, pour ne pas dire de « storytelling » [4]. La narratologie médiatique ne peut analyser le récit sans tenir compte de sa rencontre avec un média, dans notre cas Internet. Or, les médias ne sont pas de simples canaux qui véhiculent du contenu, mais, du fait des caractéristiques qui leur sont propres, ils « génèrent leurs propres chimères et fictionnent autant qu’ils fonctionnent. […] Toute forme de représentation implique une négociation, voire un corps à corps, avec la force de résistance propre au système médiatique choisi » [5].

2À ce niveau, nous démontrerons en quoi la websérie de marque répond parfaitement aux impératifs et caractéristiques propres au média Internet et à son corollaire, la communication virale. De ce fait, le registre commercial se trouve « euphémisé » dans un récit de marque qui profite entièrement des spécificités du média Internet et du genre sériel. Pour analyser ces processus, nous avons restreint notre corpus à sept webséries de marque diffusées en France entre 2010 et 2014. Toutes ont été initiées par des marques aux domaines et services marchands aussi proches (La Banque Postale et BNP Paribas) qu’éloignés (Nestlé Bébé, SNCF, Oasis…), le but étant de comprendre à quel degré de « dépublicitarisation » et de « médiagénie » se situe chacune d’entre elles. Le tableau suivant résume leurs principaux traits formels (date, durée, format) :

3

Tableau 1 - Corpus des webséries de marque étudiées

tableau im1

Tableau 1 - Corpus des webséries de marque étudiées

4Notre corpus se compose plus exactement de 85 vidéos qui correspondent aux épisodes diffusés sur Internet entre 2010 et 2014 en France. L’analyse de ces sept webséries de marque nous a permis de dégager un facteur commun : leur format très court (2 minutes par épisode en moyenne). De plus, ces dernières partagent des similitudes avec les séries télévisées, que nous verrons ultérieurement. Les sept webséries de marque ont été sélectionnées en fonction de leur hétérogénéité au sein de l’espace numérique. Une hétérogénéité qui se traduit à la fois dans le ton adopté (comique, didactique, fantastique, réaliste ou ludique) et dans la représentation de la marque dans les webséries. Chacune d’entre elles entretient un rapport plus ou moins étroit avec son univers de marque premier, d’où notre choix de dresser une typologie selon le degré de « dépublicitarisation » et de « médiagénie ».

5Plus précisément, il s’agit d’étudier la mise à distance de la marque à partir des indicateurs suivants : les thématiques de marque abordées (se jouent-elles à un niveau explicite ou implicite ?) et la forme adoptée (format publicitaire classique ou « dépublicitarisé » ?). Alors que nous retrouvons dans le discours des professionnels du marketing et de la communication une nette opposition entre brand content (contenu de marque) et branded content (contenu marqué), nous pensons plus pertinent de classer les webséries de marque sur un même continuum qui s’étendrait de la publicité à la « publicitarité » [6].

Un contexte favorable à l’émergence des webséries de marque

6Dans un contexte caractérisé par une « crise de sens » [7], les marques sont à la recherche de nouvelles formes sémiotiques pour se démarquer des figures publicitaires traditionnelles, tout en s’adaptant aux nouveaux médias. Andrea Semprini, spécialiste universitaire de la marque, explique à ce propos que « l’expansion des marques ne doit pas être entendue comme développement purement quantitatif […], mais aussi comme évolution qualitative et métamorphose, comme élargissement de leur rôle et transformation de leur emprise sur l’espace social » [8]. La marque est en effet une entité communicationnelle autonome capable de s’adapter aux changements extérieurs, qu’ils soient d’ordre économique, politique, social, culturel ou technologique.

7Notre article s’attachera à inscrire la marque dans cette dimension plurielle et évolutive en interrogeant son format « websériel », qui semble adapté à la mutation numérique en cours. Les marques ont en effet su amorcer le tournant du numérique, comme peut en témoigner la circulation massive des séries de marque sur le Web telles que Les Dumas par Bouygues Telecom, Les Parents Toqués par Nestlé Bébé, Really Friends par Nescafé, Mes Colocs par BNP Paribas, Comme le disent les gens par La Banque Postale ou encore Voyage d’affaires à grande vitesse, « la série pour convaincre votre patron de vous faire voyager en TGV Pro 1re  », par SNCF. Dernièrement, c’est L’Effet Papayon d’Oasis qui a bénéficié d’une grande visibilité médiatique.

8Autant d’univers diégétiques permettant de servir la fonction première de la marque, commerciale, sous une forme médiatique divertissante, vue et partagée par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux [9]. « Ce sont là des métamorphoses de la communication marchande, car ce non publicitaire a vocation à promouvoir les marques et à faciliter les ventes. Plus les marques empruntent aux médias et à la culture, moins elles avouent leurs intentions marchandes, et plus elles étendent l’espace de la communication marchande » [10], précise Caroline Marti de Montety au sujet de la « dépublicitarisation ». Ces formats courts diffusés sur YouTube, Dailymotion ou encore Vimeo proposent à leurs publics une expérience de marque dans la continuité du « storytelling », tel que présenté par Christian Salmon, avec une immersion dans un récit partagé entre le fictionnel et le réel.

9Ce chercheur au CNRS, spécialiste de l’impact des nouveaux usages du récit dans le marketing, démontre que ce secteur a évolué énormément dès les années 1990 : en « moins de quinze ans, le marketing est […] passé du produit au logo, puis du logo à la story » [11], explique-t-il. Alors que la story évoquée par cet auteur est à entendre de façon polysémique, désignant le fait de raconter une histoire aux consommateurs, mais également, et plus précisément, la « véritable » histoire de la marque, celle-ci semble désormais déconnectée du réel et du produit. Il ne s’agit plus de raconter la véritable évolution de la marque, mais de mettre en avant ses éléments fondamentaux en tant qu’acteurs d’un récit au registre humoristique, souvent déconnecté du réel. Le factuel quant au produit disparaît au profit d’une fiction, comme si le produit en lui-même n’était plus l’objet précis de la publicité, mais que le seul enjeu était celui de la visibilité de la marque. Cette réflexion trouve un écho pertinent dans les travaux de Philippe Marion lorsqu’il insiste sur la porosité toujours plus importante entre la fiction et le factuel, ce qui semble naturel dans le mélange réalisé entre les genres sériel (fiction) et publicitaire (communication marchande).

10Dans cette perspective d’hybridation des genres et de masquage du stigmate publicitaire, les marques « utilisent Internet comme nouveau terrain de jeu » [12]. En ce sens, le concept de « médiagénie », tel que défini par Philippe Marion, peut nous éclairer sur le degré de « dépublicitarisation » des webséries de marque, le média numérique érodant les frontières.

« Dépublicitarisation » et « médiagénie » : la websérie de marque en quête du « court-circuit »

11La narratologie médiatique offre un cadre de référence pertinent pour appréhender le phénomène de « dépublicitarisation » à l’œuvre dans les webséries de marque. En effet, nous faisons l’hypothèse que plus un récit de marque est « médiagénique », plus il s’inscrit dans un processus de « dépublicitarisation » en s’imposant comme un récit médiatique à part entière et non plus comme un discours publicitaire. Ainsi, les concepts de « médiativité », « narrativité » et « médiagénie » définis par Philippe Marion [13] méritent d’être clairement explicités.

