Notes
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[1]
Bernard Miège, La société conquise par la communication, tome III. Les Tic entre innovation technique et ancrage social, Grenoble, PUG, 2007.
-
[2]
L’une des traductions françaises de l’expression Cloud computing.
-
[3]
« La notion de trans-formation étant ici comprise à la fois comme une élaboration, une médiation et un changement : élaboration d’une nouvelle “forme”, médiation à travers un nouveau support communicationnel et changement de registre médiatique et “textuel” par exemple. » Cf. Emmanuël Souchier, « Mémoires - outils - langages. Vers une “société du texte” ? », Communication & langages, 139, 2004, p. 48.
-
[4]
Julia Bonaccorsi « Approches sémiologiques du web », in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du web en Sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 127.
-
[5]
Collectés sur la base des résultats de recherche Google pour les mots clés cloud computing et « nuage » entre les mois d’avril et juillet 2014, en visant les productions d’énonciateurs aux statuts divers.
-
[6]
Eliseo Verón, La sémiosis sociale : fragments d’une théorie de la discursivité, Saint Denis, PUV, 1987, p. 132.
-
[7]
Bernard Miège, « L’édification des SIC : encore et toujours », Conférence Introductive au congrès de la SFSIC, Rennes, 30 mai 2012. URL : http://www.slideshare.net/sfsic/sfsic12-120530miege-bernardconf-intro
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Cloud computing, Wikipédia, consulté le 3 avril 2014. URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cloud_computing
-
[10]
Cf. Historique de l’article Cloud computing de Wikipédia - Statistiques au 28 juin 2014. URL : http://vs.aka-online.de/cgi-bin/wppagehiststat.pl?lang=fr.wikipedia&page=Cloud_computing
-
[11]
Selon les termes de Jean-Michel Adam, Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan, coll. « Nathan-Université », 1992.
-
[12]
« La Doxa, c’est l’opinion courante, le sens répété, comme si de rien n’était », Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, 1975, p. 126.
-
[13]
Marie Després-Lonnet, Dominique Cotte, « Nouvelles formes éditoriales en ligne », Communication & langages, 154, 2007. p. 113.
-
[14]
Emmanuël Souchier, « Lorsque les écrits de réseaux cristallisent la mémoire des outils, des médias et des pratiques », in Jean-Michel Salaün, Christian Vandendorpe (dir.), Les défis de la publication sur le Web : hyperlectures, cybertextes et méta-édition, Lyon, ENSSIB, 2004, p. 92.
-
[15]
Leroi-Gourhan commenté par Bruno Ollivier, Les sciences de la communication : théories et acquis, Paris, Armand Colin, 2007 ou par Emmanuël Souchier, Ibid., p. 97.
-
[16]
L’article Wikipédia oscille entre les adverbes « également » et « rarement » pour ces variantes « utilisées ». Cf. Cloud computing, page citée.
-
[17]
Yves Jeanneret, Y a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ?, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, p. 82.
-
[18]
Antonio Regalado, « Who coined “Cloud computing”? », MIT Technology Review, 31 octobre 2011. URL : http://www.technologyreview.com/news/425970/who-coined-cloud-computing/
-
[19]
Ibid. Cette proposition rappelle celle de Tim O’Reilly au lancement d’une autre « notion-écran » : « Web 2.0 = Le Web comme plateforme », une web-oriented architecture. Cf. Tim O’Reilly, « What is Web 2.0 », 30 septembre 2005. URL : http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html
-
[20]
Rosa J. Cano, « El fallo en el código OpenSSL es grave », El País, 14 avril 2014. URL : http://elpais.com/tecnologia/2014/04/11/actualidad/1397231887_702023.html
-
[21]
Cf. Antonio Regalado, « Who coined “Cloud computing”? », art. cit.
-
[22]
«What is cloud computing ? Services and solutions that are delivered and consumed in real time over the web. When you store your photos online, or use webmail or a social networking site, you are using a “cloud computing” service.» ProfEdge Solutions et Office of the Privacy Commisionner of Canada, « Introduction to Cloud Computing », consulté le 3 avril 2014. URL : http://fr.slideshare.net/ProfEdge/introduction-to-cloud-computing-23970527 ; http://www.priv.gc.ca/resource/fs-fi/02_05_d_51_cc_e.pdf
-
[23]
Joseph C.R. Licklider, Robert W. Taylor, « The Computer as a Communication Device », Science and Technology, 1968.
-
[24]
Cf. Yves Jeanneret, Penser la trivialité, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Lavoisier, 2008.
-
[25]
Igor Babou, « Des discours d’accompagnement aux langages : les nouveaux médias », Études de linguistique appliquée, 114, 1998, pp. 407-420.
-
[26]
Cf. Rosa J. Cano, « El fallo en el código OpenSSL es grave », art. cit.
-
[27]
Reuven Cohen repris par Antonio Regalado, « Who coined “Cloud computing”? », art. cit.
-
[28]
Raphaële Karayan, « Le cloud computing expliqué aux nuls », L’Express, 10 février 2011. URL : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/le-cloud-computing-explique-aux-nuls_1384009.html
-
[29]
Charles Mopsik, « Expérience et symbolique du nuage dans la Bible, la mystique juive ancienne et la cabale médiévale », in Jacqueline Kelen (dir.), Les Nuages et leur symbolique, Paris, Albin Michel, 1995, p. 133.
-
[30]
Jorge Luis Borges, « El otro », El libro de arena, Madrid, Alianza Editorial, 1986.
-
[31]
Envoyé spécial, « Le cloud : ma vie sur un nuage », France 2, 9 janvier 2014. URL : http://www.france2.fr/emissions/envoye-special/le-cloud-ma-vie-sur-un-nuage_159808
-
[32]
L’une des metaphors we live by de George Lakoff, Mark Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
-
[33]
Jacques Perriault, La logique de l’usage, Essai sur les machines à communiquer, Paris, Flammarion, 1989, p. VI.
-
[34]
Akio Morita, 1986, cité par Perriault, Ibid., p. 285.
-
[35]
Roland Barthes. « Rhétorique de l’image », Communications, 4, 1964, p. 40-51.
-
[36]
« Moles aborde le concept d’écologie de la communication en débouchant sur la notion d’opulence communicationnelle ». Cf. François Richaudeau, « Abraham Moles, Théorie structurale de la communication et société », Communication & langages, 1986, 67(1), p. 116.
