Couverture de COMLA_166

Article de revue

Jusqu’où va la télé ? ou les incertitudes de la communication médiatique

Pages 53 à 73

Notes

  • [1]
    Yves Jeanneret, Valérie Patrin-Leclère, 2003, « Loft story ou la critique prise au piège de l’audience », Hermès, 37.
  • [2]
    Pour Le jeu de la mort : 3,4 millions de téléspectateurs, 13,7 % de parts d’audience, 23,5 % chez les 15-34 ans. Pour Le temps de cerveau disponible : 1,5 million de téléspectateurs, 12,6 % de PdA, (contre 9,3 % depuis janvier), 16,6 % chez les 15-34 ans. Les scores d’audience sont exceptionnellement élevés auprès des jeunes publics (15-34 ans) et exceptionnellement bas auprès des plus âgés (plus de 60 ans).
  • [3]
    Le 17 mars 2010, jour de la diffusion du Jeu de la mort, Mediapart affiche en « Une » un article d’un de ses blogueurs : « Boycottez France 2 ce soir, voici votre acte citoyen responsable ». La rédaction ne publie pas d’autre article sur le sujet.
  • [4]
    Sur le forum de France 2, message posté le 18 mars 2010 à 15 h 15 : « Je n’ai pas vu l’émission concernée […], j’en ai vu la bande annonce, qui m’a fait pressentir une énième téléréalité […]. Je me suis décidée à venir voir le forum parce que l’émission fait grand débat sur mon lieu de travail. »
  • [5]
    Le site Jusqu’où va la télé ? de France 2 a enregistré 185 000 visites entre février et mai 2010, dont 166 000 en mars, et un total de 440 000 pages vues. En avril, il y a encore eu 10 000 visites et 6 000 en juin.
  • [6]
    On trouve même ce titre d’article : « Le fou, la lune, le doigt », in le blog La plume d’Aliocha, 30 mars 2010.
  • [7]
    Forum de France 2, posté le 18 mars 2010 à 00 h 46 min 29 s : « Je trouve ça magnifique que des gens crient à la “manipulation” après une telle émission qui se veut justement de prévenir ce danger. Avez-vous seulement compris l’enjeu de cette émission ? ».
  • [8]
    « C’est une honte pour votre chaîne de passer ce genre d’émission ! Je pensais que vous n’étiez pas sur le même registre que TF1 » ; « Comment une chaîne publique peut-elle diffuser une telle sollicitation à la violence et à la soumission ? » ; « avez-vous pensé aux ados déjà nombreux à mourir chaque année du jeu du foulard ? La torture des copains ça va sûrement leur plaire comme nouveau jeu ! » ; « Comment peut-on étaler sur la place publique dans des émissions de type divertissement ce genre d’agissement ? ».
  • [9]
    Forum de France 2, posté le 8 mars 2010 à 02 h 11 mn 37 s : « Allez ! Arrêtez de croire que l’on marche à cette mascarade ! Tout cela est faux, de la pure fiction censée nous sensibiliser aux dangers de la télé. Qui va croire, à part la presse et les journalistes, que France 2 puisse tolérer ce genre de programme ! À moins que ce ne soit une blague ! Plusieurs choses m’ont mis la puce à l’oreille […] Je suis désolé de vous avoir démasqué bien que je trouve très drôle cette initiative du service public. » Après la diffusion, beaucoup de commentaires ont porté sur le fait que le faux jeu n’était pas crédible, et que les participants avaient donc fait semblant d’y croire. Mediapart, 17 mars 2010 à 22 h 36, par arnaif : « Vous ne voyez donc pas que cette soi-disant “expérience” est bidonnée de A à Z ? Qu’elle est scénarisée ; que les réactions des candidats sont écrites à l’avance ? Vous prenez ce “jeu “ au sérieux ? Revenez sur terre ! ».
  • [10]
    Forum de France 2, posté le 17 mars 2010 à 22 h 42 mn 17 s : « Je suis très déçu car cette expérience est complètement faussée par le fait qu’il y ait une récompense d’un million d’euros ! Je connais pas mal de gens qui tueraient pour beaucoup moins que ça ! ».
  • [11]
    « Franchement, France 2 est descendue bien bas avec cette émission ! Vous avez vraiment besoin de faire de l’audimat ? ! Pour vous dire quand même que je n’ai pas regardé. »
  • [12]
    Ce sera l’objet d’un article à venir, qui nécessite un temps plus long compte tenu de la profusion des matériaux recueillis.
  • [13]
    Comparé à Dumbledore de Harry Potter, au Père Fourras de Fort Boyard ; bref, coupable d’avoir trop la tête de l’emploi pour avoir vraiment la tête de l’emploi.
  • [14]
    À la fin du documentaire, un des participants raconte : « on se sent des ailes ». Dans un jeu dont la présentatrice lui répète qu’il est le « maître », le participant se met au service de la célébration du spectacle tout en se pensant temporairement célébré, sans que les ressorts de la célébrité soient en jeu. La célébration n’a pas besoin de garantie ni même de promesse de célébrité pour fonctionner.
  • [15]
    Dans le débat diffusé suite à la diffusion du documentaire, un des participants explique son désarroi : « l’image que j’avais donnée dans ce jeu-là n’était pas la mienne […] Ça allait à l’encontre de ma nature ».
  • [16]
    Février 2010, éditions Don Quichotte. L’expérience extrême détaille les conditions de réalisation du faux jeu « La Zone Xtrême » et les résultats de l’expérience menée par l’équipe de chercheurs en psycho-sociologie.
  • [17]