12Chaque média génère un imaginaire spécifique important à saisir pour analyser tout récit qui y circule. Cet imaginaire est caractérisé par la « médiativité », c’est-à-dire « tous les paramètres qui définissent le potentiel expressif et communicationnel » [14] d’un média. Celle-ci comprend également ses conditions de diffusion et de circulation. Pour l’analyse des webséries de marque, il est donc nécessaire de prendre en compte les caractéristiques d’Internet, telles que son caractère multimédia et l’interactivité qu’il permet, mais également des phénomènes qui lui sont inhérents, comme la viralité. À cet égard, nous verrons ultérieurement à quel point la websérie d’Oasis, L’Effet Papayon, s’inscrit dans cette perspective médiagénique et même transmédiagénique. Parallèlement au concept de « médiativité », s’articule celui de « narrativité », qui « renvoie […] aux contenus référentiels « importés » par la représentation de l’événement factuel » [15].

13Dans le cas d’une websérie, la marque peut générer son propre univers diégétique, du mug Nescafé aux petits fruits anthropomorphisés d’Oasis, en passant par les thématiques bancaires de La Banque Postale, et offrir ainsi une multitude de mondes possibles à partir de sa réserve culturelle. Ces mondes « offrent à l’individu des propositions imaginaires, des systèmes de sens organisés qui fonctionnent comme autant de stimulations et de ressources pour construire son identité, ses projets, ses imaginaires personnels et syncrétiques » [16]. Les marques intègrent également des récits culturels qui ne sont pas les leurs, les « braconnent » et élaborent ainsi des « tactiques » au sens anthropologique du terme [17].

14Analyser la « médiagénie » d’un récit médiatique revient à évaluer la symbiose entre sa médiativité et sa narrativité. Ainsi, une médiagénie efficace est constituée par la rencontre réussie entre une « mise en intrigue » et les caractéristiques propres au média. De ce fait, plus une websérie de marque est médiagénique, plus son caractère commercial tend à se faire oublier. En effet, il y a une certaine efficacité du « court-circuit » médiatique, c’est-à-dire la prédisposition du média, ici de la marque, à s’effacer. Par cette idée, Philippe Marion désigne le fait qu’un « bon média travaille à se faire oublier comme si sa transparence était garante de l’impression que le monde “reel” nous parvient sans médiation » [18]. Dans le cas de la websérie de marque, il y a donc adéquation entre une certaine forme de court-circuit médiatique, au niveau générique, et la « dépublicitarisation », cette dernière entraînant le camouflage du discours commercial sous une forme médiatique (numérique) et culturelle (sérielle) plus valorisée socialement. Le mimétisme opéré est bien de deux ordres : médiatique et culturel.

15Le processus de « dépublicitarisation » est donc à considérer aussi bien du côté du discours sériel qu’empruntent les marques que de celui du « bricolage numérique » [19] à l’œuvre dans les webséries de marque, c’est-à-dire la façon dont les marques se servent de la culture numérique pour construire la leur. Ce propos s’inscrit dans la perspective anthropologique des marques proposée par Bruno Remaury [20] en replaçant la culture au centre du dispositif sémiotique de la marque (dans ce cas, la culture du Web). La marque mute progressivement vers un modèle culturel et médiatique répondant à sa « crise de sens ». Marshall McLuhan affirmait dans les années soixante que le médium était le message [21]. Aujourd’hui, la marque ne tend-elle pas à devenir elle aussi un média et à faire sens en tant que tel ?

De la mise en série à la mise en websérie

16Après avoir exposé le cadre théorique, il nous semble nécessaire de définir à présent notre objet d’étude. En effet, nous ne savons finalement que très peu de chose sur les webséries (que celles-ci soient commanditées par des marques ou non), si ce n’est que ce sont généralement des programmes courts diffusés sur le Web et que leur durée est plus éphémère qu’une série télévisée. Si l’objet websériel ne fait pas vraiment écho dans le domaine de la recherche, ce n’est pas le cas de sa grande sœur, la série télévisée, qui connaît depuis quelques années un regain d’intérêt scientifique. Pourtant, la série a elle aussi mis du temps avant de s’imposer comme un objet communicationnel à part entière. Jean-Pierre Esquenazi, chercheur universitaire spécialisé dans la relation entre la production culturelle et sa réception, soulignait d’ailleurs en 2010 [22] que les séries n’étaient pas encore prises au sérieux par la presse culturelle ou par les chercheurs, expliquant que très peu d’ouvrages abordant la question sérielle existaient en dehors des pays anglo-saxons. Aujourd’hui, nous ne comptons plus le nombre grandissant de projets scientifiques autour de l’objet sériel en France (thèses, articles, colloques, etc.). Pour saisir la notion de websérie, il paraît donc nécessaire de nous pencher sur sa racine sérielle.

17D’après Vladimir Lifschutz, réalisant une thèse sur les dispositifs fictionnels de la série à l’université Lyon 2, « il faut comprendre l’utilisation du terme “Séries” comme l’ensemble des procédés fictionnels à épisodes incluant les processus de mise en série et de mise en feuilleton ainsi que les hybridifications entre les deux genres » [23]. Noël Nel, spécialiste universitaire des processus de sérialisation, a plus précisément mis en évidence certaines caractéristiques sémiologiques du feuilleton et de la série. Ainsi, selon lui, la mise en feuilleton est « une opération de dilatation et de complexification de la diégèse, un étirement syntagmatique du récit qui conserve l’écoulement inéluctable du temps, tandis que la mise en série est une opération de développement diégétique qui se construit autour d’un héros permanent ou d’un horizon de référence, cadre mémoriel constant » [24].

18Pour Stéphane Benassi, chercheur en communication esthétique télévisuelle à l’université Lille 3, le genre fictionnel a évolué vers un modèle hybride, entre série (forme fictionnelle narrative dont chaque épisode possède sa propre unité diégétique et dont le(s) héros ou les thèmes sont récurrents d’un épisode à l’autre) et feuilleton (forme fictionnelle narrative dont l’unité diégétique est fragmentée en plusieurs épisodes d’égale longueur) [25]. La websérie constitue en ce sens un genre fictionnel hybride en alternant aussi bien mise en série que mise en feuilleton.

19C’est le cas de L’Effet Papayon, la websérie co-créée par la marque Oasis et l’agence Marcel, dont chaque épisode possède sa propre unité diégétique, avec la présence de petits fruits anthropomorphisés réguliers (c’est le propre du genre sériel), tout en développant de manière parallèle certains arcs narratifs, comme la romance fruitée entre Ramon Tafraise et Frambourgeoise (cet élément diégétique transversal étant un des traits du feuilleton). Ajoutons à cela que L’Effet Papayon mêle 3D et prises de vues réelles au niveau de sa réalisation, renforçant davantage l’hybridité du genre websériel. En privilégiant davantage le signifiant (l’image, l’abstrait, l’irréel) que le signifié (le réel, le produit), il semblerait que les gestionnaires de la marque aient réussi à faire entrer Oasis « dans l’ère de ce que chercheurs et sociologues appellent “l’hyperréalité”, qui signifie la prise du pouvoir par l’image. Ce qui était initialement du domaine de la simulation ou de l’image devient réel [26] », précise Nicolas Riou.