-
[37]
Des particuliers aux entreprises, ces clientèles se diversifient. En guise de synthèse mercatique, le discours du blog de vulgarisation technologique Éclairer ma lanterne typologise en quatre sous-secteurs « l’offre Cloud » contemporaine : « Storage/Software/Platform ou Infrastructure as a Service », cf. Éclairer ma lanterne, « Peut-on stocker nos données personnelles ou professionnelles sur le Cloud en toute confiance ? - Typologie du Cloud », 1er décembre 2012. URL : http://www.eclairermalanterne.com/2012/12/stockage-de-donnees-sur-le-cloud-peut.html
-
[38]
Roland Barthes. « Rhétorique de l’image », art. cit., p. 42.
-
[39]
Thème commun à l’article du blog Éclairer ma lanterne et au reportage d’Envoyé spécial précité.
-
[40]
Olivier Ertzscheid, Gabriel Gallezot, Brigitte Simonnot, « À la recherche de la mémoire du web », in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du web, op. cit., p. 62 et 72.
-
[41]
Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, p. 67.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Étienne Candel, Valérie Jeanne-Perrier, Emmanuël Souchier, « Petites formes, grands desseins. D’une grammaire des énoncés éditoriaux à la standardisation des écritures », in Jean Davallon (dir.), L’économie des écritures sur le web, Paris, Hermès-Lavoisier, 2012, p. 135-166.
-
[45]
Yves Jeanneret, « Les politiques de l’invisible », Document numérique, 1-2 (vol. 5), 2001, §14.
-
[46]
Emmanuël Souchier, « Lorsque les écrits de réseaux cristallisent la mémoire des outils, des médias et des pratiques », art. cit., p. 95.
-
[47]
Filant la métaphore du « nuage », l’image désormais triviale du « celestial jukebox » est employée par les industriels du Web pour illustrer la génération de revenus à partir de l’exploitation de catalogues de données en ligne. Cf. Paul Goldstein, Copyright’s Highway: From Gutenberg to the Celestial Jukebox, Stanford, SUP, 2003.
-
[48]
Emmanuël Souchier, « L’image du texte : pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les cahiers de médiologie, 6, 1998, p. 137.
-
[49]
Emmanuël Souchier, « Mémoires - outils - langages. Vers une « société du texte » ? », art. cit., p. 45.
1Au cours de ces dernières années, la tendance à la centralisation, à la conservation et au traitement de données informatiques par des « services en ligne » a pu être résumée sous l’image opérationnelle d’une « migration vers le cloud ». À travers des pratiques devenues courantes, comme la sauvegarde des fichiers sur Internet, le « partage » de productions sur des « réseaux sociaux », la synchronisation d’un ordinateur avec un dispositif mobile, la mise à jour d’une application ou l’abonnement à des sites de streaming, les internautes côtoient une série d’avatars de ce « nuage » informatique. Or, au-delà de ces raisons pratiques qui valent aux « innovations » technologiques du cloud computing une bonne partie de leur « ancrage social » [1], l’image conquérante du « nuage » laisse en suspens une série de questions que le chercheur en sciences de l’information et de la communication peut se poser : que faut-il entendre par « informatique en nuage » [2] ? quel est le statut des supports matériels pris dans ces « trans-formations » [3] contemporaines ? d’un support à l’autre, peut-on envisager des marqueurs sémiotiques caractéristiques des régimes du cloud computing ?
2Ces questionnements enchâssés doivent nous permettre de donner quelques contours communicationnels au flou discursif que semble autoriser l’image du « nuage », en suivant l’hypothèse d’une altération du statut des supports informatiques donnés à lire à l’aune du cloud computing. D’un point de vue sémiotique, « les formes numériques de communication dissocient la matérialité de l’inscription de celle du support de lecture » [4]: il nous semble que les mobilisations contemporaines de l’image du « nuage » jouent sur les perceptions sociales de cette dissociation entre matières et formes. Pour explorer cette piste et en décrire les principaux régimes, nous nous fondons sur une analyse de différents discours sociaux [5] qui cherchent à définir, vulgariser ou promouvoir le cloud computing, en prêtant une attention particulière aux « écarts inter-discursifs » [6] qui se dessinent en relation aux supports informatisés mentionnés (serveurs, ordinateurs, écrans, smartphones, tablettes). Dans l’héritage d’une posture critique qui discerne des lignes de tension hétérogènes, il est question de confronter différents points de vue sur les supports, tels qu’ils sont envisagés sous trois grands régimes du cloud computing : d’abord, en partant des implications et biais du terme lui-même (1), puis en étudiant successivement ses figures rhétoriques et promotionnelles (2) pour déboucher sur les marques de fabrique qu’il semble imprimer sur les formes des supports concernés (3).
1. Les implications du terme « nuage » comme « notion-écran » : entre requalification et déni des supports
3À première vue, les mots cloud ou « nuage » semblent déjà naturalisés dans un grand répertoire d’appellations conventionnelles pour des objets issus d’Internet. Tout comme les expressions « blogs », « web 2.0 », « réseaux sociaux », le « nuage » auquel nous avons affaire s’inscrit dans cette même tradition qui articule une innovation numérique à une nouveauté lexicale popularisée par les discours médiatiques. Dans quelle mesure le terme « nuage » oriente-t-il l’appréhension des matières et des formes informatiques ? Quel rôle accorde-t-on aux supports dans les discours qui définissent et accompagnent le cloud computing ? De fait, l’expression cloud computing et ses traductions s’apparentent à ce que Bernard Miège appelle des « notions-écran » dans la même veine de « l’immatériel » [7]. Il revient alors au chercheur en SIC de faire « la critique au sens fort et, en réponse, la conceptualisation » [8] de notions qui font écran à la matérialité des écrans.
4Un point de départ intéressant pour l’analyse des représentations du « nuage » auprès du grand public est celui des discours vulgarisés que propose Wikipédia. Au même titre que toutes les notions-écran précitées, la version française de l’encyclopédie en ligne accorde une entrée au cloud computing [9] et le définit comme suit : « Le cloud computing ou cloud (« le Nuage » en français) désigne un ensemble de processus qui consiste à utiliser la puissance de calcul et/ou de stockage de serveurs informatiques distants à travers un réseau, généralement Internet ». Écrit à 460 mains et retouché en moyenne 15 fois par mois [10] dans une tentative de cerner un objet flou, l’article multiplie au sujet du « nuage » les « séquences expositives et explicatives » [11] pour octroyer à « la doxa » [12] les habits d’un savoir didactique ou objectivé.
