Notes
-
[1]
Milad Doueihi, La grande conversion numérique, Paris, Le Seuil, 2011.
-
[2]
Pascal Robert, Mnémotechnologies, pour une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Paris, Hermès, 2010.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Pour une introduction au débat actuel, cf. Roberto Casati, Contre le colonialisme numérique, Paris, Albin Michel, 2013 et Robert Darnton, Apologie du livre, Paris, Gallimard, 2011.
-
[5]
Pascal Robert, « JCR. Licklider et l’informatique de réseau(x) : imaginaire, impensé ou pensée visionnaire », Études de communication, 36, 2011, p. 111-128.
-
[6]
Pascal Robert, L’impensé informatique. Critique du mode d’existence idéologique des TIC, Volume 1 : les années 70-80, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2012.
-
[7]
Pascal Robert, « Esquisse d’une archéologie de l’informatique communicante », in Christophe Masutti et Camille Paloque-Berges (dir.), Histoire et culture du libre, Éditions Framabook, 2013, p. 67-92.
-
[8]
« Un memex, c’est un appareil dans lequel une personne stocke tous ses livres, ses archives et sa correspondance, et qui est mécanisé de façon à permettre la consultation à une vitesse énorme et avec une grande souplesse. Il s’agit d’un supplément agrandi et intime de sa mémoire […] La question du volume est aisément prise en charge par des microfilms améliorés […] Pour feuilleter un livre précis, l’utilisateur tape le code de l’ouvrage sur son clavier et la page de titre apparaît aussitôt devant lui, projetée sur l’un de ses écrans de lecture […] Comme [l’utilisateur] dispose de plusieurs postes de projection, il peut laisser un document en position pendant qu’il en appelle un autre. Il peut également ajouter des notes et des commentaires […] Des formes entièrement nouvelles d’encyclopédies vont apparaître [,…] Ainsi la science peut-elle améliorer la manière dont les hommes produisent, stockent et consultent les dossiers de l’espèce humaine. » Vannevar Bush, source : http://mediateur.free.fr/web/hist_aswemaythink_fr.htm, traduction de Ch. Monnatte.
-
[9]
Théoricien et praticien belge de la documentation, notion et activité qu’il promeut, au-delà du monde traditionnel de la bibliothèque, comme vecteur d’une vision du développement de la science et de la technique contemporaines fondées sur l’article plutôt que le livre et plus globalement sur l’information. L’organisation de la documentation se veut d’emblée internationale et largement portée par une logique associative (cf. note 3). Il se fera également le porte-parole, bien peu écouté, d’une organisation internationale des nations susceptible de gérer les relations internationales et d’éviter la guerre.
-
[10]
Fondé par P. Otlet en 1895, il donnait une dimension véritablement internationale aux travaux d’organisation bibliographique initiés par Otlet avec l’OIB (l’Office international de bibliographie, qui devient un organisme semi-gouvernemental cette même année) et le RBU (Répertoire bibliographique universel, également créé en 1895).
-
[11]
Paul Otlet, « Les sciences bibliographiques et la documentation », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1903, p. 144.
-
[12]
Delphine Gardey, Écrire, calculer, classer, Paris, La Découverte, 2008, p. 158.
-
[13]
Paul Otlet, « La technique et l’avenir du périodique », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1901, p. 179-184.
-
[14]
Pascal Robert, La logique politique des TIC, Bordeaux, PUB, 2005 ; Pascal Robert, Mnémotechnologies, pour une théorie générale critique des technologies intellectuelles, op. cit.
-
[15]
En comptabilité, le feuillet et la fiche sont, de fait, le premier substitut du livre de compte.
-
[16]
Paul Otlet, « La technique et l’avenir du périodique », art. cit., p. 180.
-
[17]
Ibid., p. 181.
-
[18]
Paul Otlet, « Les sciences bibliographiques et la documentation », art. cit.
-
[19]
Otlet Paul, Traité de documentation, Bruxelles, Éditeurs-imprimeurs D. Van Keerberghen et fils, 1934, p. 43.
-
[20]
Ibid.
-
[21]
Pascal Robert, Une théorie sociétale des TIC, Paris, Hermès, 2009.
-
[22]
Paul Otlet, Traité de documentation, op. cit., p. 217.
-
[23]
Ibid., p. 197.
-
[24]
Pour une critique plus approfondie de la notion d’imaginaire, cf. Pascal Robert « L’imaginaire en questions », colloque Ludovia, Imaginaire & promesses du numérique, août 2013.
-
[25]
Pascal Robert, « JCR. Licklider et l’informatique de réseaux », art. cit.
-
[26]
Car il ne peut pas en être autrement sauf à supposer une bien irrationnelle prescience.
-
[27]
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, textes choisis et présentés par Alain Pons, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1986, Vol. II, p. 46-47.
-
[28]
Paul Otlet, « Sur une nouvelle forme du livre, le livre microphotographié », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1907, p. 61.
-
[29]
Ibid., p. 64.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Paul Otlet, Robert Goldschmidt, « Le livre microphotographique », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1911, p. 216-222.
-
[32]
Ibid., p. 220.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Ibid., p. 221.
-
[36]
Frédéric Barbier, Catherine Bertho, Histoire des médias, Paris, Armand Colin, 1996, p. 229-233.
-
[37]
Paul Otlet, Traité de Documentation, op. cit., p. 238.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
Ibid., p. 428.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Françoise Levie, L’homme qui voulait classer le monde, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2006, p. 285.
-
[45]
Cité par Françoise Levie, ibid., p. 280.
-
[46]
Paul Otlet, Traité de documentation, op. cit., p. 415.
-
[47]
Ibid.
-
[48]
Pascal Robert, Une théorie sociétale des TIC, op. cit.
-
[49]
Pascal Robert, Mnémotechnologies, pour une théorie générale critique des technologies intellectuelles, op. cit., p. 359-360.
Introduction
1Notre époque se voit déjà comme celle qui, dans une sorte de saut anthropologique assez vertigineux, va peut-être dépasser le livre, voire s’en passer. Les nouveaux supports informatiques-numériques et la logique des métadonnées semblent, en effet, proposer une rupture avec le monde du livre comme objet singulier à accumuler, cataloguer, indexer et classer. On a pu ainsi louer un « nouvel humanisme », comme une nouvelle Renaissance, en quelque sorte, qui s’inscrirait d’abord dans cette « conversion numérique » [1] qui voit une nouvelle technologie intellectuelle, informatique-numérique, prendre progressivement le pas sur celle, déjà ancienne de quelque cinq siècles, du livre [2]. L’informatique est indubitablement une provocation qui interroge toutes les technologies intellectuelles que l’univers du papier avait produites : nos cartes, nos diagrammes, nos dessins techniques, nos encyclopédies, nos bibliothèques comme (et au premier chef) nos livres [3]. Cette question paraît pleinement actuelle, comme si elle n’avait jamais été posée auparavant, neuve pense-t-on volontiers, aussi neuve que l’informatique-numérique elle-même [4].
