Notes
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[1]
Valérie Patrin-Leclère, Caroline Marti de Montety, Karine Berthelot-Guiet, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, Éditions Le bord de l'eau, coll. « Mondes marchands », 2014.
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[2]
Valérie Patrin-Leclère, « Journalisme, publicité, communication : pratiques professionnelles croisées », Communication & langages, 140, 2004, p. 109-118.
-
[3]
Valérie Patrin-Leclère, « Les traces d'un fourvoiement journalistique : “Kibboutz spirit”, Libération Next, juin 2009 », Communication & langages, 164, 2010, p 117-126.
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[4]
Caroline Marti de Montety, « Les magazines de marque : entre “gestion sémiotique” et cuisine du sens », Communication & langages, 143, 2005, p 35-48 et Karine Berthelot-Guiet et Caroline Marti de Montety : « Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique », Circav, 20, 2009, p. 63-77.
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[5]
Caroline Marti de Montety, Karine Berthelot-Guiet et Valérie Patrin-Leclère, « Entre dépublicitarisation et hyperpublicitarisation, une théorie des métamorphoses du publicitaire », Semen, 36, dossier « Les nouveaux discours publicitaires » coordonné par Marc Bonhomme, octobre 2013.
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[6]
Les commentateurs, journalistes, blogueurs ou internautes commentateurs, évoquent « Les ours polaires de Ridley Scott ».
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[7]
Chiffres non communiqués.
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[8]
Consulter le site http://www.brandcontent.fr, site créé par Daniel Bô, auteur avec Matthieu Guével de l'ouvrage Brand Content, comment les marques se transforment en médias, Dunod, 2009.
-
[9]
Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, le 7 janvier 1977, Roland Barthes explique ainsi la genèse de son projet sémiologique : « Il s'agissait en somme de comprendre (ou de décrire) comment une société produit des stéréotypes, c'est-à-dire des combles d'artifices, qu'elle consomme ensuite comme des sens innés, c'est-à-dire des combles de nature ». Ce texte a été publié au Seuil en 1978.
-
[10]
Yann Peira, voix de doublage de Jak, est présent dans Jasper, pingouin explorateur (2009), qui dessine également les aventures d'un animal jeune et mâle dans la banquise.
-
[11]
Voir note 3.
-
[12]
Coca-Cola produit une isotopie du dessin animé américain contemporain pour enfants, une homogénéité favorisant ainsi une unité de lecture (A.-J. Greimas, Sémantique structurale, 1966).
-
[13]
Le dossier de presse fait état de cette filiation choisie et établit le lien de cause à effet entre la « tendance » nounours et la réactivation par la marque de cette icône qu'elle n'utilisait plus. http://www.coca-cola-france.fr/contentFiles/files/pdf/Le_Retour_aux_Ours_de_Coca-Cola.pdf
-
[14]
Dossier de presse : « La politique de développement durable de Coca-Cola s'appuie sur le programme Live Positively, constitué de 7 engagements concrets pour une croissance responsable d'ici 2020 : informations transparentes sur l'offre de boissons, implication pour un environnement de travail épanouissant, promotion de modes de vie actifs, actions sociétales et solidaires, mais également diminution de l'impact de son activité sur l'environnement, utilisation d'emballages recyclables et gestion responsable de l'eau. »
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[15]
Roland Barthes, Leçon inaugurale au Collège de France, déjà cité.
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[16]
Frédéric Lambert, Je sais bien mais quand même – essai pour une sémiotique des images et de la croyance –, Éditions non Standard, coll. « SIC », 2013. Frédéric Lambert interroge les mécanismes et les arcanes de la croyance et pointe cette spécificité des formes médiatiques qui mettent à mal ses ressorts, parce qu'il devient difficile, voire impossible, de tout simplement croire.
-
[17]
Umberto Eco, Lector in fabula [1979], Livre de poche, coll. « Biblio/Essais », 1989, p 71.
-
[18]
Ibid.,p 70.
-
[19]
En linguistique, le co-texte désigne les co-occurrences et est distinct du contexte. Je cite Umberto Eco : « Les sélections contextuelles prévoient des contextes possibles : lorsqu'ils se réalisent, ils se réalisent dans un co-texte », ibid., p 16. Distinction éclairante ici, puisque le cotexte, sur le site Allociné, est cinématographique (d'autres extraits de films) mais que le contexte plus large conduit un certain nombre de destinataires à interpréter le média Allociné comme support publicitaire ayant vendu son espace à une marque commerciale.
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[20]
Les plus critiques d'entre eux ont été supprimés après avoir été dans un premier temps publiés ; j'en ai copié une large part le 14 février 2013 et n'ai retrouvé qu'une version tronquée lors de ma visite du 13 mars 2013. http://www.allocine.fr/film/fichefilm-216872/critiques/spectateurs/recentes/
-
[21]
Marie-Anne Dujarier, Le travail du consommateur, Paris, La Découverte, 2008.
-
[22]
Bertold Brecht, Écrits sur le théâtre, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, texte publié en 1940.
-
[23]
La « distanciation » est la traduction française usuelle du terme de Bertold Brecht, Verfremdung, qui signifie « rendre étrange » ; il s'agit de rendre étranger à soi-même ce que l'on accepte autrement sans se poser de question, pour se désaliéner de ce à quoi on est habitué.
-
[24]
Caroline Marti de Montety, « Haribo chez les Muses : la tentation patrimoniale. Quand les marques deviennent des musées », in Martine Regoud (dir.), Musées en mutation, L'Harmattan, 2012.
-
[25]
http://www.youtube.com/watch?v=E6MH4Sv4M_k, près de 290 000 vues au 15 mars 2013.
-
[26]
« La collection “L'Emmerdeuse” propose une nouvelle manière d'investir les grandes questions que soulèvent les problématiques de consommation, d'environnement ou de développement durable. [...] Dans chaque documentaire, le point de départ de “L'Emmerdeuse” est un coup de gueule personnel mais universel. Avec ce ton qui lui est propre, Olivia prend pour cible un produit ou un système, dénonce une industrie dont les agissements l'insupportent et qui nous concernent tous : l'avenir de la planète, l'utilisation des ressources naturelles, les problématiques de santé publique et les questions économiques liées au développement durable... » http://www.france2.fr/emissions/infrarouge/diffusions/08-01-2013_19517
-
[27]
Olivier Milot, Telerama.fr, « Menaces via les budgets pub de France 2 : Coca n'est pas le seul à faire pression », publié le 30 janvier 2013.
- [28]
-
[29]
Erwan Desplanques, Telerama.fr, http://television.telerama.fr/television/avec-cash-investigation-france-2-renouvelle-l-enquete-tele,81285.php, publié le 12 mai 2012.
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[30]
TéléObs, 12 septembre 2012 : « ”C'est une décision un peu mystérieuse, explique Paul Moreira, de Premières Lignes, qui a dû réduire ses équipes travaillant sur le programme. France Télévisions nous avait laissé une liberté totale... Nous avions trouvé un ton et créé un objet télévisuel fort et là, on a l'impression de faire marche arrière.” Dans les couloirs de la chaîne, il se dit que des annonceurs égratignés par le magazine auraient retiré leurs spots de l'antenne. [...] “Rumeur infondée”, répond-on à France Télé ». (http://teleobs.nouvelobs.com/articles/37016-cash-investigation-mystere-autour-de-la-saison-2).
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[31]
Les infiltrés, diffusé de temps en temps sur France 2 depuis 2008, continue à aborder « des sujets de société » mais avec une orientation plus économique que dans les premiers numéros. En février 2013, a ainsi été abordé le lobbying des laboratoires pharmaceutiques. Puis en mars 2013, l'activité commerciale des pompes funèbres. Il s'agit à chaque fois d'infiltrer un milieu ou un secteur pour obtenir des informations qui sans ce procédé resteraient probablement cachées aux journalistes et donc au public des médias.
1Pourquoi les marques s'entichent-elles des médias, au point de rivaliser de virtuosité pour les imiter ? Mes recherches portent sur l'évolution de la communication des marques ainsi que celle des productions média-tiques et, particulièrement, sur la corrélation entre communication de marque et production médiatique. Or, il se trouve que l'espace commun entre ces deux objets d'analyse est de plus en plus étendu et de plus en plus riche en expérimentations originales : l'observation permet de déceler pléthore de situations qui constituent simultanément une métamorphose médiatique et une métamorphose dans le discours des marques. Le devenir des marques et le devenir des médias se chevauchent, à la fois parce que les médias sont soumis à la pression des pourvoyeurs de revenus publicitaires, qui imposent une adaptation des formes et des contenus, et parce que les annonceurs se préoccupent de plus en plus de créer leurs propres médias et de donner une tonalité médiatique à leurs expressions.