5Sous ce régime vulgarisateur, les considérations matérielles prennent le pas sur les aspects formels des supports. Ainsi peut-on lire d’une part : « Selon la définition du National Institute of Standards and Technology (NIST), le cloud computing est l’accès via un réseau de télécommunications, à la demande et en libre-service, à des ressources informatiques partagées configurables. Il s’agit donc d’une dématérialisation de l’infrastructure informatique. » Et d’autre part : « un nuage (anglais cloud) est un ensemble de matériel, de raccordements réseau et de logiciels qui fournit des services sophistiqués que les individus et les collectivités peuvent exploiter à volonté depuis n’importe où dans le monde. Le cloud computing est un basculement de tendance : au lieu d’obtenir de la puissance de calcul par acquisition de matériel et de logiciel, le consommateur se sert de la puissance mise à disposition par un fournisseur via Internet. » À la lecture de ces définitions successives, le chercheur en SIC peut être interpellé par trois traits problématiques de la notion de « nuage » qui requalifient le statut des supports tant sur le plan des valeurs attribuées à la matérialité et aux mots qui permettent de la penser, qu’au niveau des rationalités informatiques qui cherchent à insister sur leur utilité sociale.
« Informatique dématérialisée » : un régime de valeurs paradoxales
6D’emblée, les définitions de la notion de cloud computing subsument une réflexion détaillée sur les aspects formels des supports concernés et orientent le problème vers une axiologie caricaturale du « matériel vs l’immatériel ». D’où le contresens apparent entre le « nuage » qualifié à la fois comme un « ensemble de matériel » et comme une « dématérialisation de l’infrastructure informatique » qui ferait « tendance ». D’où également l’oxymore « informatique dématérialisée » comme traduction française proposée qui semble même nier la concrétude des supports. Aurions-nous intérêt à formuler une loi paradoxale pour postuler que toute prétention à l’immatérialité d’un processus informatique repose sur un enchevêtrement de matérialités qui cherchent ici ou ailleurs à s’effacer ? Face à ces dichotomies qui flattent toujours le pôle « immatériel » comme s’il était libérateur, il faut nuancer l’opposition et préciser qu’avec le cloud « nous avons affaire à un changement de régime de matérialité et non pas à une perte de matérialité » [13], comme le précisaient Després-Lonnet et Cotte au sujet d’autres phénomènes informatiques dans les pages de cette revue.
7En l’occurrence, et en résistant à tout imaginaire « gazeux », le « régime de matérialité » sous-tendu par ces lectures du « nuage » semble accroître les interdépendances entre un « matériel » lourd et « distant » (serveurs, raccordements réseau et leurs logiciels respectifs) et des supports proches « allégés » de certaines prérogatives (ordinateurs, écrans, smartphones, tablettes) qui ne sont pas au centre des définitions. À l’aide de ces oppositions schématiques, comme dans une parole mythologique, le régime du cloud computing semble adresser une question rhétorique transversale à l’ensemble des équipés de supports réduits au rang de « terminaux » informatiques : « À quoi bon acquérir ou posséder des infrastructures matérielles et des ressources logicielles que des acteurs en ligne fournissent de manière plus efficace ? ». En ce sens, sur le plan idéologique, accepter le modus operandi du nuage revient à adopter une posture indifférente face au fait de savoir la « matière mémoire » [14] de plus en plus éloignée du lieu du support et de plus en plus rentabilisée par des acteurs techno-capitalistes divers, au fil de processus successifs qui ont lieu avant de fournir quelque chose de lisible à l’écran. Il est question dans ces discours explicatifs de justifier le « nuage » par un éloge des performances déléguées entre multiples supports matériels articulés et effacés. Par là même, le motif du support comme opérateur d’une « externalisation de la mémoire » [15] semble dédoublé, non seulement au sens anthropologique de Leroi-Gourhan (externaliser/extérioriser), mais aussi sous ses acceptions économiques plus contemporaines (outsourcing/délocaliser).
Cloud (ou Nuage) : nom d’un modèle colonisateur ?
8Une deuxième analyse des définitions de cette notion-écran peut s’attarder sur la persistance de parenthèses consacrées à la mise en équivalence des termes cloud en anglais et « nuage » en français pour désigner la « tendance » dans laquelle les supports sont pris. Le détour récurrent par l’anglicisme, le fait de citer une définition issue de l’équivalent américain de l’Afnor – le NIST – ou de rappeler en marge des traductions françaises plus ou moins heureuses (« informatique en nuage », « informatique dématérialisée », « infonuagique » [16]) sont autant de symptômes discursifs qui rattachent le cloud à une problématique de « colonisation terminologique ». L’expression appartient à Yves Jeanneret qui explique son geste ainsi : « […] en ouvrant une discussion critique sur la façon même de décrire [tel] objet, nous essayons de lutter contre une certaine colonisation terminologique du discours de recherche par le discours promotionnel. Non par principe mais parce que cette colonisation a pour effet de masquer la nature de ces objets […]» [17].
9En ce qui concerne le cloud ou le « nuage » comme notions-écran, leur régime masque donc l’appréciation détaillée des supports informatiques en même temps qu’il infiltre les technolectes ordinaires d’une série d’intérêts promotionnels qu’il convient de déceler. Comme pour d’autres notions à succès placées au centre d’enjeux techno-économiques, il convient d’observer que la paternité du cloud comme expression est disputée. À mi-chemin entre le discours de recherche et le discours promotionnel, le MIT Technology Review a consacré un article à la question Who coined Cloud computing? [18] qui retrace les origines du « nuage » quelque part entre les business plans de Compaq en 1996 (où figurerait un hapax du syntagme) et cette déclaration du patron de Google, Eric Schmidt, lors d’une conférence en 2006 : « Ce qui est intéressant maintenant, c’est qu’il y a un nouveau modèle émergent. Je ne pense pas que les gens aient compris à quel point c’est une grande opportunité. Tout part du principe que les services de données et leur architecture doivent être sur des serveurs. Nous l’appelons cloud computing – ils doivent être sur un “nuage” quelque part. » [19] D’autres discours journalistiques feront la promotion d’autres « pères du cloud » à l’origine du phénomène de colonisation terminologique, comme Rajiv Gupta, ancien de HP, dans un article d’El País [20].