2N’est-ce pas quelque peu oublier que, d’une part, notre informatique communicante plonge ses racines dans les années soixante [5], voire cinquante, et que, d’autre part, le mouvement d’inflation de l’information et les réflexions qui l’accompagnent ne datent pas d’hier mais naissent avec la fin du xixe siècle ? Réflexions peut être beaucoup plus vives et puissantes que celles, bien pâles, qui ont cours aujourd’hui. J’ai souligné l’existence d’une posture idéologique qui nous laisse penser que notre informatique et nos TIC inventent un monde radicalement neuf depuis près de cinquante ans, alors que les choses sont sensiblement plus compliquées. Car la mémoire de nos machines à mémoire reste des plus ténues et cette faiblesse participe justement à l’implantation de ce que j’appelle un impensé des TIC [6]. Or, cet article voudrait montrer que la question du dépassement du livre est ancienne et les types de réponses également. Après tout, un Licklider et son procognitive system dans les années soixante, système informatique qui est censé assumer avec plus de souplesse encore les fonctions du livre et de la bibliothèque, ne dit rien d’autre [7]. Le memex [8] que V. Bush présente dans son célèbre article de 1945 (« As we may think ») allait dans le même sens. Et, un P. Otlet [9] (1868-1944), qui va retenir toute notre attention ici, diagnostiquait, dès le début du xxe siècle, la nécessité de créer ce qu’il appelle des « substituts du livre » et d’apporter des solutions à ce problème, concrètes pour les unes (des machines) et pleine d’imagination pour les autres (dans des textes visionnaires). Nous allons revenir sur cette idée d’un dépassement du livre, d’abord avec les réflexions épistémologiques et théoriques d’Otlet, puis avec ses propositions pratiques. Plutôt que de jouer au ventriloque, nous avons préféré lui donner assez largement la parole ou plutôt restituer son texte, trop souvent oublié en France (à la différence des États-Unis ou, bien évidemment, de la Belgique). On ne peut, en effet, en entendre la modernité, comme ses limites, qu’à condition de ne pas l’amputer. Nous avons travaillé essentiellement avec le Traité de documentation (1934) et une série de textes des années 1901-1911 issus du Bulletin de l’IIB (Institut international de bibliographie [10]).
Dépasser le livre : postures épistémologique et théorique de P. Otlet
Dépasser le livre par la souplesse de l’information (la logique des métadonnées et de l’article)
P. Otlet et la science
3Les spécialistes des sciences de l’information le soulignent aujourd’hui : non seulement la science, dure, ne se fait plus avec des livres, mais son atome de base est moins véritablement la revue que l’article lui-même. Cette vision est exactement celle d’un P. Otlet au début du xxe siècle. Car, à ses yeux, le « progrès » de la science ne peut reposer que sur un support dynamique et léger qui permet d’enregistrer le mouvement même de cette science en train de se faire de plus en plus vite. Or, la science est, en quelque sorte, à l’étroit dans le livre au sens traditionnel. Ne reste-t-il pas plutôt statique et lourd, alors que la science, dans son développement même et comme vecteur de ce développement, a besoin d’un support souple, léger, actualisable, évolutif ? C’est la dynamique même de la science qui exige, de fait, l’obsolescence progressive du livre. En effet, explique P. Otlet : « Les anciennes formes du livre ne seront plus maintenues ; elles devront céder sous l’abondance et la variété de la matière. Le renseignement […] sera exposé d’une manière toute analytique ; il sera enregistré sur feuillet ou fiche séparée au lieu d’être confié à des volumes compacts […] [où] disparaît noyée la thèse originale, la proposition nouvelle, l’observation inédite, le résultat important. La réunion des feuillets, classés et ordonnés, formera le “Livre universel” de la science, livre, jamais achevé, s’accroissant sans cesse. » [11]
4D’autant plus que cette science, aux yeux d’Otlet, devient de plus en plus internationale : comment pourrait-elle circuler, dès lors, dans un véhicule encombrant ? Elle revendique un support qui soit en adéquation avec son déploiement bientôt planétaire. Avant de penser le livre ou la revue ou la fiche ou l’article, Otlet pense la science, dans la vision d’une dynamique sociopolitique qui doit s’équiper d’une technique adéquate et, pour partie, moins rejeter que dépasser le livre. Otlet n’est pas bibliophobe, il constate simplement, de manière concrète, pratique, l’inadéquation du véhicule livre à la nouvelle donne scientifique.
Figure 1 : Le schéma de la connaissance selon P. Otlet
Figure 1 : Le schéma de la connaissance selon P. Otlet
(Traité de documentation, 1934)6De nos jours, nous raisonnons peut-être plus en termes de connaissance que de science, mais la problématique reste, au fond, la même : c’est l’inflation des connaissances et de l’information disponibles sur internet qui suscite l’idée de la nécessité, pratique, là encore, de nous « délivrer », de sortir, même en sciences sociales, de la seule logique du livre. Opportunité prétendent certains, risque disent les autres.
P. Otlet, la fiche et l’article
7S’il en va d’une obsolescence du livre, c’est que ce dernier est, de fait, déjà dépassé dans sa propre inflation : on ne peut plus se contenter d’accumuler les livres, nous dit Otlet, il faut les arraisonner, les plier à la raison de la fiche afin de condenser, par catalogage, les informations qui permettent de les classer et de les retrouver. Car c’est bien la pléthore des livres qui exige de pouvoir la maîtriser par cette forme d’un « dépassement » qui n’est pas encore un substitut, mais une « méta-donnée » qui permet d’en gérer le très grand nombre. Cette information vient s’agréger dans des fiches dont le nombre, bientôt très grand également, doit être maîtrisé par leur classement dans un répertoire. Un Répertoire bibliographique universel (RBU) car, nous l’avons vu, la vision de la science que développe P. Otlet est d’emblée mondiale et couvre toutes les disciplines. Un RBU qui atteindra quelque 16 millions de fiches dans les années trente. Certes, le RBU et la fiche ne sont pas des substituts du livre, mais ils en relativisent nettement la place, puisqu’ils s’imposent, aux yeux d’Otlet, comme l’indispensable médiation qui lui donnent accès : à quoi sert d’accumuler les livres si l’on ne sait ni les repérer, ni les retrouver pratiquement ?
8Cette promotion de la fiche par P. Otlet et son ami H. Lafontaine (« le principe de la fiche nous enchantait », aimait-il à souligner) s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus général de valorisation de la fiche. C’est ainsi que dès le dernier tiers du xixe siècle, la firme fondée par M. Dewey (l’inventeur de la classification décimale) crée le card index, le premier système de fiches commercialisé aux États-Unis [12].