    Une suite est prévue, avec deux documentaires de 52 minutes, annoncés sous ces titres : « Que sont-ils devenus ? » et « La psychologie sociale ». Le premier doit retracer les mois qui ont suivi la diffusion de Jusqu’où va la télé ? en s’attachant aux participants de « La Zone Xtrême » ainsi qu’aux scientifiques (comment ils ont vécu les réactions à la diffusion). Le deuxième doit expliquer les expériences majeures réalisées dans le cadre disciplinaire de la psychologie sociale.
  • [18]
    En Espagne, Le jeu de la mort sera diffusé en salle de cinéma et non à la télévision.
  • [19]
    Des extraits d’émissions corroborent les propos des chercheurs interviewés.
  • [20]
    J.L. Austin, 1962, How to do things with words, Oxford University Press.
  • [21]
    Variety.com, États Unis, Boyd va Hoeij, 20 juin 2010 : Editing is not entirely smooth, torn between playing up suspense and analyzing findings, but otherwise tech credits are top-tier TV.
  • [22]
    Libération, Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, 17 mars 2010 : « Les grosses ficelles de Nick affaiblissent la démonstration ». « Lourdingue ? Non, quelques tonnes seulement… Quelques tonnes de volonté farouche de prouver à tout prix que la téléréalité est le mal absolu qui viennent plomber le documentaire. Dommage, car la transposition de l’expérience de Milgram à la télé était passionnante en soi. »
  • [23]
    Le meilleur exemple en est ceux qui ont considéré que les comportements s’expliquaient par l’appât du gain. Ils n’ont pas retenu ce que leur disait la voix off (à savoir que le participant est simplement défrayé et ne passera pas à la télévision), ils ont retenu les images du jeu « Zone Xtrême » (l’habillage visuel 1 000 000 €) et les propos de Tania Young : « 1 000 000 en jeu. 900 000 pour le candidat, 100 000 pour le questionneur » ; « si vous décidez d’arrêter vous perdez tout ».
  • [24]
    Bernard Bosredon, Irène Tamba, 1998, « L’autonymie linguistique, un exemple de transfert théorique », Sémiotiques, 14, juin.
  • [25]
    Sur le modèle d’Arrêt sur images.
  • [26]
    Cette expression a circulé dans les articles de la presse télévisuelle (C. Nick aurait ouvert la boîte de Pandore), sans que son auteur soit cité : Bernard Stiegler, qui fait une analogie entre industrie télévisuelle et geste de Pandora dans Le temps de cerveau disponible.
  • [27]
    Yami 2 avait envisagé de ne pas organiser de projection presse avant la diffusion.
  • [28]
    Commentaires faits oralement par des journalistes critiques de télévision, affichant n’être pas dupes de ce qu’ils ont interprété comme un procédé. Daniel Schneidermann, sur le site Arrêt sur images, a publié le 18 mars 2010 une chronique « vite dit » intitulée « Les autres électrochocs » dans laquelle il parle de « fuites organisées ».
  • [29]
    La production et les psycho-sociologues réunis par J.L. Beauvois n’ont pas seulement été surpris par ces pourcentages. Ils ont été sidérés. D’où aussi, probablement, la place qu’ils leur ont accordée.
  • [30]
    Le coût est de plus de 2 millions d’euros.
  • [31]
    Cette image se trouve en couverture du dossier de presse et de l’invitation aux journalistes ainsi qu’en illustration de toutes les productions en lien avec Jusqu’où la télé ? : site Internet, bandeau du livre, films autopromotionnels. Sur la jaquette du DVD, on voit le comédien en plan rapproché, hurlant.
  • [32]
    On peut s’interroger sur le procédé narratif choisi dans Le jeu de la mort : Jean-Paul, le comédien, vient remercier les participants, félicitant ceux qui ont interrompu le jeu. Il simule sa reconnaissance alors qu’en réalité aucun ne lui a fait mal… et que le téléspectateur le sait. Cette scène fait sens dans « Zone Xtrême » (le comédien doit déjouer le stratagème en personne) mais sa médiatisation pose problème (ces scènes introduisent un stratagème dans le documentaire).
  • [33]
    Dans la deuxième partie de débat, ont été invités Alexandre Lacroix (rédacteur en chef de Philosophie magazine, qui revendique ne pas regarder la télévision), Géraldine Mulhman (philosophe), Fabrice d’Almeida (historien), Claude Halmos (psychanalyste).
  • [34]
    La ligne de fracture est forte entre d’un côté David Abiker, journaliste à Arrêt sur images et au magazine Médias, et de l’autre Jean-Marc Morandini et Isabelle Morini-Bosc. Ce n’est pas tant Le jeu de la mort qui est au cœur de la bataille qu’ils se livrent que leur regard sur la télévision, leur rôle de journaliste critique de télévision, leur statut personnel, professionnel et pour ainsi dire institutionnel.
  • [35]
    Libération, 2010, n° 8971, 17 mars, p. 4.
  • [36]
    12, 36 et 45 secondes.
  • [37]
    2 minutes et 32 secondes.
  • [38]
    Les montages des extraits du Jeu de la Mort ont été réalisés par France 2.
  • [39]
    Présente lors de la diffusion presse, elle prend la parole face aux journalistes.
  • [40]
    En finançant et diffusant Jusqu’où va la télé ?, P. de Carolis et P. Duhamel ont pris leur part de risque. Ils ont certainement pensé créer les conditions d’un débat auquel ils n’auraient pas besoin de participer personnellement. La candidature du Président de France télévisions à sa propre succession (mandat arrivant à échéance été 2010) a probablement réprimé les velléités de prise de parole.