10Ces mythologisations de l’origine de la notion-écran nous montrent ainsi le cloud computing sous un autre régime qui insiste moins sur la valorisation doxique de la « dématérialisation » que sur un rappel des coulisses des discours qui anticipent les « modèles » d’exploitation économique des supports numériques : des conférences d’évangélisation où les patrons prêchent des convaincus, des opportunités miroitées pour les entreprises de la Silicon Valley, des métaphores évocatrices comme celle du « nuage » pour procéder à un « rebranding de l’Internet » [21]. Dans cette perspective de colonisation géolinguistique et industrielle, les ordinateurs, écrans, smartphones, tablettes (et autres supports tels les lunettes et les bracelets en cours de développement) sont intégrés comme des réceptacles subsidiaires d’une certaine conception « nébuleuse » de l’Internet qui suit les intérêts de Google, Apple, Amazon, Facebook, entre autres. Quel que soit le support, sous le signe du cloud, il semble mis au service des grands organisateurs de transactions en ligne et autres circuits de trafic.
Puissance et services : utilitarisme des réseaux et déni des supports.
11Une troisième lecture des définitions de la notion-écran voit le « nuage » traversé de rationalités technologiques qui ne suggèrent qu’une lecture partielle de ce qu’un support informatique peut faire. Il est ainsi question d’une définition fonctionnelle du régime du cloud dans laquelle « le consommateur se sert de la puissance mise à disposition par un fournisseur via Internet », « puissance de calcul et/ou de stockage de serveurs informatiques », qui « fournit des services sophistiqués que les individus et les collectivités peuvent exploiter à volonté depuis n’importe où dans le monde ». Dans cette perspective que l’on peut qualifier d’utilitariste, le propriétaire du support est ouvertement défini comme « un consommateur », et la « puissance » de son ordinateur, smartphone, tablette, amplifiée par le cloud, est censée lui proposer avant tout des « services ». La notion de « service » nous oriente aussi vers un registre promotionnel au cœur de cette définition apocryphe du nuage partagée aussi bien par des consultants en IT que par des autorités canadiennes : « Qu’est-ce que le cloud computing ? Ce sont des services et des solutions livrées et consommées en temps réel sur le Web. En stockant vos photos en ligne ou en utilisant un webmail ou des sites de réseaux sociaux, vous utilisez un service de cloud computing. » [22]
12À l’aune de ces observations, le régime du « nuage » est celui du support informatique devenu un objet serviable, comme en témoigne le recours systématique à une définition de la notion-écran en termes de « services et solutions » utilisables par tout le monde. En ce sens, et en écho à Licklider, il n’est pas anodin de voir que la raison d’être du « nuage » tend à flatter davantage la puissance « calculatrice » des supports informatiques mis en réseau plutôt que leurs potentiels « communicationnels » [23]. C’est le propre d’une appréhension « logistique » du support qui fait l’économie de toute réflexion « sémiotique » [24]. De fait, la rationalité fonctionnelle du « servez-vous-en » prend alors le pas sur d’autres points de vue plus distanciés qui en termes de supports, dispositifs ou même outils seraient plus à même de déconstruire le « nuage » et ses multiples médiations. D’un point de vue idéologique, avec ses définitions de ce qui se passe à l’écran comme relevant d’un spectre de « services », le régime du cloud computing renforce la tendance au « déni de la médiation » décrite par Igor Babou : « En adoptant la perspective mcluhanienne du déterminisme technologique, les stratégies et les discours [d’accompagnement des nouveaux médias] tendent donc à éviter toute réflexion sur le culturel, la médiation et le symbolique au profit de la seule efficacité technique » [25]. En ce qui concerne l’élargissement du domaine du « nuage » et les promesses dont il charge les supports, il faut – au-delà des implications des discours qui le définissent sous un jour technocentrique – considérer également la puissance symbolique et culturelle que cristallisent ses arguments promotionnels.
2. Les pouvoirs de suggestion du « nuage » : quand les métaphores transcendent les supports
13Force est de constater qu’en dehors de ses implications techniques et économiques, le pouvoir de suggestion du « nuage » tient en grande partie au génie de sa métaphore. Certains discours journalistiques soulignent l’importance didactique et symbolique de cette dimension métaphorique. Quand El País demande à Rajiv Gupta – présenté comme padre de la nube – « Quelle est votre définition du nuage ? », il répond : « C’est une métaphore pour faire comprendre l’informatique orientée vers le client comme une utilité. Elle est désormais devenue un mot d’usage commun, mais ce que je voulais faire comprendre, c’est que le stockage et les logiciels devraient être sur Internet, sans qu’il y ait besoin de les installer sur l’ordinateur. » [26] Lorsque le MIT Technology Review demande à Reuven Cohen, fondateur de Cloud Camp, qui forme des programmateurs, la raison du succès du cloud, il répond : « Le nuage est une métaphore de l’Internet. C’est son rebranding. D’où les intenses débats. En vertu du fait qu’il s’agit d’une métaphore, il y a une ouverture à différentes interprétations et cela vaut de l’argent. » [27]
14Cette dimension imagée du nuage semble faciliter la projection des désirs supposés des usagers dans les quêtes des industriels. Dans quelle mesure le statut des supports peut-il être altéré par la trivialité de la métaphore du nuage ? Dès lors qu’elle se passe de guillemets, la sémantique dématérialisante du cloud ne déteint-elle pas sur les représentations de l’Internet contemporain ? En ce sens, il semblerait que l’image banalisée du nuage accentue également l’escamotage de la matérialité de l’informatique tout en opérant un puissant transport imaginaire : celui qu’utilisent les publicités qui tendent à sublimer la nature des supports dotés d’un accès à Internet.