9Mais la fiche ne servira pas seulement à enregistrer une information sur le livre ou l’article, car Otlet avance volontiers que « de même que le livre (feuillets pliés et ligaturés) a remplacé le volumen (simple rouleau de papier), de même la fiche remplacera le livre. La revue deviendra une collection de documents, d’articles, de notes, de renseignements qui seront imprimés seulement sur le recto des pages, le verso restant blanc. Il sera loisible dès lors de donner aux matières toute autre distribution, car on disposera de revues à découper ou de revues sur feuilles ou fiches. Chaque élément portera son numéro bibliographique, il deviendra possible de réunir ces éléments séparés dans des classeurs appropriés selon un ordre méthodique parfait. » [13]
10En attendant ce lendemain, souple au possible, Otlet pense que l’avenir de la connaissance est lié, dans les domaines scientifiques, et déjà dans le domaine juridique (il est juriste de formation), surtout à l’article. La revue et l’article sont à ses yeux l’avenir de la science, car la science de l’avenir, encore plus que celle d’aujourd’hui (en ce début du xxe siècle) va se développer dans une puissante dynamique dont le livre ne pourra plus assumer ce que l’on peut appeler la logistique [14]. L’article, en ce sens, est de facto le premier substitut du livre [15] : il lui vole la place dans l’économie pratique, cognitive et éditoriale de la science. En effet, Otlet souligne que « la revue, en recueillant, en groupant et en classant tous les faits et renseignements de chaque ordre, deviendra une encyclopédie permanente de la spécialité qui fera son objet. Elle deviendra nécessairement plus volumineuse qu’aujourd’hui, mais l’inconvénient sera nul. Sa périodicité, en effet, deviendra plus fréquente à mesure que croîtra le besoin d’être rapidement informé. Les progrès du machinisme et le grand tirage diminueront les frais de rédaction, d’impression et de distribution. […] Le Progrès médical […], la Gazette des tribunaux, l’Iron and Coal Review […] la Deutsche Rundschau, par exemple, sont les avant-coureurs de ces transformations futures. » [16]
11La revue va devenir une sorte de moule préformaté dans lequel devra se glisser le travail scientifique. En effet, « dans les revues techniques et scientifiques, la précision deviendra la qualité recherchée. Les rédactions devront être conformes à certaines règles fondamentales d’ordre, de clarté et de concision. Les articles seront des espèces de formules dont les cadres, préparés d’avance par les directeurs du recueil, seront remplis par les auteurs, et les articles eux-mêmes n’arriveront plus aux rédactions selon les hasards du moment, mais, à l’avenir, ils seront de plus en plus sollicités et écrits sur commande. » [17] En ce sens, la revue participe à sa manière du mouvement de rationalisation mis en évidence dès le début du xxe siècle par le sociologue allemand Max Weber.
12Si le temps est encore à la synthèse livresque [18], l’avenir appartient à la fiche, à l’article et au dossier ; c’est dire que, comme aujourd’hui avec Internet, c’est la logique du fragment qui va dominer. L’encyclopédie, par exemple, nous le verrons, n’aura plus à rentrer dans la forme, étroite pour elle, du livre, mais à se déployer dans celle, beaucoup plus souple, des tableaux, dossiers de presse et autres synoptiques.
Dépasser le livre par ses multiples substituts (la logique des nouveaux – et parfois anciens – supports)
P. Otlet et la théorie du biblion
13P. Otlet a développé une véritable théorie du biblion, terme générique qui renvoie à l’entité abstraite, le géométral dirait M. Serres, dont chaque technique n’est qu’une déclinaison. Autrement dit, chaque technique n’est que l’incarnation momentanée et singulière dans son occurrence (et donc toujours dépassable ?) du biblion.
14Les documents peuvent alors, selon Otlet, faire l’objet d’un regroupement sous cette catégorie globale déclinée en différentes « espèces » : « volumes, brochures, revues, articles, cartes, diagrammes, photographies, estampes, brevets, statistiques, voire même disques phonographiques, verres ou films cinématographiques » [19]. Il souligne que ce « biblion sera pour nous l’unité intellectuelle et abstraite mais que l’on peut retrouver concrètement et réellement, mais revêtue de modalités diverses » [20].
15Il faut distinguer les substituts au sens étroit, tels qu’ils sont donnés par Otlet dans le Traité de documentation (1934), et les substituts au sens large, tels que nous les entendons ici, y compris donc les avatars du biblion. Dans une diversité assez étonnante, à la section 243 du Traité de documentation, P. Otlet propose de regrouper au sein de la catégorie « substituts du livre » à la fois des objets de démonstration (comme les maquettes), les disques, les films, la télévision, la radio ainsi que les spectacles et les arts. On peut tout aussi bien considérer que les différentes formes du biblion (qui recoupent d’ailleurs une partie des objets listés ci-dessus – photographies, films et disques) participent de ces substituts du livre.
16En ce sens, ce qu’il appelle des substituts sont moins, à vrai dire, de véritables substituts censés prendre la place, que d’autres solutions, nouvelles, qui, d’une certaine manière, vont s’avérer, dans certaines circonstances, plus efficaces. Il y a ainsi une véritable pensée de la technique chez Otlet dont les SIC ne peuvent que gagner à s’inspirer. En effet, Otlet en vient à proposer une catégorie spécifique qui lui permet de dire la technique autrement qu’à travers le seul vocabulaire de la technique : il ne s’agit pas de dire, ici, le livre à travers le jargon de l’édition ou de l’imprimerie (ce qu’il sait faire par ailleurs) ; il ne s’agit pas plus de dire la photographie à travers ses notions propres seulement. Comme si adhérer à ce vocabulaire nous enfonçait dans la seule technique, sans distance. Comme si cela rendait singulièrement difficile la possibilité même de s’en extraire et de la mettre en perspective par rapport à la société elle-même, aux problèmes qui se posent à cette société – en l’occurrence gérer une information déjà pléthorique en matière scientifique, juridique ou gestionnaire. Comme si s’arrêter à ce vocabulaire spécialisé empêchait de dire quelque chose qui dépasse chacune de ces techniques et de voir ce qui les rapproche malgré leurs différences.
17Ce que propose Otlet est une pensée de l’hétérogène : ce qu’il rassemble, ce sont effectivement des techniques qui, techniquement et même culturellement, ne peuvent ni ne doivent se confondre. Le livre a son histoire, riche et longue, qu’il ne partage en rien avec celle, plus récente, de la photographie. Le livre est un objet bien identifié à l’époque et relativement stable, à quelques rares visions près, dont celle d’Otlet. Les lignées techniques, les métiers, etc. sont radicalement séparés. Le geste que pratique Otlet est donc absolument subversif. Car pour penser l’hétérogène, il faut mettre en équivalence le différent : article, brochure, livre, photographie, cinéma, télévision, etc. subissent une opération de rapprochement qui crée une sorte d’isotopie, un espace commun où tous peuvent se tenir à bon droit, c’est-à-dire sans qu’aucun ne prétende dire que sa propre loi serait au-dessus de celle des autres. Cette mise en équivalence ne signifie pour autant aucunement que l’on doive rabattre ces techniques les unes sur les autres. Au contraire, elle les réunit sur un même plan parce qu’elles sont différentes et en maintenant cette différence. Car c’est elle qui est productive : Otlet ne pense pas, justement, que, par exemple, le livre dans sa forme traditionnelle doive dominer et s’imposer comme un modèle indépassable (même s’il reste effectivement une aune incontournable). Il est un vecteur de l’information-communication parmi d’autres, nous dit-il. Il n’est pas là en position centrale pour les évaluer et encore moins les absorber. Il est certes une référence, mais qui, en tant que telle, permet de positionner les autres supports comme différence, c’est-à-dire dotés de qualités et de propriétés singulières que le livre ne possède pas ou peu. Ces techniques ne doivent justement pas être confondues, mais bien comprises dans leurs spécificités tout en faisant l’objet de ce rassemblement dans un même espace d’équivalence.