1J’ai vu pour la première fois les deux documentaires de la série Jusqu’où va la télé ? le 15 février 2010, lors de leur projection presse dans les locaux de France Télévisions. Un an plus tôt, Christophe Nick m’avait contactée pour me parler des documentaires qu’il était en train de produire. Il avait lu un article qu’Yves Jeanneret et moi avions publié en 2003 [1], suite à l’exceptionnel succès d’audience de Loft Story sur M6. Tout comme ils l’ont fait avec plusieurs chercheurs ayant travaillé sur la télévision, Christophe Nick et Jean-Robert Viallet m’ont rencontrée pour recueillir mon point de vue sur les métamorphoses télévisuelles, puis m’ont demandé une interview filmée. Des extraits de cette interview ont été montés dans Le temps de cerveau disponible.

2Quand j’ai regardé les deux documentaires, j’en connaissais donc déjà le projet, qui m’avait été expliqué par leur auteur en personne. Et bien qu’associée, de fait, au deuxième des documentaires, je n’étais pas partie prenante du premier. J’occupais une position d’observatrice privilégiée : informée de suffisamment de tenants pour présager d’aboutissants fortement polémiques, j’ai tôt fait de traquer tout ce qui concernait la circulation médiatique de Jusqu’où va la télé ? Comment les journalistes critiques de télévision, les téléspectateurs, les chaînes mises en cause, les professionnels de la télévision allaient-ils réagir à ces documentaires métatélévisuels ? Ce programme d’une teneur critique inédite promettait de susciter des réactions vives. La volonté de Christophe Nick était explicite : il voulait provoquer une prise de conscience des téléspectateurs sur ce qu’il considère comme les dérives de la télévision contemporaine (la violence, l’humiliation, la transgression des tabous). Dans son projet, le débat n’était pas une hypothétique prise de risque collatéral mais un risque pris, sollicité, appelé de ses vœux. Loin de s’en embarrasser, il l’embrassait.