20Dans Comme le disent les gens, la websérie de La Banque Postale, le genre sériel est d’autant plus prégnant que nous avons affaire à une véritable série de saynètes issues de la vie quotidienne, ciblant une clientèle précise par épisode : les économes, les propriétaires, les gens qui ouvrent un compte, les gens qui voudraient mettre de l’argent de côté, les gens qui ont des projets, les gens en couple, les dépensiers, les étudiants, etc. La Banque Postale a créé cette websérie autour de thématiques bancaires, qui constituent l’univers premier de la marque. L’accent étant mis sur les services que la banque propose, son ton est à la fois humoristique et pédagogique, afin de conseiller ses clients et ainsi mieux se rapprocher d’eux. Morceaux choisis : « Au niveau découvert, ça se passe comment ? Non, parce que je veux pas mentir, mais ça va être un peu ric rac quoi », « Au cinéma ? Mais non, je vais demander à une pote qu’elle me raconte. Ça ira plus vite ! », « Vu le prix du carburant, moi, je dépasse pas 90… », « Tu penseras à me ramener des échantillons de l’hôtel »… Ces lignes de dialogue emploient un registre familier et font référence à des petites scènes du quotidien dont nous avons pu un jour être témoins ou acteurs. « Il est en effet important de considérer que nous ne sommes plus uniquement des consommateurs, mais aussi des publics. Il importe donc de se rapprocher de ses cibles en les considérant comme un ensemble d’individus à qui raconter une histoire, qu’elle soit divertissante, éducative ou d’une quelconque autre nature » [27], précise Thomas Jamet, président de l’agence Moxie du groupe ZenithOptimedia. Cette déclaration est symptomatique de la représentation que se font les professionnels de la place des marques au sein de l’espace médiatique. Elle témoigne ainsi de leur volonté de changer de paradigme : le contenu doit être intéressant avant d’être intéressé.

21La websérie de Bouygues Télécom, centrée sur la famille Dumas et son usage des technologies, illustre bien la volonté des gestionnaires de marques d’aller plus loin que l’univers premier du produit en resituant ce dernier dans un sous-système culturel complet : « dans la pub TV, les Dumas ont servi d’illustration à un spot centré sur le produit. Et pour la websérie, c’était l’inverse. Le ton était aussi différent. La websérie avait un ton plus vrai, plus humoristique, plus distrayant, et moins centré sur le produit » [28], explique Jean-Michel Stassart, le directeur marketing de la marque. En effet, la websérie Les Dumas emprunte bien les codes du genre sériel, avec un développement diégétique par épisode construit autour d’un thème numérique et de personnages réguliers.

22La mise en websérie semble donc au premier abord passer par une « dépublicitarisation ». Pourtant, ce discours publicitaire, soi-disant masqué, n’en demeure pas moins un discours marchand dans la mesure où « le contenu doit rester au service de la marque ou du produit, et en traduire l’esprit et les valeurs : cela reste de la communication, avec pour objectif final d’augmenter les ventes, de générer de la notoriété, de la préférence de marque » [29], comme l’explique Thomas Jamet. Nous retrouvons ainsi dans la websérie de l’opérateur mobile tous les outils et services propres à la marque : la Bbox Sensation, le forfait Eden, les conseillers experts Bouygues Télécom, etc.

De la publicité à la série : une stratégie de « dépublicitarisation »

23Un des traits caractéristiques de la websérie de marque réside ainsi dans la difficile harmonisation entre l’univers sériel, « dépublicitarisé » (offrir un contenu divertissant, pédagogique, etc.), et l’univers de marque, publicisé (faire valoir ses offres et services). La structure formelle des Dumas est d’ailleurs symptomatique de ce phénomène : alors que les épisodes de séries télévisées se découpent généralement en cinq ou six actes (séparés les uns des autres par la coupure publicitaire), la websérie de Bouygues Télécom est de son côté composée de quatre parties : le générique, l’introduction (« Comme beaucoup de familles, les Dumas… »), la succession de situations et de gags incongrus autour d’un thème (vacances, jeux vidéo, sms, photos, vidéos, films, portables, réseaux sociaux, etc.) et la promesse commerciale. Il en est de même pour la websérie Comme le disent les gens de La Banque Postale, qui débute par un gag d’ouverture, suivi par l’annonce du titre correspondant au client visé (« Comme le disent… les économes ») et d’un enchaînement de gags autour de cette cible avant de terminer sur les services de La Banque Postale : des produits d’épargne pour tous les budgets, une épargne adaptée à chaque âge, des livrets d’épargne accessibles dès 1,50 €… sans oublier son logo, son site Web, ainsi que ses liens Facebook et Twitter pour prolonger l’expérience numérique.

24

Figure 1 : Services de La Banque Postale proposés dans la websérie Comme le disent les gens.

figure im2

Figure 1 : Services de La Banque Postale proposés dans la websérie Comme le disent les gens.

25La question du dévoilement de la marque peut ainsi être pertinente à analyser dans le cadre de la websérie de marque. Dans celle de La Banque Postale, la banque ne se dévoile réellement qu’à la fin, avec, tout d’abord, la musique qui la représente et, ensuite, une ou des personnes représentatives qui viennent indiquer qu’ils ont choisi la Banque postale (cf. photo fig. 1).

26La websérie Comme le disent… se termine cependant par un gag final, comme pour mieux masquer l’effet publicitaire et glisser vers un processus de « dépublicitarisation ». On retrouve d’ailleurs à la suite de cette scène les crédits de la websérie, signée « création originale La Banque Postale ». De ce fait, on assiste à une stratégie de « dépublicitarisation » dans la mesure où la publicité ne se donne pas à voir pour ce qu’elle est. En effet, si pour Roland Barthes « l’image publicitaire est franche, ou du moins emphatique » [30], ici la publicité est masquée et se donne à voir davantage comme une création originale sous la forme d’une série diffusée sur le net.

27Une autre banque s’est frottée à la logique créative en parrainant une websérie entièrement écrite et dirigée par un réalisateur cinématographique français : Riad Sattouf (Les Beaux Gosses, 2009). Il s’agit de BNP Paribas avec Mes Colocs, qui a réussi à atteindre plus de quinze millions de vues et environ 45 000 amis sur sa page Facebook dédiée. Si cette stratégie semble davantage se rapprocher du branded content que du brand content, dans le jargon professionnel (à savoir une logique de rapprochement entre une marque et une autre instance, et non une logique d’édition à proprement dite), la « dépublicitarisation » ne fait quant à elle aucun doute dans la mesure où l’aspect publicitaire est complètement effacé au profit d’un récit médiatique et humoristique sur le thème de la colocation.