La théorie du biblion comme théorie de l’information et de la communication
18Il s’avère donc possible de faire une interprétation de la pensée d’Otlet qui mobilise la posture épistémologique que j’ai défendue pour les SIC dans mon HDR, celle du modèle CRITIC [21] : penser l’hétérogénéité des dispositifs d’information-communication grâce à une mise en équivalence qui n’écrase pas leurs propriétés singulières et autorise la comparaison. Il faut pour cela instaurer un espace ou un plan d’équivalence au centre duquel on place une fonction macro-sociétale que chaque technique décline à sa façon. Otlet, de même, crée de facto un tel espace, mais il ne le qualifie pas ainsi. C’est mon interprétation qui le fait. De même, Otlet ne dit pas qu’il pose l’information-communication au centre, car il s’agit à ses yeux de la classe globale qui accueille l’ensemble de ces techniques (« la documentation n’est qu’une des branches d’une classe plus générale : les moyens d’information et de communication » [22]). Mais le traduire ainsi n’est pour autant en rien aberrant. Voilà pourquoi je propose volontiers cette figure d’interprétation de la thèse d’Otlet à l’aune de mon propre schéma :
Figure 2 : Figure d’interprétation de la thèse d’Otlet
Figure 2 : Figure d’interprétation de la thèse d’Otlet
20Je suis arrivé à une démarche similaire dans ma propre proposition de penser l’informatique comme automatique de l’information, qui peut être incarnée soit, au xixe siècle, par le projet de Babbage ou les machines de H. Hollerith (la mécanographie) et les machines de bureau, au xxe siècle, par les machines analogiques de l’entre-deux-guerres comme les premiers ordinateurs qui suivent l’architecture de Von Neumann ou nos ordinateurs actuels [23].
Figure 3 : Les différentes concrétisations techniques de l’automatique de l’information (les informatiques, au centre) aux xixe et xxe siècles, à l’aune du modèle CRITIC.
Figure 3 : Les différentes concrétisations techniques de l’automatique de l’information (les informatiques, au centre) aux xixe et xxe siècles, à l’aune du modèle CRITIC.
22Dans les deux cas, il s’agit de distinguer ce qui relève du principe, le biblion ou l’informatique (comme automatique de l’information), de ses différentes incarnations techniques, hétérogènes et dont il ne s’agit justement pas de nier l’hétérogénéité. Car il s’agit de reconnaître que, malgré cette hétérogénéité, ces dernières peuvent néanmoins participer toutes à la gestion de la question du traitement, de l’enregistrement et de la circulation de l’information-communication, mais chacune avec ses qualités et propriétés singulières. Corollaire, notre informatique sera dépassée exactement comme le livre l’est dans la pensée et la pratique de P. Otlet. Ce qui ne signifie ni la fin du livre ni la fin de nos ordinateurs…
Dépasser le livre : projets et réalisations pratiques de P. Otlet
23À mon sens, la pensée d’Otlet ne doit pas forcément être subsumée sous la catégorie d’imaginaire sous prétexte qu’une partie de ce qu’il propose relève de l’imagination [24]. J’ai montré ailleurs que l’on ne gagnait rien à qualifier d’imaginaire la pensée, forte, de JCR Licklider sur les réseaux [25]. Je lui ai préféré la notion, plus neutre, de vision. Car ce n’est pas forcément l’imaginaire d’une société qui est ainsi mis en scène, mais, de manière plus restrictive, une représentation synthétique, cohérente et puissante d’éléments certes présents dans la société dans laquelle ils évoluent, mais sur le mode épars et sous la forme de signaux encore faibles, largement ignorés de la grande presse et plus encore de monsieur tout le monde. Vision qui permet de dire à la fois cette capacité d’agrégation, d’amplification et de prospective portée par un discours construit ; alors qu’un imaginaire social ne peut être qu’une résonance, déjà largement partagée et donc plutôt ancienne, plus émotionnelle que rationnelle. Cette vision autorise un embrayage sur le réel, qui va l’incarner dans tel ou tel dispositif technique concret, alors qu’un imaginaire ne peut que rester abstrait ou se trahir à se réaliser. D’ailleurs, P. Otlet va souvent donner à voir graphiquement les déclinaisons précises des dispositifs techniques de cette vision. Car sa pensée est aussi une pensée visuelle et sa pédagogie une pédagogie de l’image, notamment sous forme de schémas et de tableaux (c’est ce qui fait aussi, nous le verrons, la singularité de son projet encyclopédique). Les illustrations de cet article en sont des exemples.
Prospective et anticipation
24Lorsque j’ai travaillé sur Licklider, je n’ai pas cherché à qualifier comment sa vision prenait une dimension prospective. Otlet nous offre, à cet égard, deux directions d’investigation :
- d’une part, sa vision est prospective parce qu’elle avance des projets de solutions techniques, conjuguant dispositif technique et organisation (à l’instar du RBU) ou de machines qui vont donner lieu à des productions originales (comme le livre microphotographié), à des reprises de techniques existantes, mais dont on envisage des usages futurs ou des techniques radicalement neuves, fruit de son imagination (caractéristique individuelle, à ne pas confondre avec un imaginaire, toujours social), comme ses dispositifs de gestion de l’information du futur.
- Dans le premier cas, la vision est équipée techniquement par P. Otlet et R. Goldschmidt. Ils s’investissent directement dans le passage (le durcissement dirait B. Latour) du discours à la réalisation concrète.
- Dans le deuxième cas, Otlet n’invente rien, mais se saisit de l’existant pour réfléchir à l’apport d’une technique (la télévision par exemple) à la question qui l’occupe, qui est celle de la transmission de la connaissance grâce à des outils performants.
- Dans le troisième cas, il projette – il jette en avant – sa propre réflexion sur les supports d’enregistrement, de traitement, de circulation et d’accès à l’information comme vecteur de la connaissance et renverse les contraintes qui s’exercent : les réseaux ne sont pas suffisamment intégrés et sont lents, l’accès à l’information reste le goulet d’étranglement fondamental, que ce soit dans son repérage – d’où le RBU – ou dans l’interaction avec le document, d’où, nous le verrons, les solutions en réseaux et multi-écrans qu’Otlet dessine.
