1L’ouvrage de Pauline Escande-Gauquié s’inscrit dans la série « Pour en finir avec… » de la collection « Coup de gueule et engagement » de l’éditeur Atlande. Ces ouvrages partent tous d’une idée reçue qu’ils s’emploient à déconstruire. Dans ce texte, l’auteur interroge le discours récurrent sur la crise du cinéma français au regard de la créativité et des succès de l’industrie cinématographique française.
2Nourri par une bibliographie dense sur l’industrie cinématographique, cet ouvrage se base également sur une enquête menée auprès de professionnels du cinéma français (financeurs, producteurs, réalisateurs, distributeurs). Pauline Escande-Gauquié montre qu’il y a un décalage entre un discours récurrent sur la crise présumée du cinéma français et la réalité économique de cette industrie. Elle propose une réflexion à la fois sur les raisons de ce décalage et sur les spécificités de l’industrie cinématographique française.
3L’auteur explique tout d’abord que les discours sur « la fin » du cinéma français permettent « une reconnaissance de l’incertitude » (p. 15). En effet, l’industrie du cinéma est présentée comme une « industrie du prototype » où la réussite est toujours contingente. Les professionnels du cinéma, et en premier lieu les financeurs, tentent alors de conjurer cette incertitude en mettant en place des grilles d’évaluation qui permettraient d’évaluer le succès commercial potentiel d’un film. D’autre part, l’auteur explique que « la rhétorique de la crise est un facteur dynamique du renouvellement du cinéma français » (p. 16). Ce recours à un discours agonistique serait un facteur d’innovation dans la mesure où les professionnels du cinéma mettent en avant l’importance de la créativité dans ce domaine. Enfin, le discours sur la crise permet également de maintenir les aides financières en argumentant sur la nécessité des soutiens à cette industrie.
4Tout en exposant les fonctions de ce discours récurrent sur la crise, l’auteur présente les spécificités (culturelles, juridiques, économiques, professionnelles) du cinéma français. La première partie de l’ouvrage porte sur les fondements historiques qui expliquent ces spécificités. L’auteur souligne notamment la bipolarité du cinéma français : un cinéma grand public héritier d’une « conception néo-hollywoodienne » et un cinéma d’auteur à petit budget et très subventionné. L’économie du cinéma français se fait ainsi sur un nombre limité de films qui peuvent s’apparenter à des « blockbusters ». Sans porter de jugements sur la qualité présumée de tel ou tel type de film, Pauline Escande-Gauquié montre bien la complexité du système de soutien face à cette bipolarité.
5Puis, dans un deuxième temps, Pauline Escande-Gauquié, suit le parcours d’un film, de son idée à son lancement en passant par son financement et sa fabrication. Elle aborde, entre autres, le rôle du CNC (Conseil national de la cinématographie), les politiques et critères de financement des chaînes de télévision, le rôle central du réalisateur, la concentration de la distribution, etc. Ce parcours est alimenté par des récits de tournages, des exemples de campagnes de promotion, des témoignages de divers professionnels, ce qui donne à l’ouvrage une dynamique particulière et surtout montre qu’il n’existe pas de recette prête à l’emploi.
6Enfin, l’auteur propose une réflexion sur les mutations actuelles du cinéma français au regard de la globalisation de cette industrie et montre, notamment, en quoi la bipolarité semble être un « dogme nécessaire au maintien du cinéma français » (p. 277)
7L’ouvrage de Pauline Escande-Gauquié permet ainsi de questionner les fonctions sociales, économiques, culturelles d’un discours et montre qu’il s’agit de dépasser l’apparente opposition entre le discours sur la crise et la réalité du cinéma français. D’autre part, il offre au grand public, aux étudiants, aux chercheurs ou aux professionnels qui s’intéressent au cinéma une compréhension globale du fonctionnement et des enjeux de cette industrie culturelle en France.