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Article de revue

Le comique à la télévision des années 1960 : l’Atelier Prévert-Derlon, entre héritage et recherche

Pages 119 à 135

Notes

  • [1]
    Par application de la loi du 20 juin 1992.
  • [2]
    La fiction et les séries ont eu un traitement plus favorable, héritage, sans doute, des études cinématographiques.
  • [3]
    La première analyse scientifique d’une publicité est bien évidemment celle menée par Roland Barthes dans le fameux texte « Rhétorique de l’image » en 1964, repris dans ses Œuvres complètes, Paris, Seuil, 2002, pp. 573-588. D’ailleurs, Dominique Pasquier nous rappelle que Barthes fut considéré par Richard Dyer comme l’« avenir » des cultural studies, en tant que précurseur. Pasquier Dominique, « La culture populaire à l’épreuve des débats sociologiques », Hermès, 42, 2005, p. 67.
  • [4]
    Searle John, « Le statut logique du discours de la fiction », Sens et expression, études de théorie des actes de langage, Paris, Éditions de Minuit, 1982, p. 102 et suivantes.
  • [5]
    En littérature, ces discours relèvent d’une catégorie de discours que Genette, dans Seuils, nomme paratexte. Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, coll. « Points », 1987.
  • [6]
    Eco Umberto, « Le comique et la règle », La guerre du faux, Paris, Livre de Poche, coll. « biblio essais », 1985, p. 369.
  • [7]
    John Searl, « Le statut logique du discours de la fiction », art. cit., 1982, p. 109. C’est moi qui souligne.
  • [8]
    Jost François, Comprendre la télévision, Paris, Armand Colin, 2005.
  • [9]
    Pour des raisons pratiques, l’Atelier Prévert-Derlon sera désormais baptisé dans la suite du texte APD.
  • [10]
    Il semblerait que 10 émissions aient été produites, mais les examens des rapports du chef d’antenne montrent que seules 8 ont été diffusées à l’antenne.
  • [11]
    Diffusion le 6 janvier 1969.
  • [12]
    Diffusion le 27 janvier 1969.
  • [13]
    Diffusion le 10 février 1969.
  • [14]
    Diffusion le 13 février 1969.
  • [15]
    Diffusion le 20 janvier 1969.
  • [16]
    Diffusion le 10 février 1969. À cette liste, il ne faut pas oublier d’ajouter Le rendez-vous, diffusée le 27 janvier 1969 (14 minutes) et Les vésicules de la fortune, diffusée le 3 février 1969 (18 minutes).
  • [17]
    L’étude des logiques de présentation de l’APD dans Télérama a pour corpus essentiellement la présentation générale de l’annonce des programmes la semaine de diffusion des émissions. Ce premier moment analytique de dévoilement des modèles interprétatifs mobilisés par le journal exclut les commentaires journalistiques ou autres entretiens que Pierre Prévert a pu accorder au journal. Ceux-ci seront pris en compte dans un second temps pour évaluer la dissonance entre la promesse de Pierre Prévert face à son travail et la réception par la critique des émissions.
  • [18]
    Le titre collection renvoie à l’APD par opposition au titre propre singularisant le programme.
  • [19]
    Télérama, annonce des programmes du 6 janvier 1969.
  • [20]
    Télérama, annonce des programmes du 13 janvier 1969.
  • [21]
    Sur un scénario de son frère Jacques, il a réalisé au cinéma L’affaire est dans le sac en 1932 mais aussi, entre autres, À la belle étoile. À la télévision, ses talents de réalisation sont visibles dans un feuilleton fantastique en noir et blanc, Les compagnons de Baal, diffusé en 1968. Par ailleurs il fut, dans les années 1950, le directeur artistique du cabaret La fontaine des quatre saisons où il rencontra Jacques Derlon, alors administrateur de la compagnie Grenier-Hussenot.
  • [22]
    Une précision théorique s’impose ici : nous ne disons pas que la multiplicité des annonces de ces émissions et les conceptions du comique impliquées relèvent a fortiori d’une intention éditoriale consciente du journal. Nous ne travaillons pas dans cette voie, car il ne s’agit pas d’une étude sur Télérama. Il s’agit de s’interroger sur ce qu’exprime cette diversité des logiques de présentation du magazine en tenant compte de la nature comique des émissions et de ce que représente la télévision française à cette époque. Les différentes formes du journal sont les symptômes de la cohabitation entre plusieurs modèles intermédiaux à la fin des années 1960 à la télévision française.
  • [23]
    Télérama, annonce des programmes du 27 janvier 1969. C’est nous qui soulignons.
  • [24]
    Télérama, annonce des programmes du 10 février 1969. C’est nous qui soulignons.
  • [25]
    En effet, après-guerre, le statut artistique des émissions de la télévision française n’est pas discuté, tant la qualité artistique de la création télévisuelle va de soi pour les professionnels de l’époque et les « jeunes » téléspectateurs. Cf. Delavaud Gilles dans L’art de la télévision, Paris, de Boeck-Ina, 2005, ou encore « Logiques des genres de la télévision » de Jost François, in Gilles Delavaud et Denis Maréchal (dir.), Télévision : le moment expérimental, Rennes, Ina-Apogée, pp. 403-413.
  • [26]
    Télérama, annonce des programmes du 10 février 1969.
  • [27]
    Sanders Peirce Charles, Écrits sur le signe, Paris, Seuil, 1978. p. 218 et suivantes.
  • [28]
    Il faut souligner que le journal ne capitalise absolument pas sur la personne de Jacques Derlon, alors même que son nom figure dans l’appellation de l’atelier.
  • [29]
    En 1965, le service de la recherche devait produire 20 heures, puis en 1966 près de 40 heures d’antenne par an. Voir Sicard Monique, « Hommage à Pierre Schaeffer », Hermès, 17-18, 1995, pp. 393-394.
  • [30]
    Diffusé à partir de 1964.
  • [31]
    Vocations est une série de 13 émissions diffusées entre le 19 janvier et le 19 septembre 1969.
  • [32]
    Source : « Pour ou contre les “Shadoks” », Le Monde, 10 janvier 1969.
  • [33]
    Les variétés les plus fameuses sont, dès les années 1950, 36 chandelles de Jean Nohain ou encore Music Hall Parade de Gilles Margaritis.
  • [34]
    Clin d’œil ou Sérieux s’abstenir autour de Jean Amadou.
  • [35]
    Interview de Jacques Rouxel. Geneviève Cabaud et Claudine Ollivier, Le rire et la télévision, Rapport Ina, mai 1974.
  • [36]
    Précisons toutefois que Jean-Christophe Averty n’a jamais appartenu au service de la recherche de l’ORTF.
  • [37]
    Diffusion le 20 janvier 1969.
  • [38]
    L’imitation au cœur du pastiche n’est pas satirique, mais ludique, et souvent le pastiche fonctionne comme une révérence, un hommage à l’auteur pastiché. Voir Genette Gérard, Palimpsestes, Point Seuil, Paris, 1981, p. 128.
  • [39]
    Bergson Henri, Le rire, essai sur la signification du comique, Œuvres complètes, édition du centenaire, Paris, PUF, 1984, p. 433.
  • [40]
    Les Nouvelles Littéraires, 16 janvier 1969.
  • [41]
    Gaudreault André et Marion Philippe, « Un média naît toujours deux fois… », Sociétés et Représentations, 9, « La croisée des médias », avril 2000, pp. 21-36.
  • [42]
    Par exemple, pour saisir comment les catégories de jugement d’originalité et de style sont reprises par la presse spécialisée pour décrire les programmes au début des années 1950, voir Marie-France Chambat-Houillon, « L’avènement de la télévision, la critique télévisuelle entre 1950 et 1955 », in Delavaud Gilles et Maréchal Denis dir.), Télévision : le moment expérimental, op. cit., pp. 414-430.
  • [43]
    Jost François dir.), Années 1970, la télévision en jeu, Paris, CNRS éditions, 2005.
  • [44]
    Fait remarquable : ce discours d’introduction de la collection n’est pas diffusé avec le premier numéro, mais avant À qui le tour, lors de la deuxième soirée, le 13 janvier 1969.
  • [45]
    Beaulieu Jacqueline, « L’atelier Prévert-Derlon, sous les signes des rois du rire », l’Humanité Dimanche, 4 janvier 1969.
  • [46]
    Ibid.
  • [47]
    Télérama, semaine du 29 décembre au 4 janvier 1969. Cet article de Claude Carey n’a pas le même statut discursif que la présentation générale des programmes qui nous a permis de mettre au jour les deux interprétants possibles mobilisés par le journal pour consigner ces émissions.
  • [48]
    En gare de Corbeille-Essonne, diffusé le 27 janvier 1969, et Voyez le menu, le 10 février 1969.
  • [49]
    Pour plus de précisions sur cette forme de comique universel, se reporter à Marie-France Chambat-Houillon, « Préliminaires pour l’étude du comique à la télévision », inBeylot Pierre, Corff Isabelle Le et Marie Michel dir.), Les images en question, Presses universitaires de Bordeaux, 2011, pp. 73-85.
  • [50]
    Sur l’analyse de ces émissions comme symptôme de la télévision des années 1970 et de son appétence pour les jeux, les expérimentations et les variations des dispositifs langagiers, se reporter à François Jost, La télévision du quotidien, de Boeck Université, 2001.
  • [51]
    Le Monde, 8 janvier 1969.
  • [52]
    Télérama, 23 février 1969, rubrique « Nous avons vu, avez-vous vu ».