- D’autre part, sa vision est prospective parce qu’elle fonctionne par anticipation. Or, comment définir un critère clair de ce que peut être une « anticipation » ? On a tendance à supposer aujourd’hui que la question est en soi inutile, puisqu’elle ne peut que tomber dans le jugement a posteriori : il s’agirait alors de mesurer l’écart qui sépare ce qui était envisagé de ce qui est arrivé, ce qui n’apporte rien ou confine à l’anachronisme. Bref, l’exercice se disqualifie lui-même. S’il s’agit de faire de l’histoire, la méthode ne peut être, effectivement, que mauvaise… mais dans une approche plus sociologique, elle possède encore un sens, me semble-t-il. Car le critère n’est plus, dès lors, celui de la vérité – parce que l’on aurait prévu ce qui allait réellement advenir –, mais celui du ressenti subjectif d’une adéquation : autrement dit, il y aurait anticipation dès lors que, lisant la présentation d’une technique d’un futur possible écrit voilà longtemps, on ne puisse pas ne pas la lire à travers la technologie actuelle, c’est-à-dire que l’on doive faire un effort pour ne pas la projeter dans le texte, alors que, par définition, le texte parle toujours d’autre chose [26]. Il convient donc de renverser la perspective et de considérer que le texte qu’on lit et dans lequel l’on ne reconnaît absolument pas le monde (ultérieur) dans lequel on se situe n’est pas une anticipation. À l’inverse, et malgré l’écart technique explicite, si l’on éprouve le plus grand mal à ne pas confondre les deux phénomènes, alors on se trouve dans une logique d’anticipation. La fin de cet article va donc fonctionner également comme un test : si, lisant les derniers extraits des textes de P. Otlet, le lecteur peut aisément ne pas rapporter ce qu’il lit à un système technique précis, il pourra lui-même conclure que P. Otlet n’a rien anticipé. Si, au contraire, il éprouve le plus grand mal à ne pas lire ces textes à travers ce qu’il connaît, alors il commettra le péché d’anachronisme et la pensée de P. Otlet pourra effectivement être considérée comme possédant une indéniable force d’anticipation, un véritable effet d’anticipation. Dernier renversement : cette force vient du texte lui-même, de sa capacité d’interpellation (par la cohérence de sa vision) et non de la technique actuelle (qui ne peut que la révéler et non la produire)… où nous sommes, alors, dans tout autre chose qu’un simple anachronisme : un phénomène socio-technique que la notion d’anticipation, telle que je viens de la présenter, permet de discerner et de qualifier.
Les dispositifs techniques du travail intellectuel
26Nous allons quelque peu nous attarder sur trois exemples de dispositifs techniques du travail intellectuel sur lesquels Otlet s’est penché : soit très concrètement (l’encyclopédie), soit comme projet de conception (le livre microphotographié) ou comme vision (les systèmes d’information à distance).
L’encyclopédie revisitée
27Déjà Diderot et D’Alembert soulignent qu’« une Encyclopédie […] doit être commencée, continuée et finie dans un certain intervalle de temps », alors même qu’ils ne manquent pas de remarquer : « quelle diversité ne s’introduit pas tous les jours dans la langue des arts, dans les machines et dans les manœuvres ? » [27]. C’est un livre, monumental, qui accueille ce projet d’encyclopédie ; un livre lourd à manipuler, encore plus long à actualiser. Un livre auquel les renvois vont rendre un peu de souplesse et une sorte de dynamique interne. Mais ce livre ne permet pas de gérer le paradoxe, la tension entre le fini et l’ouvert, entre le monument et le chantier. On va chercher des solutions moins rigides, avec l’encyclopédie thématique de Panckoucke ou, en ce début du xxe siècle, avec un P. Otlet dont les réflexions entrent en écho avec celles de ses contemporains P. Geddes et O. Neurath sur la nécessité de rendre plus facile l’accès à la connaissance.
28Nous allons voir que P. Otlet possède une vision très large de l’encyclopédie comme support ou plutôt ensemble de supports dont le livre n’est définitivement plus le noyau dur, mais bien les dossiers, répertoires et fichiers. La section 422.3 du Traité de documentation est dévolue à l’encyclopédie. Aux yeux de P. Otlet, ce qu’il appelle « l’œuvre encyclopédique » se décline aux travers de « cinq grandes formes » :
- « 1° [les] Dossiers encyclopédiques documentaires : ils sont formés de parties de documents, d’extraits de publications, sans transformation ni altération ; on y insère aussi les petits imprimés ne pouvant prendre place dans la Bibliothèque. » Autrement dit, l’encyclopédie n’est pas seulement une réécriture de la connaissance, mais une mise en scène qui rend visible et accessible une information-source non modifiée.
- « 2° [les] Répertoires encyclopédiques […]. » En 422.32, Otlet précise que « l’encyclopédie est formée avec des Répertoires de faits sur fiches. Ces répertoires se rapportent soit aux questions, choses, objets, produits, soit aux pays, soit à 1’historique, soit aux personnes et aux organismes. Ils sont disposés d’après les divers ordres fondamentaux de classification systématique (matière), historique (date), géographique (lieu). » Ces répertoires renvoient, avant la lettre, à une logique de bases de données.
- « 3° [les] Feuilles ou fiches encyclopédiques. » Elles sont publiées directement en vue d’être utilisées dans les dossiers organisés.
- « 4° [l’] Atlas encyclopédique. II est formé de tableaus (sic) présentant les éléments essentiels. » Car les connaissances prennent en quelque sorte un relief singulier dans leur organisation-présentation synthétique selon une logique de schémas, de cartes, de synoptiques et de diagrammes.
- « [enfin] 5° [la] Codification encyclopédique. Œuvre ultime de la documentation, elle a pour objet de condenser, généraliser, synthétiser les données des connaissances et des activités. » Il ajoute en 432.35 que « les données elles-mêmes sont bien distinctes des documents dans lesquels ils sont relatés (sic). Il s’agit d’organiser systématiquement des ensembles de ces faits et données. Pour chacun de leur ordre est établie une notice systématique type déterminant : 1. les éléments qui sont à relever pour chaque catégorie des faits ; 2. le mode selon lequel il y a lieu de les disposer sur la notice (Règles documentaires). » Découplage, en définitive très actuel, entre le fond, les catégories, les types d’information qui la constitue et leur mise en scène qui, semble-t-il, peut varier selon le mode retenu.
30Enfin, comme la science devient universalité, l’encyclopédie, si elle « peut être réalisée fragmentairement et par parties », doit tendre elle aussi, dès cette époque pourtant troublée (et peut-être d’autant plus), à une véritable universalité. Celle-ci sera atteinte grâce au développement d’un « Réseau Universel de la Documentation [auquel] Le nom d’ “Encyclopædia Universalis” […] serait réservé. »
Le livre microphotographié
31La photographie, ici, est moins un document en soi, qu’un document de deuxième degré qui vient enregistrer un document de premier degré, « homothétique » comme l’on dit aujourd’hui. En ce sens, s’il y a substitut au livre c’est comme moyen de conservation et de diffusion. La fonction en est similaire à celle de la numérisation de nos jours : gagner en espace, en vitesse d’accès, en coûts de reproduction et de diffusion.
