Couverture de COMLA_182

Article de revue

Les avatars du cinéma. De la caméra GoPro à la performance capture

Pages 61 à 76

Notes

  • [1]
    Si les salles de cinéma sont moins fréquentées, ce qui est globalement le cas aujourd’hui, cela porte inévitablement atteinte à la vitalité du média, car la salle reste le lieu irremplaçable de l’expérience propre au cinéma… Telle est la position soutenue par des auteurs comme Susan Sontag (cf. infra), Jacques Aumont ou Raymond Bellour. Pour ce dernier, toute autre forme de visionnage d’un film constitue une audiovision dégradée. Cf. Jacques Aumont, La querelle des dispositifs. Cinéma - installations, expositions, Paris, POL, 2012. Voir aussi Jacques Aumont, Que reste-t-il du cinéma ?, Paris, Vrin, 2012.
  • [2]
    « En sortant du cinéma (Textes - 1975) », in Roland Barthes, Œuvres complètes, tome 3, 1974-1980, Paris, Seuil, 1995, p. 256-257.
  • [3]
    « Les conditions dans lesquelles on exerce son attention au sein d’un espace domestique sont radicalement irrespectueuses du film. […]. Pour être captivé, vous devez être dans une salle de cinéma, assis dans l’obscurité au milieu d’étrangers anonymes. […] Si la cinéphilie est morte, alors le cinema se meurt lui aussi. Si le cinéma peut être ressuscité, il ne le sera que par la naissance d’un nouveau type de ciné-amour » (traduction de l’auteur). Susan Sontag, « The Decay of Cinema », New York Times, 25 février 1996.
  • [4]
    Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès : la révolution de la nouvelle économie, Paris, La Découverte, 2001.
  • [5]
    Jacques Aumont, Que reste-t-il du cinéma ?, op. cit., p. 12.
  • [6]
    Libération, mercredi 11 mai 2011, p. 2.
  • [7]
    Ce passage fait brièvement écho à un développement beaucoup plus étayé proposé dans André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma ? Un média en crise à l’heure du numérique, Paris, Armand Colin, coll. « Cinéma/Arts visuels », 2013.
  • [8]
    « Trente-cinq ans de cinéma muet ont disparu, personne ne le regarde plus. Ce sera le cas pour le reste du cinéma. Le cinéma est mort ». Propos rapportés par Clifford Coonan dans « Greenaway Announces the Death of Cinema — and Blames the Remote-Control Zapper », The Independent, 10 octobre 2007.
  • [9]
    « Toutes les nouvelles langues nous l’offriront certainement bientôt, je ne vais pas dire le cinéma mais les expériences cinématographiques, parce que je pense que nous devons trouver un nouveau nom pour cela » (traduction libre de l’auteur). Extrait d’une conférence prononcée par Greenaway en 1999 au Flanders Film Festival (Gand, Belgique). Cité en ligne dans « Peter Greenaway Quotes », http://petergreenaway.org.uk/quotes.htm
  • [10]
    Will Self « Qui a tué le septième art ? », Courrier international, 30 septembre 2010.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    « Présentation », in Elena Biserna, Philippe Dubois et Frédéric Monvoisin (dir.), Extended Cinema/Le cinéma gagne du terrain, Pasian di Prato, Campanotto Editore, 2010, p. 7.
  • [13]
    Philippe Dubois, Ibid., p. 13.
  • [14]
    Didier Péron, « Cannes à la croisette des chemins », Libération, 11 mai 2011, p. 2.
  • [15]
    « Portez-la, montez-la, aimez-la ».
  • [16]
    Cette expression angliciste est souvent utilisée en Français par les historiens du cinéma pour rendre compte de l’attraction, voire de la fascination, que de nouveaux dispositifs visuels suscitent dans le public. Voir par exemple André Gaudreault, Cinéma et attraction. Pour une nouvelle histoire du cinématographe, Paris, CNRS Éditions, 2008.
  • [17]
    http://www.toulouseblog.fr/actualite-19231-hobbit-dans-salles-toulousaines-48images-seconde.html
  • [18]
    André Bazin, « Le mythe du cinéma total et les origines du cinématographe », Critique, 6, 1946.
  • [19]
    François Jost, « Narration(s) : en deçà et au-delà », Communications, 38, 1983.
  • [20]
    Paul Ricœur, Temps et récit I, II, III, Paris, Seuil, 1983, 1984, 1985.
  • [21]
    Pour autant, bien sûr, que la notion de profilmique (ce qui est devant la caméra et est capté par elle) reste pertinente. On verra plus loin que la « capture » numérique est toujours-déjà de la « manipulation » digitale par codage. En ce sens, il n’y a plus de profilmique « pur », il n’y a que du profilmique composite, métissé de « filmographique » (le travail propre au filmique), à moins que ce ne soit l’inverse.
  • [22]
    Ce passage résume et adapte un développement présenté dans André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma ?, op. cit.
  • [23]
    « L’événement numérique », Trafic, 79, 2011, p. 88.
  • [24]
    Ibid., p. 89.
  • [25]
    Jacques Aumont, Que reste-t-il du cinéma ?, op. cit., p. 62.
  • [26]
    Jean-Baptiste Massuet, « L’impact de la performance capture sur les théories du cinéma d’animation », in Richard Bégin (dir.), « Écran : théories et innovations », Écranosphère, 1, 2014, http://www.ecranosphere.ca.
  • [27]
    Jean-Baptiste Massuet, « L’impact de la performance capture », art. cit.
  • [28]
    Se reporter à André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma ?, op. cit.
  • [29]
    Dominique Willoughby, Le cinéma graphique : une histoire des dessins animés, des jouets d’optique au cinéma numérique, Paris, Les Éditions Textuel, 2009, p. 197.
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Babette Mangolte, « Afterward: A Matter of Time », in Richard Allen et Malcolm Turvey (dir.), Camera Obscura, Camera Lucida: Essays in Honor of Annette Michelson, Amsterdam, University of Amsterdam Press, 2002, p. 263. Citée dans David Norman Rodowick, « L’événement numérique », art. cit., p. 163.
  • [32]
    Interview de Jamie Bell dans Le Soir, supplément culturel « Mad » du mercredi 26 octobre 2011.
  • [33]
    Les propos de Gad Elmaleh sont rapportés par Philippe Manche dans un entretien avec Jamie Bell paru dans le quotidien Le Soir : « Jamie Bell : “Tintin est très complexe” », Le Soir, mercredi 26 octobre 2011, http://archives.lesoir.be/jamie-bell-tintin-est-tres-complexe-_t-20111026-01MVR5.html.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Selon l’expression de Peter Jackson lui-même. Préface de Steven Spielberg et Peter Jackson, in Chris Guise, Artbook. Les aventures de Tintin, Wellington/Bruxelles, Éditions Weta/Moulinsart, 2011, p. 12.
  • [36]
    Ibid., p. 14.
  • [37]
    Se reporter notamment à Lev Manovich, The Language of New Media, Cambridge, MIT Press, 2001.
  • [38]
    Michel Chion, « Un autre corps que le sien », Positif, 617-618, 2012, p. 69.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Ibid., p. 70.
  • [41]
    Ibid., p. 69.
  • [42]
    Ibid., p. 71.
  • [43]
    « Né de l’animation, le cinéma a poussé l’animation à sa périphérie, pour finalement devenir un cas particulier de l’animation » (traduction personnelle de l’auteur).
  • [44]
    « Le rôle privilégié joué par la construction manuelle des images dans le cinéma numérique est un exemple d’une tendance plus large – le retour des techniques propres aux images mouvantes de l’animation… Ces techniques réémergent en tant que fondement de cinéma numérique. Ce qui était autrefois complémentaire au cinéma devient sa norme ; ce qui était à la périphérie est au centre. Les médias numériques nous renvoient le refoulé du cinéma » (traduction personnelle de l’auteur). Lev Manovich, op. cit., p. 302.
  • [45]
    Voir André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma, op. cit.