3Or le débat public n’a que partiellement eu lieu en France. Les données sont paradoxales : une couverture médiatique très abondante, une audience tout à la fois atypique et relativement médiocre [2], un prolongement de la réflexion quasi-inexistant du côté des critiques de médias et plus largement des professionnels des médias (les contributions visant très majoritairement à étouffer la possibilité de débat en minimisant l’intérêt du programme ou même en le dénigrant, en lui refusant la légitimité de participer à la critique des médias, jusqu’à parfois le boycotter [3]), et dans le même temps un nombre exceptionnel d’avis exprimés par les téléspectateurs. Aux conversations interindividuelles (Le jeu de la mort a été commenté bien plus massivement qu’il n’a été regardé, ce qui n’est pas sans rappeler les débuts de la diffusion de Loft Story[4]) se sont ajoutés des commentaires sur le forum de France 2 [5], les médias en ligne (réseaux sociaux et sites Internet de médias de presse et de télévision) et les blogs. Certains ont dépassé le simple point de vue pour engager une réflexion plus ample sur le rôle de la télévision dans la société française. Un proverbe est revenu plusieurs fois dans les contributions des internautes qui regrettaient que la plupart des paroles critiques s’arrêtent au programme au lieu de porter sur le média télévision : quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt [6]. Bien que la médiatisation de Jusqu’où va la télé ? ait suscité une critique massive, c’est moins une critique de la télévision qu’une critique centrée sur Le jeu de la mort. La possibilité d’un débat médiatique large a été entravée à la fois par cette restriction et par la multiplicité des mécompréhensions : malentendus et incompréhensions ont nécessité des prises de parole multiples de l’auteur pour décortiquer son projet, justifier sa démarche, préciser le cadre de son expérience. Bon nombre de commentateurs se sont employés à expliquer le programme à ceux qui exprimaient leur trouble ou leur indignation [7].

Parler pour être entendu, mésententes, malentendus

4Le jeu de la mort a donné matière à discussion, mais il a aussi donné lieu à des commentaires qui sortent du cadre strict des points de vue opposables et discutables : des avis qui découlent d’une erreur de compréhension. Je distingue donc d’une part la polémique à proprement parler (caractérisée par des désaccords et une opposition entre arguments et contre-arguments : pourquoi refaire l’expérience de Milgram ? Qu’est ce que cette expérience prouve vraiment ? Éclaire-t-elle les questions de soumission en général ou la télévision ? Que nous apprend-elle qu’on ne savait déjà ? Pourquoi diaboliser la télévision ? Pourquoi utiliser les participants comme des cobayes ? La fin justifie-t-elle les moyens ? En quoi une mise en scène en production nous renseignerait-elle sur les modes de réception ?) et d’autre part ce que je désigne ici comme des méprises, caractérisées par le fait que les désaccords exprimés reposent sur une interprétation erronée. La différence est ténue mais non négligeable : du point de vue du processus de communication, la mésentente (compréhension des arguments qui ne conduit pas à l’entente) et le malentendu (absence d’entente consécutive à une mauvaise compréhension) sont distincts. La plus radicale des erreurs manifestées consiste à croire que Le jeu de la mort est un jeu et non un documentaire sur un faux jeu, ce qui entraîne des interpellations scandalisées à la chaîne [8]. Une autre, plus rare, consiste à dénoncer un leurre, et même à prétendre démasquer un canular (Le jeu de la mort est alors bien vu comme un faux jeu, mais avec de faux participants, joués par des acteurs, ou alors par des participants qui font semblant d’être dupes) [9]. Une troisième incompréhension consiste à croire que c’est l’appât du gain qui motive les participants (ils seraient prêts à tout pour gagner 1 000 000 €), alors que le documentaire explique qu’ils ne gagneront que 40 € dans le cadre d’une émission pilote qui n’est pas censée être diffusée [10].

5À ces erreurs de compréhension s’ajoutent les multiples malentendus sur les conditions de l’expérience, qui ont pour effet de circonscrire les discussions autour de la méthodologie et des critères de scientificité. Outre le fait que la télévision est alors la grande absente des discussions, la mise en cause de la scientificité conduit à nier la valeur de l’expérience « Zone Xtrême » : la dénonciation de l’invalidité des conditions de réalisation amène à considérer les conclusions comme irrecevables. Les malentendus portent principalement sur la représentativité de l’échantillon. Bien qu’il s’agisse de primo-participants à un jeu TV, contactés par France Télévisions, ils sont souvent perçus comme des participants à un jeu de téléréalité avides de médiatisation : ils sont décrétés non représentatifs car déconsidérés par leur aliénation présumée à la télévision. Sur cette question de la représentativité de l’échantillon se greffe celle de la représentation : de nombreux téléspectateurs considèrent que, comme dans n’importe quel jeu télévisé, les participants ne représentent qu’eux-mêmes et ils refusent donc de s’imaginer à leur place. Leur réaction est sans appel : je n’y ai pas été, je n’y aurais pas été, je n’aurais pas poussé les manettes. Un autre grand malentendu porte sur les objectifs du producteur et du diffuseur : leur prétention serait de faire de l’audience à tout prix, le programme ne serait pas crédible dès lors qu’il est diffusé en première partie de soirée et qu’il a été précédé d’une campagne de communication visant à l’événementialiser. Une chaîne de télévision et un producteur ne sauraient être honnêtes, leurs discours ne seraient que des prétextes pour « faire de l’audience » [11], l’affichage d’un point de vue moral serait un moralisme trompeur.