32Dès 1907, P. Otlet propose « […] une nouvelle forme du livre, le livre microphotographié ». C’est l’occasion pour lui de satisfaire son intérêt pour les technologies nouvelles et d’en envisager l’utilité comme nouvel outil du travail intellectuel. C’est pourquoi il souligne que, « en ce qui concerne la forme externe, le Livre – qui a été successivement taillé dans la pierre, cuit dans la brique, peint sur le papyrus, manuscrit sur le parchemin, gravé sur le bois, typographié et lithographié sur le papier – le Livre tend de nos jours à prendre la forme photographique. Jusqu’ici cette transformation a porté sur la partie illustrative du livre. Cette limitation à l’image n’est pas justifiée. La transformation est susceptible de s’étendre jusqu’au texte lui-même ». [28] Car le livre possède d’indéniables défauts auxquels « […] une forme nouvelle du Livre [va permettre] […] de [répondre en] produi[sant] à l’avenir des livres : 1° De faible poids et de volume réduit ; 2° De dimensions uniformes ; 3° De substance inaltérable ; 4° De prix modique ; 5° De conservation facile ; 6° De consultation aisée ; 7° De production continue, c’est-à-dire dont les exemplaires ou duplicata puissent être confectionnés au fur et à mesure de la demande » [29]. La photographie apparaît justement comme « […] une solution au problème ainsi posé ». Car, « avec […] un livre microphotographique, […] il serait possible de reproduire en très petite dimension toute page d’un livre, tout document imagé quelconque sur l’une des très petites plaques sensibles successives dont est constitué un rouleau cinématographique. Au moment de la lecture, ces plaques seraient ensuite présentées devant un appareil d’agrandissement » [30]. Aujourd’hui, le e-book n’est-il pas la technique qui semble correspondre le mieux aux critères posés par Otlet voilà plus d’un siècle ? Ce qui dit beaucoup sur la pertinence de ces critères, quand bien même le e-book est encore loin d’être inaltérable. Car, à assimiler fonctionnellement le septième point au téléchargement, tous les critères se révèlent encore actuels, notamment la dimension uniforme, sauf l’inaltérabilité, qui est peut-être le plus « utopique ». Nous voilà, encore une fois, dans une manière de penser la technique qui la détache de telle ou telle incarnation technologique. Cet accès aux principes permet à la pensée d’Otlet de tenir même dans l’exercice d’une « résurgence » ici quelque peu sollicitée par nos soins.
Figure 4 : Une sorte de station de travail encyclopédique imaginée par Otlet
Figure 4 : Une sorte de station de travail encyclopédique imaginée par Otlet
la mondothèque34Quelques années plus tard [31], et en collaboration avec l’ingénieur, belge lui aussi, Robert Goldschmidt, P. Otlet présente les principes de conception d’une machine qui « […] peut être utilisé[e] pour les usages suivants : 1. La lecture du document projeté en grandeur naturelle sur une tablette horizontale disposée comme une table à lire ; 2. Le calque des documents […] ; 3. La réduction ou l’agrandissement, à volonté, de l’image à lire ou à calquer en rapprochant ou en éloignant la surface sur laquelle elle est projetée ; 4. La récupération de l’image agrandie ou de l’image réduite sur photogramme […] ; [enfin, il envisage une sorte d’équivalent fonctionnel d’un Powerpoint avant la lettre, dans la lignée des lanternes magiques, avec] 5. La projection murale du document : il suffit de faire pivoter l’appareil et de braquer l’objectif sur une toile ou sur un mur […] » [32]. Cet appareil, ils le nomment « bibliophote », précisant que « les deux notions essentielles qu’il combine se trouvent ainsi dénommées : le Livre au sens large du mot, comprenant tous les documents graphiques et la Photographie, qui demeure à la base du procédé » [33]. Cette machine à lire va, à leurs yeux, quelque peu transformer les « […] fonctions de la conservation et du prêt sur place, [puisque les « Bibliothèques et offices de documentation »] […] ajouteront à l’avenir celles de leur reproduction : des copies fournies à volonté constituent en réalité un mode d’édition » [34]. Enfin, promoteur de la logique de la standardisation dans le domaine de la documentation, P. Otlet ne manque pas d’indiquer que « les bibliofilms auront tous le même format de manière à les utiliser sur tous les appareils et à les conserver en série ; ils porteront toutes les indications nécessaires à leur identification : titre ou sujet, origine, date du document ; ils porteront un indice de classification destiné à leur placement dans les collections » [35].
Prospective et anticipation des systèmes d’information à distance
35La vision d’Otlet est également prospective. Une prospective toujours informée des dernières nouveautés technologiques dont Otlet pousse la logique à la limite. C’est le cas avec la télévision et surtout les réseaux de connaissance à distance.
La télévision
36La télévision connaît en ce début des années trente ses premiers balbutiements [36]. Otlet la définit dans le Traité de documentation comme « la transmission des images à distance » [37]. Cette télévision n’est pas l’outil du divertissement, ou alors d’un divertissement cultivé (théâtre par exemple), elle est surtout un moyen de diffusion de la culture et de la science. Ainsi, « des scènes vivantes d’aspect seront reproduites en même temps à des millions d’exemplaires sur des dispositifs qui permettront au public d’obtenir la sensation de voir, suivant nature, se dérouler l’action des acteurs les plus distingués ou les panoramas les plus lointains […] » [38]. Il ajoute qu’il « sera possible alors de pouvoir assister d’un fauteuil de spectacle ou même de chez soi […] à l’exécution d’après nature de travaux et d’expériences les plus inédits qui permettront de développer l’esprit de l’homme et de le mettre au courant de tous les progrès de l’esprit humain » [39]. La télévision peut ainsi concurrencer le livre comme outil d’accès à la connaissance. Elle offre également une transformation radicale de l’accès à distance à la culture en exportant le livre hors de la bibliothèque grâce à un système de télécommunication : le livre n’est pas déplacé, mais peut être lu à distance puisque P. Otlet va même jusqu’à « […] imaginer le télescope électrique, permettant de lire de chez soi des livres exposés dans la salle “teleg” des grandes bibliothèques aux pages demandées d’avance. Ce sera le livre téléphoté » [40]. Remarquons qu’une telle perspective a moins été assumée par la télévision (à la vulgarisation scientifique près, à l’image d’une émission – rare pour le moins – comme C’est pas sorcier en France) que par internet, et bien plus tard, sans qu’elle soit, loin de là, dominante.
Anticiper internet ?
La station de travail
37Toujours dans son maître-ouvrage de 1934, P. Otlet propose ce que l’on peut appeler un système d’information à distance, qui vient pratiquement se substituer au livre comme interface. En effet, avance-t-il, « ici, la table de travail n’est plus chargée d’aucun livre. À leur place se dresse un écran et à portée un téléphone. Là-bas au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les renseignements […]. De là, on fait apparaître sur l’écran la page à lire pour connaître la question posée par téléphone, avec ou sans fil. » [41] Système de télécommunication (Otlet utilise le mot inventé par E. Estaunié en 1904) étonnament proche de ce que nous connaissons aujourd’hui dans son principe de questions-réponses à distance, à la centralisation près cependant.