28En effet, le caractère subliminal du message commercial tend à sortir du cadre économique pour épouser une logique davantage culturelle. La marque a été « brandée » à la websérie pour ne plus former avec elle qu’une seule entité sémiotique. « Le propre de la culture, c’est justement qu’il est impossible de séparer un extérieur et un intérieur : il n’y a pas l’organisme d’un côté et la culture de l’autre ; l’organisme est déterminé par sa culture, il en est imprégné » [31], explique Daniel Bô, à l’origine avec Matthieu Guével de l’expression brand content et PDG de l’institut d’études QualiQuanti.

29

Figure 2 : Captures d’écran de l’application iPhone Mes Colocs.

figure im3

Figure 2 : Captures d’écran de l’application iPhone Mes Colocs.

30Dans cette websérie, nous ne retrouvons aucun signe distinctif de BNP Paribas, si ce n’est la présence du logo de la banque à titre informatif. Notons toutefois qu’une application iPhone a été créée à la suite du succès de la websérie. Via celle-ci, il est notamment possible de consulter « les bons plans BNP Paribas ». Le terrain websériel est toujours aussi glissant quand il s’agit de passer d’un espace à un autre (marchand-culturel et/ou culturel-marchand), comme si le signifiant, c’est-à-dire l’hyperréel (la websérie), avait plus d’importance que le signifié, à savoir le réel (le produit ou les services proposés par la marque). Nous semblons avoir affaire à une « culturalisation » [32] de la marchandise.

La vérité se cache dans la websérie

31Comme le précise le sociologue Jean Baudrillard, sous l’impulsion des médias de masse, nos sociétés ont franchi un pas, le signifiant prenant le dessus sur le signifié [33]. À la fin des années 1990, Nicolas Riou titrait un de ses chapitres de son ouvrage Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires « La vérité n’est plus dans le produit » [34]. Ceci dans le but d’affirmer le statut désormais « hyperréel » de la publicité : le sens symbolique prendrait le dessus sur la réalité et, de son côté, la forme l’emporterait sur le fond. En effet, en s’éloignant progressivement du registre de la démonstration, la publicité prend le plus souvent des airs de spectacle, visant davantage à susciter une émotion chez ses destinataires qu’à les convaincre d’acheter un produit.

32C’est justement ce renversement de schéma qui est mis en perspective par le philosophe et sociologue Gilles Lipovetsky : « le spectaculaire était subordonné au principe de la mise en valeur de la supériorité du produit : il s’organisait en vue de cette fin. Ce schéma s’est inversé, la dimension spectaculaire s’imposant de plus en plus comme principe premier, pour ne pas dire exclusif » [35]. C’est là un élément important, puisqu’il ferait basculer la publicité contemporaine dans un fonctionnement esthétique. Si le produit ne devient plus qu’un prétexte à la construction d’une histoire créative, peut-être faut-il lire dans la websérie de marque une réactualisation de la logique du Père Noël telle que théorisée par Jean Baudrillard à la fin des années 1960 [36]. Les webséries de marque permettent en effet de plonger le récepteur dans un état de régression infantile en prenant soin de l’informer et de le divertir gratuitement. « Ce qu’il consomme à travers cette image, cette fiction, cet alibi […] », explique Jean Baudrillard, « c’est le jeu de la sollicitude parentale miraculeuse et le soin que prennent les parents [ici les marques] d’être complices de sa fable. Les cadeaux [ici les webséries, en tant que contenus de marque gratuits] ne font que sanctionner ce compromis ». Dans sa forme classique, la publicité entretient une relation de protection et de gratification vis-à-vis du consommateur. Dans les formes « dépublicitarisées » telles que les webséries de marque, cette logique s’avère d’autant plus prégnante que le discours marchand est masqué derrière un hyperspectacle construit de toutes pièces par la marque émettrice.

Les coulisses d’un « hyperspectacle »

33Les webséries de marque contribuent à l’avènement de l’hyperréalité en construisant un monde virtuel plus réel que le réel. La websérie Really Friends, créée par Nescafé, a fait le pari de transformer une expérience virtuelle en une expérience vécue. Dans celle-ci, Arnaud, un parfait inconnu, filmé par plusieurs petites caméras, va rencontrer chacun de ses contacts Facebook en vrai, arrivant chez eux à l’improviste pour boire un café. Le public peut s’identifier à ce jeune trentenaire (en tout cas davantage qu’à George Clooney, pour citer l’égérie de la marque concurrente). Ce dernier nous raconte comment il a vécu sa rencontre à travers un retour sur expérience à la fin de chaque « webépisode ». Le ton paraît juste, vrai, avec un axe Y-Y rendant le tout très intimiste. Chaque épisode porte le nom de la personne qu’Arnaud rencontre, suivi d’une courte description. Une retrouvaille a particulièrement marqué l’esprit des internautes, notamment en raison de sa charge émotionnelle. Il s’agit de l’épisode : « Audrey. Mon ex avec un grand E. » : « Aujourd’hui je vais aller voir la personne que j’avais le plus envie de revoir : Audrey, ma plus belle histoire d’amour », nous confie Arnaud dès le début de l’épisode, en plan rapproché. Nous pouvons suivre chacun de ses pas le menant à Audrey grâce aux caméras qu’il a insérées sur lui-même. C’est comme si nous étions à sa place, partageant autant son anxiété que son excitation à l’écran. Arnaud sonne à la porte d’Audrey, avec deux mugs de Nescafé en gros plan : Audrey, ébahie, accueille Arnaud dans ses bras (plan noir, la caméra étant obscurcie par l’accolade). Nous les retrouvons ensuite dans la cuisine : Audrey évoque alors sa grossesse actuelle, qu’Arnaud (et le public) avai(en)t appris lors d’une autre visite (dans le webépisode intitulé « Georges. En quittant sa sœur je l’ai perdu aussi. »).

34

Figure 3 : Présentation de la websérie de Nescafé, Really Friends.

figure im4

Figure 3 : Présentation de la websérie de Nescafé, Really Friends.

35Le protagoniste de la websérie, Arnaud, n’oublie cependant pas que nous sommes dans un hyperspectacle, aussi réel qu’irréel : « Quand il m’a dit, Georges, que t’étais enceinte, ça m’a… ça m’a tué quoi ! (Arnaud). Mais bien sûr c’est un choc, j’imagine, mais quelque part ça doit quand même te faire plaisir ?! (Audrey). Mais j’suis hyper content, j’suis hyper… ça se voit non ?! » (Arnaud, regard amusé tourné vers la caméra). Notre narrateur sait qu’il est regardé par des spectateurs et s’en amuse. Il fait donc autant partie de l’hyperspectacle qu’eux. Cet épisode se conclut sur une note optimiste et joyeuse, avec une révélation faite au coin de la caméra : Arnaud sera parrain de la petite fille d’Audrey. C’est dans ce registre émotionnel que la marque touche sans doute le plus ses cibles potentielles. Cela rejoint la logique du Père Noël de Jean Baudrillard [37] dans la mesure où Nescafé agit comme une instance maternelle en sollicitant le public par l’intermédiaire d’Arnaud, ambassadeur médiatique de la marque. De la même manière que nous avons envie de croire au spectacle publicitaire qui vante les mérites d’un produit dans les modèles classiques, nous tenons à croire encore davantage à cet hyperspectacle que diffuse la websérie. Les rencontres filmées par Arnaud ne sont là que pour servir les intentions réelles, marchandes, de la marque. Pour autant, cela n’empêche pas le public de ressentir des émotions fortes (même par procuration) en visionnant ces épisodes. De ce fait, ce n’est plus tant le discours publicitaire qui fait ici office de fable et d’objet d’adhésion [38] que le discours websériel. La diffusion d’un hyperspectacle sur le Web tenant un discours à la fois publicitaire et sériel renvoie à la logique du Père Noël 2.0.