6Bien évidemment, ces derniers malentendus, contrairement aux premiers que j’ai évoqués, ne sont pas forcément des erreurs d’interprétation : chacun peut considérer, après analyse, que les conditions de scientificité ne sont pas satisfaisantes et que le programme a été promu dans le but de maximiser l’audience. Chacun peut décider de ne pas entendre les arguments de l’auteur, ce qui est différent de la première situation évoquée, où le « mal-entendu » est consécutif à une mauvaise écoute des documentaires, radicale quand il s’est agi de ne délibérément pas les regarder au vu de ce qui en avait préalablement été dit. Mais ce sur quoi je veux insister ici, c’est sur le fait que ces désaccords émanent pour la plupart de préjugés, ou du moins se greffent sur un principe idéologique : la science n’est plus la science dès lors qu’elle est télévisée (et, pire, qu’elle se fait télévisuelle), la réflexion (et pire, la réflexivité) est incompatible avec les visées massmédiatiques d’une chaîne généraliste en prime time. C’est la représentation du média télévision qui est en jeu : une part des téléspectateurs avaient envie de montrer n’être pas dupes du programme car ils se prévalent de n’être pas dupes de la télévision ; ni dupes, ni dupés, ni dupables.

Prétentions, tensions, distorsions

7Les discussions se sont situées entre ces deux extrêmes : ceux des nombreux pourfendeurs du Jeu de la mort qui ont considéré que le programme avait trop de défauts pour permettre un débat sur la télévision (jusqu’à refuser de lui accorder une valeur), ceux des plus rares défenseurs qui ont en quelque sorte considéré que les pourfendeurs étaient les fous (ou imbéciles, selon la traduction) du proverbe chinois, focalisés sur le contenant au mépris de son contenu. Entre présumée ineptie du programme et présumée ineptie des commentateurs, la critique de la télévision risquait fort d’être laissée pour compte ; ou plus précisément, les critiques de cette télévision, ici et maintenant, encombraient le débat sur le média télévision.

8Il ne s’agit pas de proposer dans cet article une analyse exhaustive des commentaires qui ont porté sur Le jeu de la mort[12] mais de revenir sur cette question précise du malentendu, en partant de l’hypothèse que le manque de compréhension est la trace d’un manque d’intelligibilité, qui résulterait de l’ensemble du dispositif de communication. Au fil de cette relecture d’une controverse annoncée, de ses prétentions à sa médiatisation, en passant par les tensions du dispositif de communication et les distorsions interprétatives, ce sont les conditions de circulation d’un savoir sur la télévision qui sont en question. Jusqu’où va la télé ? est un terrain d’analyse exceptionnel, entre embrouillaminis de malentendus à dénouer et partages de réflexions sur les métamorphoses télévisuelles à prolonger ; il faut ajouter que rarement les téléspectateurs se sont montrés aussi attentifs et prompts sémioticiens, commentant le choix de la musique, décortiquant le texte de la voix off, analysant le choix des plans de coupe et des décors, évaluant le physique de Jean-Léon Beauvois à la manière de responsables de casting [13]. Ils ont en quelque sorte appliqué ce principe revendiqué par les médiologues : quand le sage montre la lune, le médiologue regarde le doigt.