38Ce système est également une anticipation de la logique, sinon d’une sorte d’hypertexte, à tout le moins d’un lien automatisé d’accès aux documents et de leur mise en scène sous forme d’un multi-fenêtrage. Car « un écran serait double, quadruple ou décuple s’il s’agissait de multiplier les textes et les documents à confronter simultanément ; il y aurait un haut-parleur si la vue devait être aidée par une donnée ouïe, si la vision devait être complétée par une audition […]. Et ce perfectionnement pourrait aller peut-être jusqu’à rendre automatique l’appel des documents sur l’écran. » [42] Il souligne qu’« une telle hypothèse, un Wells certes l’aimerait. Utopique aujourd’hui parce qu’elle n’existe encore nulle part, mais elle pourrait bien devenir la réalité demain […]. » [43]
Le réseau
39Les premières réflexions sur les réseaux de connaissance ont émergé dès les années 1930. H. G. Wells défendait ainsi la conception d’une encyclopédie mondiale qui pourrait « s’étendre comme un réseau nerveux, reliant tous les travailleurs intellectuels du monde à travers un intérêt et un mode d’expression communs vers une unité coopérante et de plus en plus consciente » [44]. De son côté, P. Otlet rêvait, dans son livre intitulé Monde publié en 1935, d’une « instrumentation agissant à distance qui combinerait à la fois la radio, les rayons Röntgen, le cinéma et la photographie microscopique. Toutes les choses de l’univers, et toutes celles de l’homme seraient enregistrées à distance à mesure qu’elles se produiraient. Ainsi, serait établie l’image mouvante du monde, sa mémoire, son véritable double » [45]. Vers la fin du Traité de documentation, Otlet appelle à la création d’un « réseau universel de documentation » : « Ce réseau, de quelque manière que ce soit, doit relier les uns aux autres les centres producteurs, distributeurs, utilisateurs, de toute spécialisation et de tout lieu. Il s’agit pratiquement que tout producteur ayant quelque donnée à faire connaître, quelque proposition à présenter ou à défendre – tout utilisateur ayant quelque information à recueillir pour avancer son travail théorique ou pratique – toute personne enfin puisse au moindre effort et avec un maximum de sûreté et d’abondance, entrer en possession de ce qui lui est offert. » [46] Les chantres d’un internet de l’intelligence collective et de l’échange, qui croient dans les vertus d’un réseau horizontal où peuvent se rencontrer une offre non commerciale et une demande qui échapperait aux industries culturelles, peuvent être tentés de se reconnaître dans un tel texte. Cependant, la vision d’Otlet reste dominée par une structure globalement articulée car « le réseau universel sera organiquement et hiérarchiquement organisé » du local au mondial, entre organismes publics et privés (associations nationales et internationales), quand bien même il insiste sur la nécessité pour eux de coopérer « à tous les degrés et dans tous les sens » [47]. Ce sont des organismes qui font réseau, pas des particuliers.
Figure 5 : « Documentation et télécommunication » selon P. Otlet
Figure 5 : « Documentation et télécommunication » selon P. Otlet
41Il est pour le moins difficile de ne pas être tenté d’interpréter ces visions de la station de travail et du réseau comme des anticipations d’Internet au sens que nous avons défini dans cet article. Et encore une fois, la qualité de la cohérence de cette vision, portée tant par le texte que l’image (cf. plus bas), n’y est pas pour rien. Cependant, s’il faut reconnaître scientifiquement toute sa place et sa légitimité comme fait social à l’effet d’anticipation, il convient tout autant de se garder d’y voir une proposition d’analyse qui supposerait scientifiquement pertinent de rabattre directement Otlet sur internet ou internet sur Otlet. Dans le premier cas, le raccourci produit un effet pour le moins surprenant, une sorte de collision temporelle assez fascinante mais fausse puisqu’il ne s’agit pas, à nos yeux, de confondre l’effet d’anticipation avec ce qui serait une véritable prédiction. Dans le deuxième cas, on commet un anachronisme qui sur-sollicite la vision d’Otlet dans une sur-interprétation. Dès lors, la question devient : comment produire une analyse qui ne renie pas l’effet d’anticipation sans y sombrer néanmoins ? En introduisant un tiers, en l’occurrence une équivalence fonctionnelle, qui n’est en rien une identité. Autrement dit, on ne replie pas directement Otlet sur internet ni l’inverse d’ailleurs. En revanche, il est possible de les rapporter chacun à une fonction qui assure la médiation entre les deux. En l’occurrence, il s’agit d’une fonction complexe de mémorisation-traitement et interface-circulation de l’information (et les quatre sont liés) qui peut faire l’objet d’une mise en scène à travers la vision de la station de travail et du réseau d’Otlet comme par le truchement d’internet aujourd’hui. C’est ce qu’ils partagent – ce renvoi à une même fonction – qui les rapproche et crée les conditions de possibilité de l’effet d’anticipation (et même de cohérence de la vision d’Otlet, structurée par la fonction). Ce qui n’enlève rien à ce qui les sépare, car le dispositif d’Otlet reste techniquement différent du dispositif d’internet. On retrouve, en effet, des deux côtés de la mémoire, mais centralisée, sous forme de livres et documents chez Otlet, du traitement, opéré par synthèses et questions-réponses chez l’un comme chez l’autre, des interfaces, par écrans parfois multiples et automatisés, voire par l’audition chez Otlet comme sur internet, et enfin de la circulation, mais par télécommunication entre organisations chez notre auteur et non par une logique informatique accessible à monsieur-tout-le-monde telle que l’offre internet. La fonction agit, dès lors, comme une aune commune, elle autorise un échange réglé de l’un à l’autre, mais sans jamais les confondre pour autant. Le raisonnement que nous venons de mener n’est qu’une application d’un autre volet du modèle CRITIC que nous avons développé dans notre Théorie sociétale des TIC [48]. Il permet de rendre pleinement sa force d’anticipation prospective à la vision de P. Otlet, sans toutefois lui supposer une mystérieuse aptitude prédictive. Il permet également d’éviter de croire expliquer quoi que ce soit en repliant Otlet sur internet alors même que c’est ce repli qui est à expliquer.
Conclusion
42P. Otlet insiste sur un point : quel que soit le substitut, il s’agit toujours du Livre. Ce n’est pas par hasard qu’il nomme d’ailleurs ce géométral un biblion, car le livre reste en quelque sorte le modèle, peut être quelque part sinon indépassable, du moins difficile à dépasser. D’ailleurs son grand livre, à tous les sens du mot, de 1934, son Traité de documentation, rassemble dans une extraordinaire synthèse sa pensée sur la documentation, qui, en tant que telle et dans le mot lui-même, est un manifeste en faveur d’une information déprise du livre… mais paradoxalement, ce manifeste prend lui-même la forme d’un livre – n’est-il pas sous-titré Le livre sur le livre ? Or, ce livre possède une architecture impressionnante… ne renvoie-t-il pas, de fait, à ce qui fait toute la spécificité, si difficile à véritablement dépasser, du livre : à savoir ce que j’appelle sa fonction d’architecture de la pensée [49]? Car le livre est architecture, il est cohérence, structure organisée-organisante, dans un volume (le bien nommé) parfois considérable (cf. le Traité d’Otlet lui-même), relié au monde par ses renvois bibliographiques, accessible par sa table des matières et son index. Nous déprendre de ce livre-là, c’est peut-être nous défaire d’une pensée riche, construite et profonde au bénéfice du fragment… Le débat est ouvert, non pas depuis hier matin par le numérique, mais depuis plus d’un siècle maintenant, notamment grâce à P. Otlet, entre théorie et pratique, entre biblion et anticipation.