1Longtemps les recherches sur la télévision ont privilégié les perspectives institutionnelles et historiques de telle sorte que l’étude des émissions était quelque peu négligée pour construire la connaissance de ce média. Puis, avec l’extension de la loi du dépôt légal aux productions télévisuelles, géré par l’Inathèque de France depuis 1995 [1], la possibilité offerte de voir des programmes d’hier et d’aujourd’hui a bouleversé notre compréhension de la télévision en permettant d’introduire une rigueur académique dans l’analyse des émissions puisque celle-ci n’était plus alors dépendante des seuls souvenirs du chercheur ou de la valeur exemplaire de sa vidéothèque personnelle. Cependant, malgré ce nouvel accès aux programmes, du moins dans un premier temps, peu d’intérêt était montré aux émissions de divertissement [2] et, dans la famille de ces programmes réputés peu nobles, les émissions déclarées ouvertement drôles ou comiques étaient complètement soustraites aux regards scientifiques. À la télévision comme ailleurs, quel que soit le champ culturel dans lequel le comique s’exprime, qu’il soit artistique ou ordinaire, la classification rhétorique des genres discursifs est d’une grande stabilité : ce qui fait rire est beaucoup moins apprécié que la « grandeur » des sentiments provoquant pleurs, effroi, tristesse, chagrin… la comédie captive moins le regard critique que la tragédie. C’est une évidence : les hiérarchies culturelles font que le comique en général, au plus bas de l’échelle stylistique, inspire moins la sagacité des chercheurs.

Le comique à la télévision : décidément un très mauvais objet

2Lorsque le discours comique prend forme dans le média le plus populaire qui soit, la télévision, les motifs de ce désintérêt envers les programmes drôles redoublent. À la raison « interne » fondée sur les valeurs de la rhétorique classique, qui situe le comique en contrebas des autres genres, se superpose une raison « externe », celle de l’emploi télévisuel de l’énonciation comique. Dans ce cas, le comique ne relève pas d’un genre littéraire, théâtral, voire cinématographique, genres liés à des pratiques artistiques, mais détermine une pratique médiatique… ordinaire et populaire. Si la première évaluation négative du comique repose sur sa nature poétique, la seconde, qui dévalorise le comique à la télévision, s’appuie sur les théories de la légitimité culturelle opposant culture populaire et culture savante. Ainsi l’émission comique fut pendant très longtemps un double mauvais objet parce qu’elle est le résultat d’une production médiatique dotée de finalités rhétoriques « non sérieuses », dont le but principal est de divertir les publics.

3Or ce qui est décrété mauvais objet par les uns a une valeur heuristique stimulante pour les autres. C’est pourquoi nous nous intéresserons à des émissions peu connues, celles de l’Atelier Prévert-Derlon, pour évaluer leurs conceptions comiques spécifiques que nous étudierons en les resituant dans le champ plus large des différentes représentations comiques de cette époque à la télévision. Nous cheminerons en deux étapes. Dans un premier temps plus méthodologique, la question de la définition d’une émission comique s’impose. Puisqu’il est aporétique de tenter de déterminer frontalement ce qui est comique à la télévision, nous étudierons plutôt ce qui est décrété publiquement comme comique par les partenaires de la communication. Puis dans un second temps, consacré à l’exposition de l’analyse, nous confronterons les différentes conceptions du comique impliquées à la fois par la critique journalistique – celle de Télérama – de la collection de l’Atelier Prévert-Derlon, par la présentation télévisée du projet d’atelier par son responsable, Pierre Prévert, et par une étude non exhaustive des émissions. Ainsi, combinant étude historique de la réception critique et analyse sémiologique d’émissions déclarées comiques, notre objectif devient pluriel puisqu’il s’agit de poser les jalons d’un cadre méthodologique pour saisir la spécificité du comique à la télévision, mais aussi ceux d’une réflexion sur la nécessité d’un cadre communicationnel pour comprendre la télévision d’hier et les différents modèles comiques mis en circulation. En effet, la pluralité des conceptions comiques et les contradictions publiques qui peuvent exister entre les différents acteurs de la communication télévisuelle apparaissent symptomatiques du statut de la télévision française à la fin des années 1960.

Étudier les émissions comiques d’un point de vue communicationnel

4L’argument de la popularité des programmes comiques fondant l’indifférence critique n’explique cependant pas complètement le désintérêt envers ces émissions. En effet, malgré la persistance d’une axiologie culturelle, l’ensemble des productions populaires a quand même vaincu quelques résistances élitistes en s’élevant à la dignité des objets scientifiques depuis une quarantaine d’années [3]. Il convient de concéder que la rareté des études sur le comique télévisuel tient aussi à la spécificité de l’objet « comique » et aux cadres d’analyse mobilisés.

5Face à ces multiples résistances, quel cadre adopter pour comprendre le fonctionnement comique d’une ancienne émission de télévision ? L’inventaire des formes comiques présentes dans le programme est un bon début, mais ne suffit pas. En effet, cette voie proche d’une démarche de nature formelle aboutit certes à répertorier les procédés comiques très subtils, mais laisse supposer que la simple présence de ces ressorts comiques est suffisante pour que la finalité comique soit concédée à l’ensemble du programme. Autrement dit, la partie comique vaudrait pour le tout. Or, des études en philosophie du langage indiquent précisément le contraire : ainsi, Searle observe que rien ne peut distinguer en fiction les énoncés sérieux des énoncés fictifs (qualifiés de « non-sérieux ») : il n’existe pas de critères internes aux textes pour décider de leur qualité fictionnelle [4]. Ce qui s’avère pour la fiction fonctionne aussi pour le comique : la tonalité et la nature générique des discours déterminent des qualités de l’énonciation générale qui ne peuvent s’isoler dans des procédés formels ponctuels. La question de l’identité comique d’un programme ne peut se régler exclusivement à partir de l’étude des seuls traits comiques sans mener à une aporie. En effet, ces réponses internes et « textuelles » qui consisteraient à avancer qu’une émission comique est une émission dont le contenu fait rire relèvent de la tautologie car elles ne nous apprendraient rien de la réception ni des caractéristiques comiques de la communication télévisuelle. Voilà pourquoi étudier le comique télévisuel ne peut être conduit efficacement qu’en envisageant l’émission, moins comme un « texte » clos sur lui-même, qu’en tant que discours résultant d’une stratégie d’énonciation médiatique entre les différents partenaires de la communication télévisuelle, que l’on peut réduire au triptyque : « auteur », critique et public, soit dans des termes communicationnels : émetteur, médiateur et récepteur. Dès lors, analyser un programme ancien revient à mettre en avant ses liens avec les multiples contextes publics – contexte de diffusion des émissions et contexte de leur réception –, c’est-à-dire à étudier les différents usages que fait chaque acteur de la communication télévisuelle du programme.