2J'en prendrai pour exemple le cas de Coca-Cola, en France, en janvier 2013. L'étude portera sur la diffusion d'un film d'animation intitulé Les ours polaires, sur ses caractéristiques, sur la communication qui l'a accompagné, sur les commentaires qu'il a engendrés, ainsi que sur un documentaire diffusé par France 2 le 8 janvier 2013, « Coca-Cola et la formule secrète ». Ce terrain d'observation sera l'occasion de mettre en application un ensemble de concepts consolidés dans un travail collectif mené avec deux chercheuses en sciences de l'information et de la communication, Karine Berthelot-Guiet et Caroline Marti de Montety. Ce travail est réuni sous ce nom : pub* [1]. Je saisis ces événements qui ont engagé la marque Coca-Cola comme des cristallisations d'une tendance qui me semble à l'oeuvre dans les transformations économiques et socioculturelles du secteur de la communication.
3Je développe depuis une dizaine d'années le concept de publicitarisation, désignant par ce terme l'adaptation de la forme et des contenus des médias à la nécessité d'accueillir la publicité. Cette adaptation découle d'un ensemble des pratiques professionnelles plus ou moins conscientes. Elle consiste en un aménagement des productions médiatiques destiné à réduire la rupture sémiotique entre contenu éditorial et contenu publicitaire mais aussi en un ménagement éditorial des acteurs économiques susceptibles d'apporter des revenus publicitaires au média [2]. Il s'agit, par exemple, de réserver un traitement éditorial favorable pour remercier les pourvoyeurs de revenus ou a minima de leur octroyer un traitement éditorial non défavorable pour ne pas courir le risque d'être victime d'une mesure de réprimande qui se traduirait par un refus ou un retrait d'achat d'espace publicitaire. Le néologisme publicitarisation ne prétend pas décrire un résultat uniforme ni même généralisé, mais il tient compte de l'énorme poids des pressions auxquelles sont soumis les professionnels des médias ; or, si l'adaptation n'est pas le seul choix possible, c'est toutefois le choix le plus facile, celui qui semble le plus naturel [3]. Le concept que j'ai forgé a pour objectif de bien prendre la mesure des contraintes économiques qui pénètrent dans les pratiques et qui façonnent les productions médiatiques. Il s'inscrit donc dans une perspective sémio-économique, qui me conduit à m'intéresser aux liens entre logiques financières, modes organisationnels et productions médiatiques.
4Le concept de dépublicitarisation, développé en particulier par Caroline Marti de Montety, désigne la tactique des annonceurs qui vise à se démarquer des formes les plus reconnaissables de la publicité pour lui substituer des formes de communication censées être plus discrètes : immixtion dans des productions médiatiques préexistantes – parrainage télévisuel, placement de produits au cinéma, à la télévision ou dans le jeu vidéo, etc. – ; imitation des formes médiatiques instituées – magazine de marque, programme court, web TV, série de marque, etc. – ; production de formes culturelles – film, livre de marque, jeu vidéo, musée, exposition, etc. – ; mise en place de dispositifs communicationnels émergents, reposant sur une apparente redistribution des rôles – réseaux sociaux, blogs, « co-création », « espaces conversationnels », etc. La dépublicitarisation est une adaptation aux évolutions de la réception sociale de la publicité – mise à distance, suspicion voire rejet des consommateurs – et aux transformations des représentations et pratiques professionnelles des acteurs de la communication et du marketing – doutes sur l'efficacité et la qualité de la publicité classique, saturation des espaces médiatiques, recherche de leviers de croissance économique [4].
5La dépublicitarisation nous permet d'expliquer une tendance qui nous semble massive ; mais celle-ci n'est pas pour autant monolithique. Nous avons donc plus récemment développé le concept d'hyperpublicitarisation, pour désigner les procédés d'hypertrophie de la communication publicitaire [5]. À l'inverse des processus de masquage et d'effacement des formes publicitaires propres à la dépublicitarisation, il s'agit d'une recherche de maximisation de la présence publicitaire, qui se concrétise à la fois dans une densification sémiotique de la teneur publicitaire du discours et dans la création continue de « médias ». Cette fabrique médiatique passe par un travail d'occupation de tous les espaces disponibles – le mobilier urbain, l'immeuble, le véhicule, la table de café, le ticket, la carte, etc. – et par une opération de requalification de tout espace en support et de tout support en média – le « média-magasin », la « ville-média », les « médias tactiques », etc.
6L'intention de masquer la publicité coexiste donc avec la surenchère publicitaire ; dans une certaine mesure, c'est même l'intention de masquage qui engendre la suractivation et l'omniprésence. Ces trois concepts faisant sens ensemble, nous désignons ainsi la proposition globale qu'ils constituent : la pub*, l'astérisque renvoyant à la composition de préfixes et suffixes.
Jeux d'emprunts : écran publicitaire, écran de cinéma
7Les Ours polaires de Coca-Cola se prête bien à une analyse à l'aune de la pub*. Ce film d'animation de 6 minutes et 35 secondes, clos par un long générique de 40 secondes, raconte une tranche de vie d'une famille de cinq ours polaires. Il offre un exemple typique de dépublicitarisation ambitieuse, au service d'une marque extrêmement puissante, tant dans sa capacité économique – il faut être doté d'un budget de communication exceptionnel pour financer un tel film – que dans sa notoriété et l'imaginaire qu'elle véhicule – en l'occurrence, les produits Coca-Cola sont tellement connus que la communication de la marque peut ici s'en affranchir. Promu comme un événement sur les médias sociaux dans les jours précédents, il a été annoncé en France par un spot publicitaire d'une minute diffusé le 6 janvier 2013 sur deux chaînes de télévision, TF1 – à 20 h 46, en fin de tunnel, juste avant la météo – et M6 – à 20 h 56, en fin de tunnel également. Le modèle économique de cette communication initiale est donc publicitaire, mais ce spot se distingue très nettement des autres, à la fois par sa longueur et par son contenu : il s'agit d'une bande-annonce, comme on en trouve habituellement avant la diffusion des films dans les salles de cinéma. L'originalité du dispositif tient à l'emboîtement des emprunts. En soi, il n'est absolument pas surprenant de retrouver Coca-Cola dans un tunnel publicitaire, puisque la marque est le sixième annonceur dans le monde en 2011 et le septième en 2012, selon l'UDA (Union des Annonceurs). La bande-annonce présentée est canonique, ouvrant sur le logotype de la société de production, suivi de celui de la société qui a réalisé les effets spéciaux, enfin sur celui de Coca-Cola, pendant que la voix off commence à introduire l'histoire du film ; s'ensuit un enchaînement d'extraits de scènes, avec ce texte en surimpression : « Les ours Coca Cola sont de retour/Comme vous ne les avez encore jamais vus/Partagez un moment de bonheur/En famille/Découvrez le film des ours polaires sur coca-cola.fr/ours ». Nous avons affaire à une sorte de collage : tout est normal mais inhabituel, étrange et néanmoins familier. Coca-Cola est certes une marque qui s'installe très naturellement dans un tunnel publicitaire, mais une bande-annonce n'y est pas vraiment à sa place ; et cette bande-annonce est un modèle-type du genre, à ceci près qu'un des coproducteurs est une marque commerciale dont l'activité n'est pas cinématographique, ni dans son coeur ni dans sa périphérie. Coca-Cola s'est offert une publicité vantant un procédé de dépublicitarisation.
