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Article de revue

Des représentations aux circulations du changement climatique anthropique : un saut communicationnel par la trivialité

Pages 107 à 125

Notes

  • [1]
    Le « changement climatique anthropique » désigne les modifications climatiques survenues du fait de l’activité humaine par l’augmentation des gaz à effet de serre.
  • [2]
    Ces émissions de gaz à effet de serre sont la cause majeure du réchauffement climatique. Elles sont dues aux industries, aux transports, mais aussi à l’élevage de bovins. Elles sont amplifiées par la déforestation.
  • [3]
    J’emprunte à Eliseo Verón la notion d’idéologie, qu’il travaille d’ailleurs au regard d’un ouvrage fondateur de l’idéologie structuraliste : le Cours de linguistique générale, publié en 1916 (Paris, Payot, coll. « Grande bibliothèque Payot », 1995 [1916]), issu des cours donnés par Ferdinand de Saussure. Dans la partie « Idéologique et scientificité » de son ouvrage La sémiosis sociale (Presses universitaires de Vincennes, 1995), Verón montre les différentes lectures que l’on peut faire de cette œuvre majeure en fonction de l’idéologie par laquelle le lecteur est traversé. Pour Verón, l’idéologique s’apparente à une conscience collective qui transcende les sciences pour les alimenter.
  • [4]
    Anne-Marie Houdebine, professeure émérite à l’université Paris Descartes et disciple d’André Martinet, est à l’origine de la sémiologie des indices. Je renvoie le lecteur à l’ouvrage dirigé par Driss Ablali et Dominique Ducard, Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, aux Presses universitaires de Franche-Comté en 2009, qui rend compte des deux sémiotiques utilisées dans mes travaux.
  • [5]
    Nous reviendrons en détail sur le Giec, pierre angulaire de la mise en trivialité du changement climatique anthropique.
  • [6]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française. Analyses sémiologiques et sémiotiques comparées de discours médiatiques, scientifiques et profanes, Thèse de doctorat en sémiologie, université Paris-Descartes, 2013, p. 86.
  • [7]
    Ibid.
  • [8]
    Dominique Wolton, « Les contradictions de l’espace public médiatisé », Hermès, 10, 1991, p. 95-114.
  • [9]
    Je me réfère ici à la définition que donne Yves Jeanneret de la médiation : « activité productive et créative qui consiste à intervenir sur le cours de la communication en lui apportant une dimension nouvelle », Critique de la trivialité. Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Éditions Non Standard, 2014, p. 15.
  • [10]
    Tout à fait pertinente dans d’autres contextes de recherche, la dimension critique relative à cette sémiologie perd selon moi de sa force et de son intérêt pour une analyse de la circulation.
  • [11]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité. Volume 1 : La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès-Lavoisier, 2008, p. 229.
  • [12]
    Svante Arrhenius a publié un article traitant d’un possible réchauffement des climats, vu comme une aubaine pour les pays nordiques. Svante Arrhenius, “On the Influence of Carbonic Acid in the Air upon the Temperature of the Ground”, Philosophical Magazine and Journal of Science, 5(41), 1896, p. 237-276.
  • [13]
    Philippe Roqueplo, Climat sous surveillance, Paris, Economica, 1993.
  • [14]
    Patrick Charaudeau, La médiatisation de la science. Clonage, OGM, manipulations génétiques, Bruxelles, De Boeck/INA, 2008, p. 110.
  • [15]
    Marion Mauger-Parat, « La circularité de la notion “changement climatique” dans les médias français, construction de corpus représentatifs », in Marjorie Filliastre, Marion Mauger-Parat, Hélène-Yvonne Meynaud (coord.), Développement durable et sciences sociales : traductions d’un concept polysémique de l’international au local, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 183-210.
  • [16]
    Centre national de la recherche scientifique, nouvelle version du dictionnaire en ligne : http://www.insu.cnrs.fr/environnement/glossaire
  • [17]
    Le Figaro, Le Monde et Libération.
  • [18]
    Alice Krieg-Planque, « Travailler les discours dans la pluridisciplinarité. Exemple d’une “ manière de faire ” en analyse de discours », in Simone Bonnafous et Malika Temmar (dir.), Analyse du discours et sciences humaines et sociales, Ophrys, 2007, p. 57-71.
  • [19]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., p. 220.
  • [20]
    Ibid., p. 173.
  • [21]
    Jean-Didier Urbain, Lenvie du monde, Paris, Bréal, 2011.
  • [22]
    Algirdas Greimas, « Les actants, les acteurs et les figures », in Claude Chabrol (dir.), Sémiotique narrative et textuelle, Larousse, 1973, p. 161-176.
  • [23]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., p. 211.
  • [24]
    René Girard, Mensonges romantiques et vérité romanesque, Grasset, 1961.
  • [25]
    Jean-Didier Urbain, L’envie du monde, op. cit., p. 14-15.
  • [26]
    Ibid.
  • [27]
    Miguel Cervantes, Don Quichotte [1615], Paris, Livre de Poche, 2008.
  • [28]
    John Steinbeck, Voyage avec Charley, Paris, Actes Sud, 2009.
  • [29]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 91.
  • [30]
  • [31]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., Tome 2, p. 44.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    Stefan Aykut, Amy Dahan, Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 19.
  • [34]
    Selon Rafael Encinas de Munagorri, « Au sens général, le consensus est un accord proche de l’unanimité, une convergence générale des opinions […] il correspond au fait de parvenir à un accord, sans procéder à un vote », Rafael Encinas de Munagorri (dir.), Expertise et gouvernance du changement climatique, Paris, LGDJ, 2009, p. 41.
  • [35]
    Ibid.
  • [36]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., Tome 2, p. 44.
  • [37]
    Stefan Aykut, « Comment se construit la confiance dans les sciences et les politiques du climat ? Retour sur un colloque international », NSS/n° COP21/Vie de la recherche, 2015, [en ligne] http://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/2015/02/nss150022.pdf.
  • [38]
    Aude Seurrat de la Boulaye, Les médias en kit pour promouvoir « la diversité ». Étude de programmes européens de formation aux mé́dias destiné́s à̀ « lutter contre les discriminations » et « promouvoir la diversité », Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, université Paris-Sorbonne, 2009, p. 42.
  • [39]
    Jean Davallon, « Objet concret, objet scientifique, objet de recherche », Hermès, 38, 2004, p. 30-37.
  • [40]
    Adeline Wrona, « Dans la mêlée : ce que la société fait aux idées », Acta fabula : Essais critiques, vol. 10, 3, 2009, [en ligne] http://www.fabula.org/revue/document4950.php, page consultée le 30 juillet 2013.
  • [41]
    Aude Seurrat de la Boulaye, Les médias en kit pour promouvoir « la diversité », op. cit., p. 51.
  • [42]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 32.
  • [43]
    Michel Foucault, « Le jeu de Michel Foucault » (entretien avec D. Colas, A. Grosrichard, G. Le Gaufey, J. Livi, G. Miller, J. Miller, J.-A. Miller, C, Millot, G. Wajeman), Ornicar ?, Bulletin périodique du champ freudien, 10, 1977, p. 62-93.
  • [44]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 91.
  • [45]
    Yves Jeanneret, L’affaire Sokal ou la querelle des impostures, PUF, 1999, p. 10.
  • [46]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 83.
  • [47]
    Yves Jeanneret, L’affaire Sokal ou la querelle des impostures, op. cit., p. 251.
  • [48]
    Stefan Aykut, Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales, op. cit., p. 23.
  • [49]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité, op. cit., p. 43.
  • [50]
    Ibid., p. 20.
  • [51]
    Ibid., p. 21.
  • [52]
    Naomi Oreskes, Erik Mc Conway, Merchants of doubt: how a handful of scientists obscured the truth on issues from tobaccoe smoke to global warming, New York: Bloomsbury Press, 2010.
  • [53]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité, op. cit., p. 26.
  • [54]
    Ibid., p. 32.
  • [55]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 234.
  • [56]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité, op. cit., p. 142.
  • [57]
    Yves Jeanneret, L’affaire Sokal ou la querelle des impostures, op. cit., p. 253.
  • [58]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 232.
  • [59]
    Yves Jeanneret, « La prétention sémiotique dans la communication. Du stigmate au paradoxe », Semen, 23, 2007, p. 79-92.
  • [60]
    Yves Jeanneret, « La provocation sémiotique de Paolo Fabbri. 1. Babel heureuse ou malheureuse », Communication & langages, 146, 2005, p. 130.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    Paolo Fabbri, Le tournant sémiotique, Paris, Lavoisier, coll. « Formes et sens », 2008.