Le « nuage » comme image métaphorique : une pensée ré-enchantée de la technique
15Il est rare de surprendre un discours promotionnel sur le cloud « casser » l’effet de la métaphore. « Où sont nos ressources informatiques ? », demande L’Express à un porte-parole de Microsoft France : « Elles ont beau être “dans le nuage”, elles sont bien sur Terre, dans des datacenters géants qui font une bonne dizaine de fois la taille d’un terrain de football, et qui sont remplis de machines » [28]. Hormis ces exceptions, lorsque le mot se banalise au-delà des technolectes, l’image opère et l’usager semble invité à reconnaître les valeurs transcendantes du « nuage » avant même d’accéder aux supports qui évoluent sous ce même nom. En ce sens, une question centrale mérite d’être posée : quelles sont ces valeurs qui hantent les écrans par le biais du transport métaphorique ? Loin des lectures habituelles des numériciens, les recherches du philologue Charles Mopsik rappellent la dense charge sémantique et symbolique qui semble aujourd’hui mise au profit du cloud : « Les nuages possèdent un don d’ubiquité qui n’a pas manqué de solliciter l’imagination des visionnaires et des mystiques, et cela dès les temps bibliques. Ils ont une faculté unique : bien qu’ils parcourent ordinairement le ciel, il leur arrive de descendre ici-bas et, sous forme de brumes ou de brouillards, ils représentent des objets célestes venus à portée de main des hommes. » [29]
16Les différentes valeurs culturelles exhumées par Mopsik hantent les supports techniques « d’affinités […] que notre imagination a déjà acceptées » [30], si l’on suit Borges au sujet des métaphores bien trouvées qui passent inaperçues. « Dans le nuage, vers le nuage, sur le nuage… » sont des syntagmes qui se figent et semblent évidents, comme l’illustre un sujet d’Envoyé spécial de France 2 intitulé « Le cloud : ma vie sur un nuage » [31] qui naturalise l’image comme une « métaphore quotidienne » [32] facilement reconnaissable à une « heure de grande écoute » par le « grand public ». Ces transports imagés – naturels et facilement globalisables – ré-enchantent leur objet car ils montrent de manière exemplaire « une pensée technique, complétée largement par une pensée en toile de fond qui renvoie au fonctionnement des imaginaires convoqués pour la production d’utopies » [33]. Dès lors que le « nuage » s’offre à nous sous ce régime utopique-métaphorique, il semble en effet plus difficile de s’attarder sur le détail des supports qui encadrent des contenus à l’écran. Les commentaires sur les formes des pixels et leurs logiques économiques peuvent paraître prosaïques à côté de la quête d’immédiateté fantasmée à laquelle participe ce « nuage » totalisant, totémisant et transcendant qui semble « à portée de main » des sujets dûment équipés.
« Partout » et pour vous : euphorisations publicitaires du « nuage »
17La « vision » cristallisée sous ce régime imaginaire du cloud rejoint peut-être un rêve ancien d’Akio Morita, fondateur de Sony : « J’aimerais voir bientôt le jour où toutes les informations du monde seront réunies dans une seule banque de données » [34]. Si depuis 1986 d’autres acteurs l’ont fait exister, en dehors des avancées techniques, c’est sans doute en vertu de la métaphore à la fois conceptiste et triviale du nuage, mobilisée comme un objet du faire croire facilement déclinable d’un point de vue publicitaire. En ce sens, une relecture connotative barthésienne [35] de la citation de Mopsik nous permet d’observer que les valeurs contenues dans la métaphore du « nuage » préparent les argumentaires promotionnels proposés à l’usager par les industries du cloud computing : immatérialité, ubiquité, abondance, liberté, légèreté, révélation sont autant de connotations attribuées a priori au « nuage ». Une vue synoptique des messages publicitaires du secteur nous permet de voir à l’œuvre ce transfert des connotations positives du « nuage » comme symbole fort de la nature vers le cloud comme « service » phare des nouvelles industries de la culture que sont Amazon, Apple ou Google.
19Quel que soit l’acteur « service » promu, deux arguments récurrents issus de la métaphore du cloud structurent la plupart de ces messages linguistiques. D’une part, l’« immatérialité » ambiguë du nuage travaille la représentation de la relation entre les contenus numérisés et les supports contenants tout en accentuant une certaine liberté ou légèreté de consommation. Celle-ci fluidifie les transactions (« achats, téléchargements, modifications ») relatives à des contenus hétérogènes soi-disant « dématérialisés » (« vos livres, votre musique, vos photos, vos fichiers ») qui demeurent, malgré les possessifs, subordonnés aux matérialités d’une série de « contenants » (ordinateurs, liseuses, tablettes, smartphones, baladeurs…) présupposés déjà acquis (« tous vos appareils ») et disposant des services promus. D’autre part, on met en avant l’« ubiquité » fantasmatique d’une quantité « abondante » de contenus stockés sur le cloud : le matraquage du mot « partout » et les expressions « où que vous soyez », « instantanément », « dès que vous avez envie » ou « toujours à portée de main » viennent ainsi renforcer l’idée que le « nuage » reste immédiatement accessible depuis toutes les circonstances spatio-temporelles (où une connexion Internet serait disponible). En ce sens, les rhétoriques qui promeuvent le nuage encouragent des comportements « nomadiques », répercutés sur des supports apparentés au sein d’une même famille (marques, logiciels), sous un régime proche de ce qu’Abraham Moles appelait en son temps « l’opulence communicationnelle » [36].
Figure 1 : Icônes d’iCloud.com pour supports Apple
Figure 1 : Icônes d’iCloud.com pour supports Apple
20Dans cette analyse des discursivités publicitaires qui accompagnent l’avancée du cloud auprès de nouvelles clientèles [37], il convient de constater qu’entre les potentialités de la métaphore et ses déclinaisons promotionnelles, on ne retient que des connotations « pénétrées de valeurs euphoriques » [38]. Du côté des messages iconiques, les imageries de nuages arrondis et bleu ciel renforcent les améliorations publicitaires voulues. Les valeurs dysphoriques liées à la « non-confidentialité » [39] des données ou aux doutes sur leur « pérennité » [40], que certains discours journalistiques et académiques peuvent pointer à la marge sur les acteurs du cloud, semblent ainsi évacuées de l’imaginaire du nuage, sous ce régime qui capitalise toute la transcendance de sa métaphore et insinue des clés de lecture pour une appréhension critique des détails du support.
3. Les langages du nuage : les écrans comme supports mutants pris dans le cloud
21L’emprise sociale des rhétoriques du « service », de la « dématérialisation » et de l’« immédiateté », amplifiée par les régimes publicitaires que nous venons d’analyser, rend difficile toute focalisation sur les formes des supports qui font exister matériellement le « nuage » auprès des utilisateurs. Or, la plus-value d’une approche communicationnelle peut être celle d’un dépassement des « notions-écran » que ressassent les discours d’escorte et des euphorisations publicitaires. Dans quelle mesure pouvons-nous réintroduire une distanciation par rapport aux formes qui encadrent nos expériences coutumières d’Internet ? En ce sens, après avoir questionné tout ce qui fait écran à l’écran, on peut enfin interroger un régime de formes concrètes que les supports pris dans le « nuage » proposent aux usagers lorsqu’ils consomment des contenus par leur intermédiaire. Qu’est-ce qui a changé dans les langages informatiques des supports depuis qu’on promeut le cloud ? Peut-on identifier quelques formes sémiotiques transversales aux ordinateurs, smartphones, tablettes et autres supports mobiles qui incarnent le nuage sur écran ? Loin de prétendre à l’exhaustivité, nous pouvons explorer des morphologies qui font régime au sein des écrans comme supports et dialoguent autant avec ce que les discours suggèrent qu’avec ce qu’ils taisent au sujet du « nuage ».