8Que découvre l'internaute qui se rend sur le site consacré aux Ours polaires de Coca-Cola ? Une production finalement bien plus courte que ne le laissait penser la bande-annonce, qui, en mentionnant un « film », semblait promettre un long-métrage. Cette attente était confortée par la voix off, annonciatrice d'une vaste fresque : « génération après génération, les ours polaires parcourent ces étendues de glace avec fierté, nagent dans ces mers avec grâce et règnent avec majesté sur ces terres enchantées ». En guise de tableau d'ensemble et de récit historique, l'internaute a droit à une scénette de la vie quotidienne d'un couple d'ours accompagné de ses trois turbulents oursons. Ce film est produit par la société Scott Free, des Anglais Tony et Ridley Scott, et réalisé par John Stevenson, réalisateur du célèbre film d'animation Kung Fu Panda, Oscar 2009 du meilleur film d'animation. Bien qu'il ne soit pas l'auteur, Ridley Scott est très souvent associé aux Ours polaires [6], en raison de l'étendue de sa carrière et de son immense renommée, en tant que réalisateur, entre autres, des films Alien, Gladiator, Blade Runner, Thelma et Louise, Robin des bois. Sa notoriété contribue à inscrire ce film dans l'univers cinématographique, de manière plus valorisante encore que le genre « film d'animation » dans lequel est spécialisé son réel réalisateur. Scott est un nom de cinéma et même de grand cinéma.
9Le partenariat établi avec le site Allociné, portail de référence français sur le cinéma, renforce cette assimilation en assurant une importante visibilité à ce court-métrage mis en ligne le 2 janvier 2013. La période est favorable à ce partenariat, d'une part car les vacances de Noël sont propices aux films d'animation, d'autre part car cette fin d'année est pauvre en blockbusters. La promotion des Ours polaires sur Allociné consiste à exposer ce dessin animé à la manière des autres films à l'affiche dans les salles de cinéma françaises – Allociné étant dédié au cinéma, Les ours polaires est donc valorisé en tant que film de cinéma – et lui assurer une couverture très supérieure à celle des autres films présentés sur le site : non seulement il n'est pas nécessaire de se déplacer en salle pour le voir, mais de plus sa durée de vie est celle du partenariat avec Coca-Cola et non celle d'une sortie en salle soumise ensuite au maintien à l'affiche en fonction du nombre d'entrées. La valorisation de l'opération, au sens économique, est de type publicitaire, Coca-Cola s'offrant une couverture médiatique en rémunérant Allociné [7], mais en même temps la valorisation symbolique est une tentative pour requalifier dans un cadre culturel cette communication à visée marchande tactiquement démarchandisée. C'est le propre des procédés de dépublicitarisation, qui utilisent des techniques d'emprunt pour permettre à la marque de s'exprimer par d'autres biais que la parole publicitaire stricto sensu. Ce type d'opération n'est pas sans rappeler les ready-mades initiés par Marcel Duchamp : faire oublier la valeur usuelle d'un objet pour lui conférer une aura artistique grâce à un nouveau dispositif. Mais le geste s'en distingue radicalement, car là où le ready-made est explicite, revendiqué, accompagné d'un discours métalinguistique – l'oeuvre est désignée, exposée, nommée : « ceci est une oeuvre d'art » –, la dépublicitarisation ne dit rien de ses procédés et des intentions qui l'animent. Autant ses formes sont commentées par les consultants et experts en communication, qui vantent l'inventivité et même l'ingéniosité des marques quand elles rivalisent dans des démonstrations dites de « brand content » [8], autant elle est pratiquée sans mise en mots par les gestionnaires des marques.
10Le ready-made est un acte assumé et performatif de changement de statut. Ce que nous nommons dépublicitarisation, à l'inverse, désigne la prétention à proposer une forme de communication d'un nouvel ordre, non publicitaire, sans faire mention de sa possible appartenance au registre publicitaire. Autrement dit, les tactiques de dépublicitarisation ne se donnent pas à voir ouvertement comme des tentatives de reconfiguration mais comme des appropriations des qualités médiatiques des dispositifs dont elles s'inspirent. En l'occurrence, Coca-Cola ne signale aucune intention publicitaire et entend organiser la médiatisation d'un film de cinéma. C'est en quelque sorte comme si les gestionnaires de la marque, artisans d'une stratégie de communication qui vise à exposer la place du fabricant de sodas dans la société, suspendaient temporairement leur maestria, pour mieux la faire valoir. Ils proposent un film, comme si cela était naturel quand on porte le nom de Coca-Cola ; comme s'il s'agissait non d'un « artifice » mais d'un « comble de nature », pour reprendre la terminologie proposée par Roland Barthes [9].
L'étonnante prouesse du conforme
11Ce film montre une famille d'ours polaires traversant la banquise pour rejoindre sa tribu. Le père répète à voix haute un discours solennel qu'il s'apprête à prononcer, manifestement pour devenir chef. La mère demande à son cadet, Jak, de s'occuper de sa petite soeur Kaia pendant la cérémonie. Dubitative quant au sérieux de Jak dans l'accomplissement de sa mission, elle charge son aîné Zook de garder un oeil sur les deux plus petits. Jak ne tarde pas à laisser sa soeur sans surveillance. Tandis qu'il entraîne Zook dans une glissade sur une montagne de glace qui le fait atterrir à quelques mètres de son père en pleine allocution (« Et c'est avec une grande humilité que j'accepte l'honneur que vous me faites aujourd'hui pour servir notre communauté avec dignité. Ma famille et moi-même nous nous engageons à montrer l'exemple »), Kaia entame une chorégraphie avec les macareux, une espèce volatile avec laquelle elle n'aurait pas été censée pactiser car elle aurait plutôt pu et dû la croquer. Influencé par l'appel à la tolérance de sa femme, le père renonce à se mettre en colère et plonge dans la mer avec ses remuants enfants pour donner aux autres ours une leçon d'ouverture d'esprit et de joie de vivre, dans une danse partagée avec les oiseaux. Il n'est donc question ni de Coca-Cola, ni de soda, ni même de soif. Mais de bêtises d'enfants, de solidarité au sein de la famille, d'esprit de fête, de sens de l'humour.
12Les ours polaires donne un sentiment de déjà-vu. Ce film a des points communs manifestes avec ces autres films d'animation bien connus que sont L'âge de glace, sorti en 2002, et surtout Happy feet, sorti en 2006, dont il pourrait même faire figure d'extrait : même décor, même type d'animaux polaires anthropomorphisés, même discours sur la tolérance, le sens de la famille, le respect des autres dans leur différence. Les voix de doublage renvoient elles aussi à un univers familier [10], notamment parce que la voix française du père est doublée par Benoît Allemane, qui incarne habituellement le Père Noël – par ailleurs, figure centrale de la mythologie de Coca-Cola. La marque fait un film d'animation au sens strict, c'est-à-dire qu'il s'agit pour elle de faire à la manière des studios de cinéma, sans originalité, l'audace consistant à faire passer pour film une communication de marque mais pas à fabriquer un prototype qui ne ressemblerait à rien que l'on ait déjà vu. L'appropriation médiatique est un coulage dans le stéréotype : il faut que Les ours polaires soit, indiscutablement, un court-métrage – je renvoie à la phrase de Roland Barthes [11] : Coca-Cola fabrique un « stéréotype » en espérant qu'il soit regardé comme un « comble de nature ». C'est une virtuosité de l'emprunt et non de la création. L'innovation repose dans le geste, pas dans le produit fini. Pour se différencier de la publicité, la marque endosse une forme médiatiquement non différenciante, parfaitement cohérente et isotopique [12], canonique du dessin animé américain, autour de héros pelucheux aux airs de Teddy bear [13]. Le nounours est le choix de la conformité.
L'ours, dénominateur commun de consensus (mous)
13Coca-Cola engage simultanément deux figures oursonnes distinctes, pour deux registres de communication radicalement différents. L'ours polaire n'est pas seulement le doudou préféré des enfants – que chacun est ou a été –, c'est aussi une espèce menacée par le réchauffement de la planète : sa survie tient à la préservation de la banquise. En même temps que Coca-Cola médiatise son court-métrage, la marque appose sur ses bouteilles des ours blancs, organise des animations avec des blocs de glace et des igloos dans les supermarchés, communique sur son partenariat avec le film Arctique diffusé depuis le 14 octobre 2012 à la Géode à Paris : « Sensible à la cause des ours polaires, Coca-Cola s'associe à La Géode et participera au financement d'un beau projet de lutte contre le changement climatique initié par la Fondation GoodPlanet de Yann Arthus-Bertrand » (dossier de presse). Arctique, documentaire de 45 minutes, montre une véritable famille ours menacée par la fonte des glaces. Figure médiatique internationale de la défense de l'environnement, le très célèbre réalisateur du très célèbre film Home est utilisé comme caution de la teneur écologique de l'action de la marque, qui l'interviewe sur son site et verse à la fondation 0,50€ par place achetée. Les ours polaires de Coca-Cola ont deux piliers, cinématographique et environnemental, avec deux icônes, Scott et Arthus-Bertrand. L'image de l'ours est le point commun entre deux univers aussi consensuels, normés et potentiellement attractifs l'un que l'autre, dans un collage qui fait peu de cas de la rationalité, car l'onirisme des nounours parlants et éternels, confiants quant à la pérennité de leur règne, n'entre pas logiquement en adéquation avec l'inscription dans un projet d'alerte relatif aux conditions de survie des ours en chair et en os, incapables de dénoncer, mortels et plus fragiles que jamais. Le développement durable est ici traité à la manière d'un sujet de divertissement, la marque abordant des sujets sérieux tout en évitant de manifester de la gravité [14]. Elle communique sur Arctique avec cette phrase : « votre place de ciné rafraîchit la banquise » (http://www.lageode.fr/programme/imax/arctique-2/), aussi irréaliste et vendeuse de rêve qu'une promesse publicitaire abusive. Coca-Cola lave ses ours plus blanc que blanc.