Le projet Jusqu’où va la télé ?, un dispositif médiatique complexe

9Ce projet ambitieux a été conçu par Christophe Nick. Les deux documentaires sont le point de convergence de plusieurs questionnements personnels concrétisés par ses productions médiatiques antérieures : les formes et conditions d’émergence de la violence sociale (Chroniques de la violence ordinaire, La mise à mort du travail, Stop la violence), les formes et conditions d’exercice de la soumission et de la désobéissance (La Résistance), l’évolution des médias du point de vue socio-économique (TF1 un pouvoir). Forme d’aboutissement dans un parcours, Jusqu’où va la télé ? résulte d’empilements de thématiques et de réflexions fortement corrélées sans être véritablement concaténées. Une tension majeure est inscrite dans la série : d’une part la densité des documentaires et la concentration des problématiques sous-jacentes, d’autre part la volonté de donner un sens aux évolutions de la société à travers le filtre des transformations de la télévision. Le projet est touffu mais sa visée est de donner de la lisibilité. Sa prétention est d’apporter de la compréhensibilité, de la provoquer sous la forme d’une prise de conscience : éclairer en ouvrant les yeux, en obligeant à ouvrir les yeux ; montrer aux téléspectateurs ce qui leur reste ordinairement caché, leur révéler les rouages du dispositif télévisuel alors qu’ils sont habituellement confinés au poste de récepteur d’un programme prêt à consommer.

10Au cœur du dispositif se trouvent deux documentaires. Le jeu de la mort repose sur une expérience qui cherche à prouver qu’un participant à un jeu TV peut faire n’importe quoi par soumission à la production. En position de sujet d’un programme [14], le participant devient l’objet du dispositif et accepte d’agir d’une façon qui de toute évidence lui aurait paru inenvisageable en dehors de ce contexte très particulier et pour lui inédit. Par extension, ce documentaire cherche à montrer que la télévision peut faire faire n’importe quoi à un participant, ce qui interroge sur la prétendue authenticité de la téléréalité, principalement à deux niveaux : comment croire la promesse de dévoilement de l’intime si les participants se comportent d’une manière qui leur semblerait inadmissible dans leur vie quotidienne ? Et comment ne pas considérer comme un leurre l’argument du consentement des participants s’il est prouvé que sur un plateau de télévision ils peuvent en arriver à faire tout à fait autre chose que ce à quoi ils pensaient s’être engagés  [15]?

11Le temps de cerveau disponible a pour objectif de montrer comment la mise en scène de l’intimité s’est développée à la télévision ces trente dernières années, dans une promesse de transgression des tabous sans cesse renouvelée. Il cherche à comprendre et faire comprendre pourquoi ces programmes télévisuels sont proposés par les diffuseurs, au croisement entre attentes des téléspectateurs et intérêts financiers des chaînes, dans une double dépendance aux annonceurs et aux actionnaires.

12À cette série de deux documentaires coproduits et diffusés par France 2 s’ajoutent le livre L’expérience extrême coécrit par Christophe Nick et Michel Eltchaninoff [16], un site Internet hébergé par France 2, ainsi que deux documentaires complémentaires pour France 5 [17]. Jusqu’où va la télé ? est une production protéiforme, dont Le jeu de la mort (n’)est (que) la figure de proue. Le sens du projet s’affirme, se confirme et s’affine dans ses diverses réalisations, cohérentes si on les considère ensemble. Dans l’éditorial qu’il signe en ouverture du mini-site créé sur France2.fr, Christophe Nick entremêle les deux documentaires : « Un des thèmes favoris de la science-fiction devient donc d’actualité : à quand Le jeu de la mort en prime time ? Cette question folle ne peut plus être balayée. Que faudrait-il pour qu’un jeu pareil existe ? 1. Des candidats. 2. Un public. 3. Une chaîne qui accepte de le diffuser. 4. Des téléspectateurs qui aient envie de le regarder … C’est là que vous risquez d’être choqué. Les deux documentaires bientôt à l’antenne vont vous prouver qu’aujourd’hui, ces quatre conditions sont réunies. » Le jeu de la mort porte sur les conditions 1 et 2, Le temps de cerveau disponible sur les conditions 3 et 4.

Un dispositif à tiroirs, une démonstration gigogne

13L’ambition du projet et la construction du dispositif comportent un risque d’éparpillement : la dispersion des usages médiatiques est facteur de fragmentation de l’intelligibilité, d’une part parce que l’immense majorité des membres du public n’a connaissance que d’éléments voire de bribes, d’autre part parce que les conditions de réception de la télévision sont souvent caractérisées par une attention fluctuante [18]. Par ailleurs, dans le contexte médiatique de déploiement des stratégies de communication dites « 360 », « média global » ou « transmédia », cette production plurimédiatique peut être interprétée comme une surenchère marketing, une diversification de produits destinée à multiplier les audiences et les sources de revenus.