36Le mug Nescafé d’Arnaud, symbole de socialisation, constitue la transition entre ces deux univers.

37

Figure 4: It all starts with a Nescafé (signature de la marque).

figure im5

Figure 4: It all starts with a Nescafé (signature de la marque).

38Très peu d’allusions sont faites au produit, et encore moins à la marque, en dehors de cette tasse rouge. L’unique moment où la marque se dévoile en tant que telle est la fin de l’épisode, lorsqu’un écran indique que « tout commence avec un Nescafé ». Dans l’un de leurs articles, Annabelle Klein et Philippe Marion [39] parlent de l’équation « visibilité = crédibilité » appliquée à ce qu’ils nomment « l’humanitaire-spectacle ». Selon eux, « la visibilité médiatique est nécessaire à leur survie [des marques] ; la présence médiatique permet de les identifier, d’affirmer leur identité et leur assure une légitimité-crédibilité bien nécessaire à leur viabilité économique ». Comme pour les hommes politiques ou les organisations humanitaires, le simple fait pour une marque déjà connue telle que Nescafé d’être diffusée dans le médiatique et, plus encore, sur Internet via une stratégie virale suffirait à lui conférer une crédibilité accrue et, tout simplement, à en rappeler l’existence aux consommateurs. Une stratégie qui, nous le verrons, est commune à différentes marques.

39La websérie Really Friends est également originale car elle présente une certaine mise en abyme du réseau social Facebook. En effet, chaque épisode semble mettre le protagoniste dans des situations que la plupart des personnes présentes sur le réseau social ont vécues. Ainsi, dans l’épisode présenté, il retourne voir la femme dont il était amoureux et qui fait encore partie de ses contacts Facebook. Dans un autre, il arrive chez une ancienne amie qu’il a perdu de vue et qui l’a retiré de ses contacts Facebook. Dernier exemple : il se présente chez une personne rencontrée à une soirée et qu’il n’a jamais osé revoir. Ce sont des situations dans lesquelles la plupart des spectateurs se reconnaîtront, mais plus encore, qui placent Facebook en tant que « personnage » récurrent de chaque épisode ; une stratégie assez intéressante pour une publicité virale qui sera sans doute partagée sur ce même réseau social.

40De son côté, lorsque la SNCF se donne en « spectacle » dans sa websérie Voyages d’affaires à grande vitesse, elle cherche à faire vivre l’expérience du voyage en TGV Pro 1re sur un ton humoristique, en mettant le signifiant sur le devant de la scène dans le but de promouvoir ses cinq grands services : la réservation de taxi à bord, la restauration à la place, les salons Grand Voyageur, l’Espace Pro Première et les facilités d’échange et de remboursement du billet Pro. Les services proposés par la SNCF deviennent alors un moyen de divertir le public. « S’il faut parler d’un ordre esthétique de la publicité hypermoderne, c’est d’abord en ce que le destinataire visé n’est autre qu’homo ludens en quête de divertissement et d’émotions esthétiques » [40], avance Gilles Lipovetsky. La compagnie ferroviaire, épaulée par l’agence TBWA Paris, cherche à développer davantage la notoriété de ses services TGV Pro 1re par leur mise en fiction : « Le standing de la classe Pro 1re des TGV n’a pas une image aussi définie que celle de la classe business des avions » [41], explique Philippe Simonet, vice-président de TBWA Paris. L’écriture et la réalisation de la websérie ont été confiées aux coréalisateurs du film Tout ce qui brille (2010), Géraldine Nakache et Hervé Mimran. « L’écriture de leur long-métrage était très actuelle, très quotidienne et cela convenait parfaitement au message de la Pro 1re  » [42], souligne Philippe Simonet. Les cinq épisodes de Voyages d’affaires à grande vitesse mettent en scène six personnages travaillant dans une entreprise de jeux vidéo. « La cible que nous espérons viser avec la websérie est celle des actifs de 26 à 59 ans, classe CSP+ et voyageant pour des motifs professionnels » [43], précise Cécile Riffard, directrice de la communication externe SNCF Voyages. Nous voyons bien ici l’interpénétration des genres publicitaire et sériel.

41

Figure 5 : Les bébés jugent la nourriture dans Les Parents Toqués de Nestlé Bébé.

figure im6

Figure 5 : Les bébés jugent la nourriture dans Les Parents Toqués de Nestlé Bébé.

42La marque Nestlé Bébé pousse la logique hyperspectaculaire encore plus loin en proposant au public une émission culinaire sur le Web dont le sujet central est la cuisine pour les bébés : Les Parents Toqués. Au menu, des épreuves de 15 minutes (« Les grands plats dans les p’tits », « Le grand méchant goût », « Une pincée de goût »), le verdict des bébés et des conseils personnalisés pour tous les parents. En ce sens, on ne sort donc pas de l’univers premier de la marque. Ces webépisodes permettent de mieux comprendre les attentes des bébés, sans que le public ne se sente pour autant obligé d’acheter les petits pots Nestlé. « On ne vend plus tant le produit que l’expérience imaginaire que celui-ci génère » [44], explique Nicolas Riou. Tous ces exemples semblent confirmer l’hypothèse d’une nouvelle logique de marque, davantage « hypermoderne », reposant sur une hybridation des genres et une esthétisation poussée. L’appropriation médiatique des marques est un autre aspect de la marque « hypermoderne » qu’il convient d’étudier plus en profondeur dans une dernière partie.

Du « bricolage numérique »

43Stéphane Benassi affirme que « feuilletons et séries ne font que changer de médium, passer de la presse aux livres, des livres au cinéma, du cinéma à la radio, puis à la télévision qui à son tour, emprunte ces formes narratives en les adaptant avec les moyens qui lui sont propres » [45]. Un trait fondamental qu’ils partagent avec la marque, comme le démontre notamment Christian Salmon [46], évoqué précédemment. La websérie de marque constitue dès lors une forme médiatique évolutive agrégeant la série et la marque, tout en prenant en compte les caractéristiques du média Internet. Un constat qui démontre clairement le lien que nous faisons entre les concepts de « dépublicitarisation » et de « médiagénie » tels qu’introduits au début de cet article. En effet, via le processus de dépublicitarisation, la marque tente de se présenter sous une forme hautement médiagénique, s’affublant à la fois des traits propres à la série et à différents genres fictifs, mais également de ceux inhérents au média Internet. Un élément que nous allons démontrer à travers l’analyse de la websérie d’Oasis, L’Effet Papayon. Oasis met en œuvre un « bricolage numérique » en recyclant des éléments médiatiques dans son récit et en utilisant les principaux leviers de la culture numérique pour promouvoir ses valeurs et faire sens.