14Nous touchons là un point essentiel : le procédé de dépublicitarisation s'évertue à prendre ses distances vis-à-vis de formes publicitaires dont il ne s'affranchit pourtant pas. Si l'on prête l'oreille au film Les ours polaires, on constate qu'il abonde de formules passe-partout qui sonnent comme autant de slogans. Les dialogues sont des poncifs, qui ne peuvent manquer de rappeler ceux dont use le discours publicitaire : « Reste toi-même, Jak » ; « montre l'exemple » ; « Jak est tellement craquant, surtout quand il est lui-même » ; « il pourrait te surprendre ». En vue de son intronisation, le père se fait sentencieux : « nous pourrions accepter et célébrer toutes nos différences. Ainsi nous pourrions atteindre de nouveaux sommets et gagner le respect des générations à venir ». Relisons quelques signatures récentes de marques : « Deviens ce que tu es » (Lacoste) ; « Devenezvousmeme.com » (L'Armée de terre française) ; « Venez comme vous êtes » (Mc Do) ; « Se réinventer chaque jour » (Yves Rocher) ; « Parce que je le vaux bien » (L'Oréal) ; « Vraiment moi-même » (Coca-Cola). Les marques sont avides de préceptes lisibles et mnémotechniques, notamment inspirés des formules prêtées à Socrate, Pindare et Marc Aurèle : « Connais-toi toi-même », « Deviens ce que tu es », « Estime-toi toi-même ».
15Le film non-publicitaire Les ours polaires, canon de conformité en tant que dessin animé, offre finalement beaucoup moins de créativité que les précédents films publicitaires dans lesquels Coca-Cola mettait en scène ses ours, de manière suggestive, onirique et inattendue. Le discours de marque est plus puissant quand les ours sont muets que quand ils s'illustrent dans la langue de bois la plus éculée. Autrement dit, Coca-Cola troque ici l'inventivité publicitaire contre la banalisation médiatique : alors que la marque cultive sa différence dans la publicité, elle se moule dans l'indifférenciation par le biais de cette imitation filmique. La comparaison avec les précédentes productions publicitaires est rendue inévitable par le fait que la marque met elle-même ce film en perspective : « après 10 ans d'absence, et à la demande de nombreux fans, l'ours polaire, icône historique de la marque, quitte enfin sa tanière pour marquer de sa patte la communication et les produits Coca-Cola » ; « Le saviez-vous ? La première apparition de l'ours blanc dans la communication de Coca-Cola remonte à 1922 ! Symbole de tendres et chaleureux moments familiaux, celui-ci est devenu l'icône préférée de la marque auprès des 12-49 et 16-24 ans selon une étude Millward Brown 2009, devançant même le Père Noël ! » (dossier de presse). Cette historicité établie, jouant sur la culture que les consommateurs ont ou sont censés avoir de ses publicités successives, montre combien la relation avec une marque est aussi construite comme mémoire de ses campagnes publicitaires : aimer la marque, ce ne serait pas seulement acheter et apprécier ses produits, ce serait se délecter de sa stratégie de communication. Or, ici, Coca-Cola retrace une chronologie dans laquelle le nouveau film mettant en scène une vieille mascotte, film dépublicitarisé comme nous l'avons montré, est pourtant bel et bien fils et petit-fils de publicité. La non-publicité est la nouvelle forme d'expression publicitaire.
Tapis rouge, feu orange clignotant
16Avec ses Ours polaires, Coca-Cola s'est offert une entrée cinématographique sur tapis rouge... et a reçu une volée de bois vert, distribuée à l'envi par les internautes sur les médias sociaux. La marque s'est entravée dans les revers de ce que nous nommons hyperpublicitarisation. Le masque culturel et divertissant qu'elle a adopté a promptement et massivement été requalifié, les commentateurs surenchérissant pour déjouer cette démarche consistant à transformer le cinéma en terrain de jeu promotionnel, s'employant à pointer cet intrus venu s'immiscer dans une cour où il n'aurait pas son fauteuil et où même un simple strapontin serait usurpé.
17Coca-Cola a transformé le cinéma en support de communication publicitaire, a occupé et façonné ce média comme si sa raison d'être était de supporter un discours de marque ; dans la foulée, la marque a transmuté le site Allociné en espace dévolu à la valorisation contre rémunération. Film et espace dédié à la critique des films ont été reconfigurés en médias-supports. L'hyperpublicitarisation est une surenchère sémiotique, une exploitation débridée des qualités promotionnelles d'un dispositif médiatique ; elle confine donc à la marchandisation de l'espace, y compris des espaces publics et culturels. Emprunter des vertus médiatiques, ce n'est pas nécessairement être perçu comme vertueux.
18Derrière le prétendu « comble de nature », un certain nombre d'internautes ont mis au jour « l'artifice » [15] et ramené les arabesques artistiques à leur intentionnalité. Coca-Cola veut faire croire que c'est du cinéma ? Mais comment le croire puisque c'est Coca-Cola ? La marque autorise et favorise le « déni » [16] : c'est du cinéma mais certains refusent de traiter ce film comme tel, ne veulent pas lui accorder le statut demandé, exhibent qu'ils ne croient pas à cette fiction que la marque leur demande de construire avec elle. « Rien n'est plus ouvert qu'un texte fermé » [17], explique Umberto Eco, distinguant les « oeuvres ouvertes » de celles qui sont écrites par des auteurs qui « [cernent] avec sagacité sociologique et prudence statistique leur Lecteur Modèle » et « [font] en sorte que chaque terme, chaque tournure, chaque référence encyclopédique soient ce que leur lecteur est, selon toute probabilité, capable de comprendre » [18]. Coca-Cola a fabriqué un dessin animé isotopique, avec comme garde-fou un co-texte [19] cinématographique, sursignifiant que les Ours polaires ne pouvaient pas être autre chose qu'un court-métrage. Mais ceux qui l'ont visionné, a fortiori sur Internet, média présumé de la « participation », sont nombreux à avoir refusé, et explicitement réfuté, leur inscription dans la posture de « Lecteur Modèle ». Umberto Eco poursuit : « [L'] ouverture est l'effet d'une initiative extérieure, une façon d'utiliser le texte et non d'être utilisé par lui, en douceur. Il s'agit là de violence plus que de coopération ».