14Réunis sous le chapeau Jusqu’où va la télé ?, annoncés comme une série (ce qui constitue une promesse de logique narrative), Le jeu de la mort et Le temps de cerveau disponible se complètent sans s’enchaîner. Ils ont la même substance mais pas la même forme, ils sont animés par un même esprit sans véritablement faire corps. Ils font corpus plus que corps, recueil plus que série : en dehors du fait que c’est dans les deux cas Philippe Torreton qui dit les textes de commentaire, les films ne se ressemblent pas, ils ne se citent pas, ils reposent sur des personnages différents, ils sollicitent des disciplines scientifiques variées (psychosociologie en 1, sociologie/philosophie/information-communication en 2), ils développent deux thèses qui se complètent sans s’interpénétrer, qui l’une et l’autre éclairent la thématique de l’évolution de la télévision tout en reposant sur des visions du monde en grande partie hétérogènes (la psychosociologie de Jean-Léon Beauvois fait peu de cas des pulsions empruntées à la psychanalyse par Bernard Stiegler, par exemple). Nous n’avons pas affaire à deux épisodes mais à deux volets qui font sens sans faire suite, à deux parties qui ne s’encastrent pas. Les deux répondent à la question Jusqu’où va la télé ?, le premier par le biais expérimental, le deuxième par le biais analytique et citationnel [19]. Le premier est une (dé)monstration par l’exemple, le deuxième une argumentation illustrée. Le deuxième est plus explicatif que le premier, sans être pour autant explicatif du premier. La logique de ladite série n’est pas non plus à chercher dans la chronologie de la production : la réflexion présente dans le deuxième a guidé l’auteur dans l’élaboration du premier, même s’il a finalisé le tournage et le montage du deuxième postérieurement au premier. Précisons enfin que l’auteur a travaillé avec des réalisateurs distincts.

15La construction se complique par le triple enchâssement qui caractérise Le jeu de la mort : une logique métonymique, une logique métaphorique, et une logique métadiscursive. Métonymique d’abord : l’expérience « La Zone Xtrême » porte sur les participants aux jeux télévisés, Le jeu de la mort porte sur la téléréalité et de façon générique sur la télévision ; le principe consiste à considérer que si un simple participant à un jeu télé peut en venir à administrer des souffrances mortelles, c’est a fortiori le cas pour un participant à un programme de téléréalité. Métaphorique ensuite : l’expérience « La Zone Xtrême » est une sorte de preuve par l’excès (si un joueur peut être amené à infliger des souffrances mortelles à un autre joueur, c’est bien qu’il n’y a plus d’interdit sur un plateau télé), quitte à ce que ce soit une preuve par l’absurde (on peut toujours rétorquer que personne n’a envie de créer ce jeu, qui signerait probablement la mort économique du producteur en même temps que la mort clinique du participant). La « mort », dans Le jeu de la mort, est la métaphore de la dérive insensée ; le point de non-retour d’une télévision débridée, insouciante de toute moralité et soucieuse de fabriquer des spectacles capteurs d’audience. Or ni la métaphore ni la métonymie ne sont clairement données à voir ; ou plus précisément, les images données à voir rendent difficile une lecture symbolique.

16On repère ainsi une des origines du malentendu sur la (non)-représentativité des participants : dans un film qui commence par des images de programmes violents mettant en scène des individus consentants, les participants « malgré eux » de « Zone Xtrême » sont indûment stigmatisés en tant qu’aspirants à la célébrité, pervers plutôt que pervertis par un dispositif télévisuel manipulateur. De la même façon, le sens premier du titre, Le jeu de la mort, rend difficile une lecture métaphorique : le nom propre (le programme diffusé sur France 2 le 17 mars 2010 à 20 h 35) gomme la portée du nom commun (un hypothétique jeu pouvant entraîner la mort, diffusé un jour sur une chaîne de télévision), la marque masque le concept, le concret écrase l’abstrait. Quand la voix off, dans la partie introductive du documentaire, interroge « À quand Le jeu de la mort en prime time ? », la confusion pointe : Le jeu de la mort, c’est tout de suite, sur France 2. L’énoncé se voudrait constatif et projectif, il est en fait performatif. La formule de J.L. Austin, « quand dire, c’est faire » [20], résume à la fois le projet du film (un documentaire-action, qui veut être un garde-fou contre des dérives télévisuelles) et le risque d’écueil (dire « Le jeu de la mort », c’est faire un « jeu de la mort »).