6Si cette approche pragmatique vaut pour l’ensemble des programmes télévisuels, quel que soit leur genre, elle est encore plus impérieuse pour le territoire particulier du comique. Il est communément admis que le comique – et a fortiori le comique télévisuel – est fortement dépendant de l’actualité, d’un environnement social et politique, lui-même relayé par des discours d’accompagnement médiatiques [5]. En effet, revoir une ancienne émission drôle produit rarement les mêmes effets initiaux escomptés. Le public ne rit pas toujours – ou surtout pas de la même façon – devant un même programme rediffusé bien des années plus tard, alors qu’un drame tirera toujours autant de larmes, même après sa première diffusion. Ce poids du contexte de production dans l’interprétation de l’émission comique s’explique pour Umberto Eco par une différence de nature entre la tragédie et la comédie. La tragédie est de nature universelle, transhistorique, indépendante de tout contexte, alors que la comédie est toujours liée au culturel, au régional (au sens temporel comme spatial) puisque « la règle [comique] est particulière, locale (limitée à une époque et à une culture spécifique) » [6]. Cette attache au contexte général est fondamentale pour saisir les référents comiques d’une ancienne émission, au point qu’il n’est pas possible de faire l’impasse sur les discours de présentation et d’annonce publique de l’intention comique qui la structure. Pour comprendre pourquoi un programme peut être comique, il faut porter une attention particulière aux façons dont celui-ci est déclaré publiquement comme comique.

7L’interprétation d’une émission comique ne se fait pas ex nihilo, mais s’inscrit dans un faisceau de représentations (esthétiques, sociales, etc.) qui la précèdent et lui succèdent dans l’espace médiatique. Plus l’analyse semble éloignée temporellement du contexte de production de l’émission, plus il faut tenir compte des présupposés de celui-ci, afin de neutraliser au maximum les projections personnelles de l’analyste et limiter la tentation téléologique, souvent présente, quand on porte un regard sur les émissions de la télévision d’hier. Pour comprendre ce qui fait rire à un moment donné, il faut aussi comprendre de façon plus générale, par un jeu d’emboîtements, que la télévision n’est rien d’autre qu’un prolongement symptomatique de la société de l’époque. Avant même de voir une émission, le téléspectateur l’évalue à travers les discours de la chaîne et ceux des partenaires médiatiques de la communication télévisuelle (aux logiques professionnelles et intérêts différents) qui la positionnent sous telle ou telle étiquette, façonnant de la sorte un horizon d’attente particulier et des critères d’évaluation afférents. Afin de saisir ce qui est en jeu dans la réception comique d’une émission et déterminer son modèle sous-jacent, il faut donc prendre en compte les métadiscours sur les émissions, ce qui a pour effet de construire un cadre pragmatique pour comprendre la télévision en général, cadre nécessaire à l’étude des programmes télévisuels des décennies précédentes.

L’intention comique en jeu pour les émissions annoncées comiques

8De quoi rient les téléspectateurs ? La réponse à cette question passe par une reformulation de la question essentialiste (qu’est-ce qu’un programme comique ?) en une interrogation portant sur les attributs des programmes présentés publiquement comme comiques. Ce déplacement permet de mettre en avant au moins deux points de méthode importants pour l’étude du comique télévisuel en particulier et pour l’analyse des programmes en général.

9Premièrement, à l’instar de la fiction, dont Searle dit que « ce qui [en] fait une œuvre de fiction est, pour ainsi dire, la posture illocutoire que l’auteur prend par rapport à elle, et cette posture dépend des intentions illocutoires complexes que l’auteur a quand il écrit ou quand il compose l’œuvre » [7], les émissions comiques le sont parce qu’une intention comique préside à leurs qualités énonciatives générales. L’intérêt de recourir au concept d’intention permet de ne pas faire dépendre la nature du discours de ses effets obtenus et d’éviter la tautologie qui définit une émission comique comme un discours réussissant à faire rire ses publics. En recourant à la notion d’intention, le rire n’est plus le critère absolu de l’évaluation comique d’un programme. Heureusement, car d’une part, le rire peut aussi être une réponse possible au discours satirique ou ironique, il n’est en rien exclusif du registre comique ; d’autre part, parce que la réponse performative que constitue le rire ne garantit en rien l’intention comique initiale du programme : rire des maladresses langagières et autres lapsus d’un présentateur de journal télévisé ne transforme pas ce discours informatif sérieux en discours comique. Ces effets comiques accidentels ne fondent pas l’identité du programme. Puisqu’il peut être intempestif, le rire comme réaction du public ne préjuge en rien de l’intention discursive qui compose et organise l’ensemble des actes de langage d’un programme de télévision. Le rire n’est pas un critère systématique de mesure du comique, car il est peu fiable pour distinguer les émissions comiques des autres programmes.

10Il n’y a pas de garantie du succès illocutoire de l’intention générale. Subsumer la nature de comique au rire revient à ne considérer que les émissions comiques réussies. Dès lors, un programme conçu en vue de susciter le rire de son public, mais qui échoue à produire cette visée pour diverses raisons – ici nous n’en évoquerons que deux, soit par incompétence des téléspectateurs, soit en raison de la maladresse de sa production –, ne pourrait être jugé comique si le rire, en tant que manifestation bruyante, devient son seul canon. Outre le fait que la valeur heuristique de l’étude des échecs est indéniable, une émission comique qui ne fait pas rire est certes ratée mais demeure quand même… une émission promise comme comique. Il n’est donc pas pertinent de caractériser le comique uniquement à partir d’un de ses effets possibles qu’est le rire, mais plutôt de le définir à partir de la reconstruction par le public et la critique de cette intention discursive qui aménage la totalité du programme.

11Toutefois, la nature de l’intention qui détermine la qualité comique des émissions n’est pas de nature à se confondre avec un « vouloir-dire » unique et originaire auquel les effets et les interprétations seraient sans cesse rapportés. Il s’agit, toujours conformément à Searle, d’une intention visible, d’une intention communiquée par le programme lui-même et aussi par les discours qui encadrent sa diffusion publique. Ainsi, l’intention comique ne se conçoit pas comme l’objet final d’une herméneutique, mais s’exprime à travers les manières de révéler et de présenter les programmes dans l’espace médiatique. Est comique une émission désignée comme telle lorsqu’un ou plusieurs acteurs de la communication médiatique décident de mettre en avant publiquement ce trait propre (ou « drôle » ou « humoristique ») au détriment des autres composantes de l’émission. Autrement dit, quand, avant la diffusion de l’émission, les discours médiatiques annonçant le programme promettent au téléspectateur de la distraction qui pourra éventuellement le mener au sourire, voire au rire. Plus que le rire réel et effectif, c’est l’horizon d’un possible rire (donc une construction discursive par les discours de présentation) qui caractérise le programme comique. Par nature, la promesse est un acte d’énonciation qui accorde à la relation aux interlocuteurs de la communication une importance constitutive dans la production de sa signification. C’est en s’appuyant sur cette caractéristique discursive que fonctionne le cadre théorique des promesses médiatiques formulé par François Jost [8].

12Ce sont ces promesses, cette publicité de l’intention comique, ce fondement des conditions de possibilité d’une interprétation comique, que nous allons essayer de saisir en montrant qu’elles ne sont pas toujours homogènes et qu’elles peuvent répondre à des logiques différentes selon l’intérêt des instances médiatiques en jeu. Ici dans cette étude, la promesse de l’« auteur » (Pierre Prévert) et le discours critique de Télérama seront plus particulièrement étudiés. Pour montrer la plasticité des discours qui mettent en scène l’intention comique, nous allons donc nous intéresser aux productions de l’Atelier Prévert-Derlon [9], diffusées sur la première chaîne de la télévision française en janvier et février 1969, afin de saisir la conception du comique construite pour les futurs téléspectateurs. Il ne s’agit pas de mener une étude exhaustive des procédés internes des émissions, mais plutôt de comprendre comment est présenté, puis reçu, le comique ainsi annoncé. Les promesses faites par Télérama seront confrontées d’abord au générique télévisé de Pierre Prévert, discours relayant l’ambition du projet de l’Atelier, puis à ses déclarations personnelles dans la presse. Mais avant d’étudier ce que font les discours d’annonce de ce comique, décrivons sommairement les programmes de cette collection.

Les émissions de l’Atelier Prévert-Derlon

13L’Atelier Prévert-Derlon est une courte collection de 8 émissions [10] diffusées sur la première chaîne française les lundis de janvier et février 1969, vers 22 h 30. Elle propose des histoires fictives avec des personnages et des diégèses très différents d’un épisode à l’autre. Bien que ces émissions soient parfois mentionnées par Télérama sous l’étiquette « série », aucun principe de sérialité n’est en fait remarquable. En mettant en place un univers comique indépendant des autres, chaque émission dispose d’une autonomie narrative et diégétique totale, sans récurrence de personnages ni d’éléments thématiques ou stylistiques. C’est pourquoi le téléspectateur peut être le témoin privilégié, par exemple, de la déconvenue de deux compères pris au piège d’une paire de menottes (Les menottes[11]), comme il a tout le loisir d’observer les attitudes et comportements des voyageurs sur un quai de gare (En gare de Corbeil-Essonne[12]), ou d’apprécier la chorégraphie de serveurs préparant une salle de restaurant avant le déjeuner (Voyez le menu[13]) et d’assister à un quiproquo amoureux chez un dentiste (À qui le tour ?[14]). En outre, à cette diversité thématique, stylistique et comique s’ajoute une disparité de formats. Les huit émissions ne sont pas calibrées temporellement de façon identique : certaines font 26 minutes (Buc et Boc : la petite marchande de ballons[15]), d’autres sont plus courtes (9 minutes pour Les grotesques aventures du petit loup malin et du renard stupide[16]). Compte tenu de cette hétérogénéité des éléments internes, les émissions ne peuvent prétendre former une série. Leur appartenance à la collection repose alors sur deux critères différents : leur origine de production, l’APD, issu du célèbre service de la recherche de l’ORTF, dirigé par Pierre Schaeffer, et la valorisation de leurs qualités comiques.

14Comment le magazine Télérama va-t-il composer avec cette diversité stylistique pour présenter ces fictions et leur nature comique à ses lecteurs ? Quelle conception comique est-elle promise par ce magazine en particulier ? Correspond-elle à celle défendue explicitement et publiquement par les producteurs eux-mêmes ?

Deux modèles de comique construits par la critique journalistique

15Face à la variété formelle et de contenu des émissions, le magazine ne va pas adopter une présentation unique pour toutes les productions de l’APD. Le lecteur est confronté à une diversité des dénominations employées par le journal pour les décrire. Ceci est particulièrement perceptible par la pluralité des stratégies titulaires retenues pour annoncer ces émissions [17]. Ainsi, Télérama ne présente pas de façon identique l’ensemble des émissions qui composent la collection mais met en place au moins deux grandes stratégies descriptives des fictions qui délivrent, chacune à leur façon, deux points de vue contrastés sur l’intention comique.

16Dans le premier cas, le titre propre de l’émission est employé [18] sans que la mention du service de l’ORTF n’y figure. En témoignent les exemples suivants : « Les menottes, un film de Grosso et Modo. Réalisation : Robert Bobert » [19] ou encore « À qui le tour ? Un film de Didier Kaminka. Réalisation Pierre Prévert » [20]. Alors même qu’il s’agit d’une production télévisuelle – puisque l’Atelier Prévert-Derlon dépend du service de la recherche de l’ORTF – la présence du terme « film » devient remarquable. De quoi est-il l’indice ?

17Cette stratégie s’apparente au code de présentation des longs métrages cinématographiques valorisant à la fois l’auteur (c’est-à-dire le scénariste) et le réalisateur, en tant que mentions génériques cinématographiques communes. Sans que cela soit systématique, comme souvent dans cette stratégie, le titre est doublé par la présence du patronyme de Pierre Prévert qui alimente, par sa notoriété de réalisateur de film [21], cet angle d’annonce. Puisque l’annonce des émissions emprunte au modèle de présentation propre au film de cinéma, Télérama inscrit ces émissions dans une filiation cinématographique et fait en sorte qu’elles s’interprètent en continuité avec cette pratique artistique.

18Ce qui est notoire dans cette stratégie est que la description des qualités comiques des émissions appartient à la réserve implicite du discours journalistique : elles ne sont jamais valorisées de façon explicite. Cela a pour effet de faire du cinéma, en 1969, la seule référence valable à l’aune de laquelle sont évaluées toutes les pratiques médiatiques comiques. Seul le monde de la fiction cinématographique sert d’ancrage au positionnement interprétatif comique du programme télévisuel, avec comme fonctionnement présupposé important que l’on rit à la télévision comme on rit au cinéma. Le cinéma constitue pour Télérama une référence, un centre d’attraction, suffisamment légitime pour que le besoin d’explicitation des intentions comiques n’ait pas lieu d’être. Se dessine ainsi une hiérarchie entre les productions audiovisuelles, dans laquelle la suprématie du cinéma sur la télévision est revendiquée [22].

19Ces consignes de lecture des émissions par Télérama, qui emprunte au modèle cinématographique, se construisent grâce à la valorisation d’un « nom d’auteur », celui de Pierre Prévert. Il est vrai qu’à la fin des années 1960, Pierre Prévert n’est pas inconnu du grand public. Il est apprécié pour ses succès télévisuels dans cette décennie : réussite professionnelle avec le grand prix de la critique en 1964 pour Le petit Claus et le grand Claus, victoire publique avec la série Les compagnons de Baal en 1968. Toutefois, sa notoriété ne vient pas uniquement du champ télévisuel, mais aussi de sa complicité avec le champ cinématographique qu’il fréquente comme assistant et réalisateur dès les années 1920. De ce fait, dans la stratégie du journal, le nom de Prévert fonctionne symboliquement comme un véritable nom d’auteur en donnant une unité externe à cette collection de fictions hétérogènes, c’est-à-dire en introduisant dans la disparité formelle, stylistique et temporelle des émissions un principe d’organisation cohérent. Le label « Prévert » agit comme une figure « auctoriale » construisant une cohésion comique factice, puisque effectivement des réalisateurs et des scénaristes différents officient à la création de cette collection. Ce label de création comique plus cinématographique que télévisuel constitue une première étape nécessaire pour que ces émissions soient appréciées comme des œuvres.

20Cette auteurisation des émissions de l’APD est le centre de gravité de la stratégie de Télérama qui fait du monde de la fiction cinématographique le socle interprétatif des finalités comiques des émissions. Dans cette première catégorie de présentation, l’héritage artistique cinématographique des émissions est très clairement revendiqué par le journal. La conception comique des émissions s’inscrit dans une continuité naturellement historique qui légitime la production télévisuelle comique comme avatar grossier de la création cinématographique. Par cette présentation, Télérama laisse entendre que le comique à la télévision est une simple extension, une conquête territoriale du comique cinématographique.

Un modèle innovant où l’effet comique s’expose

21À l’opposé de la précédente, la seconde stratégie d’annonce convoque explicitement la mention « comique », en surplomb des titres propres des émissions, comme l’exemplifient les citations suivantes : « Comique. Une émission du service de la recherche et de l’Atelier Prévert-Derlon. Le Rendez-vous […] » [23], ou encore « Comique. Une émission de l’Atelier Prévert-Derlon. Voyez le Menu, une émission de Nicolas Ribovsky… » [24]. Cette présentation se démarque d’une logique descriptive. L’effort d’annonce se concentre surtout sur les effets possibles… attendus comme comiques.

22Ce sont donc les effets escomptés de l’émission sur les téléspectateurs qui sont au centre de cette présentation en tant que caractéristique structurant l’ensemble du programme : plus que son contenu, on assiste à la valorisation du but performatif de celui-ci. C’est pourquoi Télérama n’emploie pas l’étiquette « comédie », genre littéraire ou cinématographique, mais la caractérisation des effets dits « comiques », prescrivant une attitude réceptive spécifique chez le téléspectateur désigné pleinement comme destinataire du discours télévisuel. Dans cette annonce où, à la différence de la précédente, l’inflexion sur le comique domine, la qualité cinématographique rencontrée demeure alors en retrait, au bénéfice, cette fois-ci, des qualités télévisuelles des programmes. C’est pourquoi la dénomination « comique » s’accompagne du terme « émission », dont l’emploi exploite la véritable origine médiatique des programmes, le service de la recherche de l’ORTF auquel appartient l’APD. L’origine n’est plus seulement réduite à la personne de Pierre Prévert, au profit d’une présentation plus télévisuelle qui désigne l’ORTF à travers son service d’expérimentation.

23De façon plus générale, cette deuxième stratégie implique une représentation de la télévision du côté des médias de masse en la dégageant de toute prétention artistique, littéraire ou cinématographique, prétentions qui caractérisaient dans les années 1950 et au début des années 1960 les débats publics consacrés à son identité et sa fonction dans la société française [25]. La présentation de ces émissions suggère ici une conception de la télévision plus communicationnelle qu’expressive et artistique. Le recours à ce modèle pour présenter les émissions de l’APD fait qu’en 1969 plus aucun doute ne subsiste sur la finalité de média de masse de la télévision française et sa spécificité par rapport aux autres médias, dont le cinéma. Il est promis aux téléspectateurs que leur rire aura une saveur inédite, puisque le comique proposé ne sera alors ni parent ni cousin d’aucune autre forme humoristique préexistante ailleurs.

24Télérama insiste sur la spécificité télévisuelle et l’autonomie du comique de ces émissions par rapport aux autres champs culturels, en accord, finalement, avec le projet initial de l’Atelier Prévert-Derlon, qui consiste à mettre en place un renouvellement du comique à la télévision, avec cependant l’idée que les propositions comiques télévisuelles ne vont pas de soi et sont à apprécier comme le résultat d’une recherche créative. C’est pourquoi une émission annoncée comme particulièrement innovante, réalisée sous forme de bandes dessinées avec des comédiens, est désignée par le terme « essai » [26], ce qui laisse entrevoir l’idée que le médium télévision n’a pas épuisé toutes ses ressources à la fin des années 1960.

25En janvier et février 1969, Télérama propose deux stratégies différentes d’annonce de la collection APD qui suggèrent deux modèles comiques distincts. Le magazine construit une double relation du téléspectateur aux émissions en promouvant deux « interprétants » possibles pour ces émissions, au sens du sémioticien C. S. Peirce, c’est-à-dire deux modèles d’interprétation [27]. Soit ces émissions sont rapportées à l’aune de la création cinématographique, soit elles sont interprétées comme le fruit de la recherche télévisuelle. Entre ces deux modèles réceptifs proposés, la valeur comique n’est pas revendiquée d’égale façon. Elle est explicite lorsqu’il s’agit de mobiliser la spécificité télévisuelle, mais elle est tue quand l’interprétant « cinéma » est convoqué. Or ce silence signifie que le comique se doit d’être reconstruit implicitement par les lecteurs de Télérama à partir de leurs connaissances de la personnalité de Pierre Prévert et de ses activités professionnelles. De façon connivente, le journal mise donc sur les connaissances présupposées de ses lecteurs et laisse entendre que Pierre Prévert est un élément important de la culture de son lectorat.

26Le lecteur est donc face à deux promesses antagonistes faites par Télérama au sujet des émissions de l’APD : la première faisant du cinéma le parangon légitime des émissions comiques, dans laquelle le recours à la figure auctoriale de Pierre Prévert est un impératif [28] ; la seconde mettant le comique au service d’une réflexion plus générale sur les spécificités du média. Par transfert de notoriété, les émissions ainsi décrites bénéficient alors des qualités d’innovation et de création du service de la recherche de l’ORTF, service bien connu des téléspectateurs français des années 1960, puisqu’il avait obligation de fournir de nombreuses heures de programmes par an aux deux chaînes françaises [29]. Si le nom de Pierre Prévert est la clef de voûte de la présentation de ces émissions comiques comme héritières du cinéma, réciproquement, l’évocation du service de la recherche en tant qu’origine institutionnelle de l’APD est une promesse d’originalité faite aux téléspectateurs.

Le comique et le service de la recherche

27À la fin des années 1960, le service de la recherche produit des émissions comme Les conteurs d’André Voisin [30] ou encore Vocations avec Pierre Dumayet [31], reconnues et appréciées publiquement qui réfléchissent sur et avec les moyens audiovisuels. Le service de la recherche valorise une conception de la télévision comme véritable lieu de création avec ses spécificités formelles, stylistiques et esthétiques.

28Cependant, le service de la recherche ne réalise pas uniquement des émissions qualifiées de « culturelles » mais aussi « de divertissement », en témoigne la diffusion le 29 avril 1968 de la série d’animation à l’humour absurde, les Shadoks de Jacques Rouxel. Suspendue en raison des événements de mai, la série est de nouveau programmée en janvier 1969 en alternance avec la mise en scène des réactions les plus tranchées des téléspectateurs. En effet, entre 1968 et 1969, l’ORTF a reçu plus de trois mille lettres de téléspectateurs au sujet de ce dessin animé, signe de la division de l’opinion publique française envers cette série favorisant le nonsense, l’illogisme et l’absurde [32]. La conception du comique promue par les Shadoks apparaît alors déroutante pour une grande majorité des téléspectateurs, qui a davantage l’habitude de rire devant les émissions de variétés dont la mise en scène est calquée sur celle des spectacles de music-hall [33], ou devant une revue satirique des actualités politiques et sociales à la manière des chansonniers [34], qui sont les filiations majoritaires du divertissement télévisuel à la fin des années 1960. En mobilisant plusieurs héritages artistiques et médiatiques, les programmes de divertissement à la télévision française expriment bien les différentes facettes de l’intermédialité de la programmation de l’époque.

29Les projets comiques du service de la recherche veulent s’affranchir des principales représentations intermédiales pour développer une spécificité comique télévisuelle. C’est pourquoi la conception comique des Shadoks se démarque de ce legs du spectacle vivant, selon le souhait de Rouxel qui veut un comique sans contrainte historique, exigeant un « rire [qui] demande un esprit libre, dégagé » [35]. Est défendue une idée du comique liée avant tout à une création personnelle, croisant à la fois recherche intellectuelle et esthétique, dans le but de susciter l’imagination des téléspectateurs. Le comique ne doit pas se plaire dans la reprise et l’imitation de formes déjà connues. En ce sens, bien qu’ayant un style très différent, Rouxel est très proche, dans l’esprit, du travail humoristique de J.-C. Averty [36], qui réalisa, dès 1963, Les raisins verts et, en 1969, Au risque de vous plaire, revue certes satirique mais qui s’éloigne des codes de mise en scène du cabaret puisque les sketchs et les chansons sont illustrés par des incrustations graphiques le plus souvent humoristiques. Ce comique porté par un humour noir et le nonsense anglo-saxon est l’empreinte d’un style individuel, qui permet au producteur du discours d’accéder au statut d’auteur, un auteur-créateur n’hésitant pas à explorer les possibilités représentatives du langage télévisuel : l’animation graphique pour les Shadoks de Rouxel, les trucages vidéo pour le style d’Averty. En 1969, se développe au sein d’autres émissions une réflexion sur les possibilités comiques du langage télévisuel portée par Pierre Prévert et son APD. Mais bien que contemporain et issu du même service de production que les Shadoks, l’APD explore des voies télévisuelles bien différentes et pas vraiment inédites comme nous allons le montrer dans l’analyse de quelques émissions.

Innovation promise, facture classique

30La mise en scène des huit émissions de l’APD est de facture très classique : celles-ci sont réalisées avec des images analogiques réalistes, sans aucun trucage visible ni jeu formel particulier, se démarquant fortement des créations contemporaines de Rouxel et d’Averty. La représentation télévisuelle et les règles narratives sont mises au service de la continuité fictionnelle, respectant la plupart du temps la linéarité du récit. Ainsi, l’épisode le plus onirique, donc celui qui aurait pu être le moins vraisemblable, Buc et Boc[37], racontant l’attraction amoureuse d’un petit oiseau pour une mariée, honore les conventions de la transparence cinématographique avec un montage respectueux de la grammaire classique des raccords. De façon générale, dans l’ensemble de la collection, les contenus les plus fantaisistes ou incongrus (un oiseau en carton-pâte amoureux ou bien des hommes en costume et chapeau qui n’auraient pas déplu au peintre Magritte) sont toujours pris en charge par une mise en image et un récit des plus conventionnels. Quels que soient les différents styles comiques des histoires (de situation, verbal de façon plus mineure et surtout visuel), les choix fictionnels et la réalisation respectent toujours les lois des genres cinématographiques comiques. Ainsi, l’analyse des émissions montre que ces récits télévisuels empruntent fidèlement au modèle cinématographique pour leur mise en scène et ne tentent rien d’original ni de spécifiquement télévisuel. L’épisode Les menottes est symptomatique de cette allégeance de la réalisation au cinéma en respectant, de façon presque trop orthodoxe, les codes du gag burlesque : l’enchaînement de la séquence de la « course-poursuite » est similaire à ce qui se faisait 40 ans auparavant dans les films de Chaplin ou de Keaton. De même l’histoire À qui le Tour n’hésite pas à reprendre les grandes articulations narratives de la comédie de quiproquo amoureux, avec un emploi commun du montage alterné, sans introduire de renouvellement formel ni thématique. La relation des émissions de l’APD au cinéma est de l’ordre du pastiche, si on accepte comme Genette que le pastiche est une imitation de style, autrement dit d’un genre, en vue de rendre hommage à l’œuvre de référence [38]. Ces choix formels comiques renvoient bien à la volonté de Pierre Prévert de vénérer un certain cinéma.

31Seul peut-être – et encore – l’épisode Rendez-vous nuance-t-il l’imitation du film d’espionnage, qu’il prend pour modèle principal, en introduisant, en contrepoint, une seconde piste diégétique consacrée à une histoire d’amour. Ici, le comique se démarque un peu de la reproduction des lieux communs du burlesque et de ceux du film noir, en fonctionnant plutôt à partir du principe bergsonien de l’interférence des séries : « une situation est toujours comique quand elle appartient en même temps à deux séries d’événements absolument indépendantes et qu’elle peut s’interpréter à la fois dans deux sens tout différents » [39]. Les histoires d’amour et d’espionnage sont vécues en parallèle par chacun des personnages du couple et ne se croisent que dans le dernier plan, avec le dévoilement de la photographie de l’espion recherché sur laquelle le téléspectateur reconnaît en fait l’amoureux de l’histoire.

32À l’époque, cette absence d’innovation n’a d’ailleurs pas échappé aux journalistes critiquant l’APD qui ont mis en garde, dès les premières diffusions, Pierre Prévert : « le piège [serait] de se laisser aller à citer trop souvent les grands ancêtres au lieu d’inventer comme eux un jaillissement de gag à tout instant » [40]. De ce fait, le téléspectateur est face à un paradoxe : émanant du service de la recherche de l’ORTF, les réalisations de l’APD empruntent factuellement leurs procédés comiques au cinéma burlesque, de telle sorte que l’innovation promise par la mention de l’origine de production (le service de recherche) est une promesse non aboutie : le choix de l’originalité comique ne demeure qu’au niveau des intentions.

33Puisque l’analyse des émissions de l’APD montre que le comique proposé repose essentiellement sur un modèle cinématographique dans lequel les émissions puisent énormément et de façon presque trop fidèle, comment comprendre la légitimité de la seconde promesse formulée par Télérama ? La réponse se trouve en deux lieux différents : dans la déclaration d’intention télévisée du projet de l’Atelier Prévert-Derlon menée par Prévert lui-même et aussi dans l’évolution historique générale de la télévision française.

La conception de la télévision à la fin des années 1960

34Historiquement, la télévision s’est développée de façon intermédiale, d’une part en proposant une nouvelle présence publique à des pratiques culturelles autonomes déjà existantes (théâtre, opéra, spectacle vivant) et d’autre part en calquant ses habitudes et formes médiatiques sur des médias déjà existants comme la presse écrite ou la radio. Le stade intermédial est donc incontournable pour comprendre la naissance des nouvelles formes médiatiques et leurs évolutions [41]. Il en est de même sur le versant de la réception : l’interprétation des nouvelles productions va dans un premier temps adopter des critères déjà existants, opérant dans d’autres champs culturels [42].

35La cohabitation de ces deux discours de présentation par Télérama d’une collection fictionnelle signifie qu’en 1969, la télévision française est à la croisée des chemins, pas encore délestée entièrement de l’héritage cinématographique, mais pas encore complètement sur la voie de l’autonomie formelle et esthétique en ce qui concerne le comique. Bien que l’année 1969 clôture la décennie, les émissions de l’APD semblent encore marquées par le sceau de la télévision des années 1960 : elles ne sont pas sensibles aux jeux avec le langage des images et des sons, caractéristique de la télévision de la période des années 1970 [43]. Ce déséquilibre symbolique opère de façon explicite dans les promesses faites par Pierre Prévert lui-même lors d’un pré-générique de la collection, diffusé une seule fois, le 13 janvier 1969 [44].

36Dans ce discours télévisé, la volonté de renouer avec les joies et le rire du cinéma burlesque est indéniable. Assis devant un portrait géant de Buster Keaton dévoilé par un zoom arrière très lent, Pierre Prévert insiste sur le but de l’APD qui est de stimuler la vocation comique de jeunes talents, comédiens ou auteurs : « Ce que l’on cherche, ce sont des grands clowns, des nouveaux, des jeunes, des grands clowns de la valeur de Buster Keaton, de Chaplin et de Tati et de tant d’autres ». Les références au comique visuel et au burlesque sont revendiquées fermement, teintant de nostalgie cinématographique ce discours d’annonce. Et le téléspectateur se retrouve là encore devant un paradoxe. Alors que l’APD relève du service de la recherche, lieu de réflexion et de création sur le média télévision, Prévert ne veut finalement pas inscrire sa production télévisuelle dans son époque et refuse que son comique soit contemporain, actuel et spécifiquement télévisuel. Il confie d’ailleurs à l’Humanité Dimanche que « l’état d’esprit des jeunes a changé. Ils ne rient pas comme nous le faisions à leur âge. Leur rire est plus amer. Or nous ne voulons pas de films faits dans l’esprit de Beckett, de Ionesco ou de Kafka. Le rire que nous cherchions est d’une autre nature. » [45] Le modèle comique recherché par Prévert est un comique dégagé du poids de son contexte de production, un comique presque a-temporel, éternel, qui se retrouve sous différentes périodes, ainsi stabilisé et persistant. Et Prévert pense l’avoir trouvé dans le comique du cinéma de son enfance.

37Dès lors, en entretenant la nostalgie d’un âge d’or où le seul comique possible est essentiellement de nature cinématographique, Prévert dénie à la télévision, alors même qu’il appelle de ses vœux « un nouveau type de film comique », la possibilité de renouveler ses modes d’emploi du rire. « Ce que nous tentons de faire, Derlon et moi, c’est renouer avec le film comique, celui qui eut ses moments de gloire entre 1930 et l’avènement du “parlant”. » [46] Cohérent avec ses déclarations, dans son introduction télévisée, Pierre Prévert ne cite aucune des comédies cinématographiques des années 1960 qui ont fait rire les Français : les facéties d’un Bourvil et d’un Funès ou bien les grimaces d’un Jerry Lewis ne l’intéressent pas. Après avoir refusé de partager les manières d’un rire théâtral absurde (en prenant ses distances envers Beckett ou Ionesco), il occulte toute référence à un cinéma populaire contemporain. Il ne veut s’aventurer ni vers le comique théâtral de son temps ni vers le comique populaire du cinéma français de la fin des années 1960.

38Et pourtant, paradoxalement, Prévert, dans ses multiples déclarations publiques, ne cesse de revendiquer la création d’un nouveau comique qui serait issu de l’APD. Or, cette nouveauté appelée de ses vœux ne réside ni dans l’originalité des dispositifs télévisuels retenus, comme chez Averty ou les Shadoks en 1968, ni même dans la fraîcheur des objets du rire – puisque l’analyse des émissions montre qu’il n’y a pas d’extension inédite du champ comique dans ces fictions –, ni dans les manières de rire. L’innovation comique attendue par la filiation avec le service de la recherche n’est donc pas réalisée, prisonnière de l’héritage cinématographique contraignant qui lui est imposé dès le départ. Si jamais, in fine, on doit lui attribuer un territoire, elle résiderait dans le renouvellement générationnel des auteurs et comédiens comiques, mais qui ne promulguent nullement des propositions comiques inédites. La nostalgie d’un « on riait mieux auparavant » est, par ailleurs, revendiquée par Prévert, qui n’hésite pas dans sa déclaration d’intention télévisée à relater les conditions de sa première expérience cinématographique avec son frère Jacques Prévert, conditions consacrées comme exemplaires pour toute création comique. Il faut comprendre le projet comique de l’APD à la lumière de l’enfance de son auteur, remarque un journaliste avant la première diffusion : « Pierre Prévert reste aussi fidèle à son enfance. S’il s’est nourri de sandwichs et de feuilletons, il a aussi beaucoup ri » ; c’est « parce qu’il a beaucoup ri que P. Prévert veut nous faire rire » [47]. La promesse du renouveau comique consiste finalement en un retour à l’origine d’un type de comique, celui du cinéma muet expliquant en partie pourquoi dans la majorité des fictions produites par l’APD le rire ne fuse que très peu à partir de jeux de mots, de calembours et d’un humour verbal, ses fondements étant plutôt de nature strictement visuelle. D’ailleurs, deux épisodes sur les huit diffusés [48] sont quasiment sans paroles. Prévert entretient plus ou moins l’idée d’une « pureté » du comique cinématographique, non pas du cinéma des premiers temps, mais de celui de son enfance, un comique fondé sur la performance physique valorisant le corps de l’acteur, le gag physique et le quiproquo de situation. Prévert élève cette conception spécifique en modèle de comique universel[49].

39Bien que Télérama construise deux usages interprétatifs possibles pour l’APD, l’un « cinéma », l’autre « création télévisuelle », il n’en demeure pas moins que les déclarations médiatiques de Prévert privilégient le monde fictionnel cinématographique comme unique modèle possible de comique, suggérant une conception particulière de la télévision qui, à ses yeux, n’est qu’un simple « médium », amplifiant la diffusion, et non un « média », créateur de représentations. La télévision paraît alors n’être qu’un support supplémentaire pour un contenu comique ayant fait ses preuves, ailleurs, au cinéma, ce que confirme l’analyse des émissions. De la sorte, les émissions de l’APD se démarquent, aussi bien en intention qu’en réalité, des préoccupations du service de la recherche qui, à la fin des années 1960, propose de réfléchir sur les qualités représentatives du média télévision à travers des émissions comme Vocations, ou bien Réalité/Fiction[50].

40En conclusion, les multiples discours qui accompagnent la collection mettent le téléspectateur en situation interprétative, non seulement plurielle, mais paradoxale. Ainsi l’intention de renouvellement de comique déclarée par Prévert dans le cadre des ateliers de création du service de la recherche se heurte aux réalisations effectives des fictions, qui imitent plus qu’elles n’innovent, qui pastichent le cinéma burlesque plus qu’elles ne mettent en scène des manières inédites de faire rire. Cette divergence entre l’auteur et ses émissions, entre les promesses et leur réalisation fait écho au double cadre interprétatif mis en place par Télérama pour ses lecteurs. À l’époque, cette dissonance entre les promesses de Prévert et les actes audiovisuels (les émissions diffusées) a bien été perçue par la majorité des critiques, sensibles aux évolutions générales de la télévision française et qui ont vite compris que le comique de Prévert était un peu poussiéreux avec « des gags laborieux » [51] et que « l’innovation n’exist[ait] qu’au stade des intentions » [52]. D’ailleurs, les téléspectateurs de l’époque semblent partager le point de vue des professionnels puisque, fait remarquable, aucune critique, aucune louange sur ces émissions ne parurent dans les colonnes du courrier des lecteurs de Télérama et de Télé 7 jours les jours suivant leur diffusion. Malgré le projet ambitieux de poser les conditions d’un comique inédit et spécifique à la télévision, les fictions de l’APD n’ont vraiment pas marqué la mémoire des téléspectateurs d’hier. Quant à savoir si ces émissions ont vraiment fait rire ces téléspectateurs, sans témoignages directs, nous ne le saurons jamais.

Notes

  • [1]
    Par application de la loi du 20 juin 1992.
  • [2]
    La fiction et les séries ont eu un traitement plus favorable, héritage, sans doute, des études cinématographiques.
  • [3]
    La première analyse scientifique d’une publicité est bien évidemment celle menée par Roland Barthes dans le fameux texte « Rhétorique de l’image » en 1964, repris dans ses Œuvres complètes, Paris, Seuil, 2002, pp. 573-588. D’ailleurs, Dominique Pasquier nous rappelle que Barthes fut considéré par Richard Dyer comme l’« avenir » des cultural studies, en tant que précurseur. Pasquier Dominique, « La culture populaire à l’épreuve des débats sociologiques », Hermès, 42, 2005, p. 67.
  • [4]
    Searle John, « Le statut logique du discours de la fiction », Sens et expression, études de théorie des actes de langage, Paris, Éditions de Minuit, 1982, p. 102 et suivantes.
  • [5]
    En littérature, ces discours relèvent d’une catégorie de discours que Genette, dans Seuils, nomme paratexte. Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, coll. « Points », 1987.
  • [6]
    Eco Umberto, « Le comique et la règle », La guerre du faux, Paris, Livre de Poche, coll. « biblio essais », 1985, p. 369.
  • [7]
    John Searl, « Le statut logique du discours de la fiction », art. cit., 1982, p. 109. C’est moi qui souligne.
  • [8]
    Jost François, Comprendre la télévision, Paris, Armand Colin, 2005.
  • [9]
    Pour des raisons pratiques, l’Atelier Prévert-Derlon sera désormais baptisé dans la suite du texte APD.
  • [10]
    Il semblerait que 10 émissions aient été produites, mais les examens des rapports du chef d’antenne montrent que seules 8 ont été diffusées à l’antenne.
  • [11]
    Diffusion le 6 janvier 1969.
  • [12]
    Diffusion le 27 janvier 1969.
  • [13]
    Diffusion le 10 février 1969.
  • [14]
    Diffusion le 13 février 1969.
  • [15]
    Diffusion le 20 janvier 1969.
  • [16]
    Diffusion le 10 février 1969. À cette liste, il ne faut pas oublier d’ajouter Le rendez-vous, diffusée le 27 janvier 1969 (14 minutes) et Les vésicules de la fortune, diffusée le 3 février 1969 (18 minutes).
  • [17]
    L’étude des logiques de présentation de l’APD dans Télérama a pour corpus essentiellement la présentation générale de l’annonce des programmes la semaine de diffusion des émissions. Ce premier moment analytique de dévoilement des modèles interprétatifs mobilisés par le journal exclut les commentaires journalistiques ou autres entretiens que Pierre Prévert a pu accorder au journal. Ceux-ci seront pris en compte dans un second temps pour évaluer la dissonance entre la promesse de Pierre Prévert face à son travail et la réception par la critique des émissions.
  • [18]
    Le titre collection renvoie à l’APD par opposition au titre propre singularisant le programme.
  • [19]
    Télérama, annonce des programmes du 6 janvier 1969.
  • [20]
    Télérama, annonce des programmes du 13 janvier 1969.
  • [21]
    Sur un scénario de son frère Jacques, il a réalisé au cinéma L’affaire est dans le sac en 1932 mais aussi, entre autres, À la belle étoile. À la télévision, ses talents de réalisation sont visibles dans un feuilleton fantastique en noir et blanc, Les compagnons de Baal, diffusé en 1968. Par ailleurs il fut, dans les années 1950, le directeur artistique du cabaret La fontaine des quatre saisons où il rencontra Jacques Derlon, alors administrateur de la compagnie Grenier-Hussenot.
  • [22]
    Une précision théorique s’impose ici : nous ne disons pas que la multiplicité des annonces de ces émissions et les conceptions du comique impliquées relèvent a fortiori d’une intention éditoriale consciente du journal. Nous ne travaillons pas dans cette voie, car il ne s’agit pas d’une étude sur Télérama. Il s’agit de s’interroger sur ce qu’exprime cette diversité des logiques de présentation du magazine en tenant compte de la nature comique des émissions et de ce que représente la télévision française à cette époque. Les différentes formes du journal sont les symptômes de la cohabitation entre plusieurs modèles intermédiaux à la fin des années 1960 à la télévision française.
  • [23]
    Télérama, annonce des programmes du 27 janvier 1969. C’est nous qui soulignons.
  • [24]
    Télérama, annonce des programmes du 10 février 1969. C’est nous qui soulignons.
  • [25]
    En effet, après-guerre, le statut artistique des émissions de la télévision française n’est pas discuté, tant la qualité artistique de la création télévisuelle va de soi pour les professionnels de l’époque et les « jeunes » téléspectateurs. Cf. Delavaud Gilles dans L’art de la télévision, Paris, de Boeck-Ina, 2005, ou encore « Logiques des genres de la télévision » de Jost François, in Gilles Delavaud et Denis Maréchal (dir.), Télévision : le moment expérimental, Rennes, Ina-Apogée, pp. 403-413.
  • [26]
    Télérama, annonce des programmes du 10 février 1969.
  • [27]
    Sanders Peirce Charles, Écrits sur le signe, Paris, Seuil, 1978. p. 218 et suivantes.
  • [28]
    Il faut souligner que le journal ne capitalise absolument pas sur la personne de Jacques Derlon, alors même que son nom figure dans l’appellation de l’atelier.
  • [29]
    En 1965, le service de la recherche devait produire 20 heures, puis en 1966 près de 40 heures d’antenne par an. Voir Sicard Monique, « Hommage à Pierre Schaeffer », Hermès, 17-18, 1995, pp. 393-394.
  • [30]
    Diffusé à partir de 1964.
  • [31]
    Vocations est une série de 13 émissions diffusées entre le 19 janvier et le 19 septembre 1969.
  • [32]
    Source : « Pour ou contre les “Shadoks” », Le Monde, 10 janvier 1969.
  • [33]
    Les variétés les plus fameuses sont, dès les années 1950, 36 chandelles de Jean Nohain ou encore Music Hall Parade de Gilles Margaritis.
  • [34]
    Clin d’œil ou Sérieux s’abstenir autour de Jean Amadou.
  • [35]
    Interview de Jacques Rouxel. Geneviève Cabaud et Claudine Ollivier, Le rire et la télévision, Rapport Ina, mai 1974.
  • [36]
    Précisons toutefois que Jean-Christophe Averty n’a jamais appartenu au service de la recherche de l’ORTF.
  • [37]
    Diffusion le 20 janvier 1969.
  • [38]
    L’imitation au cœur du pastiche n’est pas satirique, mais ludique, et souvent le pastiche fonctionne comme une révérence, un hommage à l’auteur pastiché. Voir Genette Gérard, Palimpsestes, Point Seuil, Paris, 1981, p. 128.
  • [39]
    Bergson Henri, Le rire, essai sur la signification du comique, Œuvres complètes, édition du centenaire, Paris, PUF, 1984, p. 433.
  • [40]
    Les Nouvelles Littéraires, 16 janvier 1969.
  • [41]
    Gaudreault André et Marion Philippe, « Un média naît toujours deux fois… », Sociétés et Représentations, 9, « La croisée des médias », avril 2000, pp. 21-36.
  • [42]
    Par exemple, pour saisir comment les catégories de jugement d’originalité et de style sont reprises par la presse spécialisée pour décrire les programmes au début des années 1950, voir Marie-France Chambat-Houillon, « L’avènement de la télévision, la critique télévisuelle entre 1950 et 1955 », in Delavaud Gilles et Maréchal Denis dir.), Télévision : le moment expérimental, op. cit., pp. 414-430.
  • [43]
    Jost François dir.), Années 1970, la télévision en jeu, Paris, CNRS éditions, 2005.
  • [44]
    Fait remarquable : ce discours d’introduction de la collection n’est pas diffusé avec le premier numéro, mais avant À qui le tour, lors de la deuxième soirée, le 13 janvier 1969.
  • [45]
    Beaulieu Jacqueline, « L’atelier Prévert-Derlon, sous les signes des rois du rire », l’Humanité Dimanche, 4 janvier 1969.
  • [46]
    Ibid.
  • [47]
    Télérama, semaine du 29 décembre au 4 janvier 1969. Cet article de Claude Carey n’a pas le même statut discursif que la présentation générale des programmes qui nous a permis de mettre au jour les deux interprétants possibles mobilisés par le journal pour consigner ces émissions.
  • [48]
    En gare de Corbeille-Essonne, diffusé le 27 janvier 1969, et Voyez le menu, le 10 février 1969.
  • [49]
    Pour plus de précisions sur cette forme de comique universel, se reporter à Marie-France Chambat-Houillon, « Préliminaires pour l’étude du comique à la télévision », inBeylot Pierre, Corff Isabelle Le et Marie Michel dir.), Les images en question, Presses universitaires de Bordeaux, 2011, pp. 73-85.
  • [50]
    Sur l’analyse de ces émissions comme symptôme de la télévision des années 1970 et de son appétence pour les jeux, les expérimentations et les variations des dispositifs langagiers, se reporter à François Jost, La télévision du quotidien, de Boeck Université, 2001.
  • [51]
    Le Monde, 8 janvier 1969.
  • [52]
    Télérama, 23 février 1969, rubrique « Nous avons vu, avez-vous vu ».
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