19Tout procédé masqué s'expose au risque du démasquage, propice à la suspicion. Examinons les commentaires postés sur Allociné [20]. Un certain nombre sont positifs et sont identiques à ceux que l'on trouve sur la page Facebook de la marque : « Trop craquant », « Mignon », « J'ai trouvé ça mimi », « Il est chouette », « Un super court métrage. Les ours sont vraiment adorables », « Trop bien », etc. Mais la plupart ne sont pas aussi brefs ; ils sont au contraire détaillés, argumentés, et dénonciateurs :
Oh la petite famille bien parfaite, bien coconne ! Ils viennent de tuer un mythe ! Bon sang ! J'adorais les pubs avec l'ours quand j'étais petit, il y avait une magie, c'était court et joliment fichu, ça avait vraiment de la gueule. Là ça pue le marketing primaire ! Bref, je préférais quand Coca-Cola faisait du Coca-Cola... » ; « Mais c'est quoi cet ovni ?????? J'arrive pas à y croire, transformer une pub en film faut le faire !!! » ; « Coca-Cola se met au cinéma ? C'est une blague ? Non... malheureusement... Coca-Cola dans son esprit de capitalisme extrême désire sans doute être présent dans tous les domaines exploitables possibles. En voyant ce court-métrage, j'ai compris que Coca-Cola restera sans doute le distributeur de boissons que l'on connaît tous et non un grand producteur de film... » ; « Sérieusement on mange déjà assez de pub matin, midi et soir à la télévision. Pas la peine d'en rajouter sous forme de mini-film totalement niais, merci ;) » ; « Prenez-nous pour des idiots avec votre boisson qui assèche l'Inde, qui provoque des problèmes de santé énormes, [...] qui n'hydrate pas, et surtout, qui n'a aucun rapport avec les ours polaires si ce n'est leur extinction. Un boycott en règle est amplement justifié » ; « Pitié ne me dites pas que c'est l'avenir du cinéma. Les marques qui nous pondent directement leurs propres films non pas pour créer un film mais pour vendre encore plus de produits » ; « En fait quand j'ai cliqué dessus, j'espérais une parodie en me disant que ce n'était pas possible que ce soit du 1er degré, mais dites-moi que le 1er avril est en avance. Au secours » ; « On connaissait les films pollués de placements produit, Coca-Cola, plus fort que les autres, invente le placement film ! ». Bref, les exemples abondent de visiteurs d'Allociné qui verbalisent leur décryptage de ce qui leur apparaît comme une manigance et dénoncent la manipulation auprès des autres internautes, dans un souci de vigilance partagée. Le site de cinéma est lui aussi mis en cause : « Question à la direction d'Allociné : par curiosité, combien Coca Cola a-t-il déboursé pour voir sa bande-annonce placée en tête de liste durant un délai aussi long ? » ; « Non mais sérieux, c'est bon, on l'a vu ce spot publicitaire (qui n'a pas grand chose à faire sur Allociné). Il serait peut-être bon de l'enlever de la première page maintenant non ? En plus c'est franchement nul, niais à mourir et ça me donne une furieuse envie de boire du Pepsi ! » ; « Quoi, vous le remettez en une ?? Ça vous gêne pas que ce soit de la pub déguisée ? Et à destination des gosses en plus ?
21Ce sont là les risques et périls de la « mise au travail du consommateur » dont parle Marie-Anne Dujarier [21]. La « coproduction collaborative » consiste à utiliser le consommateur en tant que « travailleur », en faisant en sorte qu'il ne s'en offusque pas. Coca-Cola met gracieusement à la disposition de tous ceux qui l'apprécient un film, à charge pour eux de le regarder, de le faire circuler et idéalement de le conseiller autour d'eux. Deux mois après sa mise en ligne, la version française du film a été vue plus de 1 500 000 fois sur Youtube. Nous l'avons dit, Coca-Cola explique avoir répondu à une attente de ses consommateurs, qui auraient souhaité le retour de cette mascotte laissée pour compte ces dernières années. Les internautes vont certes jouer un rôle important dans la publicisation de cette production, en visionnant et surtout en commentant – « ne restez pas simple spectateur », stipule d'ailleurs la signature d'Allociné. Mais il apparaît ici combien l'appel au commentaire est un blanc-seing, qui comprend inévitablement l'autorisation donnée au consommateur de parler contre et pas seulement avec. Les critiques amateurs s'adonnent à l'évaluation avec un plaisir manifeste, sans retenue. Ils remplissent bien la mission qui leur a été conférée par Allociné, mais pour une très large part, c'est à l'encontre de Coca-Cola qu'ils s'expriment.
Discrédit sur la discrétion
22Alors que « c'est trop chou » et « mignon » tiennent en quelques caractères, se propagent et s'entrechoquent les argumentaires vindicatifs, avec une proportion significative d'internautes qui s'attachent à déciller ceux qui leur semblent tomber dans le piège. Le dispositif, analysé comme un procédé tactique, est bien plus commenté que le contenu du film en soi. Les messages postés soulignent le fait que Les ours polaires est bel et bien de la publicité, assurément plus qu'ils ne l'auraient fait si ce film relevait simplement du genre publicitaire. Le flou orchestré autour de la posture énonciative avive les discussions. Dès lors que l'hybridité est perçue, une instabilité semble susceptible de s'instaurer dans la relation entre la marque et les consommateurs. Ici, les conditions de la confiance ne sont plus réunies et les interrogations dubitatives, cyniques ou franchement scandalisées s'amoncellent. C'est une sorte de distanciation brechtienne [22] que les gestionnaires de la marque n'auraient pas organisée : les commentateurs prennent bel et bien part à cette pièce jouée par Coca-Cola mais pour discuter non pas, dans une perspective politique d'émancipation partagée avec un énonciateur complice (c'est le cas dans le théâtre épique de Brecht), les leçons du spectacle montré, mais le pourquoi du comment de ce spectacle-ci donné par cet auteur-là. Là où la marque cherche assurément de la sympathie et fonctionne selon un principe de mimesis, elle récolte de la « distanciation » et les commentateurs se sentent investis d'une mission de « désaliénation » [23].
23Cette situation est probablement consécutive à la manière dont Coca-Cola a procédé. Une manière qui confine au maniérisme, en ce sens que la marque a mimé la fabrique cinématographique avec un perfectionnisme rendu possible par sa puissance économique et symbolique. En quelque sorte, elle a tellement peaufiné sa démarche d'immixtion dans les pratiques médiatiques que l'emprunt en est devenu criant et a été perçu comme un rapt : ce que pointent les commentateurs, c'est que la publicité leur semble suractivée quand ses gestionnaires s'obstinent à la faire passer pour une production médiatique non publicitaire. Ici, la dépublicitarisation est requalifiée, contre ses instigateurs, en publicité hégémonique. La tactique de discrétion devient un sujet de sarcasme. La mise en culture de la publicité se retourne en mise au pilori.
24Coca-Cola s'est exposé en procédant à cet emprunt médiatique ; car l'emprunt, dès lors qu'il est perçu comme non autorisé, a tout d'un vol. Ici, le vol d'un puissant qui a les moyens de tout se permettre. D'autres formes d'appropriations médiatiques sont à la fois plus invasives et pourtant moins décriées comme envahissantes [24]. Citons l'exemple d'Ikea, qui, en février 2013, s'installe quelques jours devant la gare Saint-Lazare, à Paris. Un chapiteau intitulé « La Textilerie » accueille les passants pour exposer les tissus d'ameublement commercialisés par la marque, tout en proposant confections et ateliers de création gratuits. Dans le même temps, certaines portes d'entrée de la gare sont décorées aux couleurs des tissus et la façade entière est éclairée toute la nuit d'un assortiment de motifs. Pareil événement transforme le parvis en boutique et le monument historique en affiche. Bien que ce que pratique Ikea, ce soit une extension de l'espace de médiatisation, une hyperpublicitarisation donc, l'événement ne donne pas prise aux critiques : la marque rend la ville plus jolie, elle ne s'installe pas durablement, la manifestation est aisément lisible et ne provoque pas des discussions sur son intention. Il s'agit ici d'innovation et non d'emprunt. L'expérimentation fait sens en soi (les produits dans la ville), elle se donne à voir pour ce qu'elle est, elle n'est ni interprétable ni interprétée comme un brouillage des genres et un écran de fumée (comme c'est le cas avec la publicité dans le film cinématographique).