Les modules du « nuage » à l’écran : donner une forme au potentiel des supports
22Une première perspective apte à nous éloigner d’une conception « immédiate » ou « immatérielle » et à nous rapprocher des langages du cloud nous est inspirée par les recherches de Philippe Marion. Lorsque le chercheur belge pointe ce qu’il appelle le « paradoxe du médiatique », il ouvre un espace de réflexion techno-sémiotique. Voici le sens de sa réflexion : « L’expérience médiate est, on le sait, liée à une inévitable distanciation représentationnelle […] Paradoxe du médiatique : il se sert de la médiateté – l’irréductible fracture propre à toute représentation – pour donner l’illusion d’une possible immédiateté. » [41] À l’aune de ce raisonnement paradoxal, le fait de considérer l’expérience du « nuage » comme une « expérience médiate » nous invite à poser deux questions cruciales aux supports : comment sont représentés ou mis en scène les contenus stockés sur le cloud à l’écran ? En vertu de quelles médiations l’usager aurait-il l’impression d’un accès « immédiat » ?
23Dans cette perspective, la manière dont les contenus sont représentés à l’écran est déterminée par « la singularité différentielle » de l’ordinateur comme média. Qu’est-ce qu’un support informatique peut faire que d’autres médias ne peuvent pas faire ? Quel est son « potentiel expressif et communicationnel » spécifique ? De notre point de vue, cette « singularité différentielle », ce « potentiel expressif et communicationnel » – que Marion nomme « médiativité » [42] – correspond pour les supports informatiques qu’articule le « nuage » à leur aptitude à stocker, tracer, compter, monter et reproduire des contenus divers.
Figure 2 : Petites formes sur Google Drive
Figure 2 : Petites formes sur Google Drive
25S’il n’est pas seulement question de « puissance du matériel », comme le suggèrent certaines définitions doxiques du cloud, c’est parce que sur le plan graphique les interfaces du cloud comptent aussi des choix formels cruciaux : des choix qui systématisent la récurrence de ces cinq actions informatiques standardisées, lesquelles s’effectuent et prennent sens à l’écran et sur Internet. « Régies par les possibilités techniques du support, par les configurations sémiotiques internes qu’il sollicite et par les dispositifs communicationnels et relationnels qu’il est capable de mettre en place » [43], les actions de stocker, tracer, compter, monter et reproduire s’imposent ainsi au concepteur d’applications en nuage comme des composantes modulaires des « scénographies » vivantes des contenus en ligne qu’il doit gérer. La notion de « petite forme » [44] proposée par Candel, Jeanne-Perrier et Souchier permet d’identifier au contact du support tout un régime de fonctionnements modulaires contemporains du cloud computing : sous leur égide, l’écran semble s’être métamorphosé en un montage de parcelles récurrentes de pixels, chargées de manifester ces différentes actions fonctionnelles. À chacune des actions qui exploitent la médiativité des supports informatisés correspond ainsi une petite forme : aussi bien pour le stockage (représentations de la capacité à travers de barres d’espace utilisé/libre, diagrammes ou images de dossiers ou cartons), que pour le traçage (listes verticales recensant la dernière activité ou les dates de publication/modification), le comptage (nombre de fichiers/lectures/durées/évaluations/contacts), le montage (assemblages de différentes rubriques sur une même page) ou la reproductibilité (miniatures et lecteurs) des contenus à l’écran.
Supports éditorialisés d’un « stock » nébuleux : des données indistinctes aux objets culturels
26En regardant l’écran de près pour mieux le déconstruire, une piste complémentaire de compréhension sémiotique de ce que le « nuage » fait aux supports nous est suggérée par cette observation d’Yves Jeanneret : « Il ne faut pas confondre le fait qu’en tant que dispositifs, les médias informatisés soient capables de stocker et transmettre des éléments de message avec les conditions, tout autres, dans lesquelles des individus et des groupes peuvent reconnaître ces objets comme des signes et les interpréter. Les pouvoirs techniques de l’intégration, fondés sur le traitement uniformisant des objets, ne dispensent pas de l’effort sémiotique, éditorial et rhétorique de textualisation, mais au contraire le réclament plus fortement. » [45] Par rapport aux régimes du cloud computing, le distinguo proposé se veut fécond : les discours didactiques et les publicités analysées montrent bien que le « nuage » prétend intégrer ou absorber un ensemble hétérogène de contenus informatiques ; mais comment sont-ils mis en texte ou éditorialisés pour montrer qu’ils possèdent une valeur culturelle spécifique ?
27À la croisée des standards techniques et des palettes sémiotiques des supports pris dans le « nuage », cette posture intellectuelle interroge le fait que l’expression « multimédia » nous soit devenue familière et fasse opérer l’illusion d’une richesse audiovisuelle. Car l’écran à proprement parler reste avant tout un « unimédia » [46], à dominante textuelle. Comme s’il s’agissait de contrer cette impression unidimensionnelle, on peut observer comment les concepteurs de « services » convoquent et inscrivent à l’écran toute une série de signes qui miment d’autres médias : le logo d’Amazon Cloud Drive englobe un téléphone aux côtés d’un petit livre, d’un bout de pellicule et de deux croches musicales (Fig. 3) ; l’application iBooks synchronisée avec iCloud simule l’étagère d’une bibliothèque en bois (Fig. 4) ; le « jukebox céleste » [47] de Spotify rappelle la pochette ou la circonférence des disques et propose une « radio » à ses usagers (Fig. 5). L’appréciation détaillée de ces mimétismes comme des choix éditoriaux fournit une clé fondamentale pour comprendre les médiations formelles qui encadrent les usages du « nuage ». Il est notamment question de configurer à l’écran une expérience susceptible d’amplifier les valeurs culturelles et d’accentuer les proximités personnelles d’une série de contenus numérisés, lesquels à maints égards pourraient n’être que des lots de fichiers catalogués et hébergés avec indifférence par les géants d’Internet sur leurs serveurs distants.