1Dans la mythologie hindoue, le terme « avatar » renvoie aux différentes incarnations de Vishnou. Au sens figuré, il signifie : transformation, métamorphose. Dès le xxe siècle et « par contresens », précise Le Petit Robert, il peut signifier : « malheur ou mésaventure ». Du côté de notre air du temps médiatique, le blockbuster Avatar (2009) de James Cameron a popularisé le mot en l’associant à l’épopée du peuple Na’vi vécue grâce à une hybridation temporaire de quelque héros humanoïde…

2Cette constellation de sens du terme « avatar » métaphorise bien le devenir actuel du cinéma. Ainsi, et pour emprunter brièvement l’acception « mésaventure » du mot, on peut s’interroger sur le devenir de la salle de cinéma qui, selon quelques-uns [1], demeure une composante identitaire du média. On sait que pour Barthes, la salle restait un invariant privilégié du spectacle cinématographique : « […] je ne puis jamais, parlant cinéma, m’empêcher de penser “salle”, plus que “film” » [2], avouait-il. Pour certains observateurs pessimistes, le déclin du cinéma se doublerait d’un estompage de sa signification sociale, à travers notamment la baisse de fréquentation des salles. Susan Sontag avait déjà associé cette perte de signification à la disparition de la cinéphilie, un état affectif qui se développe en salle. Sans l’aura que lui confère la cinéphilie, ce cinéma serait en quelque sorte un média qui tourne à vide. Et s’il avait quelque chance un jour de renaître, ce serait à travers la résurrection de la passion cinéphilique :

3

The conditions of paying attention in a domestic space are radically disrespectful of film. […] To be kidnapped, you have to be in a movie theater, seated in the dark among anonymous strangers. […] If cinephilia is dead, then movies are dead too […] If cinema can be resurrected, it will only be through the birth of a new kind of cine-love. [3]

4Or, il semble lointain le temps où le cinéma se dégustait uniquement en salle de cinéma, cet écrin des attractions filmiques mais dont l’avenir semble bouleversé par la révolution numérique. À « l’âge de l’accès » [4] et à notre époque « écranosphérique », un film peut, tel un hyper-avatar, s’incarner sur n’importe quel support, n’importe quel écran, comme l’illustre le slogan célèbre chez les anglophones : Atawad, pour anytime, anywhere, any device (quand je veux, où je veux, sur tout support). Ce syndrome atawad s’inscrit bien dans notre culture intericonique d’images numériques, multiples et nomades. Une culture en somme très « avataresque »… Car le cinéma n’a plus l’exclusivité des images animées. Comme le précise Jacques Aumont, « le cinéma, aujourd’hui, n’est plus qu’une des nombreuses manifestations du pouvoir de bouger qu’ont acquis les images » [5].

5Mais cette étonnante plasticité du filmique ne concerne pas que ses modes de manifestations et de diffusion, elle touche aussi aux modalités de production et aux possibilités d’expression désormais offertes aux usagers des « médias filmiques ». Comme le résume sans détour Gérard Lefort évoquant un des récents festivals de Cannes :

6

Le plus grand festival de cinéma du monde est au cœur d’une double révolution : technologique et culturelle. Désormais, équipé d’une de ces fameuses « petites caméras », n’importe qui est, potentiellement, cinéaste. Quitte à filmer ses pieds comme un pied. Dans le même temps, la vision d’un film ne passe plus par la seule salle de cinéma. Quelles que soient les innovations de la 3D, c’est sur d’autres écrans, d’ordinateur ou de téléphone portable, que la fiction déroule aussi ses aventures. Avec le risque, voire pour certains, danger, que cette profusion augmente la confusion entre le réel et ses moult virtualités. Sauf à devenir une vieille dame sympa mais désuète que l’on visiterait une fois par an en son mouroir, Cannes est sommé de mettre sa pendule à l’heure de ces révolutions. [6]

7Il faut donc comprendre le cinéma au sein de ses métamorphoses et mutations à l’ère du numérique. Quant à l’appréciation à coloration plus « éthique » (est-ce un bien, est-ce un déclin ?) du label « avatar », elle anime un débat vivace [7]. Certains considèrent les évolutions actuelles du média comme une mésaventure, un fourvoiement, voire une forme d’agonie ou de mort. C’est l’avis intransigeant d’un Peter Greenaway qui assène : « Thirty-five years of silent cinema is gone, no one looks at it anymore. This will happen to the rest of cinema. Cinema is dead » [8]. Greenaway considère par ailleurs que sa mort est tellement irréversible qu’il faudrait même ne plus avoir recours au mot cinéma pour désigner les nouveaux avatars du média : « all the new languages will certainly be soon giving us, I won’t say cinema because I think we have to find a new name for it, but cinematic experiences » [9].

8D’autres sont plus nuancés en signalant plutôt une perte d’hégémonie du cinéma : c’est en ce sens que s’exprime le romancier britannique Will Self dans l’enquête qu’il a menée pour un article publié en 2010 : « Qui a tué le septième art ? ». Reprenant l’un de ses dialogues avec son confrère Jonathan Coe, Self note :

9

Le cinéma est mort, ai-je déclaré. Je ne veux pas dire par là qu’on ne fait pas de films ou que personne n’en regarde, juste que le cinéma n’est plus en mode narratif dominant, que son hégémonie de près d’un siècle sur l’imagination de la majeure partie de la population mondiale a pris fin. [10]

10À propos de cette hégémonie perdue, Self précise qu’il se produit encore d’excellents films, mais que ce que le cinéma a perdu à jamais, c’est sa « prééminence culturelle » :

11

Lorsque j’écoute les conversations qu[e mes enfants] ont avec leurs copains, je n’ai pas le sentiment que le cinéma joue un rôle central dans leur vie, mais plutôt qu’ils sont dans un tel tourbillon d’images animées – télé, ordinateurs, consoles de jeu, vidéosurveillance, téléphones – que le grand écran n’est qu’une chose qui flotte au loin, une présence spectrale que seul peut réveiller le nouveau grand spectacle. [11]