La critique greffée sur la peau de l'ours
25La médiatisation opérée par Coca-Cola a servi de tremplin à une salve de critiques acides mais elle a aussi servi de relais à la mise en visibilité d'un documentaire de 65 minutes diffusé le 8 janvier 2013 à 22 h 25 par la chaîne de télévision France 2. Que ce soit sur Allociné ou dans les commentaires qui suivent le visionnage des Ours polaires sur Youtube, les commentateurs sont très nombreux à poster un lien vers une autre production médiatique, un documentaire visionnable dans son intégralité sur Youtube : Coca-Cola et la formule secrète [25]. Le propos angélique des Ours polaires est dénoncé comme une contre-vérité machiavélique par ceux qui renvoient à cette enquête journalistique diffusée dans le rendez-vous hebdomadaire de documentaires Infrarouge. Produit par Patricia Boutinard-Drouelle (Nilaya), ce film inaugure une collection intitulée L'emmerdeuse, représentative du « gonzojournalisme », qui met en scène la journaliste Olivia Mokiejewski [26]. Ce documentaire a réuni, selon Médiamétrie, 1 975 000 téléspectateurs et 12,9 % PDA. Il suit l'enquêtrice, grande consommatrice de Coca-Cola, qui annonce en début de film avoir à coeur de connaître la composition du soda qu'elle boit en abondance (« Elle en a bu 7 000 litres, 20 000 canettes »). Elle part à Atlanta, où la firme Coca-Cola a muséifié et spectacularisé son secret de fabrication. Elle interviewe ceux qui dénoncent les dangers que la consommation fréquente de Coca-Cola ferait peser sur la santé et ceux qui montrent les dévastations écologiques que sa production entraîne. Ce film oeuvre dans le sens de la notoriété de la marque mais en égratigne l'image. La typographie du célèbre logotype est utilisée tout au long du documentaire, dans une logique d'emprunt qui prend le contre-pied de la logique de dépublicitarisation que nous avons décrite : ici, il ne s'agit pas d'une appropriation médiatique dans une perspective publicitaire mais de l'appropriation d'un attribut communicationnel dans une production médiatique. Coca-Cola croit avoir tout lieu d'être fier de son hégémonie et de la reconnaissance mondiale de son identité visuelle ? L'emmerdeuse en déploie la majestueuse traîne, comme une demoiselle d'honneur fascinée, et montre avec insistance ce que cachent les ourlets et la doublure.
26La réalisation de Coca-Cola et la formule secrète relève du même mécanisme que la plupart des critiques adressées aux Ours polaires : un doute généralisé à l'encontre des procédés de masquage. Si Coca-Cola garde sa recette secrète, c'est qu'elle ne serait pas bonne à dire ; si Coca-Cola recourt au cinéma, ce serait pour mieux nous duper. Ce point commun présumé, ajouté à la concomitance de la diffusion des deux films, favorise le rapprochement et la profusion de citations et de renvois au documentaire, dans une sorte de retour à l'envoyeur et même d'arroseur arrosé. Ce qui motive les internautes qui incitent à regarder ce documentaire, c'est une logique de ce type : Coca-Cola veut nous faire avaler des nounours gentillets ? Regardez bien cet autre film et vous comprendrez qu'il cherche à nous faire oublier la taille des couleuvres qu'il nous fait gober. Il ne fait aucun doute que le succès d'audience en rediffusion sur Internet du film La formule secrète tient en grande partie au plan de communication des Ours polaires. L'intention des promoteurs du procédé de dépublicitarisation est prise à contre-pied, puisque les plateformes de commentaires des « fans » se muent en ring sur lequel la marque encaisse des coups.
27Coca-Cola croyait orienter les conversations vers les mignonnes aventures de Jak et Kaia, or celles-ci restent anecdotiques, au double sens qualitatif et quantitatif, à côté des critiques et de la publicité qu'elles font à ce documentaire. C'est dans ce contexte qu'une petite polémique va s'installer. L'hebdomadaire Le Canard enchaîné publie le 30 janvier 2013 un article expliquant que Coca-Cola aurait pris une mesure de rétorsion à l'encontre de France 2 pour se venger de la diffusion de ce documentaire outrecuidant : « l'annonceur Coca-Cola [...] a écrit à Rémy Pflimlin pour se plaindre et ajouter qu'il sucre sa pub en 2013 sur les chaînes du groupe public. Quelque 2 millions d'euros de manque à gagner, selon des sources internes, chiffres que ne confirme pas l'entourage du pédégé ». Cette information est reprise par plusieurs médias d'actualité, dont rue 89, Télérama, Challenges, 20 minutes, Métro, La Tribune, L'Express, elle est également mise en ligne par des médias spécialisés comme Arrêt sur images et jeanmarcmorandini.com, et elle circule largement au sein du réseau Twitter. Trois semaines après sa diffusion, le documentaire est donc à nouveau mis à l'honneur. Le 31 janvier 2013, France Télévisions Publicité dément formellement l'affirmation du Canard enchaîné, dans un communiqué signé par son directeur de la communication, Bruno Belliat : « Contrairement à ce qui a été indiqué dans certains médias, suite à la diffusion du documentaire Coca-Cola la formule secrète, le 8 janvier dernier sur France 2, France Télévisions ne fait pas l'objet d'un boycott publicitaire de la part de Coca-Cola. Il est ainsi inexact d'affirmer qu'un investissement publicitaire de 2 millions d'euros aurait été retiré par cet annonceur dans le cadre de ce prétendu boycott. Les investissements publicitaires habituels du groupe Coca-Cola sur les antennes de France Télévisions sont en réalité nettement inférieurs au chiffre avancé, après une année 2012 exceptionnellement élevée, en raison de l'association historique entre Coca-Cola et les JO qui étaient diffusés sur le service public. »
28Le pouvoir détenu par les annonceurs, voilà justement ce que nous désignons par le terme publicitarisation ; que la rétorsion ait réellement eu lieu ou qu'elle soit supposée, la pression constitue bel et bien une donnée essentielle avec laquelle un diffuseur et un producteur doivent composer. Coca-Cola n'a peut-être pas retiré son budget publicitaire prévisionnel à France 2, mais en publiant ce communiqué factuel, le groupe audiovisuel a manifestement préféré ne pas s'attirer les foudres de la marque. Ce démenti est symptomatique des relations diplomatiques que doivent ménager les régies avec les annonceurs, qui sont aussi des sources pour les journalistes et des sujets potentiels de reportages : contredire l'existence de ce boycott, c'est aussi laisser entendre qu'il aurait bel et bien pu avoir lieu, et c'est faire un geste de conciliation pour éviter qu'il n'advienne. Ajoutons qu'à l'exception de ce communiqué, signé du directeur de la communication de France Télévisions Publicité, aucun avis n'a été exprimé ni par la chaîne, ni par le groupe, ni par aucun de ses dirigeants. Chacun se tient prudemment à son devoir de réserve sur cette question, gênante à tous les niveaux de la chaîne de production, et même généralement taboue chez les responsables hiérarchiques.
29Si la punition publicitaire n'est pas une pratique quotidiennement appliquée, c'est moins parce que les annonceurs y rechigneraient que parce que les médias ont intégré des règles d'évitement. Peu de productions médiatiques prennent le risque de porter préjudice aux annonceurs. Avec Coca-Cola et France 2, nous sommes face à une situation intéressante en ce qu'elle dévoile des pratiques que les parties prenantes ont conjointement intérêt à masquer : il n'est pas plus honorant de faire plier que d'être celui qui se soumet. Et surtout, il faut faire en sorte de n'avoir pas à se soumettre encore davantage : en donnant des signes de non-hostilité vis-à-vis du marché publicitaire, France Télévisions cherche à se prémunir d'autres réprimandes que d'autres annonceurs pourraient infliger eux aussi. Paradoxalement, ce n'est donc pas dans ces instants de dévoilement – tout aussi commentés qu'ils soient – que la pression est en réalité la plus forte et la plus problématique. Pour qu'un annonceur s'insurge, encore faut-il qu'un média ait osé le défier en s'affranchissant de sa mainmise économique. Or, justement, la diffusion d'un documentaire tel que Coca-Cola et la formule secrète est relativement rare. Ce qui devrait poser question, et qui en réalité donne peu de prises aux dénonciations faute de matière à commenter, c'est l'immense majorité des situations où les productions médiatiques n'entrent pas en conflit avec les discours des marques, tout simplement parce que la probabilité de perdre des revenus publicitaires a étouffé toute velléité de contrevenir aux intérêts des annonceurs, sans même que ces derniers aient eu à les exprimer.