Les écrans trafiqués par le nuage : l’image animée du texte
29Dans ce régime à dominante sémiotique, ignoré par les discours préalablement analysés, une dernière perspective envisageable concerne les inscriptions du dynamisme du nuage dans l’espace des écrans comme supports formels : quels sont les langages adoptés pour marquer le trafic du serveur lointain vers l’ici du sujet, les départs du geste corporel vers le cloud même ? Qu’il s’agisse des écrans de l’ordinateur, du smartphone ou de la tablette, une constante des supports pris dans le « nuage » est leur tendance à accentuer ce que nous appelons « l’image animée du texte ». Cette tendance s’inscrit dans la continuité des réflexions d’Emmanuël Souchier sur « l’image du texte » lorsqu’il constatait que « sans support et sans matière, sans “dessin”, il n’est pas plus de texte que d’écriture – fût-elle la trace fugitive de la lumière irisant l’écran » [48]. En effet, sous l’emprise du « nuage » et de ses logiques techno-économiques, l’image du texte à l’écran s’anime et exalte le potentiel sémiotique des supports.
30Quelques indices infra-ordinaires de cette « image animée du texte » valorisée par le cloud sont à chercher du côté de ce qui « bouge » de manière autonome à l’écran. C’est le cas des inscriptions des pages qui se chargent et se rafraîchissent toutes seules : now loading, « en cours d’actualisation… », des scintillements discrets des indicateurs de données mobiles et d’autres motifs circulaires qui tournent à l’écran en attendant des livraisons ou des enregistrements nébuleux (saving…/saved). Suivant une logique similaire, il convient d’observer la manière impromptue dont arrivent les nouvelles « versions » des sites : les pop-ups qui vous informent du fait que Google Drive has a new look, ou qu’« il est temps de migrer vers iCloud ». Dans cette même veine animée par les agissements du « nuage », on peut compter les actualisations d’applications qui ne demandent plus à être « validées » et s’imposent sur nos écrans comme des nouveautés synchronisées : les notifications du type « 4 applications ont bien été mises à jour ».
31En dernier lieu, force est de constater que les supports contemporains du cloud voient leurs écrans peuplés de boutons « partager » et dépouillés de boutons « se déconnecter ». D’une part, le verbe « partager » devient l’opérateur discursif préféré pour connoter une chaleur humaine dans les opérations de mise en branle du cloud : les écrans synchronisées du smartphone et de la tablette s’animent à l’unisson lorsqu’ils reçoivent un contenu partagé depuis un ordinateur. Google Drive crée une catégorie documentaire nommée « partagés avec moi » (shared with me) ; sur les supports tactiles d’iCloud, l’icône des flux « partagés » reprend son petit « nuage » (Fig. 6). D’autre part, et comme pour favoriser le partage à l’infini sur le « nuage », le log-out des sites et applications est le plus souvent indisponible ou occulté dans un pli peu apparent de l’écran : de quoi encourager un suivi compulsif des intrigues narratives des réseaux. Il se joue dans ce régime non seulement une animation du texte depuis le « nuage », mais aussi une alimentation constante du nuage par la manipulation tactile des supports. Aux opérations de génération de volumes de trafic et de données de consommation utiles aux techno-industriels correspond sur le plan sémiotique une surreprésentation de la « vitalité » que peuvent connoter les formes des supports, notamment lorsque leurs capacités énonciatives (actualisations, notifications, sollicitations, interpellations, synchronisations, personnalisations) parviennent à neutraliser toute lecture du cloud en termes de « dépossession » [49].
32En guise de conclusion, à la lumière des trois régimes analysés, nous pouvons voir comment le statut des supports informatiques contemporains varie en fonction des postures discursives et idéologiques adoptées au sujet du « nuage ». Sous l’étiquette cloud computing, le support est présenté comme une somme de puissances de calcul externalisées qui bafouent ses dimensions matérielles et formelles. Par l’image du « nuage », le support est promu comme un contenant entouré d’un halo transcendant qui promet d’être ouvert à tout et partout sur le plan pragmatique. Au nom du « nuage » (ou du cloud), le support apparaît comme un écran mutant qui hystérise ses langages informatiques, ses valeurs culturelles et ses attitudes relationnelles. Sous ces trois régimes complexes, les passages du « nuage » sur des discours bien divers altèrent les manières de percevoir nos supports actuels, selon qu’ils masquent, transportent ou réélaborent leurs formes, leurs matières et leurs rôles.
Figure 6 : Empreintes du cloud sur les écrans téléphoniques d’Apple et Samsung
Figure 6 : Empreintes du cloud sur les écrans téléphoniques d’Apple et Samsung
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Mots-clés éditeurs : support, métaphore, écrans, nuage /, Cloud computing, interdiscursivité, techno-sémiotique, publicité, Internet, rhétorique, doxa
Date de mise en ligne : 01/11/2017
https://doi.org/10.3917/comla.182.0077Notes
-
[1]
Bernard Miège, La société conquise par la communication, tome III. Les Tic entre innovation technique et ancrage social, Grenoble, PUG, 2007.
-
[2]
L’une des traductions françaises de l’expression Cloud computing.
-
[3]
« La notion de trans-formation étant ici comprise à la fois comme une élaboration, une médiation et un changement : élaboration d’une nouvelle “forme”, médiation à travers un nouveau support communicationnel et changement de registre médiatique et “textuel” par exemple. » Cf. Emmanuël Souchier, « Mémoires - outils - langages. Vers une “société du texte” ? », Communication & langages, 139, 2004, p. 48.
-
[4]
Julia Bonaccorsi « Approches sémiologiques du web », in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du web en Sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 127.
-
[5]
Collectés sur la base des résultats de recherche Google pour les mots clés cloud computing et « nuage » entre les mois d’avril et juillet 2014, en visant les productions d’énonciateurs aux statuts divers.
-
[6]
Eliseo Verón, La sémiosis sociale : fragments d’une théorie de la discursivité, Saint Denis, PUV, 1987, p. 132.
-
[7]
Bernard Miège, « L’édification des SIC : encore et toujours », Conférence Introductive au congrès de la SFSIC, Rennes, 30 mai 2012. URL : http://www.slideshare.net/sfsic/sfsic12-120530miege-bernardconf-intro
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Cloud computing, Wikipédia, consulté le 3 avril 2014. URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cloud_computing
-
[10]
Cf. Historique de l’article Cloud computing de Wikipédia - Statistiques au 28 juin 2014. URL : http://vs.aka-online.de/cgi-bin/wppagehiststat.pl?lang=fr.wikipedia&page=Cloud_computing
-
[11]
Selon les termes de Jean-Michel Adam, Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan, coll. « Nathan-Université », 1992.
-
[12]
« La Doxa, c’est l’opinion courante, le sens répété, comme si de rien n’était », Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, 1975, p. 126.
-
[13]
Marie Després-Lonnet, Dominique Cotte, « Nouvelles formes éditoriales en ligne », Communication & langages, 154, 2007. p. 113.