L’effet Papayon : entre médiagénie et transmédiagénie

44Oasis, avec L’Effet Papayon, constitue un bon exemple d’une marque qui a su tirer profit du « médiatique » [47] et, plus particulièrement, des opportunités offertes par Internet. Comme expliqué précédemment, seuls l’univers diégétique et les personnages de la websérie présentent des similitudes avec la marque (des petits fruits, un décor exotique dans lequel les personnages boivent du jus et des cocktails…), mais il n’est plus question d’établir une communication publicitaire au sens traditionnel. La stratégie repose sur un storytelling, totalement déconnecté de l’histoire réelle de la marque, et qui prend la forme d’une série d’animation. Ce qui démontre bien un processus de « dépublicitarisation » lié à une adaptation médiagénique au genre sériel et au média Internet. Une première remarque qui renvoie également à l’équation « visibilité = crédibilité » [48], telle qu’évoquée précédemment quant à Really Friends de Nescafé. En effet, du fait de sa notoriété, Oasis ne semble plus avoir besoin de faire la promotion de ses produits, mais de se rappeler aux consommateurs. Outre le fait d’être adapté au marketing viral de par son originalité et son format (épisodes courts), L’Effet Papayon démontre que la simple allusion à la marque suffit à elle seule.

45D’autres traits spécifiques du « médiatique » apparaissent également dans cette websérie de marque. Celle-ci illustre notamment le phénomène du « recyclage médiatique », présent à grande échelle dans notre culture médiatique actuelle. Cette notion désigne la capacité de la publicité à « accommoder les restes » [49]. En effet, les différents épisodes de L’Effet Papayon reprennent des univers et sèmes bien connus du grand public. Ainsi, par exemple, dans le quatrième épisode de la série, intitulé « Le jour jus », les spectateurs reconnaîtront le clin d’œil fait à la fois au film Very Bad Trip (2009), qui raconte l’enterrement de vie de garçon de quatre amis la veille du jour « J », mais aussi des références à la saga Star Wars, avec l’apparition d’un personnage présentant de nombreuses similitudes avec le célèbre Dark Vador. De ce « recyclage » naît une certaine complicité avec le public, qui s’amuse très certainement des liens qu’il arrive à tisser entre ces différentes productions médiatiques. Une relation s’instaure ainsi entre le public et le « raconteur » (la marque), qui « tente de gérer les “horizons d’attente” de celui auquel il s’adresse. De son côté, celui-ci essaie d’interpréter les instructions qu’il croit déceler dans ce qu’il reçoit en produisant des hypothèses interprétatives » [50]. Si les attentes des spectateurs sont comblées, le contrat implicite est respecté. L’affect et le plaisir éprouvés par ces derniers sont alors importants et, dans le cadre de L’Effet Papayon, reposent également sur les nombreux emprunts au genre de l’animation.

46Dans son article « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Philippe Marion parle de la « méta-clôture » [51] du récit, propre au médiatique actuel. Par celle-ci, il soulève le fait que le récit tend à s’étoiler à travers différents médias, mais également que certaines tendances, telles que la sérialisation, entraînent une fuite en avant du récit, qui semble ne jamais totalement se conclure. L’Effet Papayon représente parfaitement ces deux « méta-clôtures ». D’une part, il y a effectivement une fuite en avant du récit au gré des épisodes et, d’autre part, la tendance à l’étoilement du récit est forte, chaque épisode renvoyant vers des développements sous d’autres formes médiatiques et univers diégétiques. Ainsi, cette websérie multiplie les références extra-textuelles et pousse l’internaute à prolonger l’expérience numérique de la marque en cherchant les contenus additionnels liés aux différents épisodes. Dans le premier épisode, intitulé « Le cocoloc », le spectateur voit l’un des petits fruits visiter un site pour adultes (YouPorn, rebaptisé YouPomm [52]). Sur ce site, le spectateur peut consulter différentes vidéos de courte durée qui mettent en scène des fruits, avec de nombreux jeux de mots humoristiques faisant allusion à l’univers pornographique. Par exemple, lorsqu’il entre sur YouPomm, l’internaute doit indiquer s’il est « assez mûre pour visiter ce site » ou s’il est « encore vert ». Une fois ce choix effectué, le spectateur peut alors consulter les différentes vidéos présentes sur la plateforme.

47

Figure 6 : Plateforme YouPomm.

figure im7

Figure 6 : Plateforme YouPomm.

48À ce niveau, les concepts d’« homochronie » et d’« hétérochronie » [53] permettent des réflexions intéressantes. Une différence importante peut être établie entre différents médias sur la base de l’adéquation entre le temps de réception et celui d’énonciation des messages. Dans le cadre d’un média « homochrone », le temps de réception est incorporé dans l’énonciation même des messages. Si le spectateur prend de la distance avec la durée programmée par le média, il risque de rompre la coopération interprétative propre à celui-ci et de ne pas avoir une expérience de réception efficace. Dans le cas d’un média « hétérochrone », en revanche, le temps de réception n’est pas prévu par le média. Le lecteur possède donc la liberté médiatique de faire des allers-retours vers le média. C’est, en quelque sorte, le lecteur qui gère la durée et le moment de la réception du message. La lecture délinéarisée et l’interactivité de la plateforme YouPomm en font un média hétérochrone. Cette hétérochronie n’est cependant pas le résultat de l’énonciation, mais celui du dispositif sur lequel celle-ci prend appui. Cet exemple est représentatif d’un phénomène de plus en plus courant dans notre univers médiatique : celui du transmédia et du cross-média.

49

Figure 7 : Faire-part du mariage de Ramon Tafraise et Frambourgeoise dans Libération.

figure im8

Figure 7 : Faire-part du mariage de Ramon Tafraise et Frambourgeoise dans Libération.

50Dans l’épisode 2, intitulé « Le baiebysitter », la marque insère un nouvel élément extra-textuel : dans l’une des scènes, une affichette mentionne « 1 Tweet = 1 Oasis de 16h à 18h ». Par cette méthode, Oasis indique au spectateur qu’il lui offre une boisson gratuite pour chaque tweet qu’il publiera avec le hashtag #HappeachHour. Une stratégie particulièrement intéressante, car elle démontre la volonté d’Oasis de réaliser une stratégie virale également adaptée au réseau social Twitter. Dans l’épisode suivant, « La flashpomme victime », les réseaux sociaux sont encore mis à l’honneur, avec l’utilisation du réseau de rencontre adopteunfruit.com par Frambourgeoise, notamment, ce qui démontre bien la volonté de la marque de placer ces réseaux au centre des aventures des petits fruits. À la suite de cet épisode et préfigurant le dernier de la première saison, « Le jour jus », un faire-part du mariage de Ramon Tafraise et Frambourgeoise, deux personnages récurrents, a été publié dans la rubrique des mariages du journal Libération le 9 juillet 2014. Il est ici question de « publicitarisation », à savoir la capacité d’un média à accueillir la publicité. « Cette adaptation consiste en un aménagement destiné à réduire la rupture sémiotique entre contenu éditorial et contenu publicitaire […] » [54], selon Valérie Patrin-Leclère, chercheuse au Gripic à l’université Paris-Sorbonne. Un dernier exemple de cette websérie qui démontre la « méta-clôture » et illustre une nouvelle fois l’abolition des frontières entre factuel et fictionnel.