30Olivier Milot, journaliste à Télérama, fournit quelques éclairages sur l'épisode Coca-Cola/France 2 [27]. « “Le tournage a été compliqué”, reconnaît la productrice Patricia Boutinard-Rouelle, “s'attaquer à une entreprise comme Coca-Cola, ce n'est pas simple.” Pas facile à financer non plus. Les chaînes privées ont toutes refusé le projet. Pas question d'aller titiller un annonceur qui, en 2012, a dépensé 52,7 millions d'euros en télévision. Alors comme souvent, c'est le service public qui s'y est collé, et en l'occurrence France 2. Après la séquence de questions à l'assemblée générale de Coca-Cola, les appels du géant du soda n'ont pas tardé. À France Télévisions pour se plaindre des méthodes d'enquête et demander à voir le film avant diffusion, à sa régie publicitaire pour faire amicalement pression. » Quiconque méconnaît le contexte économique des médias pourrait s'attendre à ce qu'une chaîne de télévision exhibe sa fierté dès lors qu'elle contraint un annonceur à se venger du traitement qu'elle lui a infligé ; ou, du moins, à ce qu'elle communique sur le fait que prémunir le journalisme des concessions au pragmatisme financier est un de ses fers de lance. Or, que constatons-nous ? Que même les chaînes les plus audacieuses ne manifestent aucun triomphalisme et ne revendiquent pas ce type de témérité. Pourtant, L'emmerdeuse n'est pas un phénomène isolé sur France 2. Récemment, les séries d'enquête Cash investigation et Les infiltrés ont prouvé d'une part que la chaîne se positionnait dans l'investigation, d'autre part que l'investigation économique constitue inévitablement une prise de position contre la communication des marques et le pouvoir que confère l'achat d'espace publicitaire par les annonceurs. Dès lors qu'une enquête prend pour terrain le secteur économique, ses initiateurs exposent la chaîne qui la diffuse à des difficultés financières. Les trois programmes ci-dessus mentionnés relèvent d'une volonté de ne pas céder au contexte et de faire fi de la puissance des pourvoyeurs de revenus publicitaires. Romain Icard, réalisateur de Coca-Cola et la formule secrète, explique ainsi sur le site de France 2 : « Faire de cette quête une balade mondiale, c'est renvoyer Coca à son image de rêve et d'évasion. Sans les apparats de la publicité... C'était là l'autre pari du film : parvenir à se défaire des messages tout puissants des “communicants” maison. Parvenir à dépasser le vernis des publicités et des déclarations. » [28] La ligne de conduite revendiquée par Élise Lucet, qui mène les enquêtes de Cash investigation, est extrêmement proche : « L'idée de départ, c'était de court-circuiter les campagnes de communication des multinationales. Aujourd'hui, ces groupes sont trop bien armés. On ne peut plus approcher un dirigeant d'entreprise sans être escorté par quatre attachés de presse. La machine est trop bien huilée. Les entreprises passent leur temps à polir leur image, allumant un contre-feu à la moindre polémique, faisant fuiter les infos qu'elles veulent, retenant les autres. Il faut redoubler d'ingéniosité pour enrayer ce système de communication et découvrir la vérité qui se cache derrière le discours publicitaire. » [29] Enquêter, quelque perte financière qu'il en coûte ; enquêter en assumant l'éventualité de vengeresses contreparties : cette actuelle dynamique journalistique montre par contrecoup à quel point la pression publicitaire entrave les médias. Lutter contre la publicitarisation en devient pour ainsi dire une ligne de mire journalistique, marginale certes mais vigoureuse et vindicative. Il est néanmoins révélateur que les producteurs et réalisateurs tiennent un discours que même une chaîne du service public français, moins dépendante des revenus publicitaires que les chaînes commerciales, ne s'expose pas à exprimer. Il n'est pas anodin non plus que les programmes évoqués s'inscrivent peu ou prou dans la veine d'un journalisme incarné, fortement éditorialisé, assumé comme une prise de parole subjective et même pour L'emmerdeuse comme une forme de « gonzojournalisme » ; car assumer individuellement la critique, c'est éviter de trop charger l'institution-média : quand une personne affiche son « je », le collectif est moins chargé de le porter.
31De toute évidence, les huit épisodes de Cash investigation diffusés par France 2 en 2012 ont entraîné mécontentements et mesures punitives de la part des annonceurs, en même temps que l'admiration de bon nombre de téléspectateurs. Mais la chaîne garde ses péripéties pour elle et le producteur reste prudent dans ses déclarations, puisque lui-même a d'abord pour objectif de maintenir le programme à l'antenne [30]. Quatre épisodes sont diffusés en 2013. C'est mieux qu'une mise en berne, mais c'est indéniablement une réduction de la voilure. Autrement dit, la publicitarisation des médias se mesure aussi à la place limitée à laquelle restent cantonnées les actions qui s'en distinguent [31]. Et à la faible médiatisation qui accompagne ces actions. Quand la revue XXI, le 10 janvier 2013, publie son manifeste intitulé « Un autre journalisme est possible » qui dénonce la pressurisation publicitaire, ses auteurs Patrick de Saint-Exupéry et Laurent Beccaria ne peuvent pas compter sur un soutien très appuyé chez les médias confrères, qui n'ont aucun intérêt à ce que les insertions publicitaires soient considérées avec une suspicion trop vive. L'acte de bravoure des professionnels des médias qui s'en prennent au système publicitaire est souvent perçu comme une fanfaronnade. Pire, il n'est parfois pas du tout perçu, faute de tout signalement par ses auteurs et de méconnaissance de l'économie des médias par le public. Le 14 mars 2013, Le Nouvel Observateur sort ainsi un numéro dont la couverture sert aussi d'affiche promotionnelle sur les kiosques. Les passants y découvrent une carte du monde redécoupée entre multinationales, qui surplombe ce titre : « Les vrais maîtres du monde. Comment les multinationales gouvernent nos vies ». Les logotypes de 36 grandes marques, parmi lesquelles Nestlé, Renault, Toyota, Nissan, Samsung, Microsoft, LVMH, Sanofi, Total, Areva, Apple, Mac Donald, qui sont autant d'annonceurs très présents dans les médias, y figurent comme signes non pas d'affection mais d'omnipotence outrancière. Le Nouvel Observateur s'expose au mécontentement de toutes ces entreprises qui sont autant de sources de revenus que sa régie travaille assurément à attirer. Sur cette nouvelle carte du monde, Coca-Cola figure en place d'honneur. Les lecteurs auront-ils pris la mesure de la hardiesse de ce geste éditorial ?
32Publicitarisation et dépublicitarisation ne désignent pas des tendances dans lesquelles toutes les marques et tous les médias se coulent et se moulent de concert. Ces concepts ne proposent pas une vision simplifiée et orchestrée des métamorphoses en jeu dans le secteur professionnel de la communication. Il convient plutôt de considérer l'espace saisi par la pub* comme un creuset de créations, de pressions, d'intentions parfois contraires, de combats, d'innovations, d'impasses et, peut-être aussi, de faux pas.
Bibliographie
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- Baudrillard, Jean, La société de consommation [1970], Gallimard, coll. « Folio essais », 2001.
- Berthelot-Guiet, Karine, de Montety Caroline, Marti, « Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestions sémiotique », Circav, 20, « La publicité aujourd'hui, Discours, formes et pratiques », 2009, p 63–77.
- Berthelot-Guiet, Karine, de Montety Caroline, Marti, Patrin-Leclère, Valérie,« Entre dépublicitarisation et hyperpublicitarisation, une théorie des métamorphoses du publicitaire », Semen, 36, « Les nouveaux discours publicitaires », coordonné par Marc Bonhomme, 2013.
- Bô, Daniel, Lellouche, Raphaël, Guével, Matthieu, Brand culture, développer le potentiel culturel des marques, Dunod, 2013.
- Dujarier, Marie-Anne, Le travail du consommateur, La Découverte, 2008.
- Eco, Umberto, Lector in fabula [1979], Livre de poche, coll. « Biblio/Essais », 1989.
- Lambert, Frédéric, Je sais bien mais quand même – essai pour une sémiotique des images et de la croyance –, Éditions non Standard, coll. « SIC », 2013.
- Marti de Montety, Caroline, « Haribo chez les Muses. La tentation patrimoniale des marques », in Regoud, Martine (dir.), Musées en mutation, L'Harmattan, 2012.
- Marti de Montety, Caroline, « Les marques, instances communicationnelles, acteurs culturels», Marketing et Communication, « La marque, objet communicationnel », coordonné par Denis Benoit, Karine Berthelot-Guiet, Christian Marcon, 2013.
- Martin, Marc, Trois siècles de publicité en France, Odile Jacob, 1992.
- Patrin-Leclère, Valérie, « Médias et Publicité, l'impossible débat ? Les leçons de l'affaire Le Lay et de son temps de cerveau disponible », Communication & langages, 143, 2005, p 7–18.
- Patrin-Leclère, Valérie, « Les traces d'un fourvoiement journalistique : “Kibboutz spirit”, Libération Next, juin 2009 », Communication & Langages, 164, 2010, p 117–126.