12Le grand écran du cinéma classique ne serait donc plus qu’une vague possibilité pour la jeune génération emportée dans un tourbillon d’images animées

13Face à ces positions pessimistes ou nostalgiques, et à l’autre extrême d’une sorte de continuum sur l’état de vitalité du cinéma, on peut aussi identifier des positions plus optimistes, si ce n’est plus volontaristes, à l’instar de celles d’un Philippe Dubois, expert en arts visuels et cinématographiques. Comme les images en mouvement s’inscrivent sur de nouveaux supports, qu’elles transitent par de nouvelles plateformes, qu’elles s’affichent sur de nouveaux écrans, qu’on les montre dans de nouveaux espaces, on se doit de constater que le cinéma prolifère et que, désormais, il est partout. Philippe Dubois prône une conception élargie et extensible du cinéma :

14

Le cinéma est dans les musées, les galeries d’art, au théâtre, à l’opéra, dans les salles de concert, de plus en plus. Dans les bars, les cafés, les restaurants, les « boîtes ». Il est dans les bureaux, dans les lieux de travail, de passage ou d’attente. Il est dans les maisons, dans toutes les pièces. Il est dans les avions, les camions, les taxis, les trains, les quais de gare. Sur les murs de la ville et sur nos téléphones portables. [12]

15Bref, selon Dubois, « le cinéma est plus vivant que jamais, plus multiple, plus intense, plus omniprésent qu’il ne l’a jamais été » [13].

16L’avènement des technologies numériques a donc bouleversé le grand concert de nos médias en général et la partition du cinéma en particulier. Dans un tel contexte, le cinéma vit une expérience d’étoilement qui l’interpelle jusqu’au cœur de son identité. Même si le spectateur continue à regarder des films de cinéma, les modalités plurielles de réception de ceux-ci, leur mode de réalisation professionnelle ou privée qui tend à se « virtualiser » et à se dématérialiser, leur diffusion et leur archivage subissent, entre autres, de profondes modifications.

17Après cette longue mise en contexte, les lignes qui suivent proposent une lecture de cette phase d’étoilement du cinéma en choisissant deux angles d’observation analytique : la caméra GoPro et son imaginaire, d’une part ; les enjeux du procédé de performance capture (popularisé précisément par le film Avatar), d’autre part. Le rapprochement de ces technologies contemporaines pourrait sembler hétéroclite ou saugrenu de prime abord. L’une renvoie à une pratique du filmage en vidéo amateur qui passerait volontiers pour anecdotique (un des derniers avatars des écrans-caméras accessibles et bien chevillé à la mode selfie…). Associé à la 3D, l’autre dispositif technologique affecte davantage la production cinématographique industrielle. Mais, on le verra, caméra GoPro et performance capture sont deux manières fort solidaires – et très emblématiques de la sémiosphère digitale – d’exercer la captation-restitution de l’espace-temps. Toutes deux exacerbent l’effet de maîtrise et de maniabilité issu du codage numérique, tout en maintenant une forte illusion – un avatar – de photoréalisme.

Les exploits de la GoPro

18Avant d’observer l’imaginaire de proximité développé par cette caméra, une autre mise en perspective s’impose. Il est aisé de montrer que le tournant numérique a beaucoup renforcé les possibilités de mieux maîtriser la conception, le tournage et le montage, côté production. Mais si cette maîtrise et cette maniabilité créatives constituent un atout de taille pour les professionnels de la réalisation, elles sont aussi accessibles à n’importe quel amateur un tant soit peu outillé. Les caméras et les systèmes de prise de vues performants sont disponibles à bas prix et le marché offre de nombreux appareils multifonctionnels allant de l’iPhone à la webcam en passant par des caméscopes de tous genres. De plus en plus de logiciels peuvent être utilisés, non seulement pour la retouche des images, comme le célèbre Photoshop, mais aussi pour la création d’images ainsi que pour le montage. Un amateur face à son ordinateur peut assez rapidement tirer parti d’un logiciel comme iMovie ou Final Cut Pro. En tout état de cause, ceci vient indirectement confirmer l’interpénétration croissante, à l’ère du numérique, des sphères domestique et professionnelle dans la production d’images filmiques.

19Du point de vue d’une anthropologie de la pratique filmique, on peut saluer (ou redouter, selon le point de vue adopté) la réduction, voire la suppression, de la distance entre les mondes professionnel et amateur, en raison notamment de la prolifération des téléphones portables. N’importe quel usager d’une caméra numérique bon marché peut de nos jours s’ériger en créateur-cinéaste. Ces déplacements dans les usages et la nécessité de comprendre les nouvelles formes d’élasticité intermédiatique apparaissent bien dans ce commentaire tiré du journal Libération publié à l’occasion de l’édition 2011 du festival de Cannes :

20

La fameuse phrase de Truffaut, « Tout le monde a deux métiers, le sien et critique de cinéma », n’a cessé de se confirmer comme le prouvent les commentaires de films qui pullulent sur le Net, mais on peut dire que l’on s’approche à grands pas d’une étape où un nouveau Truffaut pourra dire d’un air entendu : « Tout le monde a un métier, le sien et cinéaste. » Car l’acte de filmer – avec son téléphone portable, sa webcam ou en utilisant du matos à bas coût mais techniquement à hauteur professionnelle, comme l’appareil photo Canon 5D – s’est démultiplié. On peut disserter avec romantisme sur la mort du cinéma ou s’affoler de son extraordinaire plasticité. [14]

21La plasticité du cinéma, c’est aussi sa capacité à se lover, à se nicher dans tout dispositif permettant de « jouer » des images mouvantes. Un film sur téléphone portable, ce n’est peut-être pas « du » cinéma, mais le seul fait que l’on sente le besoin de formuler une telle précision (qui a des apparences de dénégation) montre que, quoi qu’il advienne, il reste néanmoins toujours quelque chose du cinéma dans les images prétendument dégradées de tout dispositif-à-très-petit-écran. La plasticité du cinéma, c’est encore cette fonctionnalité désormais usuelle sur n’importe quel téléphone portable de pouvoir servir de caméra. Une bonne part de l’actualité visuelle du monde est d’ailleurs relayée de cette manière. Les soubresauts de ce qu’on a appelé « le printemps arabe » en offrent un exemple éclairant.

22Wear it. Mount it. Love it. [15] Le slogan est explicite et manifeste bien par sa concision même la maniabilité de la « GoPro ». Autoproclamée la caméra la plus polyvalente du monde, l’engin est conçu, dès son invention en 2001 par le surfer californien Nick Woodman, comme un dispositif enregistreur protégé des chocs, facile à fixer sur le corps même du sportif en acte, et qui maintient une qualité d’enregistrement élevée. Aujourd’hui, la caméra HD Hero offre un enregistrement que l’on peut pousser jusqu’à 60 images/seconde en vidéo haute définition.