51Ces différents exemples font également référence au concept de « transmédiagénie », qui est directement lié à la « méta-clôture » puisqu’il désigne « la capacité d’étoilement, de circulation, de propagation » [55] à travers différents médias que possède un récit. En effet, comme démontré ci-dessus, les personnages de L’Effet Papayon ont une capacité importante à se développer dans des univers médiatiques très variés. Les petits fruits de la marque Oasis ont également donné naissance à un jeu vidéo gratuit en ligne, Fruit fighter [56], dans lequel ils combattent Chuck Noyauris afin de défendre leur île. Les égéries de la marque sont donc extrêmement transmédiagéniques.

52En conclusion, les références cachées permettent à Oasis d’entretenir une relation privilégiée avec son public et de multiplier sa résonance médiatique via les réseaux sociaux. Il y a ainsi une sorte d’interdépendance entre les logiques mercatique et créative pour aboutir à un contenu à la fois cohérent avec l’univers de marque et fidèle au genre sériel tout en bénéficiant des qualités de diffusion du média Internet. La marque embrasse sa logique symbolique de manière pleine et signifiante dans une sorte de « bricolage » numérique au sens anthropologique du terme. « Un tissage, un bricolage [57] est opéré entre un discours de marque très calculé et un discours médiatique composé en fonction de ce qui peut valoriser un aspect de la marque, à la façon d’un écrin » [58], explique Caroline Marti de Montety. C’est un glissement sémiotique qui s’opère de l’espace marchand vers l’espace numérique, entre la fonction économique (promouvoir une offre, un bien ou un service) et la fonction symbolique des marques. Si la fonction commerciale ne peut être effacée complètement, l’objectif pour la marque est de s’afficher comme un acteur culturel en proposant des contenus numériques divertissants, à l’instar de L’Effet Papayon et de sa stratégie transmédiatique. Les marques « bricolent » avec les outils numériques, les « braconnent » [59] et finissent par les intégrer dans leur fonctionnement intrinsèque. De ce « bric-à-brac » numérique ressort une finalité mercatique assumée.

Conclusion : la marque, un média au stade embryonnaire ?

53Au terme de notre étude, il semblerait que les différentes interpénétrations entre univers marchand et univers sériel, entre publicité et « publicitarité », aboutissent à une « hyperpublicitarisation » au sens de Karine Berthelot-Guiet, avec une saturation publicitaire de l’espace médiatique. Malgré leur forme « dépublicitarisée », les marques continuent de s’inscrire dans l’ordre économique des choses en promouvant toujours plus de produits, dans des espaces qui ne cessent de se diversifier. S’il est encore prématuré de dresser une typologie des webséries de marque, notons néanmoins que toutes ne se situent pas sur la même échelle de « dépublicitarisation » et de « médiagénie » numérique. Tandis que certaines adoptent une esthétique sérielle tout en tissant un imaginaire de marque implicite (c’est-à-dire relativement éloigné des thématiques habituelles de la marque), d’autres sont encore très proches du format publicitaire classique et de leur univers de marque premier.

54La théorie de la « double naissance » [60] d’un média, développée par André Gaudreault et Philippe Marion, permet d’expliquer la difficulté de définir la websérie de marque et son périmètre d’action. Selon eux, avant de naître en tant qu’unité singulière, un média passe tout d’abord par une première phase durant laquelle il se place dans la perpétuation des pratiques médiatiques l’ayant précédé. Ainsi, avant que l’identité singulière du cinéma ne s’impose de façon autonome, celui-ci est passé par une phase de « ”bric-à-brac” d’autres formes expressives. Avant que le cinéma ne parvienne à s’ériger en un média aux contours nets, le cinématographe s’est d’abord fondu dans l’environnement médiatico-culturel existant » [61]. Avec le temps, le média accède cependant à sa reconnaissance médiatique en s’émancipant des pratiques qui le précèdent, acquérant ainsi son autonomie définitive. Il en est de même avec la websérie de marque, celle-ci constituant une forme embryonnaire de la « marque-média ». Pour Valérie Patrin-Leclère, cette notion, très répandue dans le discours des professionnels du marketing, peut conduire à un syllogisme trompeur : « les médias ont une image de marque, les marques développent des productions médiatiques, donc les médias sont des marques et les marques sont des médias » [62]. Si la marque ne peut se contenter d’imiter les logiques médiatiques existantes pour aspirer à devenir un média à part entière, son format websériel témoigne de sa nature davantage communicationnelle au sein de l’espace sociétal, puisqu’elle circule dans et à travers les flux médiatique et culturel. C’est dans cet enchevêtrement des domaines et des genres que se situe précisément la websérie de marque, objet hybride tant par sa forme que par son contenu.

55

Figure 8 : Typologie des webséries de marque selon leur degré de « dépublicitarisation ».

figure im9

Figure 8 : Typologie des webséries de marque selon leur degré de « dépublicitarisation ».

Bibliographie

  • Barthes Roland, « Rhétorique de l’image », Communication, 4(1), 1964, p. 40-51.
  • Baudrillard Jean, Le système des objets, Gallimard, 1968, 288 p..
  • Benassi Stéphane, Séries et feuilletons TV : pour une typologie des fictions télévisuelles, Éditions du Cefal, 2000, 192 p..
  • Berthelot-Guiet Karine, Marti de Montety Caroline, Patrin-Leclère Valérie, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, Le Bord de L’eau, 2014, 244 p..
  • Bô Daniel, Brand culture : développer le potentiel culturel des marques, Dunod, 2013, 172 p..
  • Certeau Michel (de), L’invention du quotidien : arts de faire, Gallimard, 1990, 349 p..
  • Esquenazi Jean-Pierre, Les séries télévisées : l’avenir du cinéma ?, Armand Collin, 2010, 221 p..
  • Gaudreault André, Marion Philippe, « Un média naît toujours deux fois… », La fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique ?, Armand Colin, 2013, p. 149-177..
  • Jamet Thomas, Les nouveaux défis du brand content : au-delà du contenu de marque, Pearson, 2013, 174 p..
  • Klein Annabelle, Marion Philippe, « Reconnaissance et identité face à l’espace médiatique », Recherches en communication, 6, 1996, p. 39-66.
  • Lévi-Strauss Claude, La pensée sauvage, Pocket, 1990, 347 p..
  • Lifschutz Vladimir, « Series Finale : une certaine idée de la fin », http://teteschercheuses.hypotheses.org/531, 25 janvier 2013..
  • Lipovetsky Gilles, Serroy Jean, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013, 493 p..
  • Marion Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, 1997, p. 61-88.
  • Marti de Montety Caroline, « Les marques, acteurs culturels : dépublicitarisation et valeur sociale ajoutée », Communication & Management, 10(2), 2013, p. 22-32.
  • McLuhan Marshall, The Medium is the Massage: An Inventory of Effects, Bantam Books, 1967, 160 p..
  • Nel Noël, « Téléfilm, feuilleton, série, saga, sitcom, soap opéra, telenovela : quels sont les éléments clés de la sérialité ? », CinémAction, 57, « Les feuilletons télévisés européens », Corlet/Télérama, octobre 1990 p. 64-65..
  • Patrin-Leclère Valérie, « Un média est-il une marque ? », Communication, 32(2), 2013, [en ligne] http://communication.revues.org/5027 ; DOI : 10.4000/communication.5027.
  • Remaury Bruno, Marques et récits : la marque face à l’imaginaire culturel contemporain, IFM/Regard, 2004, 127 p..
  • Ricoeur Paul, Temps et récit, t. 2, La configuration du temps dans le récit de fiction, Éditions du Seuil, 1984, 298 p..
  • Riou Nicolas, Pub fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, Éditions d’organisation, 1999, 183 p..
  • Salmon Christian, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, La Découverte, 2007, 293 p..
  • Semprini Andrea, La marque : une puissance fragile, Vuibert, 2005, 288 p..
  • Sources Web