- Patrin-Leclère, Valériede Montety Caroline, Marti, Berthelot-Guiet, Karine, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, Éditions Le bord de l'eau, coll. « Mondes marchands », 2014.
Mots-clés éditeurs : Coca-Cola, film de marque, dépublicitarisation, communication de marque, publicitarisation, publicité
Date de mise en ligne : 01/11/2017.
https://doi.org/10.3917/comla.179.0003Notes
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[1]
Valérie Patrin-Leclère, Caroline Marti de Montety, Karine Berthelot-Guiet, La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation, Éditions Le bord de l'eau, coll. « Mondes marchands », 2014.
-
[2]
Valérie Patrin-Leclère, « Journalisme, publicité, communication : pratiques professionnelles croisées », Communication & langages, 140, 2004, p. 109-118.
-
[3]
Valérie Patrin-Leclère, « Les traces d'un fourvoiement journalistique : “Kibboutz spirit”, Libération Next, juin 2009 », Communication & langages, 164, 2010, p 117-126.
-
[4]
Caroline Marti de Montety, « Les magazines de marque : entre “gestion sémiotique” et cuisine du sens », Communication & langages, 143, 2005, p 35-48 et Karine Berthelot-Guiet et Caroline Marti de Montety : « Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique », Circav, 20, 2009, p. 63-77.
-
[5]
Caroline Marti de Montety, Karine Berthelot-Guiet et Valérie Patrin-Leclère, « Entre dépublicitarisation et hyperpublicitarisation, une théorie des métamorphoses du publicitaire », Semen, 36, dossier « Les nouveaux discours publicitaires » coordonné par Marc Bonhomme, octobre 2013.
-
[6]
Les commentateurs, journalistes, blogueurs ou internautes commentateurs, évoquent « Les ours polaires de Ridley Scott ».
-
[7]
Chiffres non communiqués.
-
[8]
Consulter le site http://www.brandcontent.fr, site créé par Daniel Bô, auteur avec Matthieu Guével de l'ouvrage Brand Content, comment les marques se transforment en médias, Dunod, 2009.
-
[9]
Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, le 7 janvier 1977, Roland Barthes explique ainsi la genèse de son projet sémiologique : « Il s'agissait en somme de comprendre (ou de décrire) comment une société produit des stéréotypes, c'est-à-dire des combles d'artifices, qu'elle consomme ensuite comme des sens innés, c'est-à-dire des combles de nature ». Ce texte a été publié au Seuil en 1978.
-
[10]
Yann Peira, voix de doublage de Jak, est présent dans Jasper, pingouin explorateur (2009), qui dessine également les aventures d'un animal jeune et mâle dans la banquise.
-
[11]
Voir note 3.
-
[12]
Coca-Cola produit une isotopie du dessin animé américain contemporain pour enfants, une homogénéité favorisant ainsi une unité de lecture (A.-J. Greimas, Sémantique structurale, 1966).
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[13]
Le dossier de presse fait état de cette filiation choisie et établit le lien de cause à effet entre la « tendance » nounours et la réactivation par la marque de cette icône qu'elle n'utilisait plus. http://www.coca-cola-france.fr/contentFiles/files/pdf/Le_Retour_aux_Ours_de_Coca-Cola.pdf
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[14]
Dossier de presse : « La politique de développement durable de Coca-Cola s'appuie sur le programme Live Positively, constitué de 7 engagements concrets pour une croissance responsable d'ici 2020 : informations transparentes sur l'offre de boissons, implication pour un environnement de travail épanouissant, promotion de modes de vie actifs, actions sociétales et solidaires, mais également diminution de l'impact de son activité sur l'environnement, utilisation d'emballages recyclables et gestion responsable de l'eau. »
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[15]
Roland Barthes, Leçon inaugurale au Collège de France, déjà cité.
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[16]
Frédéric Lambert, Je sais bien mais quand même – essai pour une sémiotique des images et de la croyance –, Éditions non Standard, coll. « SIC », 2013. Frédéric Lambert interroge les mécanismes et les arcanes de la croyance et pointe cette spécificité des formes médiatiques qui mettent à mal ses ressorts, parce qu'il devient difficile, voire impossible, de tout simplement croire.
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[17]
Umberto Eco, Lector in fabula [1979], Livre de poche, coll. « Biblio/Essais », 1989, p 71.
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[18]
Ibid.,p 70.
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[19]
En linguistique, le co-texte désigne les co-occurrences et est distinct du contexte. Je cite Umberto Eco : « Les sélections contextuelles prévoient des contextes possibles : lorsqu'ils se réalisent, ils se réalisent dans un co-texte », ibid., p 16. Distinction éclairante ici, puisque le cotexte, sur le site Allociné, est cinématographique (d'autres extraits de films) mais que le contexte plus large conduit un certain nombre de destinataires à interpréter le média Allociné comme support publicitaire ayant vendu son espace à une marque commerciale.
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[20]
Les plus critiques d'entre eux ont été supprimés après avoir été dans un premier temps publiés ; j'en ai copié une large part le 14 février 2013 et n'ai retrouvé qu'une version tronquée lors de ma visite du 13 mars 2013. http://www.allocine.fr/film/fichefilm-216872/critiques/spectateurs/recentes/
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[21]
Marie-Anne Dujarier, Le travail du consommateur, Paris, La Découverte, 2008.
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[22]
Bertold Brecht, Écrits sur le théâtre, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, texte publié en 1940.
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[23]
La « distanciation » est la traduction française usuelle du terme de Bertold Brecht, Verfremdung, qui signifie « rendre étrange » ; il s'agit de rendre étranger à soi-même ce que l'on accepte autrement sans se poser de question, pour se désaliéner de ce à quoi on est habitué.
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[24]
Caroline Marti de Montety, « Haribo chez les Muses : la tentation patrimoniale. Quand les marques deviennent des musées », in Martine Regoud (dir.), Musées en mutation, L'Harmattan, 2012.
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[25]
http://www.youtube.com/watch?v=E6MH4Sv4M_k, près de 290 000 vues au 15 mars 2013.
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[26]
« La collection “L'Emmerdeuse” propose une nouvelle manière d'investir les grandes questions que soulèvent les problématiques de consommation, d'environnement ou de développement durable. [...] Dans chaque documentaire, le point de départ de “L'Emmerdeuse” est un coup de gueule personnel mais universel. Avec ce ton qui lui est propre, Olivia prend pour cible un produit ou un système, dénonce une industrie dont les agissements l'insupportent et qui nous concernent tous : l'avenir de la planète, l'utilisation des ressources naturelles, les problématiques de santé publique et les questions économiques liées au développement durable... » http://www.france2.fr/emissions/infrarouge/diffusions/08-01-2013_19517
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[27]
Olivier Milot, Telerama.fr, « Menaces via les budgets pub de France 2 : Coca n'est pas le seul à faire pression », publié le 30 janvier 2013.
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[29]
Erwan Desplanques, Telerama.fr, http://television.telerama.fr/television/avec-cash-investigation-france-2-renouvelle-l-enquete-tele,81285.php, publié le 12 mai 2012.
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[30]
TéléObs, 12 septembre 2012 : « ”C'est une décision un peu mystérieuse, explique Paul Moreira, de Premières Lignes, qui a dû réduire ses équipes travaillant sur le programme. France Télévisions nous avait laissé une liberté totale... Nous avions trouvé un ton et créé un objet télévisuel fort et là, on a l'impression de faire marche arrière.” Dans les couloirs de la chaîne, il se dit que des annonceurs égratignés par le magazine auraient retiré leurs spots de l'antenne. [...] “Rumeur infondée”, répond-on à France Télé ». (http://teleobs.nouvelobs.com/articles/37016-cash-investigation-mystere-autour-de-la-saison-2).
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[31]
Les infiltrés, diffusé de temps en temps sur France 2 depuis 2008, continue à aborder « des sujets de société » mais avec une orientation plus économique que dans les premiers numéros. En février 2013, a ainsi été abordé le lobbying des laboratoires pharmaceutiques. Puis en mars 2013, l'activité commerciale des pompes funèbres. Il s'agit à chaque fois d'infiltrer un milieu ou un secteur pour obtenir des informations qui sans ce procédé resteraient probablement cachées aux journalistes et donc au public des médias.