-
[14]
Emmanuël Souchier, « Lorsque les écrits de réseaux cristallisent la mémoire des outils, des médias et des pratiques », in Jean-Michel Salaün, Christian Vandendorpe (dir.), Les défis de la publication sur le Web : hyperlectures, cybertextes et méta-édition, Lyon, ENSSIB, 2004, p. 92.
-
[15]
Leroi-Gourhan commenté par Bruno Ollivier, Les sciences de la communication : théories et acquis, Paris, Armand Colin, 2007 ou par Emmanuël Souchier, Ibid., p. 97.
-
[16]
L’article Wikipédia oscille entre les adverbes « également » et « rarement » pour ces variantes « utilisées ». Cf. Cloud computing, page citée.
-
[17]
Yves Jeanneret, Y a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ?, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, p. 82.
-
[18]
Antonio Regalado, « Who coined “Cloud computing”? », MIT Technology Review, 31 octobre 2011. URL : http://www.technologyreview.com/news/425970/who-coined-cloud-computing/
-
[19]
Ibid. Cette proposition rappelle celle de Tim O’Reilly au lancement d’une autre « notion-écran » : « Web 2.0 = Le Web comme plateforme », une web-oriented architecture. Cf. Tim O’Reilly, « What is Web 2.0 », 30 septembre 2005. URL : http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html
-
[20]
Rosa J. Cano, « El fallo en el código OpenSSL es grave », El País, 14 avril 2014. URL : http://elpais.com/tecnologia/2014/04/11/actualidad/1397231887_702023.html
-
[21]
Cf. Antonio Regalado, « Who coined “Cloud computing”? », art. cit.
-
[22]
«What is cloud computing ? Services and solutions that are delivered and consumed in real time over the web. When you store your photos online, or use webmail or a social networking site, you are using a “cloud computing” service.» ProfEdge Solutions et Office of the Privacy Commisionner of Canada, « Introduction to Cloud Computing », consulté le 3 avril 2014. URL : http://fr.slideshare.net/ProfEdge/introduction-to-cloud-computing-23970527 ; http://www.priv.gc.ca/resource/fs-fi/02_05_d_51_cc_e.pdf
-
[23]
Joseph C.R. Licklider, Robert W. Taylor, « The Computer as a Communication Device », Science and Technology, 1968.
-
[24]
Cf. Yves Jeanneret, Penser la trivialité, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Lavoisier, 2008.
-
[25]
Igor Babou, « Des discours d’accompagnement aux langages : les nouveaux médias », Études de linguistique appliquée, 114, 1998, pp. 407-420.
-
[26]
Cf. Rosa J. Cano, « El fallo en el código OpenSSL es grave », art. cit.
-
[27]
Reuven Cohen repris par Antonio Regalado, « Who coined “Cloud computing”? », art. cit.
-
[28]
Raphaële Karayan, « Le cloud computing expliqué aux nuls », L’Express, 10 février 2011. URL : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/le-cloud-computing-explique-aux-nuls_1384009.html
-
[29]
Charles Mopsik, « Expérience et symbolique du nuage dans la Bible, la mystique juive ancienne et la cabale médiévale », in Jacqueline Kelen (dir.), Les Nuages et leur symbolique, Paris, Albin Michel, 1995, p. 133.
-
[30]
Jorge Luis Borges, « El otro », El libro de arena, Madrid, Alianza Editorial, 1986.
-
[31]
Envoyé spécial, « Le cloud : ma vie sur un nuage », France 2, 9 janvier 2014. URL : http://www.france2.fr/emissions/envoye-special/le-cloud-ma-vie-sur-un-nuage_159808
-
[32]
L’une des metaphors we live by de George Lakoff, Mark Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
-
[33]
Jacques Perriault, La logique de l’usage, Essai sur les machines à communiquer, Paris, Flammarion, 1989, p. VI.
-
[34]
Akio Morita, 1986, cité par Perriault, Ibid., p. 285.
-
[35]
Roland Barthes. « Rhétorique de l’image », Communications, 4, 1964, p. 40-51.
-
[36]
« Moles aborde le concept d’écologie de la communication en débouchant sur la notion d’opulence communicationnelle ». Cf. François Richaudeau, « Abraham Moles, Théorie structurale de la communication et société », Communication & langages, 1986, 67(1), p. 116.
-
[37]
Des particuliers aux entreprises, ces clientèles se diversifient. En guise de synthèse mercatique, le discours du blog de vulgarisation technologique Éclairer ma lanterne typologise en quatre sous-secteurs « l’offre Cloud » contemporaine : « Storage/Software/Platform ou Infrastructure as a Service », cf. Éclairer ma lanterne, « Peut-on stocker nos données personnelles ou professionnelles sur le Cloud en toute confiance ? - Typologie du Cloud », 1er décembre 2012. URL : http://www.eclairermalanterne.com/2012/12/stockage-de-donnees-sur-le-cloud-peut.html
-
[38]
Roland Barthes. « Rhétorique de l’image », art. cit., p. 42.
-
[39]
Thème commun à l’article du blog Éclairer ma lanterne et au reportage d’Envoyé spécial précité.
-
[40]
Olivier Ertzscheid, Gabriel Gallezot, Brigitte Simonnot, « À la recherche de la mémoire du web », in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du web, op. cit., p. 62 et 72.
-
[41]
Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, 7, p. 67.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Étienne Candel, Valérie Jeanne-Perrier, Emmanuël Souchier, « Petites formes, grands desseins. D’une grammaire des énoncés éditoriaux à la standardisation des écritures », in Jean Davallon (dir.), L’économie des écritures sur le web, Paris, Hermès-Lavoisier, 2012, p. 135-166.
-
[45]
Yves Jeanneret, « Les politiques de l’invisible », Document numérique, 1-2 (vol. 5), 2001, §14.
-
[46]
Emmanuël Souchier, « Lorsque les écrits de réseaux cristallisent la mémoire des outils, des médias et des pratiques », art. cit., p. 95.
-
[47]
Filant la métaphore du « nuage », l’image désormais triviale du « celestial jukebox » est employée par les industriels du Web pour illustrer la génération de revenus à partir de l’exploitation de catalogues de données en ligne. Cf. Paul Goldstein, Copyright’s Highway: From Gutenberg to the Celestial Jukebox, Stanford, SUP, 2003.
-
[48]
Emmanuël Souchier, « L’image du texte : pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les cahiers de médiologie, 6, 1998, p. 137.
-
[49]
Emmanuël Souchier, « Mémoires - outils - langages. Vers une « société du texte » ? », art. cit., p. 45.