1Cette contribution propose un regard réflexif sur mon travail doctoral soutenu en sciences du langage, parcours intellectuel qui s’est infléchi en sciences de l’information et de la communication, avec pour point d’ancrage la découverte du concept de trivialité et la lecture des textes d’Yves Jeanneret. Soutenus par EDF R&D et financés par une convention industrielle de formation par la recherche en entreprise (Cifre), mes travaux avaient pour objectif empirique de rendre compte des représentations du changement climatique anthropique [1] à l’œuvre dans le champ social. La question fondamentale était d’apprécier la façon dont ces représentations se métamorphosaient durant leurs parcours supposés, afin de comprendre les raisons pour lesquelles, malgré un consensus scientifique sur l’idée de changement climatique anthropique, très peu de pays mettent en place des actions politiques et sociales sérieuses afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre [2].

2Je menais mon travail sous la bannière des sciences du langage à l’université Paris Descartes, université dans laquelle de nombreux travaux tant linguistiques que sémiologiques sont construits autour de l’idéologie structuraliste [3]. Le fondement théorique de cette thèse s’attachait à travailler la circulation à l’aide de deux théories sémiotiques : la sémiologie des indices issue du structuralisme saussurien et la sémiotique narrative de l’École de Paris, prenant appui sur l’anthropologie structurale inaugurée par Claude Lévi-Strauss et retravaillée par Algirdas Greimas [4]. La notion de circulation étant centrale dans ma problématique, elle a occupé une grande part de mes réflexions théoriques. Je tentais d’allier des théories structuralistes à un objet dynamique et complexe. J’expose cette « quadrature du cercle » dans la première partie de cette contribution. La seconde partie de l’article présente une nouvelle orientation intellectuelle vers la trivialité, orientation qui éclaire certains des fruits de ma réflexion doctorale. La posture du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat [5] (Giec), en tant que dispositif médiatique et instance de « co-réécriture », autorise la circulation du concept de « changement climatique anthropique », ce qui engendre différentes formes de trivialité que je me propose de discuter ici.

La quadrature du cercle : la sémiologie des indices au regard d’une étude de la circulation du changement climatique anthropique

3L’étude de la circulation présuppose d’appréhender et d’analyser un processus, une dynamique. En effet, « s’il y a transmission des discours dans le social […], cette transmission passe inexorablement par des actes de communication » [6] ; « la circulation de discours s’appuie nécessairement sur des techniques médiatiques, qu’il s’agisse de la rumeur ou des technologies informatiques en lien avec la communication » [7]. Ainsi, dès les premiers temps de mon travail doctoral, trois limites à l’investissement de la sémiologie des indices me sont apparues. Tout d’abord, la méthode structuraliste permet de prendre pour ainsi dire une photographie de l’objet de recherche en un moment et un lieu donnés afin de rendre compte de ses différentes représentations. La circulation présuppose un mouvement ; la métaphore qui conviendrait davantage serait celle du film afin de rendre compte de cette dynamique. Le présupposé originel à l’analyse de la circulation dans mon travail reposait sur sa rapidité. Je m’appuyais sur l’idée mise en mots par Dominique Wolton selon laquelle le temps des médias tend à devenir court, réduisant « toutes les échelles de temps à celle de l’événement » [8]. Or, un arrêt sur image ne rend pas compte de ce mouvement ni de sa rapidité.

4Le deuxième obstacle se trouve être l’immanence, caractéristique majeure d’une méthodologie structuraliste qui, lors de la description des corpus, restreint les possibilités des interprétations et rend ces dernières statiques. Cependant, une médiation [9] ne peut être appréhendée qu’en fonction de son contexte et de son cotexte. Une ouverture dans ce sens est rendue possible par les méthodes d’analyse du discours et par le second temps de l’analyse indicielle, censé repositionner le signe dans son contexte d’apparition et de vie. Mais j’ai éprouvé les limites de la démarche [10]. Il m’a semblé que l’étude de la circulation appelle à davantage d’ouverture, voire à repenser la discipline qui se propose de l’analyser.

5La dernière raison de cet achoppement (l’utilisation de la sémiologie des indices pour une analyse de la circulation) réside en l’impossibilité de comparer des corpus de nature hétérogène, afin de rendre compte des transmissions d’une sphère socio-discursive à l’autre. Chaque représentation mise au jour grâce aux méthodes empruntées à la sémiologie des indices ne vaut que pour le corpus en question, du fait même de l’immanence. Ces trois écueils rendaient nécessaire une créativité méthodologique, que l’interdisciplinarité rendait possible : comme l’écrit Yves Jeanneret, un « travail particulier d’invention méthodologique qui permet à chaque chercheur d’ajuster la pertinence de sa description aux traits singuliers de son objet » [11].

6L’objet même de changement climatique anthropique soulève un certain nombre de discussions quant à son appréhension, ajoutant quelques difficultés à la problématique circulatoire. Tout d’abord, la climatologie instrumentale, qui perdra par la suite son adjectif pour devenir « climatologie », est considérée comme une science jeune, construite autour d’un objet de recherche, le climat, et de technologies développées par des astronomes (respectivement Galilée puis Réaumur, Castelli et Toricelli) : en l’occurrence le thermomètre pour les températures, le pluviomètre pour les niveaux de pluie et le baromètre afin de mesurer la pression atmosphérique, outils techniques. Elle date d’environ un siècle et demi : les premières mesures climatiques à l’échelle mondiale ont été faites dans les années 1860. Il s’agissait alors de repérer et de répertorier les différents états climatiques, afin de comprendre leur fonctionnement. Les premiers travaux scientifiques publiés font par ailleurs état de ce changement climatique découvert vers la fin du dix-neuvième siècle, à l’origine perçu comme positif, voire souhaitable [12]. Les débats actuels autour de la constitution des sciences climatiques sont encore vifs ; ils portent sur l’objet même de la science. Aujourd’hui, il est question de repérer le système climatique en interaction permanente avec d’autres éléments à l’aide d’outils techniques et informatiques. Ce n’est pas tant l’objet en lui-même qui intéresse le climatologue que les relations entretenues entre les éléments du système climatique composé de l’atmosphère (air), de l’hydrosphère (eau), de la biosphère (êtres vivants), de la cryosphère (glace) et de la lithosphère (pierre/terre). Étant donné l’échelle utilisée pour étudier le climat (celle de la planète), les avancées scientifiques dans les recherches liées à la modélisation numérique deviennent indispensables pour appréhender cet ensemble d’échanges chimiques. Les sciences climatiques sont des sciences-carrefour fondées sur l’interdisciplinarité, qui nécessitent des instruments techniques et informatiques pointus afin de pouvoir appréhender les corrélations par lesquelles se crée un climat. Cette particularité pose de fait le problème d’une compréhension des savoirs scientifiques construits et circulant dans la sphère scientifique, puis dans les espaces non scientifiques. Les caractéristiques disciplinaires et techniques complexes permettant l’émergence de ces connaissances ne les accompagnent pas lors de leur circulation (ou du moins pas directement). Les savoirs circulent sans leurs contextes d’énonciation ni leurs énonciateurs.

7Cette originalité en engendre une seconde au regard de la circulation sociale, issue elle-même de la volonté des scientifiques climatologues de créer ce que Philippe Roqueplo nomme une « affaire ». Le sociologue a montré que le changement climatique fut investi par des scientifiques dans un objectif de réforme politique autour de « l’affaire de l’effet de serre » [13]. Selon lui, les discours scientifiques qui traitent d’un phénomène environnemental ont cette ambition d’engendrer des « affaires » dans les arènes médiatiques pour sensibiliser le grand public et dans les arènes politiques afin de peser sur les décisions de mise en place de politiques publiques. Roqueplo s’attache à montrer que le changement climatique anthropique se construit au travers d’une triade entre scientifiques, grand public et politiques.

8Prenons un exemple. L’affaire de « l’effet de serre » n’apparaît que vers la fin des années 1980. Les scientifiques se mobilisent alors massivement afin de transmettre un discours sur la menace du changement climatique anthropique. La difficulté majeure qu’ils rencontrent collectivement est leur incapacité à traduire le problème scientifique en une forme plus simple et accessible au plus grand nombre. Ainsi, la circulation du concept de changement climatique anthropique engendre-t-elle une modification des représentations qu’en ont les scientifiques. L’objet scientifique changement climatique anthropique, déjà controversé et difficile à traduire d’une discipline scientifique à l’autre, se charge de nouvelles significations et de nouveaux imaginaires lorsqu’il devient également politique et social, c’est-à-dire lorsqu’il circule et pose question dans les sphères non scientifiques.

9Je reviens à la démarche que j’ai suivie. Si l’on adopte une démarche structuraliste, la circulation est perçue comme linéaire, elle s’apparente à un chemin obligatoire emprunté par l’idée de changement climatique anthropique. J’ai effectué une comparaison des représentations du changement climatique anthropique dans divers espaces socio-discursifs. Les contrats de communication développés par Patrick Charaudeau [14] ont servi de pierre angulaire pour supposer le parcours emprunté par le concept scientifique étudié : j’étais alors conduite à considérer que le changement climatique anthropique devait forcément se retrouver dans des discours relevant de la science, de la vulgarisation scientifique, mais également de la médiatisation scientifique [15]. Mon objectif était de repérer, dans un dernier corpus relevant de discours émanant du grand public, les représentations subsistantes, les plus partagées, celles qui se font le terreau des imaginaires sociaux.

10Mes analyses se sont fondées sur des corpus représentant chacun une sphère particulière. La sphère scientifique était figurée par six entretiens semi-dirigés auprès de climatologues français travaillant également pour le Giec, puis par les définitions de termes en lien avec le climat dans un dictionnaire scientifique en ligne édité par le CNRS [16]. La sphère de vulgarisation scientifique était simulée par des premières de couverture de magazines et de livres de vulgarisation scientifique, au total treize éléments. Cinquante-quatre Unes de trois quotidiens nationaux [17] constituaient la sphère d’information médiatique. La décision d’analyser uniquement les Unes se justifiait par l’hypothèse que les éléments choisis pour construire ces premières pages ont pour mission de remplir l’objectif de captation du lectorat. De fait, les éléments constituant la Une sont non seulement les plus vus, mais également les plus discutés, notamment parce que les Unes sont l’objet de revues de presse quotidiennes. Elles forgent les éléments à propos du changement climatique anthropique les plus à même d’être retenus et reconnus, ce sont des éléments à fort potentiel circulatoire. Les discours issus du grand public prenaient la forme d’entretiens collectifs menés dans trois villes dont les enjeux climatiques s’organisent autour de trois types d’événements climatiques extrêmes et des configurations énergétiques particulières : la pollution de l’air pour la ville de Paris ; la submersion, l’inondation et le risque nucléaire pour Bordeaux ; la sécheresse, la désertification et le désert énergétique, zone ainsi appelée car dépendante des autres régions au niveau de la production énergétique, pour Nice.

11Les résultats liés aux mythes et représentations ont répondu aux attentes de l’entreprise commanditaire. Je ne m’y attarderai pas, préférant discuter de deux autres éléments qui ont nourri mes réflexions autour de l’ambition d’analyser la circulation de façon dynamique. En effet, l’expérience empirique des analyses a mis en évidence le fait que la méthode comparative ne convenait pas pour analyser la circulation, concept dynamique en soi. La comparaison met deux états en relation, elle ne rend compte ni du chemin réellement emprunté, ni de ce que ce chemin fait au concept ou au média qui autorise la circulation, ni du processus : analyser les transformations de représentations du changement climatique anthropique est possible, mais saisir les opérations de circulations modifiant l’objet de recherche ne l’est pas. L’étude du « médiateur narratif », concept emprunté à Jean-Didier Urbain, m’a aidée à amorcer une prise en compte des éléments permettant les circulations. Puis, il m’est apparu que le concept de trivialité allait éclairer d’un jour communicationnel nouveau cette première amorce. Je détaille dans les paragraphes suivants ce parcours méthodologique et épistémologique.

Le recours au « médiateur narratif », pivot révélant la circulation

12L’analyse de la circulation des représentations suppose soit une pluridisciplinarité, c’est-à-dire une mise en commun de travaux de disciplines différentes autour d’un objet unique [18], soit une interdisciplinarité, c’est-à-dire l’emprunt à une autre discipline d’une méthode, d’un concept ou d’une théorie qui fasse avancer la première, en l’occurrence, la sémiologie interprétative indicielle. La posture de recherche adoptée durant mon parcours de thèse se fonde sur l’ouverture vers d’autres modèles théoriques et méthodologiques, m’enjoignant donc à opérer une interdisciplinarité plutôt qu’une pluridisciplinarité.

13Afin d’opérer cette interdisciplinarité entre la sémiologie des indices et la sémiotique narrative, j’ai considéré les deux courants structuralistes au regard de leur possible plasticité méthodologique, un enjeu central consistant à analyser « de quelle manière la théorie houdebinienne se ploie afin de pouvoir représenter la réalité de circulation du concept changement climatique » [19]. La sémiotique narrative apportait un recours : l’actant médiateur. Pour une meilleure compréhension d’un métalangage déjà riche, je l’appellerai le « médiateur narratif », en opposition au médiateur opérateur de la médiation telle que définie par Yves Jeanneret.

14Les dissemblances théoriques entre sémiologie des indices et sémiotique narrative sont grandes, à commencer par le paradigme de départ. La sémiotique narrative repose sur une hypothèse générativiste, alors que la sémiologie indicielle est éminemment saussurienne. La sémiologie propose de déconstruire pour structurer, lorsque la sémiotique narrative se fonde sur une structure sous-jacente commune, le récit, et développe ainsi des possibilités d’interprétation en fonction de niveaux d’analyse différenciés. J’ai tenté d’élaborer cette interdisciplinarité baptisée sémio-syncrétisme [20] entre la sémiotique narrative et la sémiologie indicielle. Loin de la fusion proposée pour le syncrétisme religieux, j’y voyais davantage une coexistence, un métissage qui trouve sa cohérence au travers de l’étude de la circulation des représentations. La méthode proposée reposait sur une analyse à double niveau. Le premier niveau, celui du discours, concernait la sémiologie des indices et permettait de mettre au jour les différentes représentations et les mythes construits autour de l’idée de changement climatique anthropique. Le second niveau concernait la sémiotique narrative : il s’agissait du niveau du récit, autorisant une comparaison entre les différents corpus en présence. Chaque corpus pouvait être appréhendé de façon immanente comme un tout autonome, exhaustif et homogène par la sémiologie des indices. Leur comparaison selon les récits investis devenait tout à fait pertinente grâce à l’utilisation des outils issus de la sémiotique narrative.

15Cette interdisciplinarité a permis de mettre au jour un pivot potentiel de la circulation, repérable dans le second niveau de l’analyse : l’actant médiateur. Dans son ouvrage L’envie du monde, Jean-Didier Urbain aborde une notion nouvelle en sémiotique narrative : le rôle du médiateur à l’intérieur du schéma actanciel [21]. À l’inverse des six autres actants constitués sur des axes paradigmatiques [22], le médiateur apparaît seul. Il intervient sur l’axe du désir et se glisse entre le sujet et l’objet. Jean-Didier Urbain insiste sur le fait que le médiateur narratif offre un modèle auquel le sujet se réfère, consciemment ou non. L’actant médiateur se rapproche ainsi de l’actant destinateur en transmettant une envie au sujet, mais cette modélisation se fonde davantage sur le modèle du récit que sur l’objet du désir. L’actant destinateur offre au sujet les moyens de mener une quête. L’actant médiateur offre un modèle d’action, un mythe spécifique à suivre.

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Figure 1 : Schéma actanciel incluant le médiateur narratif. [23]

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Figure 1 : Schéma actanciel incluant le médiateur narratif. [23]

17Jean-Didier Urbain s’inspire du « désir triangulaire » mis en mots par René Girard [24], pour qui il n’existe pas de désir direct, le désir étant culturalisé par une image médiatrice, un modèle d’action, une raison de désirer. René Girard postule l’hypothèse que l’homme est mimétique : son envie se révèle par le fait de répéter l’action de quelqu’un d’autre, ou de posséder ce que l’autre possède. Marquant une différence entre le désir et l’envie, Jean-Didier Urbain montre en se fondant sur le schéma actanciel que « l’envie est une canalisation du désir. Une orientation, une finalisation de sa puissance vers un objet défini (une pratique, un espace, une conduite ou une personne), qui légitime le désir en lui donnant une perspective […]. Pour que le désir prenne corps dans une envie, un médiateur est nécessaire » [25]. La médiation narrative ainsi considérée structure et scénarise la relation de désir du sujet à l’objet, en référence à un modèle à imiter. Le sémioticien propose un exemple pour illustrer cette forme de médiation [26]. Selon l’ouvrage de Cervantès [27], Don Quichotte prend pour modèle de sa quête l’histoire d’Amadis de Gaule. Personnage de fiction d’un roman de chevalerie espagnol, Amadis représente un héros pour Don Quichotte, qui s’identifie à lui. Amadis de Gaule est un chevalier qui, pour prétendre à la main de sa bien-aimée, va entreprendre plusieurs voyages dangereux afin de prouver sa bravoure, représentant ainsi l’image du chevalier errant. Image de bravoure et de chevalerie réussie, Amadis de Gaule devient le modèle de Don Quichotte, qui, lui, ne ressort pas aussi victorieux. Il devient une forme d’anti-héros, à l’inverse d’Amadis de Gaule. Au demeurant, le socle narratif du chevalier errant est maintenu. John Steinbeck décide d’entreprendre en secret un voyage pour redécouvrir cette Amérique qu’il écrit mais qu’il ne connaît plus et prend pour modèle Don Quichotte. Steinbeck assume sa filiation à Don Quichotte et appelle son camping-car Rossinante, du nom du destrier du chevalier errant, et son voyage, « l’opération Moulins à vent ». Il réitère alors cette trame narrative du chevalier errant [28]. Cet exemple met en scène un sujet qui a conscience de la filiation avec le médiateur narratif. Mais il se pourrait aussi que cette filiation soit inconsciente voire complètement rejetée.

18D’un point de vue méthodologique et au regard de la problématique de ma thèse de doctorat, repérer le médiateur et le scénario de médiation équivaut à rendre compte de la circulation des récits. Une situation narrative se répète et se transforme dans le même temps. Le médiateur narratif devient alors agent de circulation, car il permet au mythe de se renouveler, en modifiant ses aspects extérieurs mais pas sa structure même. Lors de l’analyse des entrées du dictionnaire du CNRS en rapport avec le changement climatique, a émergé une figure de médiation narrative, une sorte d’histoire dans l’histoire scientifique des changements climatiques, fonctionnant comme une référence, un rappel qu’une situation similaire à celle des changements climatiques est déjà apparue et a été résolue. Le problème du « trou dans la couche d’ozone » prend ainsi corps dans un tiers des occurrences relatives au changement climatique anthropique dans ce dictionnaire. Un trou se formait dans la couche d’ozone, au-dessus des pôles. Responsable de l’augmentation de l’irradiation de l’atmosphère, il causait cancers et mutations génétiques. L’origine de la formation de ce trou a été débattue entre deux hypothèses : une cause naturelle et une cause anthropique par la propagation des chloro-fluoro-carbones (CFC), des substances chimiques nommées « aérosols » utilisées dans l’industrie. Des scientifiques ont travaillé de concert afin d’alerter la communauté politique sur les dangers du phénomène. Malgré les inévitables incertitudes, la classe politique internationale s’est mobilisée pour intervenir auprès des industriels au travers de la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone en 1985, puis par la ratification du Protocole de Montréal à partir de 1987. En 2009, plus aucun pays n’autorisait l’utilisation de CFC dans son industrie.

19L’expérience scientifique et politique de la résolution du problème de la couche d’ozone a servi de modèle afin de mettre au point le Giec, entité créée par le concours de deux organismes de l’Organisation des nations unies (ONU) : le Programme des Nations Unies sur l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), en 1988, soit une année après la signature du Protocole de Montréal. L’objectif était de répéter le scénario.

20L’étude de l’élément médiateur dans une narration permet de prendre en considération non plus uniquement la structure (sous-jacente ou à penser) de l’objet de recherche, mais bien l’élément qui permet, qui facilite sa reproduction et dans le même temps sa métamorphose. Cela montre que la circulation n’est pas que reproduction : le fait même de circuler crée une signification nouvelle. J’en suis donc venue à me reconnaître dans cette proposition d’Yves Jeanneret : « la théorie des représentations […] éclaire ces phénomènes, en reconnaissant un savoir ordinaire et situé. Mais l’opposition polaire entre des savoirs scientifiques et un sens commun ne rend pas compte du travail poétique de création d’entités culturelles nouvelles » [29]. La circulation devient altération positive dès lors qu’elle crée du nouveau. Mon travail de doctorat m’a conduite à éprouver, fortement, cette idée : l’étude de la circulation ne peut pas uniquement reposer sur les représentations, elle doit prendre en considération les interstices par lesquels la circulation prend corps, ainsi que l’ensemble des éléments qui la rendent possible.

Le Giec à l’origine de plusieurs médiations

21Un autre élément du travail doctoral émergeait alors : le rôle de l’institution créée pour résoudre le problème climatique. Mon travail doctoral a mis en évidence que le Giec était à l’origine d’une double médiation, scientifique et politique. Le Giec s’organise autour de trois groupes de travail, chargés chacun de créer un état de l’art spécifique sur trois domaines. Le premier groupe se charge de créer un rapport autour des sciences climatiques et des sciences naturelles, il est composé de physiciens et de biologistes ; le deuxième prend en charge les impacts du changement climatique et les adaptations sociales proposées ; les réponses stratégiques à apporter au changement climatique sont compulsées par le troisième groupe, constitué de nombreux économistes. Chaque groupe rédige un rapport consultable par les deux autres, également mis à disposition de l’ensemble des scientifiques. Ces trois pré-rapports sont rédigés par des équipes de rédacteurs scientifiques, selon des normes d’écritures très strictes. Ils sont ensuite relus et annotés par les pairs et les gouvernements de chaque pays partie prenante à l’ONU. Les rédacteurs ont pour mission de donner une réponse à chaque annotation. Ces trois pré-rapports sont ensuite compilés en un unique rapport, lui-même adopté en session plénière, tout comme les résumés techniques et la Synthèse à l’attention des décideurs[30]. Ce dernier texte est validé mot à mot par les scientifiques et par les représentants des gouvernements siégeant à l’ONU. Le Giec a publié cinq rapports (1990, 1996, 2001, 2007, 2014), dans lesquels la réalité du changement climatique a été discutée, passant d’une éventualité à une certitude confirmée par de nombreux travaux scientifiques. Le rôle de la société humaine dans la formation du changement climatique observé est également passé d’une hypothèse à une certitude confirmée.

22S’il ne produit pas de connaissances en tant que telles, le Giec contribue à offrir une visibilité sociale en dehors du cercle scientifique aux connaissances climatiques, il contribue à les rendre indispensables à la décision politique. Les données scientifiques sont ainsi transformées dans un premier temps par le travail de « co-réécriture » du Giec, puis dans un second temps par le monde profane, politique et social. Il semble que les attentes de chaque institution sociale soient communes : convaincre l’opinion publique du bien-fondé des politiques publiques menées.

23Les six scientifiques interrogés dans le cadre de ma thèse sont unanimes au sujet du Giec. Il s’agit avant tout d’une forme d’expertise qui ne doit pas conseiller les politiques. « Le Giec, c’est mettre les connaissances scientifiques à disposition des décideurs en des termes qu’ils puissent comprendre. » [31] Toujours selon eux, leur rôle n’est pas de dire aux politiques ce qu’ils doivent faire. Ils affirment que, dans ces rapports, « il n’y a que de la science, il n’y a aucune recommandation politique. C’est strictement interdit au Giec » [32]. Ainsi, le rôle politique que le Giec assume serait de la simple transmission d’information, sans interprétation. L’institution fournirait une expertise neutre en répondant à la volonté des scientifiques de transformer la question scientifique des changements climatiques de nature anthropique en un problème politique, en une « affaire », mais sans prendre parti, pensent-ils. Il s’agit d’un organisme d’expertise politique qui, « dès l’origine, tente de maintenir un équilibre fragile entre deux exigences également contraignantes – conserver sa crédibilité scientifique tout en acquérant une audience auprès des politiques » [33].

24Le Giec répond également à une demande de multidisciplinarité. Plus qu’un dialogue, il apparaît que le Giec permet une réelle cohésion de l’ensemble des disciplines et sciences qui travaillent sur l’objet climat ainsi que le décloisonnement des disciplines, pour une meilleure compréhension des enjeux de chacune d’entre elles, sachant que l’objectif final leur est commun : le consensus scientifique [34], pour aboutir à un consensus et politique et sociétal. Ce consensus constitue d’ailleurs le présupposé fondateur à la construction du Giec. Ainsi que l’explique Rafael Encinas de Munagorri dans sa contribution à l’ouvrage Expertise et gouvernance du changement climatique, « la recherche d’un consensus est une étape obligée dans l’avènement du réchauffement climatique » [35]. Pourtant, en tant qu’organe scientifique, le Giec se doit également de proposer à la lecture les certitudes comme les incertitudes relatives aux recherches en cours. C’est d’ailleurs ce qu’affirment les scientifiques français interrogés à propos de leurs travaux de « co-réécriture » pour le Giec : ils livrent à la lecture « la synthèse des connaissances scientifiques, mais avec les incertitudes » [36]. À travers cette double médiation vers la sphère scientifique et vers la sphère politique à l’international, le Giec s’autorise à faire circuler le consensus scientifique. Ainsi peut-on définir le Giec non comme un expert, mais comme un dispositif de médiation du consensus scientifique. Le Giec en tant que dispositif, les pratiques de « co-réécriture » qu’il initie, les différents acteurs qui s’en revendiquent et les textes qui en sont issus configurent une situation liée au changement climatique anthropique qui cristallise les phénomènes pris en considération par Yves Jeanneret dans ses textes traitant de la trivialité.

Un saut communicationnel vers la Trivialité

25Le statut de dispositif de médiation assumé par le Giec pose la question de son rôle au sein de la circulation sociale de l’idée de changement climatique anthropique. Il semble que le Giec soit en effet central dans cette diffusion des connaissances, tant vers la sphère scientifique que vers les sphères politique et médiatique. En effet, la Synthèse à l’attention des décideurs est un document très médiatisé, repris par les journalistes s’intéressant à l’environnement, comme celles et ceux qui doivent couvrir l’actualité politique pendant les COP, Conferences Of Parties, rendez-vous annuels lors desquels se réunissent les représentants des gouvernements siégeant à l’ONU afin de négocier les politiques publiques à mener selon un cadre international.

26Il semble d’autant plus intéressant de comprendre les raisons pour lesquelles cette médiatisation hyper-contrôlée ne fonctionne pas. « Ces rapports, approuvés par les gouvernements lors d’une procédure de relecture complexe, ont solidement établi la responsabilité humaine dans le réchauffement global et bénéficient d’une large médiatisation internationale. Or, puisqu’on sait, pourquoi n’agit-on pas ? » [37], demande Stefan Aykut. Un premier élément de réponse a été apporté par mon travail doctoral, autour de la question du déni climatique ou de la non-croyance à la catastrophe à venir. La circulation du savoir scientifique ne suffit apparemment pas pour initier un passage à l’acte politique ou citoyen, il faut également faire croire que le réchauffement climatique a lieu et qu’il met en danger notre mode de vie actuel. Ce premier élément de réponse méritait cependant davantage d’attention, tout comme le statut si particulier du Giec, très peu abordé dans mon travail doctoral. En effet, j’évinçais jusqu’alors la dimension communicationnelle pourtant inhérente à l’analyse de la circulation pour me concentrer sur les représentations similaires ou différentes entre les sphères discursives visitées.

27Selon l’approche triviale, « la notion de médiation permet de penser la communication autrement que dans une perspective binaire production/réception. Elle désigne cet entre-deux où se côtoient du technique, du sémiotique et du social » [38]. Du même coup, la question à se poser n’est plus seulement la présence ou l’absence du concept de changement climatique dans différentes sphères sociales, mais bien la façon dont se transmet le concept d’une sphère à l’autre. « Il n’y a pas de communication sans moyen et sans support ; bref, sans technique », explique Jean Davallon [39]. Les savoirs deviennent ainsi des outils au service de la lutte contre le changement climatique, et leur mise en circulation apparaît comme un élément constitutif. Nous avons affaire dans ce contexte à un jeu de réécriture scientifique, médiatique, politique et polémique, dans le même temps.

28Dans le prolongement de mon travail doctoral, mon objectif est désormais de repenser la circulation du concept comme un des piliers structurant sa transformation. Je m’attache à saisir sa métamorphose au cours de sa circulation. Il est dès lors nécessaire de considérer que l’instance chargée de communiquer le consensus scientifique, à savoir le Giec, a joué un rôle dans ce qui semble être, au regard des objectifs du dispositif, un échec communicationnel. J’adopte ainsi les propositions théoriques mises en mots par Yves Jeanneret autour de ce qu’il nomme « la vie triviale des êtres culturels ».

29Yves Jeanneret nomme « trivialité » une réflexion théorique sur la communication et une méthode d’analyse concernant l’étude de ce qu’il appelle les « êtres culturels ». Un être culturel correspondrait à une idée dont la circulation serait marquée par une certaine matérialité, ainsi que l’explique Adeline Wrona : l’être culturel devient un complexe associant « objets matériels, textes et représentations, ayant pour caractéristique d’élaborer des idées, des savoirs, des jugements » [40]. La dimension interdisciplinaire est inhérente au programme théorique et méthodologique de la trivialité, comprise comme « un concept qui permet d’appréhender ces phénomènes de circulation dans leur complexité et de considérer le caractère productif et créatif de la communication » [41]. Tout comme la sémiologie, la trivialité se propose de travailler le sens, mais intégré dans son contexte social, politique, économique et matériel pour appréhender sa potentielle circulation. Ainsi Yves Jeanneret explique-t-il que « c’est la circulation des objets dans le social, et donc la transformation permanente des représentations culturelles, qui sont portées au rang de processus social structurant » [42]. Les êtres deviennent culturels du fait même de leur circulation et de leur altération positive. La somme de l’objet, de la pratique et de la représentation constitue cet « être culturel ». Parlant du moment de l’interprétation, Yves Jeanneret n’évince pas l’approche sémiotique, mais critique l’immanentisme issu de la pensée structuraliste saussurienne et milite pour une sémiotique ouverte non fondée sur une structure, trop rigide pour appréhender des êtres culturels par essence mouvants. La trivialité envisage la production et la transmission médiatiques non pas comme une chaîne linéaire mais comme des anticipations de la réception. Ainsi, la réception devient elle-même production de sens.

30Adopter cette approche n’a pas seulement prolongé mon travail : cela a transformé mon regard scientifique. Alors que je considérais tout acte de communication comme un élément lisse, stable et fluide, la lecture d’Yves Jeanneret m’a conduite à prendre la mesure du caractère réducteur de ce point de vue. Jeanneret considère tout acte de communication comme un objet discontinu, dont l’appropriation par les acteurs se fait de façon aléatoire. La multiplicité des appropriations sociales de l’objet est nommée « polychrésie » par le chercheur, qui voit en ce néologisme un moyen de parler de la multitude des possibles appropriations et transformations matérielles d’un être culturel.

31La pensée d’Yves Jeanneret a trait à la notion de réécriture. Les disciplines de l’archive sont ainsi revisitées, perçues comme un lieu de trivialité, où les êtres culturels, du fait même de leur archivage, se transforment au profit de l’histoire. La réécriture peut également se matérialiser dans le travail scientifique, puis dans la reprise de ce travail scientifique par des dispositifs autorisant sa circulation.

32L’ensemble de ces propositions théoriques m’apparaît tout à fait éclairant pour penser le statut du Giec, différemment de ce que j’avais été conduite à faire. En effet, le Giec devient dès lors un dispositif au sens donné par Michel Foucault [43] et repris par Jeanneret. Un dispositif est considéré comme un système complexe et fluctuant, un ensemble d’éléments hétérogènes, discursifs et non discursifs, qui met en jeu des questions liées au pouvoir, mais également au savoir, considérant que savoir et pouvoir sont étroitement associés. Ce dispositif organise une multitude de médiations, certaines attendues selon les objectifs de circulation, d’autres complètement inattendues. Ainsi, « quelque créative que soit l’invention d’objets comme le “développement durable”, elle s’inscrit dans des dispositifs de communication qui portent une contrainte, que peuvent respecter, détourner, transgresser les acteurs sociaux » [44]. La dimension polychrésique du Giec en tant que dispositif de mise en trivialité de l’être culturel changement climatique anthropique prend alors tout son sens. Car « la question des savoirs […] est indissociable de la façon dont ils circulent, s’échangent, se publient et se réinterprètent » [45]. La Synthèse à l’attention des décideurs est reprise de façon incontrôlée, par des personnes ne croyant pas nécessairement au changement climatique anthropique, des personnes qui ne souhaitent pas voir ces négociations internationales aboutir, des personnes dont les intérêts financiers ou professionnels sont mis en jeu. C’est bien cet aspect non contrôlé de la polychrésie qui pose question à propos du climat : cette « constellation d’objets exposée [fait] l’objet de constantes réappropriations et [est] ainsi prise sans cesse dans un large spectre de logiques sociales différentes » [46].

33Le travail de « co-réécriture » mis en place par le Giec a été institué dans l’espoir de transmettre de façon neutre des savoirs pour l’aide à la prise de décision politique. Cette représentation de la science fait écho aux travaux menés par Jeanneret à propos de l’affaire Sokal. En effet, il explique que selon de nombreux scientifiques, « le vrai savoir est pur, sa mise en circulation, son succès, son déplacement seraient souillures » [47]. Le fait que le Giec mette en place des dispositifs drastiques et sévères tente de répondre par anticipation à cette crainte de voir les savoirs se disséminer de façon aléatoire, non contrôlée, et de perdre ainsi la domination des connaissances diffusées. Or, c’est le propre de la trivialité que de rendre compte de cet aspect aléatoire.

34Un phénomène communicationnel n’est ni purement technique ni purement social. C’est un entrelacs de pratiques régies par des normes et des dispositifs permettant ces pratiques et les conditionnant dans le même temps. Les groupes qui utilisent ces dispositifs leur associent des valeurs spécifiques, une symbolique qui transparaît forcément dans les pratiques. Repérer ces valeurs constitue la première étape d’une analyse du changement climatique anthropique trivial. Les valeurs qui se dégagent de ce dispositif de co-réécriture sont multiples. En effet, la co-réécriture de la Synthèse à l’attention des décideurs s’appuie sur l’idée que le consensus scientifique est obligatoire pour pouvoir agir sur le politique et le social. Au moyen de différentes pratiques comme le système de relectures et d’annotations, la validation par les pairs, technique largement employée dans le domaine scientifique, fonde la scientificité du dispositif et, par continuation, le caractère scientifique des connaissances diffusées. Le travail même d’un vaste état de l’art, le report des incertitudes et controverses dans la Synthèse, ainsi que le fait de devoir répondre à chaque annotation apportée par des pairs fondent une valeur de transparence. Cette valeur semble davantage employée dans le domaine politique que dans le domaine scientifique. Nous venons de voir que la valeur scientifique du rapport s’échafaudait grâce au principe de validation par les pairs. Enfin et paradoxalement, une valeur d’ouverture se construit à travers la façon dont a été pensé le Giec. Les deux piliers de cette construction étaient la transparence de la conduite du processus ainsi qu’une participation certes scientifique, mais universelle : « Tous les pays devraient, dans la mesure du possible, y être associés » [48].

35Un paradoxe s’installe donc d’emblée : il s’agit à la fois de diffuser à tout va, avec le concours de nombreux pays afin de marquer le consensus, et de diffuser de façon très – excessivement ? – contrôlée puisque chaque mot est choisi. Une telle approche légitimise d’emblée toute connaissance issue de ce dispositif. Pourtant, la polychrésie relevée montre bien le caractère trivial du changement climatique anthropique. En effet, le nombre de polémiques autour des résultats publiés par le Giec n’a cessé d’augmenter. Cette trivialité s’opère, non plus par le dispositif du Giec, mais en fonction d’autres dispositifs comme le piratage informatique ou la publication d’ouvrages et articles mettant en doute la validité scientifique du Giec. C’est bien cette discordance entre les objectifs affichés du Giec et les réalités polychrésiques du concept de changement climatique anthropique qui semble pertinente à relever selon la démarche indiquée et incitée par la théorie de la trivialité.

Réflexions autour d’une instrumentation du changement climatique anthropique

36Dans son livre marquant la seconde étape de sa réflexion sur cette catégorie d’analyse que représente la notion de trivialité, Jeanneret explique : « dès qu’une intention se traduit en dispositif […] apparaissent des faits de pouvoir qui se déploient bien au-delà de ce qu’un modèle idéal ou un argumentaire politique peuvent prévoir » [49]. Critique de la trivialité. La médiation de la communication, enjeu de pouvoir pose la question du lien entre cette circulation par l’entremise d’un dispositif, de pratiques, de valeurs, de représentations et de discours et le pouvoir que certains acteurs pensent/peuvent en tirer. Il s’agirait de « repérer la façon dont divers acteurs sociaux s’emparent de l’ensemble de ces processus pour produire du pouvoir et de la valeur » [50]. Yves Jeanneret développe l’idée selon laquelle « le pouvoir réside plus sûrement dans la dissémination subtile de ses formes inaperçues que dans son affirmation éclatante » [51].

37Ce paradoxe entre circulation diffuse et production d’une forme de pouvoir non revendiquée, on le trouve justement dans la circulation de l’idée de changement climatique anthropique. En effet, au-delà de la mise en circulation officielle proposée par le Giec, existe une circulation non officielle, climato-sceptique, qui ne dit pas son nom, et dont on ne connaît pas d’emblée les motivations. Deux sociologues et historiens américains, Naomi Oreskes et Erik Mc Conway [52], ont montré que certains acteurs scientifiques et politiques tentaient de freiner le passage à l’action politique en disséminant du doute à propos de plusieurs éléments construisant le consensus scientifique : la réalité du changement climatique anthropique pour commencer, puis le degré de confiance accordé à des sciences jeunes qui fondent leur légitimité scientifique sur une modélisation numérique non vérifiable car prospective, ensuite les pratiques liées au dispositif du Giec, qui ne serait pas un dispositif suffisamment fiable, jusqu’à l’identité même des scientifiques et personnes travaillant pour le Giec. Chaque palier de construction et de diffusion des connaissances scientifiques est remis en question afin de ne pas aboutir au consensus souhaité. Les motivations de ces « disséminateurs » de doutes étaient, selon les deux chercheurs américains, d’ordre économique et d’ordre politique.

38Le recours au principe de doute sur l’ensemble de la chaîne de « co-réécriture », tout comme la mise en place du dispositif du Giec, connaît des antécédents. L’industrie du tabac et le doute lié à la nocivité du tabac pour les « disséminateurs de doute », la résolution du problème du trou dans la couche d’ozone pour les partisans du Giec. L’enjeu trivial serait donc de « mettre en évidence le lien entre la nature des médiations et les formes de pouvoirs en recourant à plusieurs niveaux successifs d’analyse » [53] car la trivialité se fait sur plusieurs niveaux et au travers de plusieurs dispositifs, pratiques et médiations, « autant de médiations appareillées qui exercent une régulation entre différentes normes d’expression (sémiosphères) » [54]. Le projet scientifique de Jeanneret repose ici sur l’étude des différentes manières dont la trivialité est investie politiquement et économiquement.

39S’« il n’est pas possible de rendre compte de façon exhaustive de toutes les médiations qui participent à l’institution du trivial » [55], il semble que la question relative à l’instrumentalisation du changement climatique anthropique en tant que contributeur à l’institution d’une forme politique et économique demeure pertinente. L’instrumentalisation est ici entendue selon les propositions de Jeanneret, c’est-à-dire comme « une possibilité de faire de la vie triviale des êtres culturels un moyen au service de diverses fins autres que culturelles, principalement économiques et politiques » [56]. En d’autres termes, une sorte de gestion du pouvoir dans la circulation diffuse des savoirs climatiques. Nous aurions hypothétiquement affaire à une étape du processus d’industrialisation des savoirs climatiques afin de paralyser ou d’entraver le passage à l’acte politique plutôt que de l’autoriser par le consensus scientifique, objectif premier du Giec. En tant qu’expert non politique, si permission est donnée d’utiliser cet oxymore improbable, le Giec propose de faire un état de l’art du domaine des sciences climatiques à des fins politiques. La question se pose de savoir si la double instrumentalisation par le Giec puis par ses détracteurs a mené à cet échec du passage à l’action politique. Cette question appelle à une « véritable analyse des médias, des acteurs de la diffusion, des supports, de l’image et du texte, des rhétoriques de la métatextualité, des institutions de légitimation des savoirs. […] Et surtout des imaginaires, des idéologies qui travaillent notre relation à ce corps vivant de la culture » [57].

Vers une ouverture sémiotique

40Selon Paolo Fabbri, comme pour Yves Jeanneret, le/la chercheur/e contribue à la production sociale du sens, non seulement par ses recherches, mais également par le retour réflexif qu’il/elle opère sur son propre travail et sur sa propre posture, validant ainsi une forme d’inventivité sémiotique. En effet, « la prise en compte réflexive de l’implication du chercheur dans la circulation sociale des savoirs est le critère principal de rigueur dans les sciences anthroposociales » [58]. Ainsi, l’idée de « prendre au sérieux ce qu’est réellement la médiation a permis de déplacer le regard des chercheurs sur les processus interprétatifs » [59]. Il n’est plus question d’inventorier les différents signes et leurs représentations, mais bien d’adopter « une approche des processus qui permette aux objets, dans des situations sociales, de se charger de sens » [60]. Opérer ce virage communicationnel consolide la posture de recherche que j’ai défendue dans ma thèse, fondée sur l’ouverture théorique et sur l’interdisciplinarité tant théorique que méthodologique. En effet, théorie et méthode doivent être plastiques afin de s’adapter au mieux à l’empirie ; l’idée étant, pour reprendre les propos de Jeanneret commentant Fabbri, que l’analyse sémiologique deviendrait « une analyse de la façon dont tous les objets qui nous entourent, quels qu’ils soient, se chargent de sens » [61]. La circulation de ces objets participe de ce chargement nouveau de sens. Les modèles scientifiques pour appréhender cette circulation appellent à repenser les disciplines utiles à sa compréhension. Ainsi que l’explique Paolo Fabbri, « une discipline compte, non dans la mesure où elle est nouvelle, mais dans la mesure où elle devient nouvelle. Au moment où elle opère un tournant » [62]. De façon bien plus modeste, cet article trace un tournant de mon travail au sens de Fabbri ; un prolongement, car cette réflexion s’appuie sur les résultats de la thèse, mais également, à proprement parler, un saut communicationnel vers la trivialité.

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  • Saussure Ferdinand de, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, coll. « Grande bibliothèque Payot », 1995 [1916].
  • Seurrat de la Boulaye Aude, Les médias en kit pour promouvoir « la diversité ». Étude de programmes européens de formation aux mé́dias destiné́s à̀ « lutter contre les discriminations » et « promouvoir la diversité », Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, université Paris-Sorbonne, 2009.
  • Steinbeck John, Voyage avec Charley, Paris, Actes Sud, 2009.
  • Urbain Jean-Didier, L’envie du monde, Paris, Bréal, 2011.
  • Verón Eliseo, La sémiosis sociale, Presses universitaires de Vincennes, 1995.
  • Wolton Dominique, « Les contradictions de l’espace public médiatisé », Hermès, 10, 1991, p. 95-114.
  • Wrona Adeline, « Dans la mêlée : ce que la société fait aux idées », Acta fabula : Essais critiques, 10(3), 2009, [en ligne] http://www.fabula.org/revue/document4950.php.

Notes

  • [1]
    Le « changement climatique anthropique » désigne les modifications climatiques survenues du fait de l’activité humaine par l’augmentation des gaz à effet de serre.
  • [2]
    Ces émissions de gaz à effet de serre sont la cause majeure du réchauffement climatique. Elles sont dues aux industries, aux transports, mais aussi à l’élevage de bovins. Elles sont amplifiées par la déforestation.
  • [3]
    J’emprunte à Eliseo Verón la notion d’idéologie, qu’il travaille d’ailleurs au regard d’un ouvrage fondateur de l’idéologie structuraliste : le Cours de linguistique générale, publié en 1916 (Paris, Payot, coll. « Grande bibliothèque Payot », 1995 [1916]), issu des cours donnés par Ferdinand de Saussure. Dans la partie « Idéologique et scientificité » de son ouvrage La sémiosis sociale (Presses universitaires de Vincennes, 1995), Verón montre les différentes lectures que l’on peut faire de cette œuvre majeure en fonction de l’idéologie par laquelle le lecteur est traversé. Pour Verón, l’idéologique s’apparente à une conscience collective qui transcende les sciences pour les alimenter.
  • [4]
    Anne-Marie Houdebine, professeure émérite à l’université Paris Descartes et disciple d’André Martinet, est à l’origine de la sémiologie des indices. Je renvoie le lecteur à l’ouvrage dirigé par Driss Ablali et Dominique Ducard, Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, aux Presses universitaires de Franche-Comté en 2009, qui rend compte des deux sémiotiques utilisées dans mes travaux.
  • [5]
    Nous reviendrons en détail sur le Giec, pierre angulaire de la mise en trivialité du changement climatique anthropique.
  • [6]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française. Analyses sémiologiques et sémiotiques comparées de discours médiatiques, scientifiques et profanes, Thèse de doctorat en sémiologie, université Paris-Descartes, 2013, p. 86.
  • [7]
    Ibid.
  • [8]
    Dominique Wolton, « Les contradictions de l’espace public médiatisé », Hermès, 10, 1991, p. 95-114.
  • [9]
    Je me réfère ici à la définition que donne Yves Jeanneret de la médiation : « activité productive et créative qui consiste à intervenir sur le cours de la communication en lui apportant une dimension nouvelle », Critique de la trivialité. Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Éditions Non Standard, 2014, p. 15.
  • [10]
    Tout à fait pertinente dans d’autres contextes de recherche, la dimension critique relative à cette sémiologie perd selon moi de sa force et de son intérêt pour une analyse de la circulation.
  • [11]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité. Volume 1 : La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès-Lavoisier, 2008, p. 229.
  • [12]
    Svante Arrhenius a publié un article traitant d’un possible réchauffement des climats, vu comme une aubaine pour les pays nordiques. Svante Arrhenius, “On the Influence of Carbonic Acid in the Air upon the Temperature of the Ground”, Philosophical Magazine and Journal of Science, 5(41), 1896, p. 237-276.
  • [13]
    Philippe Roqueplo, Climat sous surveillance, Paris, Economica, 1993.
  • [14]
    Patrick Charaudeau, La médiatisation de la science. Clonage, OGM, manipulations génétiques, Bruxelles, De Boeck/INA, 2008, p. 110.
  • [15]
    Marion Mauger-Parat, « La circularité de la notion “changement climatique” dans les médias français, construction de corpus représentatifs », in Marjorie Filliastre, Marion Mauger-Parat, Hélène-Yvonne Meynaud (coord.), Développement durable et sciences sociales : traductions d’un concept polysémique de l’international au local, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 183-210.
  • [16]
    Centre national de la recherche scientifique, nouvelle version du dictionnaire en ligne : http://www.insu.cnrs.fr/environnement/glossaire
  • [17]
    Le Figaro, Le Monde et Libération.
  • [18]
    Alice Krieg-Planque, « Travailler les discours dans la pluridisciplinarité. Exemple d’une “ manière de faire ” en analyse de discours », in Simone Bonnafous et Malika Temmar (dir.), Analyse du discours et sciences humaines et sociales, Ophrys, 2007, p. 57-71.
  • [19]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., p. 220.
  • [20]
    Ibid., p. 173.
  • [21]
    Jean-Didier Urbain, Lenvie du monde, Paris, Bréal, 2011.
  • [22]
    Algirdas Greimas, « Les actants, les acteurs et les figures », in Claude Chabrol (dir.), Sémiotique narrative et textuelle, Larousse, 1973, p. 161-176.
  • [23]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., p. 211.
  • [24]
    René Girard, Mensonges romantiques et vérité romanesque, Grasset, 1961.
  • [25]
    Jean-Didier Urbain, L’envie du monde, op. cit., p. 14-15.
  • [26]
    Ibid.
  • [27]
    Miguel Cervantes, Don Quichotte [1615], Paris, Livre de Poche, 2008.
  • [28]
    John Steinbeck, Voyage avec Charley, Paris, Actes Sud, 2009.
  • [29]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 91.
  • [30]
  • [31]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., Tome 2, p. 44.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    Stefan Aykut, Amy Dahan, Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 19.
  • [34]
    Selon Rafael Encinas de Munagorri, « Au sens général, le consensus est un accord proche de l’unanimité, une convergence générale des opinions […] il correspond au fait de parvenir à un accord, sans procéder à un vote », Rafael Encinas de Munagorri (dir.), Expertise et gouvernance du changement climatique, Paris, LGDJ, 2009, p. 41.
  • [35]
    Ibid.
  • [36]
    Marion Mauger-Parat, Les représentations climatiques dans la presse française, op. cit., Tome 2, p. 44.
  • [37]
    Stefan Aykut, « Comment se construit la confiance dans les sciences et les politiques du climat ? Retour sur un colloque international », NSS/n° COP21/Vie de la recherche, 2015, [en ligne] http://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/2015/02/nss150022.pdf.
  • [38]
    Aude Seurrat de la Boulaye, Les médias en kit pour promouvoir « la diversité ». Étude de programmes européens de formation aux mé́dias destiné́s à̀ « lutter contre les discriminations » et « promouvoir la diversité », Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, université Paris-Sorbonne, 2009, p. 42.
  • [39]
    Jean Davallon, « Objet concret, objet scientifique, objet de recherche », Hermès, 38, 2004, p. 30-37.
  • [40]
    Adeline Wrona, « Dans la mêlée : ce que la société fait aux idées », Acta fabula : Essais critiques, vol. 10, 3, 2009, [en ligne] http://www.fabula.org/revue/document4950.php, page consultée le 30 juillet 2013.
  • [41]
    Aude Seurrat de la Boulaye, Les médias en kit pour promouvoir « la diversité », op. cit., p. 51.
  • [42]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 32.
  • [43]
    Michel Foucault, « Le jeu de Michel Foucault » (entretien avec D. Colas, A. Grosrichard, G. Le Gaufey, J. Livi, G. Miller, J. Miller, J.-A. Miller, C, Millot, G. Wajeman), Ornicar ?, Bulletin périodique du champ freudien, 10, 1977, p. 62-93.
  • [44]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 91.
  • [45]
    Yves Jeanneret, L’affaire Sokal ou la querelle des impostures, PUF, 1999, p. 10.
  • [46]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 83.
  • [47]
    Yves Jeanneret, L’affaire Sokal ou la querelle des impostures, op. cit., p. 251.
  • [48]
    Stefan Aykut, Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales, op. cit., p. 23.
  • [49]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité, op. cit., p. 43.
  • [50]
    Ibid., p. 20.
  • [51]
    Ibid., p. 21.
  • [52]
    Naomi Oreskes, Erik Mc Conway, Merchants of doubt: how a handful of scientists obscured the truth on issues from tobaccoe smoke to global warming, New York: Bloomsbury Press, 2010.
  • [53]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité, op. cit., p. 26.
  • [54]
    Ibid., p. 32.
  • [55]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 234.
  • [56]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité, op. cit., p. 142.
  • [57]
    Yves Jeanneret, L’affaire Sokal ou la querelle des impostures, op. cit., p. 253.
  • [58]
    Yves Jeanneret, Penser la trivialité, op. cit., p. 232.
  • [59]
    Yves Jeanneret, « La prétention sémiotique dans la communication. Du stigmate au paradoxe », Semen, 23, 2007, p. 79-92.
  • [60]
    Yves Jeanneret, « La provocation sémiotique de Paolo Fabbri. 1. Babel heureuse ou malheureuse », Communication & langages, 146, 2005, p. 130.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    Paolo Fabbri, Le tournant sémiotique, Paris, Lavoisier, coll. « Formes et sens », 2008.
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