23Cette haute définition mérite à elle seule quelques commentaires. On sait qu’un tel débit dépasse largement le standard filmique classique du 24 images/seconde. C’est ce que permet aussi le système High Frame Rate (HFR) du côté des enregistrements cinématographiques professionnels. Le HFR (48 images/seconde) est notamment utilisé par Peter Jackson dans la saga de The Hobbit: An Unexpected Journey (2012). Avec Avatar (2 et 3), le HFR atteindra les 60 images/seconde. Comme la caméra amateur GoPro, Le procédé HFR a bénéficié d’une présentation souvent accrocheuse, qui définit bien l’effet novelty[16] :

24

Deux fois plus d’images pour des sensations accrues d’ultra-réalisme et de fluidité. Les cinémas Gaumont et Pathé vous invitent à découvrir dans leurs salles ce bouleversement majeur dans l’histoire du 7e art. [17]

25Le procédé HFR se situe donc dans une perspective d’ultraréalisme que n’aurait pas reniée André Bazin avec son idée de cinéma intégral [18], puisque cette technologie procurerait une précision inédite des mouvements. Avec le HFR, on gagnerait en transparence par l’entremise d’un effet de fluidité, tout en améliorant le réalisme du rendu (ou du moins une illusion de réalisme). C’est un semblable ultraréalisme fonctionnel qui est mis en avant dans la promotion de la caméra GoPro.

26Outre la qualité de résolution des images en HD, cet appareil se caractérise par les nombreux accessoires dont il dispose en vue de rendre très aisée sa fixation : on peut facilement l’embarquer avec son équipement, le fixer sur un casque, un guidon, un tableau de bord, l’aile d’un avion télécommandé, voire d’un drone. La GoPro est une caméra qui se « chausse » davantage qu’elle ne se porte, ce qui favorise les qualités immersives du dispositif. Ce système de captation rencontre un vif succès chez les sportifs.

27Avec le dispositif GoPro, la performance vécue fusionne pour ainsi dire avec la performance de la capture : l’acte sportif, ou plus largement n’importe quel événement de la vie quotidienne, est saisi, enregistré voire diffusé dans le même temps qu’il se vit. En « temps réel »…  Dès lors que les images produites via cette caméra sont à haute résolution et adoptent un cadrage souvent singulier, imprenable, la performance vécue se transforme en une sorte d’effet spécial continu, banalisé. La pirouette du skieur est ressentie de l’intérieur et se confond avec le regard du « performeur » : on se trouve dans le creux de la vague en compagnie du surfeur. De façon beaucoup moins ludique, ce « performeur » peut aussi être un authentique tueur ou un terroriste en acte. On se souvient notamment de la tuerie perpétrée de sang-froid au Musée juif de Bruxelles en mai 2014. L’assassin était équipé d’une caméra GoPro qui a saisi le déroulé de son acte, capté selon son point de vue de tueur.

28Bien sûr, le dispositif pragmatique n’est pas nouveau en soi, on y retrouve les caractéristiques de la caméra dite subjective. On y reconnaît la problématique des foyers de perception et de focalisation de la caméra. Ces dimensions renvoient notamment à la notion d’« ocularisation interne » proposée dès 1983 [19] par François Jost, soit la relation intime entre ce que l’image montre et ce que le personnage est supposé voir. Mais l’originalité significative du système GoPro tient davantage dans la fusion de l’acteur et du filmeur et surtout, sans doute, dans l’attitude et la pratique de l’usager. En effet, aujourd’hui, l’effet spécial ne se regarde pas, il se vit. Ou plutôt, il se vit et se regarde selon un même ordre du faire. La mise en images, le spectaculaire ne sont plus considérés comme dissociables de la performance vécue. Avec le dispositif GoPro, on s’auto-immerge dans la représentation des performances vécues-montrées-racontées. On comprend mieux pourquoi ces caméras répondent au nom significatif de Hero, avec un slogan identitaire à l’avenant : Be a hero, comme si l’image subjective était désormais la condition de la reconnaissance héroïque. Il s’agit là d’une tendance lourde de notre culture médiatique, surtout dans la jeune génération : la vie se confond avec sa mise en images partagée. Nouveaux vecteurs de crédibilité médiatique, ces images, souvent à haute teneur émotionnelle (le frisson du risque, de l’exploit), s’érigent en preuve irréfutable que le je-filmeur-acteur a vécu intégralement cet exploit. Si l’on s’en réfère à la célèbre théorie narrative des trois mimèsis développée par Ricœur [20], on peut percevoir ici une forme d’accélération ou plutôt d’écrasement symptomatique de ces trois régimes solidaires qui fondent, selon le philosophe, l’identité narrative. Le temps vécu de la préconfiguration (mimèsis 1) se confond avec celui de la mise en intrigue, du récit imagé de la performance vécue (mimèsis 2). Sachant que ces performances captées-vécues sont de plus en plus transmises sur réseau en direct, la mimèsis 3, celle de la réception, se trouve, elle aussi, embarquée dans le temps réel de la performance vécue-captée-racontée.

De l’imaginaire de la capture

29Les images de la caméra GoPro, comme celles qui procèdent de la performance capture dont il sera question plus loin, doivent selon moi être associées à l’univers sémantique de la « capture », que l’on pourrait dans ce cas opposer à celui de la captation. Avec la réalité captée, on se situe du côté de la préservation d’autonomie de ce réel. La capture, par contre, suggère une perte d’autonomie, propre précisément à la réalité capturée. À la prise d’empreinte propre à la captation photoréaliste du profilmique [21] s’oppose l’idée d’une appropriation, d’un apprivoisement autoritaire du réel qu’il s’agit d’enregistrer sans coup férir. La capture se situe donc du côté d’un « asservissement » numérisé du profilmique. On reconnaît ici la figure de la démiurgie, de l’exercice rassurant d’une maîtrise de ce qui se trouve devant l’objectif de la caméra. C’est pourquoi, me semble-t-il, on peut considérer le concept de capture comme une sorte de socle imaginaire du filmique digitalisé.

30Cette lecture permet notamment de resituer l’usage des making of. Ce genre de discours métacommunicationnel sur l’envers du décor et les « secrets » du tournage se multiplie dans notre écosystème de consommation du filmique. Un très grand nombre de DVD commercialisés et de sites internet offrent au spectateur une entrée making of, comme si celle-ci était désormais indissociable du produit filmique et, surtout, du produit blockbuster. Il suffit par exemple de constater le nombre important des making of proposés autour du film Gravity de Cuaron (2013). En somme, ces making of pourraient se résumer par cette formule : « la parole aux capturés ! ». On pourrait même y déceler une forme de nostalgie à l’égard d’un profilmique perdu. On sait en effet que le numérique affecte aujourd’hui tous les stades du filmage, ce qui n’est pas sans conséquences ontologiques sur le statut de l’image qui en résulte. En fait, l’enregistrement numérique ne relève pas de l’empreinte lumineuse, mais procède d’un codage, autorisant d’emblée toutes sortes d’interventions. On peut même considérer que la captation numérique de l’image se confond pour ainsi dire avec ce codage lui-même [22]. Ce qui autorise transferts et traitements aussi aisés qu’illimités, dès lors que le codage permet par nature toute forme de manipulation. Autant de caractéristiques qui définissent ce que Norman Rodowick nomme l’« événement numérique », qui :

31

[…] correspond moins à la durée et aux mouvements captés qu’à la manipulation et à la variation d’éléments numériques discrets au sein de la mémoire et des opérations logiques d’un ordinateur. [23]

32Les données immédiatement encodées, donc dématérialisées, se prêtent ainsi, à la source même, à toutes les formes de maniements et de remaniements possibles. En ce sens, on peut mettre en évidence une forme de plasticité intrinsèque de l’image numérique. C’est donc aussi la conception traditionnelle du montage qui s’en trouve modifiée. D’abord parce qu’un montage que l’on pourrait qualifier d’intrinsèque existe d’emblée dans la production de toute image numérique : même lorsqu’elle n’est pas retouchée, elle est toujours déjà une « traduction » par encodage, donc la résultante d’un montage en soi. Ensuite, parce que ces données déjà manipulées à l’origine par la dématérialisation se prêtent à toutes les autres formes de traitement et de reconstruction « modulaires ». Comme le précise encore Rodowick :

33

Le montage n’est plus ici une expression du temps et de la durée ; il désigne plutôt la manipulation de couches d’images devenues modulaires, sujettes à toute une variété de transformations algorithmiques. Voilà ce que je nomme l’événement numérique. [24]

34Vu sous cet angle, on pourrait suggérer que le numérique ontologise le trucage. Celui-ci, en effet, ne constitue plus un supplément de programme facultatif ou inhérent à certains genres, mais une pratique indissociablement liée à l’élaboration même des images filmiques. Cela signifie que le cinéma de masse serait revenu du côté de chez Méliès, ainsi que le souligne Jacques Aumont :

35

[…] dans sa définition sociale de divertissement, le cinéma est massivement revenu dans la « voie Méliès », celle du trucage, de l’intervention directe sur l’image, de la retouche, de la maîtrise, du dessin. [25]

36Aujourd’hui cette dimension généralisée du trucage ne procède plus d’une performance aux ressorts souvent occultés, comme au temps de Méliès ; elle est désormais incorporée et même « embarquée » dans le médium cinématographique lui-même. Un lien quasi littéral peut s’opérer d’emblée avec l’imaginaire de la caméra GoPro, et cela nous permet de reprendre aussi la réflexion sur le sens du making of. En effet, ce cérémoniel para-filmique possède une fonction devenue importante à l’aune du tout-digital : nous rassurer sur l’existence avérée d’un profilmique préalable au film. Voyez Sandra Bullock et George Clooney, avec leur casque de cosmonaute et leurs capteurs sur la peau : oui, ils étaient bel et bien sur un plateau de cinéma ! Oui, ils ont dû travailler dur pour camper leur personnage de Gravity ! Non, ce n’est pas la technologie et les trucages numériques qui ont tout fait ! Voilà ce que nous confie le making of : voyez le labeur, les ratages, les repentirs ! Il y a bien eu des acteurs qui ont « habité » le profilmique et joué devant une caméra ! Des acteurs en chair et en os ont payé de leur personne pour assurer leur personnage : c’est dans ce sens que les making of d’aujourd’hui peuvent être entendus comme une sorte de nostalgie d’un profilmique perdu. Ou à tout le moins, un profilmique dissout dans un filmographique généralisé. Un profilmique devenu évanescent et incertain à l’âge de la « captation-reconstruction » digitale.

La motion capture, avatar du cinéma numérique

37Cet imaginaire de la maîtrise propre à la capture – et non plus à la captation – de blocs d’espace-temps pour construire nos images digitales, on le retrouve à l’œuvre dans un important avatar technique de la cinématographie actuelle : le procédé de motion capture (capture du mouvement) et son dérivé un peu plus perfectionné, la performance capture. Ce procédé permet d’enregistrer par codage numérique les positions d’objets ou d’êtres vivants, pour en gérer ensuite la réplique virtuelle (l’avatar) sur ordinateur. Captation/enregistrement par codage, avatar virtuel, animation… : ces indications en disent long sur la teneur composite du procédé, bien en phase avec les mutations digitales qui bouleversent le monde de l’image et du cinéma. On y trouve, dès cette première description, les éléments d’une saisie du monde régie par une intention photoréaliste mêlée d’une configuration filmique héritière de l’animation.

38Si la motion capture se contente de saisir un corps réel en mouvement pour l’intégrer dans un « décor » numérique, la performance capture se veut donc plus précise. Elle se montre capable de saisir non seulement les mouvements corporels mais aussi les attitudes expressives d’un acteur. Comme l’explique Jean-Baptiste Massuet :

39

[…] la Performance Capture permet de retranscrire, non plus seulement le mouvement physique, mais également la performance d’acteur du comédien, couvert de capteurs photosensibles des pieds à la tête. À ces marqueurs permettant aux 200 caméras spéciales surplombant le plateau de tournage de constituer un squelette numérique en mouvement, sur lequel les animateurs peuvent greffer une peau digitale et un avatar de synthèse, s’ajoute une petite caméra numérique, qui permet de retranscrire le plus fidèlement possible la prestation faciale du comédien. [26]

40Pleinement intégrée dans les mutations de notre ère numérique, la performance capture se situe à la fois dans le monde de l’animation des images et dans celui de la saisie photoréaliste puisque, en enregistrant des mouvements réels, elle s’inscrit dans la tradition cinématographique dominante de la captation-restitution. Un métissage en tension que Massuet, encore, décrit comme suit : « Il ne s’agit donc pas vraiment ici d’animation en images de synthèse, mais plutôt d’une nouvelle méthode, hybride, croisement entre le cinéma en prises de vues réelles et le cinéma d’animation par ordinateur, sans plus être, paradoxalement, ni l’un ni l’autre » [27].

41Ce caractère hybride de l’image générée par le procédé me semble particulièrement révélateur. Non seulement il symbolise bien l’esprit composite de notre nouvelle culture visuelle digitale, mais il confirme aussi l’emprise de l’animation sur le cinéma d’aujourd’hui. D’une certaine façon, la motion capture et ses effets traduisent cette sorte de métissage-hésitation avec lequel les institutions cinématographiques se débattent de nos jours.

42S’ils bénéficient d’un pouvoir d’attraction lié à l’effet novelty, les procédés de motion et de performance capture mériteraient une expertise généalogique [28] qu’il serait trop long de mener ici. Il en va de même pour la valeur de 3D qui leur est associée. On sait que la quête de la profondeur « réelle » de l’image possède sa propre histoire et que l’usage de la 3D était notamment supposé, vers 1952, ramener les spectateurs dans les salles, afin de contrer les premiers ravages audiométriques causés par l’avènement de la télévision comme média de masse. Quant à la motion capture, on peut remonter la série techno-culturelle dont elle relève jusqu’à la rotoscopie, une technique de tournage d’animation mise au point et brevetée par Dave et Max Fleischer en 1915. Le procédé « consiste à décalquer image par image les phases cinématographiques des prises de vues réelles, notamment d’un acteur » [29]. Willoughby en situe ainsi la fonction et les enjeux :

43

Cette technique permet de doter les personnages dessinés de mouvements réalistes, tout en économisant la réflexion et le travail de synthèse des mouvements, au prix d’un laborieux retraçage image par image. Il produit un effet caractéristique de cinéma redessiné, qui possède un certain potentiel de séduction esthétique, par la silhouette, l’empreinte graphique des mouvements d’un modèle filmé, qui s’y devinent encore. [30]

44D’une certaine façon, la rotoscopie insuffle la part « mouvement » de la captation-restitution photoréaliste dans le matériau graphique propre au dessin animé. Ce qui, autrement dit, permet à l’image dessinée et animée de dégager un effet photoréaliste. Avec la motion capture, c’est d’une certaine manière le mouvement inverse qui se produit : une image photoréaliste accède à la souplesse d’animation caractéristique d’un dessin animé. Le procédé de motion capture rabat donc, en la réorientant, la performance actorielle du photoréalisme sur l’animation. La séparation technique entre prises de vues réelles et cinéma d’animation se trouve ainsi gommée. On pourrait même dire qu’avec la performance capture, le cinéma-institution doit renoncer définitivement au prétexte des invariants techniques pour cantonner l’animation au rang de satellite de la planète cinéma. Avec la performance capture, on assiste à une hybridation dynamique entre photoréalisme et animation, qui génère cette nouvelle dimension que l’on pourrait qualifier d’« anima-réaliste ».

Retrouver la durée perdue ?

45La performance capture ouvre de nouvelles perspectives dans la réflexion à mener sur le cinéma et l’image numérique, notamment sur un plan fondamental et ontologique. Plusieurs chercheurs et praticiens ont mis en évidence le rapport difficile que les images digitales entretiennent avec le temps et la durée, contrairement à l’image indicielle de la captation-restitution photoréaliste classique, qui se situe dans un rapport direct avec le temps du monde réel. Pour certains chercheurs, tel Rodowick déjà cité ci-dessus, le tout que constitue l’unité temporelle et spatiale du profilmique serait en quelque sorte neutralisé par le numérique. L’empreinte lumineuse de la captation argentique, en revanche, conserverait cette durée qui se confond avec l’acte photographique, qui est en contiguïté quasi tactile avec cet acte. Cela expliquerait notamment pourquoi la vidéaste Babette Mangolte pose cette question très significative : Why is it difficult for the digital image to communicate duration?[31] La digitalisation filmique aurait beau animer l’image et lui restituer du mouvement, ce serait tout bonnement la durée de l’image photoréaliste qui serait pour ainsi dire dissoute.

46On pourrait alors défendre l’idée que la motion capture, et surtout la performance capture, réintroduisent une épaisseur temporelle et une dimension de durée dans le filmage digital. En effet, la multitude de capteurs des mouvements et des attitudes de l’acteur enregistrent directement du temps vécu par le corps de cet acteur en mouvement. Dans un certain sens, le « profilmique » capté est déjà du profilmique « temporalisé », de l’espace-temps humain capté à même le corps en mouvement. Ceci manifesterait dès lors une forme de retour à l’indicialité que l’on supposait perdue sous le règne de la codification digitale. Bien sûr, celle-ci est toujours à l’œuvre, puisque les mouvements captés sont digitalisés pour servir à l’animation ultérieure des « avatars » iconiques, mais il n’empêche que la captation du mouvement est en phase quasi indicielle avec le corps mobile qui le produit.

47Le contrôle de sa propre animation corporelle demandé à l’acteur va de pair, côté réalisation, avec une maîtrise appréciable du processus de création filmique. Mieux, on assisterait à une sorte de fusionnel expressif, où la réalisation d’un film devient une création communautaire, où s’efface la différence entre ceux qui sont devant ou derrière la caméra, de même que s’évanouit la frontière entre profilmique et filmographique. C’est ce que confirme l’acteur Jamie Bell de façon un peu euphorique :

48

Dans un film normal, vous avez la séparation entre la caméra et les comédiens, entre l’équipe et les comédiens… Avec la motion capture, nous sommes tous dans ce même espace créatif. La collaboration est totale. Et j’ai l’impression que le comédien s’engage encore plus. [32]

49Dans le même ordre d’idées, cette mise en phase de l’enregistrement avec l’animation réelle d’un corps permettrait une forme de neutralisation de la lourdeur contraignante de l’incarnation photoréaliste d’un acteur, tout en préservant son empreinte corporelle particulière, sa signature spatiotemporelle, son anima cinétique singulière. La réaction de certains protagonistes de The Adventures of Tintin: The Secret of the Unicorn (2011), l’adaptation de Spielberg et Jackson de l’œuvre d’Hergé qui utilise massivement la performance capture, s’avère significative à cet égard. Ainsi Gad Elmaleh, qui fait partie de la distribution du film, insiste sur le fait que : « […] la motion capture le ramenait à l’essence même de son métier d’acteur qui consiste à faire parler son corps » [33]. Andy Sarkis, titulaire du rôle de Haddock, renchérit en attirant l’attention sur la nécessité de se montrer parcimonieux avec un procédé aussi précis, en « synergie enregistreuse » si directe avec le corps :

50

La technologie est tellement précise, elle répond au moindre mouvement, qu’il ne faut pas surjouer. Il faut aussi être extrêmement conscient de la manière dont on emploie son propre corps. [34]

Démiurgie et simulation numérique

51La motion capture et l’« animation numérique » [35] qui lui est associée offrent donc cette possibilité de rendre docile le monde capté en apprivoisant l’espace-temps des personnages. Comme le précise Peter Jackson à propos de l’adaptation de Tintin :

52

On peut, sans se soucier de savoir s’ils ressemblent vraiment à leur homologue hergéen, retenir les meilleurs acteurs pour chaque rôle. Ils donnent vie aussi parfaitement et aussi fidèlement que des acteurs en prises de vue réelle [sic], l’imagerie de synthèse faisant en quelque sorte office de maquillage numérique. [36]

53Pareilles considérations mettent en lumière l’effet de dissociation mimétique engendré par la motion capture. Selon les propres dires de Jackson, le filmage-enregistrement est de l’ordre du « comme si », du « on disait que », car on se contente de simuler – dans un sens que ne renierait pas Lev Manovich [37] – les prises de vue réelles. Le rendu iconique est équivalent à ce que produiraient ces dernières, mais on évite d’en subir les contraintes. On retrouve ici toutes les caractéristiques de la maîtrise et de l’économie de moyens propres au numérique.

54Le film se gère comme un simple storyboard digitalisé… Mais de plus, en préservant l’anima cinétique singulier de chaque acteur, on accède à cette forme d’anima-réalisme introduite ci-dessus, ou plus précisément, à un nouveau vraisemblable anima-réaliste. Cet anima-réalisme semble emblématique de la revivification de la série culturelle animation au sein de la maison cinéma. Cette dissociation mimétique s’opère donc aussi par le fait que la captation de mouvement « au plus près du corps de l’acteur » subit ensuite un « maquillage numérique », et que c’est par celui-ci que se révèle (se recompose) l’image à effet photoréaliste. En ce sens, le « maquillage » n’est plus une simple opération cosmétique accessoire : c’est le processus décisif qui redonne corps au mouvement capté. C’est ce qui permet à l’animation de se réincarner.

55Il conviendrait assurément de nuancer et de discuter ces dernières considérations en les confrontant aux idées exprimées par d’autres chercheurs, tel Michel Chion, par exemple. « Pourquoi une image de synthèse si elle est asservie à un réel physique ? »  [38] se demande-t-il en faisant siennes les réticences formulées par certains à l’égard de la motion capture. Selon lui, l’impression que ce procédé est en soi paradoxal provient de la croyance qu’il a existé autrefois une différence ontologique entre le cinéma en prises de vues réelles et le dessin animé. Or, Chion minimise l’importance de cette césure en expliquant que l’histoire du cinéma a toujours été nourrie d’un tel paradoxe. D’un côté, l’animation s’est toujours largement servie de modèles humains pour camper les mouvements des personnages. De l’autre, « l’acteur de cinéma, pendant et après le tournage, se voyait (se voit toujours) grandement dépossédé de son corps » [39]. Et Chion de conclure :

56

[…] l’avènement de l’image numérique basée sur la performance capture peut donc apparaître comme un nouvel épisode de cette histoire paradoxale : celle de l’acteur de cinéma face à la « mécanisation » de sa performance, à son aspect immuable et fixé.

57Selon Chion, le cinéma n’a donc pas arrêté de faire subir une « dépossession […] au corps de l’acteur ». Adoptant une position un brin provocatrice, l’auteur considère que le digital n’a en rien diminué le rôle de l’acteur et il estime que « son rôle importe plus que jamais dans le film en images de synthèse » [40]. Le péril annoncé au moment de la sortie de Terminator 2 (1991) ne se serait donc pas vérifié : on n’a pas troqué l’acteur contre un ersatz numérique !

58En fait, Chion suggère qu’un spectateur chercherait toujours la forme corporelle derrière ce qu’il voit au cinéma. Cela relève de ce qu’il définit comme « la part de rêverie du spectateur sur ce qu’on peut appeler le “réel profilmique” : l’idée de quelque chose qui s’est passé devant la caméra ou devant un micro » [41]. Il en conclut que la rêverie du spectateur devant le réel profilmique participerait du plaisir du cinéma, « y compris dans les films d’effets spéciaux d’autrefois (à quelle taille a été construite la maquette de ce vaisseau spatial ?), et on peut penser que la performance capture est une nouvelle forme que la rêverie vient de prendre » [42]. Propos intéressants et décalés, ne serait-ce que parce qu’ils s’inscrivent dans une autre pratique de l’imaginaire culturel, assez peu analysée aujourd’hui, soit la rêverie devant les images filmiques de captation-restitution. Sur un plan « filmologique », cette rêverie du spectateur solitaire n’empêche nullement de s’interroger sur les mutations assez radicales du profilmique, celui-ci se diluant de plus en plus, à la faveur du numérique, dans le filmographique. À l’instar de la performance capture, qui mixe l’empreinte « digitale » captée de la prestation d’acteur avec sa recomposition visuelle par animation numérique.

Le spectre de l’animation

59Reléguée aux confins identitaires du cinéma-institution, l’animation en vient donc aujourd’hui, juste retour du balancier, à gérer, à réguler, à raviver ce photoréalisme au nom duquel elle fut jadis marginalisée… L’animation reviendrait donc au cinéma. Et c’est l’animation, en tant que forme cinématographique au sens large, qui s’érigerait en principe premier structurant du cinéma de l’ère du numérique.

60Dès 2001, Lev Manovich est allé dans ce sens lorsqu’il a proposé que [b]orn from animation, cinema pushed animation to its periphery, only in the end to become one particular case of animation[43]. En développant son argumentation, l’auteur va plus loin encore et explique l’omniprésence de l’animation dans le cinéma d’effets visuels par une formule freudienne célèbre :

61

The privileged role played by the manual construction of images in digital cinema is one example of a larger trend - the return of procinematic moving-images techniques… [T]hese techniques are reemerging as the foundation of digital filmmaking. What was once supplemental to cinema becomes its norm ; what was at the periphery comes into the center. Computer media return to us the repressed of the cinema. [44]

62C’est dans cet esprit qu’André Gaudreault et moi-même avons développé le concept d’« animage » [45] pour mieux désigner par ce néologisme l’emprise de l’animatic spirit au sein du paysage médiatique et cinématographique actuel. L’animage procède précisément de cet anima-réalisme évoqué plus haut. Ce dernier régime déplace le photoréalisme classique vers une codification-recomposition qui brouille pour longtemps, on l’a vu, la définition établie du profilmique. Ainsi, le cinéma retournerait à l’animation… C’est précisément ce que désigne l’animage. Dans ce mot, il y a comme un « a » privatif pour rendre compte d’une image animée qui n’est déjà plus de l’image, plus tout à fait une empreinte du monde. À l’inverse, l’animage est plus que jamais une image qui bat désormais au rythme de l’animation.

63L’animage, dernier avatar du cinéma…

Bibliographie

  • Aumont Jacques, La querelle des dispositifs. Cinéma - installations, expositions, Paris, POL, 2012.
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  • Self Will, « Qui a tué le septième art ? », Courrier international, 30 septembre 2010.
  • Sontag Susan, « The Decay of Cinema », New York Times, 25 février 1996.
  • Willoughby Dominique, Le cinéma graphique : une histoire des dessins animés, des jouets d’optique au cinéma numérique, Paris, Éditions Textuel, 2009.

Notes

  • [1]
    Si les salles de cinéma sont moins fréquentées, ce qui est globalement le cas aujourd’hui, cela porte inévitablement atteinte à la vitalité du média, car la salle reste le lieu irremplaçable de l’expérience propre au cinéma… Telle est la position soutenue par des auteurs comme Susan Sontag (cf. infra), Jacques Aumont ou Raymond Bellour. Pour ce dernier, toute autre forme de visionnage d’un film constitue une audiovision dégradée. Cf. Jacques Aumont, La querelle des dispositifs. Cinéma - installations, expositions, Paris, POL, 2012. Voir aussi Jacques Aumont, Que reste-t-il du cinéma ?, Paris, Vrin, 2012.
  • [2]
    « En sortant du cinéma (Textes - 1975) », in Roland Barthes, Œuvres complètes, tome 3, 1974-1980, Paris, Seuil, 1995, p. 256-257.
  • [3]
    « Les conditions dans lesquelles on exerce son attention au sein d’un espace domestique sont radicalement irrespectueuses du film. […]. Pour être captivé, vous devez être dans une salle de cinéma, assis dans l’obscurité au milieu d’étrangers anonymes. […] Si la cinéphilie est morte, alors le cinema se meurt lui aussi. Si le cinéma peut être ressuscité, il ne le sera que par la naissance d’un nouveau type de ciné-amour » (traduction de l’auteur). Susan Sontag, « The Decay of Cinema », New York Times, 25 février 1996.
  • [4]
    Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès : la révolution de la nouvelle économie, Paris, La Découverte, 2001.
  • [5]
    Jacques Aumont, Que reste-t-il du cinéma ?, op. cit., p. 12.
  • [6]
    Libération, mercredi 11 mai 2011, p. 2.
  • [7]
    Ce passage fait brièvement écho à un développement beaucoup plus étayé proposé dans André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma ? Un média en crise à l’heure du numérique, Paris, Armand Colin, coll. « Cinéma/Arts visuels », 2013.
  • [8]
    « Trente-cinq ans de cinéma muet ont disparu, personne ne le regarde plus. Ce sera le cas pour le reste du cinéma. Le cinéma est mort ». Propos rapportés par Clifford Coonan dans « Greenaway Announces the Death of Cinema — and Blames the Remote-Control Zapper », The Independent, 10 octobre 2007.
  • [9]
    « Toutes les nouvelles langues nous l’offriront certainement bientôt, je ne vais pas dire le cinéma mais les expériences cinématographiques, parce que je pense que nous devons trouver un nouveau nom pour cela » (traduction libre de l’auteur). Extrait d’une conférence prononcée par Greenaway en 1999 au Flanders Film Festival (Gand, Belgique). Cité en ligne dans « Peter Greenaway Quotes », http://petergreenaway.org.uk/quotes.htm
  • [10]
    Will Self « Qui a tué le septième art ? », Courrier international, 30 septembre 2010.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    « Présentation », in Elena Biserna, Philippe Dubois et Frédéric Monvoisin (dir.), Extended Cinema/Le cinéma gagne du terrain, Pasian di Prato, Campanotto Editore, 2010, p. 7.
  • [13]
    Philippe Dubois, Ibid., p. 13.
  • [14]
    Didier Péron, « Cannes à la croisette des chemins », Libération, 11 mai 2011, p. 2.
  • [15]
    « Portez-la, montez-la, aimez-la ».
  • [16]
    Cette expression angliciste est souvent utilisée en Français par les historiens du cinéma pour rendre compte de l’attraction, voire de la fascination, que de nouveaux dispositifs visuels suscitent dans le public. Voir par exemple André Gaudreault, Cinéma et attraction. Pour une nouvelle histoire du cinématographe, Paris, CNRS Éditions, 2008.
  • [17]
    http://www.toulouseblog.fr/actualite-19231-hobbit-dans-salles-toulousaines-48images-seconde.html
  • [18]
    André Bazin, « Le mythe du cinéma total et les origines du cinématographe », Critique, 6, 1946.
  • [19]
    François Jost, « Narration(s) : en deçà et au-delà », Communications, 38, 1983.
  • [20]
    Paul Ricœur, Temps et récit I, II, III, Paris, Seuil, 1983, 1984, 1985.
  • [21]
    Pour autant, bien sûr, que la notion de profilmique (ce qui est devant la caméra et est capté par elle) reste pertinente. On verra plus loin que la « capture » numérique est toujours-déjà de la « manipulation » digitale par codage. En ce sens, il n’y a plus de profilmique « pur », il n’y a que du profilmique composite, métissé de « filmographique » (le travail propre au filmique), à moins que ce ne soit l’inverse.
  • [22]
    Ce passage résume et adapte un développement présenté dans André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma ?, op. cit.
  • [23]
    « L’événement numérique », Trafic, 79, 2011, p. 88.
  • [24]
    Ibid., p. 89.
  • [25]
    Jacques Aumont, Que reste-t-il du cinéma ?, op. cit., p. 62.
  • [26]
    Jean-Baptiste Massuet, « L’impact de la performance capture sur les théories du cinéma d’animation », in Richard Bégin (dir.), « Écran : théories et innovations », Écranosphère, 1, 2014, http://www.ecranosphere.ca.
  • [27]
    Jean-Baptiste Massuet, « L’impact de la performance capture », art. cit.
  • [28]
    Se reporter à André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma ?, op. cit.
  • [29]
    Dominique Willoughby, Le cinéma graphique : une histoire des dessins animés, des jouets d’optique au cinéma numérique, Paris, Les Éditions Textuel, 2009, p. 197.
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Babette Mangolte, « Afterward: A Matter of Time », in Richard Allen et Malcolm Turvey (dir.), Camera Obscura, Camera Lucida: Essays in Honor of Annette Michelson, Amsterdam, University of Amsterdam Press, 2002, p. 263. Citée dans David Norman Rodowick, « L’événement numérique », art. cit., p. 163.
  • [32]
    Interview de Jamie Bell dans Le Soir, supplément culturel « Mad » du mercredi 26 octobre 2011.
  • [33]
    Les propos de Gad Elmaleh sont rapportés par Philippe Manche dans un entretien avec Jamie Bell paru dans le quotidien Le Soir : « Jamie Bell : “Tintin est très complexe” », Le Soir, mercredi 26 octobre 2011, http://archives.lesoir.be/jamie-bell-tintin-est-tres-complexe-_t-20111026-01MVR5.html.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Selon l’expression de Peter Jackson lui-même. Préface de Steven Spielberg et Peter Jackson, in Chris Guise, Artbook. Les aventures de Tintin, Wellington/Bruxelles, Éditions Weta/Moulinsart, 2011, p. 12.
  • [36]
    Ibid., p. 14.
  • [37]
    Se reporter notamment à Lev Manovich, The Language of New Media, Cambridge, MIT Press, 2001.
  • [38]
    Michel Chion, « Un autre corps que le sien », Positif, 617-618, 2012, p. 69.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Ibid., p. 70.
  • [41]
    Ibid., p. 69.
  • [42]
    Ibid., p. 71.
  • [43]
    « Né de l’animation, le cinéma a poussé l’animation à sa périphérie, pour finalement devenir un cas particulier de l’animation » (traduction personnelle de l’auteur).
  • [44]
    « Le rôle privilégié joué par la construction manuelle des images dans le cinéma numérique est un exemple d’une tendance plus large – le retour des techniques propres aux images mouvantes de l’animation… Ces techniques réémergent en tant que fondement de cinéma numérique. Ce qui était autrefois complémentaire au cinéma devient sa norme ; ce qui était à la périphérie est au centre. Les médias numériques nous renvoient le refoulé du cinéma » (traduction personnelle de l’auteur). Lev Manovich, op. cit., p. 302.
  • [45]
    Voir André Gaudreault et Philippe Marion, La fin du cinéma, op. cit.
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