Bibliographie
Sources
- Je remercie J. Gillen du Mundaneum de Mons de m’avoir donné accès aux textes de l’IIB et aux images qui illustrent cet article.
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- Otlet Paul, « Les sciences bibliographiques et la documentation », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1903, p. 125-147.
- Otlet Paul, « Sur une nouvelle forme du livre, le livre microphotographié », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1907, p. 61-69.
- Otlet Paul, Goldschmidt Robert, « Le livre microphotographique », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1911, p. 216-222.
- Otlet Paul, « L’avenir du livre et de la bibliographie », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1911, p. 276-296.
- Otlet Paul, Traité de documentation, Bruxelles, Éditeurs-imprimeurs D. Van Keerberghen et fils, 1934.
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- Van Acker Wouter, « La remédiation de la connaissance encyclopédique », P. Otlet, fondateur du mundaneum, architecte du savoir, artisan de paix, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2010.
Mots-clés éditeurs : biblion, Otlet, anticipation, SIC, théorie
Mise en ligne 01/11/2017
https://doi.org/10.3917/comla.184.0003Notes
-
[1]
Milad Doueihi, La grande conversion numérique, Paris, Le Seuil, 2011.
-
[2]
Pascal Robert, Mnémotechnologies, pour une théorie générale critique des technologies intellectuelles, Paris, Hermès, 2010.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Pour une introduction au débat actuel, cf. Roberto Casati, Contre le colonialisme numérique, Paris, Albin Michel, 2013 et Robert Darnton, Apologie du livre, Paris, Gallimard, 2011.
-
[5]
Pascal Robert, « JCR. Licklider et l’informatique de réseau(x) : imaginaire, impensé ou pensée visionnaire », Études de communication, 36, 2011, p. 111-128.
-
[6]
Pascal Robert, L’impensé informatique. Critique du mode d’existence idéologique des TIC, Volume 1 : les années 70-80, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2012.
-
[7]
Pascal Robert, « Esquisse d’une archéologie de l’informatique communicante », in Christophe Masutti et Camille Paloque-Berges (dir.), Histoire et culture du libre, Éditions Framabook, 2013, p. 67-92.
-
[8]
« Un memex, c’est un appareil dans lequel une personne stocke tous ses livres, ses archives et sa correspondance, et qui est mécanisé de façon à permettre la consultation à une vitesse énorme et avec une grande souplesse. Il s’agit d’un supplément agrandi et intime de sa mémoire […] La question du volume est aisément prise en charge par des microfilms améliorés […] Pour feuilleter un livre précis, l’utilisateur tape le code de l’ouvrage sur son clavier et la page de titre apparaît aussitôt devant lui, projetée sur l’un de ses écrans de lecture […] Comme [l’utilisateur] dispose de plusieurs postes de projection, il peut laisser un document en position pendant qu’il en appelle un autre. Il peut également ajouter des notes et des commentaires […] Des formes entièrement nouvelles d’encyclopédies vont apparaître [,…] Ainsi la science peut-elle améliorer la manière dont les hommes produisent, stockent et consultent les dossiers de l’espèce humaine. » Vannevar Bush, source : http://mediateur.free.fr/web/hist_aswemaythink_fr.htm, traduction de Ch. Monnatte.
-
[9]
Théoricien et praticien belge de la documentation, notion et activité qu’il promeut, au-delà du monde traditionnel de la bibliothèque, comme vecteur d’une vision du développement de la science et de la technique contemporaines fondées sur l’article plutôt que le livre et plus globalement sur l’information. L’organisation de la documentation se veut d’emblée internationale et largement portée par une logique associative (cf. note 3). Il se fera également le porte-parole, bien peu écouté, d’une organisation internationale des nations susceptible de gérer les relations internationales et d’éviter la guerre.
-
[10]
Fondé par P. Otlet en 1895, il donnait une dimension véritablement internationale aux travaux d’organisation bibliographique initiés par Otlet avec l’OIB (l’Office international de bibliographie, qui devient un organisme semi-gouvernemental cette même année) et le RBU (Répertoire bibliographique universel, également créé en 1895).
-
[11]
Paul Otlet, « Les sciences bibliographiques et la documentation », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1903, p. 144.
-
[12]
Delphine Gardey, Écrire, calculer, classer, Paris, La Découverte, 2008, p. 158.
-
[13]
Paul Otlet, « La technique et l’avenir du périodique », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1901, p. 179-184.
-
[14]
Pascal Robert, La logique politique des TIC, Bordeaux, PUB, 2005 ; Pascal Robert, Mnémotechnologies, pour une théorie générale critique des technologies intellectuelles, op. cit.
-
[15]
En comptabilité, le feuillet et la fiche sont, de fait, le premier substitut du livre de compte.
-
[16]
Paul Otlet, « La technique et l’avenir du périodique », art. cit., p. 180.
-
[17]
Ibid., p. 181.
-
[18]
Paul Otlet, « Les sciences bibliographiques et la documentation », art. cit.
-
[19]
Otlet Paul, Traité de documentation, Bruxelles, Éditeurs-imprimeurs D. Van Keerberghen et fils, 1934, p. 43.
-
[20]
Ibid.
-
[21]
Pascal Robert, Une théorie sociétale des TIC, Paris, Hermès, 2009.
-
[22]
Paul Otlet, Traité de documentation, op. cit., p. 217.
-
[23]
Ibid., p. 197.
-
[24]
Pour une critique plus approfondie de la notion d’imaginaire, cf. Pascal Robert « L’imaginaire en questions », colloque Ludovia, Imaginaire & promesses du numérique, août 2013.
-
[25]
Pascal Robert, « JCR. Licklider et l’informatique de réseaux », art. cit.
-
[26]
Car il ne peut pas en être autrement sauf à supposer une bien irrationnelle prescience.
-
[27]
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, textes choisis et présentés par Alain Pons, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1986, Vol. II, p. 46-47.
-
[28]
Paul Otlet, « Sur une nouvelle forme du livre, le livre microphotographié », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1907, p. 61.
-
[29]
Ibid., p. 64.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Paul Otlet, Robert Goldschmidt, « Le livre microphotographique », Bulletin de l’IIB, Bruxelles, 1911, p. 216-222.
-
[32]
Ibid., p. 220.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Ibid., p. 221.
-
[36]
Frédéric Barbier, Catherine Bertho, Histoire des médias, Paris, Armand Colin, 1996, p. 229-233.
-
[37]
Paul Otlet, Traité de Documentation, op. cit., p. 238.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
Ibid., p. 428.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Françoise Levie, L’homme qui voulait classer le monde, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2006, p. 285.
-
[45]
Cité par Françoise Levie, ibid., p. 280.
-
[46]
Paul Otlet, Traité de documentation, op. cit., p. 415.
-
[47]
Ibid.
-
[48]
Pascal Robert, Une théorie sociétale des TIC, op. cit.
-
[49]
Pascal Robert, Mnémotechnologies, pour une théorie générale critique des technologies intellectuelles, op. cit., p. 359-360.