Notes

  • [1]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, Le Bord de L’eau, 2014, p. 18.
  • [2]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, 1997, p. 61-88.
  • [3]
    Paul Ricoeur, Temps et récit, t. 2, La configuration du temps dans le récit de fiction, Éditions du Seuil, 1984, p. 42. Cité dans Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 61-62.
  • [4]
    Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, La Découverte, 2007, p. 36.
  • [5]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 78.
  • [6]
    Karine Berthelot-Guiet développe ce concept pour saisir ce qui reste de la publicité lorsqu’elle s’éloigne des formats standards.
  • [7]
    Andrea Semprini, La marque : une puissance fragile, Vuibert, 2005, 288 p.
  • [8]
    Ibid., p. 19.
  • [9]
    La websérie d’Oasis L’Effet Papayon a cumulé sept millions de vues sur YouTube et 775 000 vues sur Facebook pour les vidéos de ses trois premiers épisodes (source : lareclame.fr).
  • [10]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, op. cit., p. 13-14.
  • [11]
    Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, op. cit., p. 36.
  • [12]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, op. cit., p. 13.
  • [13]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 61-88.
  • [14]
    Ibid., p. 80.
  • [15]
    Ibid., p. 85.
  • [16]
    Andrea Semprini, La marque : une puissance fragile, op. cit., p. 5.
  • [17]
    Le verbe « braconner » et la notion de « tactique » sont empruntés à Michel de Certeau dans L’invention du quotidien : arts de faire, Gallimard, 1990.
  • [18]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 67.
  • [19]
    Nous utilisons le terme « bricolage » au sens de Claude Lévi-Strauss dans La pensée sauvage, Pocket, 1990.
  • [20]
    Bruno Remaury, Marques et récits : la marque face à l’imaginaire culturel contemporain, IFM/Regard, 2004.
  • [21]
    Marshall McLuhan, The Medium is the Massage: An Inventory Of Effects, Bantam Books, 1967.
  • [22]
    Jean-Pierre Esquenazi, Les séries télévisées : l’avenir du cinéma ?, Armand Colin, 2010, p. 4.
  • [23]
    Vladimir Lifschutz, « Series Finale : une certaine idée de la fin », [en ligne] http://teteschercheuses.hypotheses.org/531, 25 janvier 2013.
  • [24]
    Noël Nel, « Téléfilm, feuilleton, série, saga, sitcom, soap opéra, telenovela : quels sont les éléments clés de la sérialité ? », CinémAction, 57, « Les feuilletons télévisés européens », Corlet/Télérama, octobre 1990, p. 64-65.
  • [25]
    Stéphane Benassi, Séries et feuilletons TV : pour une typologie des fictions télévisuelles, Éditions du Cefal, 2000.
  • [26]
    Nicolas Riou, Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, Éditions d’organisation, 1999, p. 125.
  • [27]
    Thomas Jamet, Les nouveaux défis du brand content : au-delà du contenu de marque, Pearson, 2013, p. 43.
  • [28]
  • [29]
    Thomas Jamet, Les nouveaux défis du brand content : au-delà du contenu de marque, op. cit., p. 44.
  • [30]
    Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », Communication, 4(1), 1964, p. 40-51.
  • [31]
    Daniel Bô, Brand culture : développer le potentiel culturel des marques, Dunod, 2013, p. 87.
  • [32]
    Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013.
  • [33]
    Jean Baudrillard, Le système des objets, Gallimard, 1968.
  • [34]
    Nicolas Riou, Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, op. cit., p. 126.
  • [35]
    Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, op. cit., p. 309.
  • [36]
    Jean Baudrillard, Le système des objets, op. cit.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Annabelle Klein, Philippe Marion, « Reconnaissance et identité face à l’espace médiatique », Recherches en communication, 6, 1996, p. 39-66.
  • [40]
    Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, op. cit., p. 310.
  • [41]
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Nicolas Riou, Pub Fiction : société postmoderne et nouvelles tendances publicitaires, op. cit., p. 126.
  • [45]
    Stéphane Benassi, Séries et feuilletons TV : pour une typologie des fictions télévisuelles, op. cit., p. 29.
  • [46]
    Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires à formater les esprits, op. cit., p. 36.
  • [47]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 61-88.
  • [48]
    Annabelle Klein, Philippe Marion, « Reconnaissance et identité face à l’espace médiatique », art. cit., p. 39-66.
  • [49]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 71-72.
  • [50]
    Ibid., p. 64.
  • [51]
    Ibid., p. 73.
  • [52]
  • [53]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 82-83.
  • [54]
    Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety, Valérie Patrin-Leclère, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, op. cit., p. 18.
  • [55]
    Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit., p. 87-88.
  • [56]
    « Fruit-Fighter », http://fruit-fighter.com
  • [57]
    Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, op. cit.
  • [58]
    Caroline Marti de Montety, « Les marques, acteurs culturels. Dépublicitarisation et valeur sociale ajoutée », Communication & Management, 10(2), 2013, p. 29.
  • [59]
    Les verbes « bricoler » et « braconner » sont à entendre selon le sens que leur ont donné Claude Lévi-Strauss et Michel de Certeau dans La pensée sauvage et L’invention du quotidien : arts de faire, op. cit.
  • [60]
    André Gaudreault, Philippe Marion, « Un média naît toujours deux fois… », La fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique ?, Armand Colin, 2013, p. 149-177.
  • [61]
    Ibid., p. 151.
  • [62]
    Valérie Patrin-Leclère, « Un média est-il une marque ? », Communication, 32(2), 2013, [en ligne] http://communication.revues.org/5027 ; DOI : 10.4000/communication.5027
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.81

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions