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Article de revue

Le carnaval typographique de Balzac. Premiers éléments pour une théorie de l’irréductibilité sémiotique

Pages 3 à 22

Notes

  • [1]
    Ce travail a fait l’objet d’une première présentation à Lurs dans le cadre des Rencontres internationales de Lure consacrées aux Chemins de faire activer la page blanche en août 2014.
  • [2]
    Décembre Alonnier, Typographes & gens de lettres, Plein Chant, Imprimeur-Éditeur, Bassac, [1864] 2002, p. 15.
  • [3]
    Nathalie Preiss, Les physiologies en France au xixe siècle. Étude historique littéraire et stylistique, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1999.
  • [4]
    Voir la « Notice sur le texte » de la Physiologie du mariage de Balzac par René Guise in La Comédie Humaine, vol. XI, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 1739 sq.
  • [5]
    Emmanuël Souchier, « Histoires de pages et pages d’histoire », in Anne Zali (dir.), L’aventure des écritures, La page, Bibliothèque nationale de France, 1999.
  • [6]
    Dans le vocabulaire de métier, la « matière » typographique ou « fonte » désignait l’alliage de métal (plomb, étain et antimoine) dans lequel étaient fondus les caractères d’imprimerie.
  • [7]
    Un « blanc qui lève » est un caractère blanc qui, mal serré dans sa « forme » typographique, lève sous la pression de la presse et imprime ainsi un petit rectangle noir sur la feuille au lieu de laisser un blanc.
  • [8]
    Une « mise en pâte » est une composition typographique tombée par terre. Eugène Boutmy, Dictionnaire de l’argot typographique suivi d’un Choix de coquilles typographiques curieuses et célèbres, Les Insolites éditeurs, [1883] 1979, p. 90.
  • [9]
    Emmanuël Souchier, « Le texte, objet d’une poïétique sociale », in Yves Jeanneret, Nicolas Meeùs (dir.), Que faisons-nous du texte ?, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 23-33.
  • [10]
    Étienne Bazeries, Les chiffres secrets dévoilés. Étude historique sur les chiffres appuyée de documents inédits tirés des différents dépôts d’archives, Charpentier et Fasquelle, 1901, p. 94. En 1893, le commandant Bazeries cassa le « Grand chiffre » mis en place au xviiie siècle par Antoine Rossignol et son fils Bonaventure pour le compte de la couronne de France.
  • [11]
    Raymond Queneau, Le voyage en Grèce, Gallimard, 1973, p. 80-88.
  • [12]
    Joëlle Gleize, « Pathologie de la vie sociale : une gêne technique à l’égard du fragment », Balzac, l’aventure analytique, sous la dir. de C. Barel-Moisan et C. Couleau, Christian Pirot éditeur, 2009, p. 117-126.
  • [13]
    Sigmund Freud, Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, M. Bonaparte et M. Nathan (trad.), Gallimard, coll. « Idées », n° 198, [1905] 1971.
  • [14]
    Honoré de Balzac, Correspondance, 1809-1825, Roger Pierrot et Hervé Yon éd., Tome 1, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 317.
  • [15]
    Emmanuël Souchier, « L’image du texte. Pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie, 6, 1998, p. 136-146 ; « Formes et pouvoirs de l’énonciation éditoriale », Communication & langages, 154, 2007, p. 23-38.
  • [16]
    Voir notamment le Séminaire général de critique génétique de l’ITEM dirigé par Irène Fenoglio et Nathalie Ferrand, http://www.item.ens.fr et la revue Genesis, Revue internationale de critique génétique aux Presses universitaires de la Sorbonne.
  • [17]
    Almuth Grésillon, Éléments de critique génétique, Lire les manuscrits modernes, PUF, 1994.
  • [18]
    Roger Laufer, Introduction à la textologie. Vérification, établissement, édition des textes, Larousse, coll. « Université », 1972.
  • [19]
    D. F. McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, « Préface » de Roger Chartier, Marc Amfreville (trad.), Éditions du Cercle de la Libraire, 1991.
  • [20]
    Gérard Genette, Seuils, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 1987, p. 10.
  • [21]
    Olivier Fournout, « La matrice relationnelle. Du diatexte à l’anthropologie de la communication », Communication & langages, 162, 2009, p. 29-48.
  • [22]
    Gaetano Volpi, De la fureur de posséder des livres. Diverses Considérations, utiles et nécessaires aux Amateurs de bons Livres, disposées par ordre alphabétique, Gérard Genot (trad. de l’italien), Oulan-Bator Éd., Tripoli, Bessines-sur-Gartempe, 2007, p. 79.
  • [23]
    Henri Fournier, Traité de la typographie, Garnier Frères, [1825] 1904, p. 173.
  • [24]
    Elsa Tadier, « Petite poétique de la lecture. Une pratique créative du compte rendu », Communication & langages, « Spécial Gérard Blanchard », 178, 2013, p. 47-60.
  • [25]
    Michel Foucault. « Des espaces autres (1967), Hétérotopies », Dits et écrits, Gallimard, 2001,p. 1577.
  • [26]
    Emmanuël Souchier, « L’image du texte. Pour une théorie de l’énonciation éditoriale », art. cit., p. 141.
  • [27]
    Emmanuël Souchier, « Quelques remarques sur le sens et la servitude de la typographie – pratiques, discours et imaginaires », Fourteenth EuroTex Conference, Back to typography, 2003, Cahiers Gutenberg, Gutenberg (46-47), avril 2006, p. 67-96 ; « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de l’infra-ordinaire », Communication & langages, 172, 2012, p. 3-19.
  • [28]
    Edmundo Gómez Mango, Un muet dans la langue, Gallimard, coll. « Tracés », 2009.
  • [29]
    Emmanuël Souchier, Lire & écrire : éditer – des manuscrits aux écrans, Habilitation à diriger des recherches, UFR STD, Université Paris 7 - Denis Diderot, 1998, p. 147 sq.
  • [30]
    Balzac, Physiologie du mariage, Édition présentée, établie et annotée par Samuel S. de Sacy, Gallimard, coll. « Folio Classique », n° 1832, p. 413.
  • [31]
    Emmanuël Souchier, Étienne Candel, « Sous le signe de “la main qui faict” », Communication & langages, 178 « Spécial Gérard Blanchard », 2013, p. 201-220.
  • [32]
    Honoré de Balzac, La comédie humaine, XI, Études philosophiques, Édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex, Physiologie du mariage, Texte présenté par Arlette Michel, établi et annoté par René Guise, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 1733. Honoré de Balzac, La Physiologie du mariage pré-originale (1826), Texte inédit présenté par Maurice Bardèche, Librairie E. Droz, 1940.
  • [33]
    Balzac, Physiologie du mariage, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », op. cit., p. 1737.
  • [34]
    Henri Evans, « Notes et éclaircissements », Honoré de Balzac, Physiologie du mariage, Club français du livre, 1967, Tome XII, p. XXXVI.
  • [35]
    Jean-Yves Mollier, « Balzac, Honoré de », Pascal Fouché, Daniel Péchoin, Philippe Schuwer (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Livre, Édition du Cercle de la Librairie, vol. 1, 2002, p. 207.
  • [36]
    Jean-Yves Mollier, « L’imprimerie et la libraire en France dans les années 1825-1830 », Balzac imprimeur et de penseur du livre, Paris-Musées, Edition des Cendres, 1995, p. 34. Sur les jugements des commentateurs, voir notamment Gabriel Hanotaux et Georges Vicaire, La jeunesse de Balzac. Balzac imprimeur. Balzac et Madame de Berny, Nouvelle édition augmentée de la Correspondance de Balzac et de Madame de Berny, Librairie des Amateurs, A. Ferroud, Paris, 1921, p. 91-92.
  • [37]
    Johann Wolfgang von Goethe, Das römische Carnaval, cité par Daniel Fabre, « Le triangle des masques », Le monde à l’envers. Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, MuCEM, Marseille, 2015, p. 148.
  • [38]
    Daniel Fabre, Ibid., p. 149.
  • [39]
    Jacques Roubaud, Poésie, etcetera : ménage, Stock, 1995, p. 77.
  • [40]
    Emmanuël Souchier, Enrique Marin, Sens Orangerie des Musées 2010 – Auxerre Abbaye Saint-Germain 2011, p. 127-137.
  • [41]
    Emmanuël Souchier, « La lettrure à l’écran. Lire & écrire au regard des médias informatisés », Communication & langages, 174, 2012, p. 85-108.
Pour Elsa & Samuel

Introduction

1Envisagée comme un cas exemplaire d’énonciation éditoriale, la « Méditation XXV » de La physiologie du mariage d’Honoré de Balzac parue en 1829 est unique dans l’histoire de la littérature [1]. Ce que l’on a parfois considéré comme une simple « facétie » littéraire nous permet en réalité de formuler des questions fondamentales d’ordres sémiotique et communicationnel. Ces quelques pages offrent un des rares exemples dans lesquels l’auteur – qui a été imprimeur et typographe – met en valeur l’expression de l’image du texte à travers sa pratique de métier.

2Dans cet extrait, Balzac contrarie les codes habituels de la lisibilité du texte en bouleversant le geste d’écriture typographique. Son texte se donne alors à voir sous la forme d’un véritable carnaval typographique. Or ce mode d’énonciation visuel pose un authentique problème de compréhension. Que peut donc bien vouloir signifier ce geste singulier du « dire typographique » ?

3L’approche à la fois sémiologique et communicationnelle permet d’interroger les raisons et la nature hors norme de cette expression visuelle qui a pour vertu de déstabiliser l’ordre habituel du texte. Elle nous offre également l’occasion de formuler les premiers éléments théoriques d’une topologie du texte et d’une irréductibilité sémiotique, laquelle hypothèse nous invite à son tour à reconsidérer les rapports d’énonciation – et donc les rapports de pouvoir – au sein de l’écriture ou, plus exactement, au sein même des modes d’expression mis en œuvre dans la pratique d’écriture.

4Incidemment, nous verrons à cette occasion que les questions fondamentales d’ordre théorique s’inscrivent toujours dans des problématiques plus complexes d’ordres économique et politique, social ou humain. Mais pour Saussure déjà, la sémiologie n’était-elle pas « la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » ?

5

Si le domaine de la littérature est vaste comme l’intelligence, matériellement parlant, il est bien petit.
Décembre Alonnier [2]

6En 1829, Honoré de Balzac publie la Physiologie du mariage ou méditation de philosophie éclectique sur le bonheur et le malheur conjugal. L’emprunt au genre littéraire des « codes » ou « physiologies » s’inscrit dans la mode de l’époque, la plus célèbre restant sans nul doute la Physiologie du goût de Brillat-Savarin, qui servit explicitement de modèle littéraire et éditorial à Balzac [3]. À défaut de reconnaissance, il semble que Balzac ait beaucoup attendu de son ouvrage, en termes économiques et de renommée. Aussi chercha-t-il à s’inscrire très sérieusement dans les codes du genre littéraire auquel il empruntait la forme [4]. La remarque est d’autant plus intéressante pour nous que c’est précisément d’un jeu sur les codes qu’il va être ici question.

7On goûtera alors avec d’autant plus d’intérêt la fort curieuse « Méditation XXV » de la Physiologie du mariage, dans laquelle figure l’unique carnaval typographique que la littérature française ait, à ma connaissance, réellement donné à lire.

Un carnaval typographique

8

Figure 1 : Balzac, Physiologie du mariage, « Méditation XXV »

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Figure 1 : Balzac, Physiologie du mariage, « Méditation XXV »

2e édition, Charpentier, 1838, p. 318-319. Coll. part.

9Balzac ouvre cette fameuse « Méditation XXV » de la Physiologie du mariage consacrée aux « alliés », aux religions et à la confession sur un dilemme entre dévotion et galanterie qu’il résume en ces termes :

10

La Bruyère a dit très-spirituellement : – C’est trop contre un mari que la dévotion et la galanterie : une femme devrait opter.

11Puis il précise, pour le moins laconique :

12

L’auteur pense que La Bruyère s’est trompé.

13Il s’apprête alors à déployer une argumentation un peu plus soutenue : « En effet, » écrit-il… mais à peine a-t-il commencé sa phrase que l’effet rhétorique s’effondre… Un flot de signes typographiques est déversé dans la « page » de façon chaotique… Ultime rempart de l’industrielle réglure face à cette débâcle, la page, détourée de ses blancs, est la seule à avoir gardé la mémoire et la régularité de l’ordre [5].

14Comme si la colonne de texte, imperturbable, devait – contre vents et marées – conserver l’aplomb d’une image archaïque, l’aura inaltérable d’une colonne instituante face à un processus d’écriture qui a perdu son âme dans la débâcle des lettres désordonnées. La page se dresse d’un bloc, silhouette fantôme luttant contre la dérégulation de la combinatoire typographique qui vient d’abdiquer le sens de sa fonction au profit de l’image de sa forme. Comme si le corps de l’écrit avait perdu le souffle de sa voix et n’avait gardé pour survivre que les cadres intangibles de la « mise en page ».

15Au fil de ces quelques folios, seule la composition géométrique des lignes réglées par la « matière » [6] typographique semble vouloir maintenir, dans le corset justifié de la « forme », ces pages demeurées paradoxalement muettes. À moins qu’elles n’aient été par trop bavardes. La forme seule ici parle. Image du texte énonçant une « parole » que la langue ignore. Au paradoxe d’un « blanc qui lève » [7], ivre de noir, le pavé de texte métallique contenu dans la feuille s’est figé, proprement illisible.

16Ce carnaval typographique, loin d’être une erreur de prote ou de typographe – une « mise en pâte » [8] –, a été repris au fil des diverses éditions conformément à la volonté de l’auteur. Il fait donc partie du texte. Aussi est-ce en tant que texte que nous devons l’aborder [9]. Le texte, un mot que typographes et littéraires partagent mais pas nécessairement avec le même sens. Je reviens à l’instant sur cette idée centrale de ce que j’ai appelé le carnaval typographique de Balzac et sur les conditions historiques, professionnelles ou personnelles qui l’ont vu naître. Mais je voudrais avant cela évoquer brièvement deux catégories principales d’interprétations qui ont été proposées pour en expliquer la signification.

L’hypothèse du « code »

17Les premières interprétations évoquent un message codé. Cette thèse – qui continue d’avoir des adeptes – ne résiste pas à l’analyse, notamment pour des raisons éditoriales. Une approche en génétique éditoriale nous montre que nous n’avons pas les mêmes jeux typographiques d’une édition à l’autre. Même du vivant de l’auteur, ces pages n’ont pas été composées de façon semblable.

18Si le texte avait été codé, la matrice aurait dû être identique dans toutes les éditions, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, les spécialistes du chiffre qui se sont penchés sur la question comme le commandant Bazeries, célèbre cryptologue, ont conclu non à un code mais à une « facétie d’auteur » [10].

19L’argument pose également des difficultés d’un point de vue économique et matériel. L’exercice typographique à l’identique est en effet particulièrement difficile à exécuter et paradoxalement fort coûteux ; à défaut de facsimilé, les conditions économiques de faisabilité typographique d’un tel projet n’étaient pas nécessairement remplies par le libraire éditeur de Balzac.

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Figure 2 : Balzac, Physiologie du mariage, « Méditation XXV »

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Figure 2 : Balzac, Physiologie du mariage, « Méditation XXV »

2e édition, Charpentier, 1838, p. 320-321. Coll. part.

21Reste avant tout qu’une telle interprétation confinée à la lecture du code demeure aveuglée par la seule signification linguistique du texte. Cette vision logocentrique réduit le texte à la langue et fait fi de la matérialité de l’objet texte, de son impact visuel et de sa signification symbolique ou sémiotique. Au fond, il en va comme si la « matière » typographique n’était pas considérée comme une « matière signifiante ».

22L’hypothèse du code, malgré son charme, manque donc d’assises et pose des problèmes d’ordre théorique. Sauf à déplacer la question en jouant sur la polysémie du code et à se demander sur quels codes Balzac a effectivement joué. On peut alors déployer une tout autre lecture.

L’hypothèse du « jeu d’ironie romantique »

23La seconde hypothèse généralement avancée par la critique évoque la légèreté de la chose. Chacun s’accordant sur le fait qu’il ne s’agit là au fond que d’un « jeu d’ironie romantique » ou d’une plaisante « utilisation ludique de la typographie à la façon de Sterne ». Balzac ayant effectivement rendu hommage non sans humour au Tristram Shandy de Laurence Sterne – ainsi qu’à l’œuvre de Rabelais – dans la Physiologie du mariage, la remarque valait d’être évoquée. Pour autant, uniquement fondée sur la dimension ludique ou la part esthétique du fait littéraire, cette posture se satisfait d’une argumentation héritée des théories de « l’art pour l’art ». Elle postule une évidence et garantit ainsi le jeu sans en éclairer les enjeux. Contrairement à l’hypothèse du code, elle ne propose pas un raisonnement argumenté mais un jugement de valeurs. Le jeu n’est pas pris au sérieux, il est dégagé d’un revers de manche et renvoyé à un acte humoristique sans conséquence.

24L’art pour l’art ou l’humour gratuit… deux visions de la littérature que Raymond Queneau fustigea avec virulence dans la revue Volontés. Évoquant « l’humour et ses victimes », il parlait alors de « cynisme » et de « lâches facilités ». Autre période, autre débat, il s’adressait en effet aux surréalistes et à André Breton. Mais la saillie vaut d’être évoquée. « Car l’humour véritable a un sens, écrivait-il, ce que l’on a parfaitement oublié. » Et Queneau d’ajouter : « L’humour, c’est dire une chose pour en faire entendre une autre, sur le plan du comique (sur le plan du tragique, ce serait le symbole), et encore ce comique doit-il être discret, mesuré ; l’humour est la sobriété du rire. » [11]

25Au regard de la Physiologie du mariage, il s’agit pour nous d’éclairer cet autre « code » de l’humour balzacien qui consiste précisément à « dire une chose pour en faire entendre une autre ». Mais comment éclairer alors la nature de ce « dire » qui se tait pour se donner à voir ?

Un « homme de lettres de plomb »

26Les deux propositions principales de lecture ordinairement admises de la « Méditation XXV » de la Physiologie du mariage d’Honoré de Balzac qui optent pour le code ou l’insignifiance du jeu typographique s’opposent pour se rejoindre : elles ne tiennent pas compte du carnaval typographique mis en place par l’auteur comme élément constitutif du texte, comme geste d’écriture à part entière. Par négation, elles s’aveuglent. Encloses dans leurs points de vue respectifs, elles restent figées dans les cadres instituants de leur lecture, de leurs présupposés idéologiques et plus généralement des conceptions qu’elles se font du texte ou de la littérature. Pourtant, comme le rappelle fort justement Joëlle Gleize, les enjeux étaient loin d’être anodins pour Balzac qui, dans sa préface à La Peau de chagrin, justifiait le ton de sa Physiologie du mariage comme une « tentative pour retourner à la littérature fine, vive, railleuse et gaie du dix-huitième siècle, où les auteurs ne se tenaient pas toujours droits et raides, où sans discuter à tous propos la poésie, la morale et le drame, il s’y faisait du drame, de la poésie et des ouvrages de vigoureuse morale » [12]

27J’ai préféré m’écarter de ces deux champs d’hypothèses afin de prendre au sérieux le jeu de lettres proposé par Balzac, car il s’agit bien là, me semble-t-il, d’un jeu de l’être[13]. D’un jeu où se dessinent les enjeux du je d’un « homme de lettres » qui, à cette époque où il avait précisément choisi le métier d’imprimeur, se désignait comme un « homme de lettres de plomb » [14].

Pour une approche matérielle et Topologique du texte

28J’aimerais donc considérer la part matérielle de ce texte, sa situation dans l’objet livre, en portant attention à la topologie du texte et à sa signification sémiotique et culturelle – une démarche qui, avant de s’en émanciper afin d’ouvrir sur les champs de l’énonciation éditoriale [15], est nourrie par une « génétique éditoriale » [16] qui au-delà de la « génétique des textes » [17] à laquelle elle emprunte la démarche se situe dans l’héritage de la « textologie » de Roger Laufer [18] ou de la « bibliographie et la sociologie des textes » notamment, discipline que McKenzie [19] appelait de ses vœux. L’objectif est de redonner une légitimité à cet acte d’écriture typographique afin d’en comprendre les enjeux, d’en expliciter la nature communicationnelle et humaine.

29Aussi aimerais-je prendre ce texte au pied de la lettre, comme l’auteur nous y invite dans les Errata et dans l’ensemble des petits éléments textuels situés en marge du « grand texte » et qui gravitent autour de lui comme autant d’astéroïdes. Ainsi de l’épigraphe, de l’avertissement aux femmes placé en tête d’ouvrage et non dénué d’une carnavalesque misogynie, de la « Dédicace », de l’« Introduction » ou des « Errata » ainsi que de l’« Avis important » de la deuxième édition par exemple, bref, tout ce que Gérard Genette a appelé de façon générique l’épitexte[20].

30L’ensemble de ces petits textes présente la particularité d’être situé en dehors du corps principal de l’ouvrage, en dehors de ce que l’on considère d’ordinaire comme « l’œuvre » à proprement parler. Ils résident sur les « seuils » de l’œuvre, pour reprendre la belle formule de Genette. Et cette situation offre l’avantage de permettre au typographe ou au maquettiste de jouer sur le dehors et le dedans. Un jeu métaphorique sans doute, mais pas uniquement. Il y a une topologie du livre comme il y a une topologie du texte, une topologie tout à la fois matérielle, intellectuelle et symbolique.

31Aux limites de l’objet correspondent les limites du livre, aux limites du livre celles du texte et de leurs représentations. Aux dehors matériels du texte correspondent des dehors symboliques. Ces petits textes accompagnent le texte, mais ils sont placés en dehors. Ils ne sont pas dans l’œuvre. Pour autant, ils lui sont consubstantiellement liés. Ils font « système » avec elle. Portant une parole singulière aux franges de l’œuvre, ils énoncent un dire de l’œuvre placé à l’entre-deux. Il conviendra sans doute de théoriser une véritable topologie du texte où l’écart de « lieu » traduit un écart sémantique, un entre-deux. Un peu à la manière des jeux d’écarts sémiotiques dansés par les « diatextes » d’Olivier Fournout [21] ou de ce que Gaetano Volpi désignait sous le terme de « lieux parallèles » [22]. Une topologie où à la forme matérielle du texte correspond un dire spécifique, une énonciation propre à l’image du texte ou l’expression d’une énonciation éditoriale spécifique.

32La parole fondée sur la topologie du livre n’est pas uniquement déployée par l’homme de lettres. Le typographe en a une conscience aiguë, sans doute plus affinée du reste que celle de son partenaire littéraire pour la pratiquer au quotidien à travers la matière du livre. Dans son célèbre Traité de la typographie – considéré comme « le manuel majeur du xixe siècle » –, Henri Fournier, élève de Firmin Didot, consacre un chapitre spécifique au texte, à propos duquel il écrit :

33

On appelle ainsi la matière qui fait le fond d’un ouvrage. De quelque nature qu’elle puisse être, on lui donne ce nom pour la distinguer des parties éventuelles, telles que les notes, additions, titres, sommaires, ou autres accessoires quelconques. Comme le texte est presque toujours la portion dominante d’un livre, et même comme il en forme souvent l’intégralité, c’est la base sur laquelle repose son impression. Ainsi, lorsque le caractère et la justification du texte ont été adoptés eu égard au format et aux conditions diverses qui peuvent avoir quelque influence sur ce choix, l’arrangement du reste est déterminé par cette donnée principale, suivant des proportions convenables et des règles établies par l’usage. [23]

34Le dehors et le dedans du livre se définissent à partir de la notion de texte, cette « portion dominante d’un livre ». Le reste – « notes, additions, titres, sommaires, ou autres accessoires quelconques » – s’en distingue par forme, lieu et fonction. Cette hiérarchie topologique et formelle crée une hiérarchie de valeurs, ainsi que le montre Elsa Tadier à propos des comptes rendus que Gérard Blanchard pratiquait au sein de Communication & langages[24]. Aux petits textes, la petite valeur… hiérarchie sémiotique qui entérine l’éventuel discrédit que certains porteront à l’épitexte. Mais cette hiérarchie de valeurs crée une « marge », marge de liberté qui offre précisément toutes les possibilités d’énonciation. Lieu particulier de l’entre-deux.

Le lieu d’une « hétérotopie » du texte

35Dans le cas qui nous occupe, ces petits textes tissent un lien de connivence entre la Physiologie du mariage et le quotidien du lecteur qui ne relève pas de la seule fonction phatique du langage, cette fonction qui consiste à établir le contact dans le processus de communication. L’espace communicationnel de ces lieux de parole dépasse la simple prise de contact. Il crée une « hétérotopie » au sens où l’entend Michel Foucault [25], c’est-à-dire un « lieu » symbolique du texte, un « lieu » très particulier « qui a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles » et où l’ensemble des partenaires du texte va pouvoir échanger. Une hétérotopie d’où émerge une relation possible entre l’auteur, l’œuvre et l’éditeur, entre le lecteur et le champ métaphorique traité dans l’ouvrage. Autrement dit, un « lieu » où se croisent tous les « petits mondes » qui gravitent autour du texte et le constituent.

36Ce « lieu » du texte est proprement chimérique, songez-y : le lecteur peut y croiser l’auteur sans autre forme de procès, mais le personnage à son tour peut y être invité. Les ordres – et la police du texte –, qui d’ordinaire distinguent les mondes, fusionnent, et ce n’est plus un univers monolithique auquel nous avons affaire, l’univers du texte, l’univers de l’auteur, l’univers de Balzac, l’univers du xixe siècle, l’univers de l’édition, l’univers de l’imprimerie ou celui de la typographie… Non, c’est un « multivers », un univers complexe et composite qui accepte et postule une parole multiple et des points de vue de nature distincte. Autrement dit, des points de vue énoncés, exprimés selon des modalités et des langages qui leurs sont propres : image, texte, typographie ou mise en page. C’est là le propre de la polyphonie énonciative[26].

37Cette hétérotopie définit un espace d’énonciation éditoriale où s’expriment plusieurs voix. C’est-à-dire un espace où toutes les formes d’énonciation trouvent le chemin d’une voie qui leur est propre. Et ce chemin n’est pas seulement un chemin de paroles et de mots, c’est aussi – et avant tout peut-être – un « chemin de faire » en ce qu’il définit les conditions de possibilité de la parole de l’autre. Car il n’y a de parole d’auteur possible que parce qu’il y a eu une parole de typographe, une parole de graphiste ou une parole de designer, que parce qu’il y a eu une parole d’éditeur, que parce qu’il y a eu une parole de distributeur, de libraire ou de marchand au concert littéraire. Toutes voix qui s’expriment à travers l’image du texte, la matérialité de la typographie, celle du texte ou du livre.

38Autrement dit, un lieu symbolique où matière, forme et support prennent vie de concert. Une hétérotopie où l’ensemble des partenaires du livre participent au collectif éditorial, chacun à sa manière, déployant une parole poétique – ou plus exactement, une parole poïétique qui est étymologiquement une parole du faire.

39Sans doute ce lieu singulier de l’œuvre est-il aussi un lieu de lecteur. Car c’est lui et lui seul qui a le pouvoir de faire revivre le texte, de le faire renaître de son sommeil éternel, pouvoir démiurgique qui consiste, à chaque lecture, à insuffler le souffle de vie au texte endormi. Mais un tel geste n’aura eu lieu qu’en ce lieu même. Ce lieu empreinté par l’énonciation éditoriale. Empreinté en ce que les acteurs et les producteurs du livre y auront laissé leur marque au cours de leur travail, laissé leur empreinte dans le corps du texte et dans le corps du livre. Or cette empreinte, la pluralité de ces empreintes, devrais-je dire, guide à son tour les chemins et les choix du lecteur. En cela le lecteur est un acteur guidé.

40Au cœur de ce « lieu » singulier, de ce « multivers », tous les processus et tous les secrets de l’écriture, du texte et du livre dans leur concrétude matérielle, leurs enjeux éditoriaux et marchands peuvent être évoqués, exprimés et partant démythifiés. L’élaboration de ce lieu singulier, de cette hétérotopie, son exploitation dans le corps livresque forment un acte d’écriture éditoriale, un acte politique. Politique, car cet acte a pour principale caractéristique de briser le silence de la « typographie servante » et de révéler la part infra-ordinaire de la parole silencieuse [27].

41Sans doute pour advenir à la conscience du lecteur ce lieu du texte nécessitait-il la mise en place d’un véritable carnaval à travers son écriture même, un carnaval typographique donc ! J’y reviendrai.

42Voici le « lieu » enfin retrouvé du « muet dans la langue » dont parlait Edmundo Gómez Mango [28]. Celui qui s’exprime à travers tous les subterfuges de « l’image du texte » et dont le jeu carnavalesque semble nous dire une chose pour en faire entendre une autre, pour peu que nous y soyons attentifs.

Les Errata, lieu où se délient les voix

43Prenons l’exemple des Errata qui accompagnent le carnaval typographique dans l’ordre du livre et voyons à quels jeux s’y livre Balzac. Le premier constat que l’on peut formuler est qu’il s’agit d’un petit lieu régulièrement discrédité par les éditeurs – académiques ou non. Ouvert par l’auteur sur les marges de l’œuvre, cet espace à destination du lecteur s’avère être particulièrement fragile face aux pratiques éditoriales et à l’idéologie littéraire. Le péritexte, en effet, est un lieu d’énonciation éditoriale sensible en ce qu’il est placé en dehors de l’œuvre et qu’il peut pour cela même être considéré par certains comme subalterne ou sans intérêt. Mais que cherche-t-on ici à policer, à faire taire ou disparaître ? Quels sont les enjeux de ces modifications de textes ? Un questionnement que soulèvent les diverses pratiques éditoriales.

44Pour l’édition en « Folio Classique » de 1971, par exemple, l’éditeur intervient topologiquement en tête et à l’intérieur des Errata (cf. fig. 3b) ; la comparaison avec l’édition Charpentier de 1838 publiée du vivant de l’auteur est instructive (cf. fig. 3a).

45La topologie interne du texte des Errata est investie par la parole éditoriale. D’un lieu d’auteur, nous sommes passés à un lieu mixte dans lequel l’editor (l’éditeur scientifique du texte) [29] a pris place sous le titre, une place de pouvoir d’autant plus forte qu’elle est accompagnée d’un discours éditorial sans ambages. L’intervention fige en effet la signification des Errata d’une phrase sans appel : « La note insérée dans la première édition ne cherche que des effets comiques » [30].

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Figure 3 : (a – page de gauche) Balzac, Physiologie du mariage, « Errata »

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Figure 3 : (a – page de gauche) Balzac, Physiologie du mariage, « Errata »

Charpentier, 1838, p. 403. Coll. Part. (b – page de droite) Balzac, Physiologie du mariage, « Errata », coll. « Folio classique », 1832, Gallimard, 1971, p. 413. Coll. part.

47L’intérêt de cette phrase réside dans l’exploitation topologique du texte. Elle occupe la place de l’auteur ainsi que celle du lecteur puisqu’elle investit son espace d’expression et détermine ses choix de lecture et d’interprétation. En outre, la forme intérieure des Errata est transformée, les filets et les blancs d’interlignage ont disparu. L’intervention est d’autant plus regrettable que, quelques lignes plus bas, dans le corps même des Errata, l’auteur en signalait la fonction et le jeu dans la présentation du livre – non sans quelque ironie et autodérision (cf. fig. 4).

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Figure 4 : Balzac, Physiologie du mariage, « Errata »

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Figure 4 : Balzac, Physiologie du mariage, « Errata »

Charpentier, 1838, p. 404. Coll. part.

49Dans l’édition « Folio », impuissant à penser la différence, l’editor coupe court à toute alternative. Voici sans doute un fort bel exemple de prise de pouvoir dans le processus d’énonciation éditoriale. En occupant la tête de rubrique – étymologiquement, la place du chef –, l’editor s’arroge la parole savante après avoir littéralement déconsidéré celle de l’auteur (« La note insérée dans la première édition ne cherche que des effets comiques. »). La part laissée au lecteur qui se fonde dans les franges du texte est ici réduite à néant. Quant à l’auteur, il y a lurette qu’il n’a plus son mot à dire.

50Mais précisément, quels messages l’auteur nous donnait-il à entendre dans ces Errata ? Était-ce à ce point inintéressant pour qu’il soit ainsi nécessaire d’en renvoyer la matière aux seuls « effets comiques » ?

Une « hétérotopie » éclairée

51Dès la première édition, Balzac joue avec ironie sur son statut et sa fonction d’auteur, mais il dévoile par là même les procédures et petits subterfuges d’écritures employés par les “travailleurs à la ligne”. Créer de l’espace dans le texte, jouer sur les blancs et les filets entre les paragraphes, voilà qui permettait d’atteindre « bien plus vite, par ce moyen, aux mots délicieux : Fin du premier volume ».

52Humour qu’il adaptera du reste au format du livre pour annoncer non la « Fin du premier volume » mais la « Fin de l’ouvrage » lorsque la Physiologie passera de l’in-8° en deux volumes pour les deux premières éditions à l’in-18 en un seul volume pour les éditions suivantes sorties chez Charpentier (1838 à 1848). Or cette mention figure sur la page en vis-à-vis des Errata. La stratégie de lecture proposée par Balzac à travers la topologie du livre est donc explicite et clairement donnée à lire au lecteur.

53Ce détail est également significatif de l’attention que Balzac portait à la chose imprimée. Mais comment pouvait-il en être autrement pour un « homme de lettres » qui après avoir été éditeur et l’inventeur précurseur d’une manière de livre de poche fut également imprimeur puis fondeur de caractères ? Ce va-et-vient permanent entre la table d’écriture, le marbre et l’atelier d’imprimerie est une des caractéristiques de l’univers balzacien et singulièrement de la Physiologie du mariage. La connaissance de toute la chaîne de production du texte imprimé, pratiquée de l’intérieur par la « main qui faict » — pour reprendre la belle expression de Gérard Blanchard [31] —, cette connaissance des métiers du livre permet à l’auteur de mener un jeu éclairé avec son lecteur.

54Dans ces petits textes situés aux marges du “grand texte” – que Henri Fournier qualifie typographiquement de « texte » –, Balzac établit une connivence avec son lecteur en jouant des savoirs de métier. Si une telle pratique démythifie le texte et l’horizon littéraire ou éditorial, elle tisse également un lien spécifique avec le lecteur, élaborant un rapport de proximité qui va permettre au lecteur d’entrer dans la fabrique du texte et de s’identifier avec lucidité aux univers de l’ouvrage. Le gain est réflexif.

55Il me semble que ce procédé favorise la relation d’intimité tissée avec le lecteur. Il y a une relation dialectique à théoriser entre la « suspension volontaire de l’incrédulité » proposée par Coleridge et le principe de « distanciation » prôné par Brecht qui, en apparence mais en apparence seulement, lui semble être opposé. Dans quelle mesure, en effet, le principe de « distanciation » ne permet-il pas une meilleure préhension de la « suspension volontaire de l’incrédulité » en ce qu’il en révèle les limites, les cadres instituants, donnant par là même à comprendre les conditions de possibilité du rêve. La leçon, au fond, est une leçon politique de lucidité. J’accepte de me laisser prendre par la fiction car j’en connais les règles et ressorts, je le fais en toute lucidité.

Le Carnaval Typographique, un « art d’équivoque »

56Et il n’y a rien d’étonnant à ce que ce soit dans les cadres des épitextes, ces petits textes situés en marge de son œuvre, que Balzac nous ait explicitement livré les clés de compréhension de son carnaval typographique. L’attaque, frontale, est burlesque : « Ceci doit servir à vous prémunir contre les fautes que vous avez faites en lisant cet ouvrage », déclare-t-il d’entrée de jeu, mettant en place le principe d’inversion, le principe de retournement qui préside à son carnaval. Inversion des rôles ici puisque l’erreur typographique est imputable au lecteur et non pas à l’auteur, non plus qu’au typographe du reste, dont l’imprimeur Balzac vient à peine de quitter la livrée.

57Cohérent avec sa pratique de métier, il met visuellement en forme ce qu’il donne à lire dans son texte. Ouvrant les Errata, la mention est suivie d’un blanc de quatre lignes rythmé d’un petit filet. L’auteur renvoie ensuite à la numérotation des pages où figure le carnaval typographique à proprement parler avant d’ajouter : « Pour bien comprendre le sens de ces pages, un lecteur honnête homme doit en relire plusieurs fois les principaux passages ; car l’auteur y a mis toute sa pensée. »

58Si le principe d’illisibilité fonde la pensée de l’auteur, c’est un renversement qu’il faut pratiquer pour la saisir. Le rire rabelaisien situé en arrière-plan joue de connivence avec le lecteur. Balzac nous invite à prendre l’inversion au pied de la lettre. Comment ? Il nous l’explique un peu plus loin. Non sans avoir au préalable aéré à nouveau son texte d’un blanc de quatre lignes rythmé par son filet de séparation. Il nous livre alors la clé du propos : « Dans presque tous les endroits du livre où la matière peut paraître sérieuse, et dans tous ceux où elle semble bouffonne, pour saisir l’esprit de l’ouvrage, équivoquez1. »

59Une invitation qu’il explicite dans la note de bas de page :

60

1 Dans notre ancienne et si admirable littérature, équivoquer c’était faire une contrepèterie ; et contrepéter, c’était faire une équivoque ; de sorte que toujours on équivoquait en contrepetant, et qu’on contrepetait en équivoquant. Cette définition est une espèce de contrepèterie. L’équivoque s’obtient en renversant les termes de la proposition, ou plus souvent en échangeant les lettres initiales de deux mots. Rabelais, Verville, Tabourot sont pleins de contrepèteries. La plus célèbre de toutes celles de Rabelais est : Femme folle de la messe, etc. Mais si Rabelais, Verville ou Tabourot eussent vécu au dix-neuvième siècle, ils n’auraient pas certes manqué celle-ci : Allez, pères de la foi ; allez fères de la poi !

61Il n’y a pas lieu ici d’analyser tous les ressorts de ces Errata truffés de malice. Quelques points toutefois méritent d’être retenus pour éclairer notre carnaval. Balzac nous invite à agir sur le texte, à le subvertir, à entrer dans le jeu d’écriture et à intégrer le processus littéraire. Pour ce faire, il nous propose l’art d’équivoque, qu’il met en équivalence avec la contrepèterie. Cet art que l’on pratiquait « dans notre ancienne et si admirable littérature » consiste à échanger les lettres. Mais la typographie n’est-elle pas elle aussi cet art qui consiste à déplacer et combiner les lettres ? Ne joue-t-elle pas son identité à travers le renversement carnavalesque de ses lettres ? Au « blanc qui lève », n’offre-t-elle pas le « foulage » d’un noir bouffon ? N’est-elle pas phénoménologiquement liée à l’inversion gémellaire du noir au blanc ?

62Et n’est-ce pas précisément cet art grâce auquel la pensée parvient à s’exprimer dans le corps social ? Cet art matériel qui fait de la pensée un bien collectif et sans lequel elle ne saurait exister, circuler, vivre ?

Du jeu de lettres comme jeux de l’être

63Littérature et typographie sont jeux de lettres. La typographie est ce jeu de lettres qui permet à la littérature d’exister. Dans le miroir de ces jeux d’écriture, sur quelle équivoque jouera-t-on ? De quelle inversion ?

64Comment ne pas être sensible aux enjeux qui se nouent en ce je – en ce jeu où se joue le carnaval typographique alors même qu’Honoré de Balzac, après avoir fait faillite, vient de revendre son imprimerie au fils de sa maîtresse, cette femme tant aimée, Laure de Berny ? Comment ne pas être sensible à ce cri d’illisibilité de la typographie balzacienne alors que cet art de faire a précisément pour fonction de donner à lire cet autre art de dire qu’est l’art de littérature ? Que dire dès lors de ces arts d’équivoque en eux-mêmes si semblables et pourtant si différents ?

65Que dire si ce n’est formuler cette hypothèse peut-être : que l’équivoque se définit étymologiquement autour de l’égalité de deux voix – d’aequus : égal et de vos, vocis : voix. Dans ce mot en partie double qu’il définit comme le lieu du texte par excellence, Balzac aura donné à comprendre ce que signifiait l’illisible carnaval typographique de la Physiologie du mariage : un jeu de lettre où s’exprime l’être muet du typographe. Un jeu où se nouent et dénouent – au pied de la lettre – les enjeux du je, les en jeu de l’être.

66D’un petit lieu du texte à l’anodine signification, d’un carnaval typographique que la critique écartera plus tard d’un revers de manche, Balzac a su faire un lieu hautement symbolique – une hétérotopie – où se sont déliées et réconciliées – avec humour et profondeur – la matière & l’esprit de l’écriture. En inversant la pensée « bouffonne », le carnaval typographique rend à l’écriture son intelligence même, transformant un art de la lettre en expression de l’être. Et cela aura pu se faire dans l’expression équivoque de deux voix égales, dans la polyphonie balzacienne de deux sources d’énonciation, de littérature & typographie ensemble accordées.

67Une hétérotopie qui prend toute sa saveur au regard de la part historique de l’œuvre. La Physiologie du mariage s’ancre en effet dans une période historique particulièrement mouvementée pour son auteur, notamment.

La « main à plume » & la « main à plomb »

68Nous n’aurons certes pas le temps d’évoquer la vie mouvementée et pour le moins passionnante de cet ouvrage situé à une période charnière de la vie de Balzac. Rappelons toutefois très brièvement pour éclairer notre propos que la première version de la Physiologie du mariage a été imprimée sur les presses de l’atelier de Balzac et Barbier en 1826 [32]. René Guise précise que « dans les mois d’août-septembre 1826, sans doute pour occuper son temps, son matériel et son personnel », l’imprimeur Balzac « a composé, corrigé, tiré une partie » de la pré-originale de la Physiologie du mariage. « Puis, les commandes venant, l’œuvre n’étant pas vendue, les fonds sans doute aussi manquant, ce travail a été interrompu » [33].

69Autrement dit, alors qu’en 1826 il vient d’abandonner la littérature « pour se faire imprimeur » [34], Balzac se remet bientôt à l’écriture pour fournir du travail à son atelier d’imprimeur [35]. « La main à la plume » se met ainsi au service de « la main à plomb ». Voici un mouvement de balancier dont l’histoire littéraire est peu coutumière. Exemple inhabituel qui éclaire de façon crue la complexité des enjeux noués au cœur de l’énonciation éditoriale et la façon dont Honoré de Balzac nous les a si concrètement donnés à lire et à voir.

70Mais la pratique de l’écrivain typographe aura toutefois été de très courte durée. Balzac doit en effet céder les parts de son entreprise en 1828. Jean-Yves Mollier insiste sur le fait que « c’est la crise des années 1825-1830 qui a eu raison de Balzac, plus que son inexpérience ou ses frasques, trop hâtivement mises en avant par les commentateurs de son œuvre » [36]. Après avoir vendu son imprimerie à Alexandre Deberny, Balzac reprend la rédaction de la Physiologie du mariage, dont la première édition paraît en 1829 chez Levavasseur et Urbain Canel.

71Le carnaval typographique ne figure pas dans la version pré-originale de 1826, qui ne comprend que treize « méditations ». Ça n’est donc qu’après avoir repris la plume et rendu son tablier de typographe bien malgré lui que Balzac réalisera son carnaval typographique au sein de la Physiologie du mariage. Cette hétérotopie exprime avec la force du silence la part tue de l’homme de « lettres de plomb ». Retour du refoulé ? Sans doute ! Mais au-delà, cri d’un métier dont la fonction ordinaire consiste précisément à servir la lisibilité silencieuse du texte. À travers l’image du texte, Balzac prononce la parole muette et blanche de la noire et bruyante typographie.

Le dict de typographie « dit ce qu’il dit en le disant »

72

Au moyen de ces extravagances notre attention est dirigée vers les scènes les plus importantes de notre vie.

73Le carnaval typographique de Balzac revendique la part spéculaire et spectaculaire du carnaval : « je manifeste un geste carnavalesque ; je donne à voir la mise en désordre du monde dans lequel je m’inscris ». Mieux encore, il affirme qu’il est cette mise en désordre même. Or la mise en désordre revendiquée par le carnaval justifie l’ordre et lui permet de l’innocenter. Autrement dit, le carnaval – le désordrefait système avec l’ordre. Il ne signifie pas en soi, mais au sein même de l’univers dans lequel il s’exprime et en lien avec lui.

74La part la plus voyante du carnaval, c’est l’exhibition : « j’affirme mon existence par ma présence outrée ». Car ce que j’ai à dire ne peut s’exprimer dans les cadres du langage ordinaire défini par l’ordre policé. Ma parole exprime quelque chose qui relève d’un autre ordre et qui s’exprime dans cet ordre distinct. Elle définit ainsi les cadres du langage de ce « désordre », ceux du carnaval. Et ce carnaval est par définition un renversement.

75Le carnaval exhibe son identité de carnaval, cela lui permet d’exister aux yeux de l’autre. Mais c’est dans le contexte et le processus du rituel d’effectuation que réside sa signification, non dans son être en soi. Daniel Fabre rappelle à juste titre que la fête de Carnaval « est un faire » et non « pas une spéculation imagée » [38]. Voici pour le premier mouvement.

76De façon incidente, le carnaval typographique joue un rôle essentiel dans la compréhension de l’ordre typographique ordinaire. Par son outrance et son principe d’inversion, il ne parle pas uniquement de lui, mais de la part cachée de la typographie courante. Il la révèle. Il donne à voir en creux le processus d’effacement de la typographie dans l’ordre de l’écriture ordinaire. Il affirme la puissance des cadres. Ainsi donne-t-il à voir l’immuable régularité de la page, au sens livresque et typographique du terme. Il confirme l’ordre dans lequel le désordre peut se déployer.

77Balzac donne à voir et à lire à son lecteur la présence signifiante de la typographie, dont il n’a d’ordinaire pas conscience. Il fait sortir cet art du silence de sa réserve, il l’extrait de sa gangue infra-ordinaire et le fait advenir au statut de parole agissante. Balzac œuvre en typographe : il donne à lire une parole de métier. Il révèle le chemin de faire d’un dire d’ordinaire silencieux… Or il le dit à travers l’inversion, essence même de la typographie. Car tout l’art de la typographie est un art d’inversion.

78Et cette parole est scandaleuse en ce qu’elle donne à lire ce qui a choisi d’être tu, ce qui a toujours choisi d’être caché – en cela, elle est carnavalesque. Ainsi Balzac parvient-il à « dire une chose pour en faire entendre une autre ». Voici pour le second mouvement.

79Ce « dit de carnaval » est un dire singulier. C’est le dit de Balzac endossant l’habit d’imprimeur et de typographe et jouant son rôle sur la scène du livre. Mais au-delà de l’expression de sa propre énonciation d’« homme de lettres de plomb », l’auteur de La comédie humaine nous révèle aussi que le « dict de typographie », à l’instar de la poésie, dit ce qu’il dit en le disant [39]. Un « dict » que la littérature même ne parvient pas à dire, pour ce qu’il relève de l’inexprimable « muet dans la langue ». C’est un dit d’illisible.

Premiers éléments d’une théorie de L’irréductibilité Sémiotique

80Le fait que le carnaval typographique exprime un geste que les mots ne parviennent à formuler nous invite à repenser le rapport d’énonciation de la part visuelle de la typographique et plus généralement de l’écriture.

81Chaque mode d’expression contient les conditions d’élaboration propres à son énonciation et aucun n’est réductible à l’autre. Lorsque Jacques Roubaud soutient que « la poésie n’est pas paraphrasable » et qu’elle « dit ce qu’elle dit en le disant », il réaffirme l’irréductibilité de la poésie vis-à-vis de son dire et des autres pratiques d’écriture. Or cet axiome a valeur de loi dans l’ordre sémiotique, il est applicable à tout mode d’expression. Aucune pratique artistique ou communicationnelle ne peut être strictement repliée sur une autre. Toute relation entre elles se traduit nécessairement par une « trans-formation », un changement de forme. Cette remarque que j’avais formulée à propos de l’œuvre d’Enrique Marin vaut pour l’écriture [40].

82Pour les linguistes, seule la langue permet d’exprimer l’ensemble des autres pratiques sémiotiques. Ce primat spécifique accordé à la langue est lié à sa fonction réflexive ; elle peut « dire » le monde. Ainsi, je puis « dire » la peinture par mes mots. Mais le primat de la réflexivité n’absorbe pas les caractéristiques (matérielles, expressives, sensorielles) propres à chaque mode d’expression. Dire la peinture ou l’écrire, la commenter (tout l’éventail de l’ekphrasis), ne me permet pas d’épuiser les modalités expressives de cet art. Lorsque l’artiste traite un thème sous des modes différents (dessin ou peinture, sculpture ou gravure), chaque variation est un dire distinct. Au-delà du « sens formel », du sens propre à la forme, c’est l’ensemble des conditions de possibilité offertes par un mode d’expression qui doit être pris en compte (matière, support, technique, pratique). Ainsi de la typographie vis-à-vis du texte littéraire.

83Le carnaval typographique de Balzac exhibe l’une des caractéristiques spécifiques de l’écriture, sa dimension visuelle. En révélant la part d’ordinaire occultée de l’art typographique, il nous invite à formuler la question de l’irréductibilité sémiotique de l’écriture. Balzac nous montre ainsi qu’une modalité d’expression sémiotique n’est pas réductible à une autre. La dimension visuelle de l’écriture n’est pas réductible à sa dimension linguistique non plus qu’à la dimension matérielle de la forme ou de son support, par exemple.

84Au fond, Balzac nous invite à entreprendre une véritable « physiologie scripturale » pour reprendre l’expression employée dans la « préface » à la Peau de Chagrin. Une « physiologie scripturale » qui tiendrait compte du caractère composite et complexe de l’écriture. L’écriture est en effet constituée de différents « niveaux » d’expression – ici distingués pour l’analyse, mais qui sont étroitement imbriqués dans la pratique, dans le processus de lecture-écriture, de lettrure[41]. L’écriture est un mode d’expression composite – que ce soit soit d’un point de vue phénoménologique, formel et énonciatif. Elle est de ce fait intrinsèquement polyphonique. Chacune de ces modalités sémiotiques – la langue, le geste ou l’image – dit à sa manière quelque chose du texte de façon irréductiblement différente des autres niveaux d’expression. Et lorsqu’elle se réalise, aucune de ces différentes modalités sémiotiques n’absorbe l’autre. Le « dit » d’image n’est pas un « dit » de langue, pas plus qu’il n’est un « dit » de geste. Mais tous trois forment le « dit » précis d’écrit.

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  • Souchier Emmanuël, « Quelques remarques sur le sens et la servitude de la typographie – pratiques, discours et imaginaires », Fourteenth EuroTex Conference, Back to typography, 2003, Cahiers GuTenberg, Gutenberg (46-47), 2006, p. 67-96.
  • Souchier Emmanuël, « Formes et pouvoirs de l’énonciation éditoriale », Communication & langages, 154, 2007, p. 23-38.
  • Souchier Emmanuël, « Enrique, matador auxerrois, fils de Marin chanoine sévillan », Enrique Marin, Sens Orangerie des Musées 17 octobre 2010 – Auxerre Abbaye Saint-Germain 18 juin-18 septembre 2011, 85-108.
  • Souchier Emmanuël, « Le texte, objet d’une poïétique sociale », in Yves Jeanneret, Nicolas Meeùs (dir.), Que faisons-nous du texte ?, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 23-33.
  • Souchier Emmanuël, « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de l’infra-ordinaire », Communication & langages, 172, 2012, p. 3-19.
  • Souchier Emmanuël, « La lettrure à l’écran. Lire & écrire au regard des médias informatisés », Communication & langages, 174, 2012, p. 85-108.
  • Souchier Emmanuël, Étienne Candel, « Sous le signe de “la main qui faict” », Communication & langages, 178 « Spécial Gérard Blanchard », 2013, p. 201-220.
  • Tadier Elsa, « Petite poétique de la lecture. Une pratique créative du compte rendu », Communication & langages, « Spécial Gérard Blanchard », 178, 2013, p. 47-60.
  • Volpi Gaetano, De la fureur de posséder des livres. Diverses Considérations, utiles et nécessaires aux Amateurs de bons Livres, disposées par ordre alphabétique, Gérard Genot (trad. de l’italien), Oulan-Bator Éd., Tripoli, Bessines-sur-Gartempe, 2007.

Mots-clés éditeurs : topologie du texte, écriture, irréductibilité sémiotique, typographie, carnaval typographique, Physiologie du mariage, Balzac

Mise en ligne 01/11/2017

https://doi.org/10.3917/comla.185.0003

Notes

  • [1]
    Ce travail a fait l’objet d’une première présentation à Lurs dans le cadre des Rencontres internationales de Lure consacrées aux Chemins de faire activer la page blanche en août 2014.
  • [2]
    Décembre Alonnier, Typographes & gens de lettres, Plein Chant, Imprimeur-Éditeur, Bassac, [1864] 2002, p. 15.
  • [3]
    Nathalie Preiss, Les physiologies en France au xixe siècle. Étude historique littéraire et stylistique, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1999.
  • [4]
    Voir la « Notice sur le texte » de la Physiologie du mariage de Balzac par René Guise in La Comédie Humaine, vol. XI, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 1739 sq.
  • [5]
    Emmanuël Souchier, « Histoires de pages et pages d’histoire », in Anne Zali (dir.), L’aventure des écritures, La page, Bibliothèque nationale de France, 1999.
  • [6]
    Dans le vocabulaire de métier, la « matière » typographique ou « fonte » désignait l’alliage de métal (plomb, étain et antimoine) dans lequel étaient fondus les caractères d’imprimerie.
  • [7]
    Un « blanc qui lève » est un caractère blanc qui, mal serré dans sa « forme » typographique, lève sous la pression de la presse et imprime ainsi un petit rectangle noir sur la feuille au lieu de laisser un blanc.
  • [8]
    Une « mise en pâte » est une composition typographique tombée par terre. Eugène Boutmy, Dictionnaire de l’argot typographique suivi d’un Choix de coquilles typographiques curieuses et célèbres, Les Insolites éditeurs, [1883] 1979, p. 90.
  • [9]
    Emmanuël Souchier, « Le texte, objet d’une poïétique sociale », in Yves Jeanneret, Nicolas Meeùs (dir.), Que faisons-nous du texte ?, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 23-33.
  • [10]
    Étienne Bazeries, Les chiffres secrets dévoilés. Étude historique sur les chiffres appuyée de documents inédits tirés des différents dépôts d’archives, Charpentier et Fasquelle, 1901, p. 94. En 1893, le commandant Bazeries cassa le « Grand chiffre » mis en place au xviiie siècle par Antoine Rossignol et son fils Bonaventure pour le compte de la couronne de France.
  • [11]
    Raymond Queneau, Le voyage en Grèce, Gallimard, 1973, p. 80-88.
  • [12]
    Joëlle Gleize, « Pathologie de la vie sociale : une gêne technique à l’égard du fragment », Balzac, l’aventure analytique, sous la dir. de C. Barel-Moisan et C. Couleau, Christian Pirot éditeur, 2009, p. 117-126.
  • [13]
    Sigmund Freud, Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, M. Bonaparte et M. Nathan (trad.), Gallimard, coll. « Idées », n° 198, [1905] 1971.
  • [14]
    Honoré de Balzac, Correspondance, 1809-1825, Roger Pierrot et Hervé Yon éd., Tome 1, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 317.
  • [15]
    Emmanuël Souchier, « L’image du texte. Pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie, 6, 1998, p. 136-146 ; « Formes et pouvoirs de l’énonciation éditoriale », Communication & langages, 154, 2007, p. 23-38.
  • [16]
    Voir notamment le Séminaire général de critique génétique de l’ITEM dirigé par Irène Fenoglio et Nathalie Ferrand, http://www.item.ens.fr et la revue Genesis, Revue internationale de critique génétique aux Presses universitaires de la Sorbonne.
  • [17]
    Almuth Grésillon, Éléments de critique génétique, Lire les manuscrits modernes, PUF, 1994.
  • [18]
    Roger Laufer, Introduction à la textologie. Vérification, établissement, édition des textes, Larousse, coll. « Université », 1972.
  • [19]
    D. F. McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, « Préface » de Roger Chartier, Marc Amfreville (trad.), Éditions du Cercle de la Libraire, 1991.
  • [20]
    Gérard Genette, Seuils, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 1987, p. 10.
  • [21]
    Olivier Fournout, « La matrice relationnelle. Du diatexte à l’anthropologie de la communication », Communication & langages, 162, 2009, p. 29-48.
  • [22]
    Gaetano Volpi, De la fureur de posséder des livres. Diverses Considérations, utiles et nécessaires aux Amateurs de bons Livres, disposées par ordre alphabétique, Gérard Genot (trad. de l’italien), Oulan-Bator Éd., Tripoli, Bessines-sur-Gartempe, 2007, p. 79.
  • [23]
    Henri Fournier, Traité de la typographie, Garnier Frères, [1825] 1904, p. 173.
  • [24]
    Elsa Tadier, « Petite poétique de la lecture. Une pratique créative du compte rendu », Communication & langages, « Spécial Gérard Blanchard », 178, 2013, p. 47-60.
  • [25]
    Michel Foucault. « Des espaces autres (1967), Hétérotopies », Dits et écrits, Gallimard, 2001,p. 1577.
  • [26]
    Emmanuël Souchier, « L’image du texte. Pour une théorie de l’énonciation éditoriale », art. cit., p. 141.
  • [27]
    Emmanuël Souchier, « Quelques remarques sur le sens et la servitude de la typographie – pratiques, discours et imaginaires », Fourteenth EuroTex Conference, Back to typography, 2003, Cahiers Gutenberg, Gutenberg (46-47), avril 2006, p. 67-96 ; « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de l’infra-ordinaire », Communication & langages, 172, 2012, p. 3-19.
  • [28]
    Edmundo Gómez Mango, Un muet dans la langue, Gallimard, coll. « Tracés », 2009.
  • [29]
    Emmanuël Souchier, Lire & écrire : éditer – des manuscrits aux écrans, Habilitation à diriger des recherches, UFR STD, Université Paris 7 - Denis Diderot, 1998, p. 147 sq.
  • [30]
    Balzac, Physiologie du mariage, Édition présentée, établie et annotée par Samuel S. de Sacy, Gallimard, coll. « Folio Classique », n° 1832, p. 413.
  • [31]
    Emmanuël Souchier, Étienne Candel, « Sous le signe de “la main qui faict” », Communication & langages, 178 « Spécial Gérard Blanchard », 2013, p. 201-220.
  • [32]
    Honoré de Balzac, La comédie humaine, XI, Études philosophiques, Édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex, Physiologie du mariage, Texte présenté par Arlette Michel, établi et annoté par René Guise, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 1733. Honoré de Balzac, La Physiologie du mariage pré-originale (1826), Texte inédit présenté par Maurice Bardèche, Librairie E. Droz, 1940.
  • [33]
    Balzac, Physiologie du mariage, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », op. cit., p. 1737.
  • [34]
    Henri Evans, « Notes et éclaircissements », Honoré de Balzac, Physiologie du mariage, Club français du livre, 1967, Tome XII, p. XXXVI.
  • [35]
    Jean-Yves Mollier, « Balzac, Honoré de », Pascal Fouché, Daniel Péchoin, Philippe Schuwer (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Livre, Édition du Cercle de la Librairie, vol. 1, 2002, p. 207.
  • [36]
    Jean-Yves Mollier, « L’imprimerie et la libraire en France dans les années 1825-1830 », Balzac imprimeur et de penseur du livre, Paris-Musées, Edition des Cendres, 1995, p. 34. Sur les jugements des commentateurs, voir notamment Gabriel Hanotaux et Georges Vicaire, La jeunesse de Balzac. Balzac imprimeur. Balzac et Madame de Berny, Nouvelle édition augmentée de la Correspondance de Balzac et de Madame de Berny, Librairie des Amateurs, A. Ferroud, Paris, 1921, p. 91-92.
  • [37]
    Johann Wolfgang von Goethe, Das römische Carnaval, cité par Daniel Fabre, « Le triangle des masques », Le monde à l’envers. Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, MuCEM, Marseille, 2015, p. 148.
  • [38]
    Daniel Fabre, Ibid., p. 149.
  • [39]
    Jacques Roubaud, Poésie, etcetera : ménage, Stock, 1995, p. 77.
  • [40]
    Emmanuël Souchier, Enrique Marin, Sens Orangerie des Musées 2010 – Auxerre Abbaye Saint-Germain 2011, p. 127-137.
  • [41]
    Emmanuël Souchier, « La lettrure à l’écran. Lire & écrire au regard des médias informatisés », Communication & langages, 174, 2012, p. 85-108.
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