17La sémiotisation de la mort (musique de cérémonie funéraire, cris, râles et coup de feu dans la bande-son d’ouverture) alliée à un propos très explicite sur la mort comme issue possible voire imminente (« [la télévision] va-t-elle bientôt franchir l’interdit absolu, à savoir l’organisation assumée d’une mise à mort en guise de divertissement ? ») fonctionne comme un avertissement ; avertissement de ce que pourrait faire une chaîne de télévision, et non de ce qu’est en train de faire France 2. Le propos est clair. Le montage l’est moins et ouvre quelques brèches. Après avoir présenté l’expérience de Milgram, le documentaire présente les scientifiques. On les devine dans les coulisses du plateau de « La Zone Xtrême », ils sont en train de discuter. « Le candidat peut être tué dans cette situation, peut mourir dans cette situation », explique Jean-Léon Beauvois. « Si quelqu’un va jusqu’au bout, qu’on le voit donc quasiment crever, que l’on gueule victoire victoire, c’est génial, il a gagné, si jamais ça s’arrête pas très vite, c’est extrêmement difficile », dit Dominique Oberlé. L’un et l’autre parlent d’une mort théorique et non de ce qui se passe réellement dans « Zone Xtrême ». Les niveaux de discours s’enchevêtrent.

18La question de la métadiscursivité mérite donc une analyse plus poussée. Le jeu de la mort repose sur un emboîtement (un documentaire sur un faux jeu, filmé et monté comme un vrai jeu) qui produit une hybridation inédite [21] : c’est un docu-fiction, et ce tant dans son principe que dans sa forme ; premièrement en ce sens qu’il s’agit de filmer non pas une situation existante mais de la fabriquer au service d’une démonstration, deuxièmement en ce sens que coexistent sans nécessairement alterner deux types d’images. Le téléspectateur ne se trouve pas face à une succession d’images d’archives et de scènes de fiction, ce qui est la norme dans les docu-fictions récentes, mais il doit accepter et intégrer deux niveaux d’interprétation des mêmes images : selon que l’on est dans le jeu ou dans la représentation, dans l’expérience « Zone Xtrême » ou dans le décryptage Le jeu de la mort, dans l’usage ou dans la mention dirait-on en linguistique. Dans sa construction, Le jeu de la mort est nécessairement équivoque. Il n’y a pas séquençage entre des images de statuts différents, distinctes dans leurs qualités esthétiques, mais superposition de deux niveaux de savoir, qui impliquent que le téléspectateur du documentaire soit d’emblée informé qu’il y a une feintise : il sait que le documentaire repose sur une fiction. De là à considérer que le documentaire est une fiction, il n’y a qu’un (faux) pas… et qui en amène d’autres : Le jeu de la mort serait fictionnel et ses conclusions fictives. C’est alors l’interprétation qui devient à son tour métaphorique : tout ce qui est fictionnel serait fictif, tout ce qui est fictif serait factice… L’équivoque est l’antichambre du quiproquo.

19Quand Tanya Young s’adresse au téléspectateur de « Zone Xtrême » (« cher téléspectateur »), il s’agit d’un effet de réel : pour fonctionner, le faux jeu a tout autant besoin de la figure des téléspectateurs que des caméras et de l’animatrice. Mais quand dans Le jeu de la mort cette même phrase est prononcée, elle s’adresse à un véritable téléspectateur… qui n’est pas tout à fait le bon destinataire, pour la simple raison, qui se trouve être tout sauf une raison simple, que ce téléspectateur virtuel n’a jamais existé et que le travail de Christophe Nick voudrait contribuer à ce qu’il n’existe jamais. Donner vraiment à voir un faux programme dans l’espoir que jamais il ne soit vraiment vu, fabriquer un faux qui ait tout d’un vrai pour que cette vérité reste fausse en ne se concrétisant pas : il ne s’agit pas seulement de produire un savoir sur la télévision, mais de produire chez les téléspectateurs une prise de conscience qui transforme la télévision.

20L’hybridité constitutive du film entraîne un emboîtement problématique : il faut en même temps expliciter la démarche scientifique, montrer le jeu et interpréter les résultats. Une voix off explicative accompagne donc les images, non pas pour parler sur les images mais pour parler des images. Elle commence ainsi : « ce que nous allons regarder est extrêmement dur ». Elle révèle un paradoxe et engendre des commentaires contradictoires. Paradoxe entre des images fortes, assénées comme des preuves, et un texte qui oriente l’interprétation des images données à voir ; entre images qui parlent d’elles-mêmes et qu’il faut pourtant faire parler, entre conclusions qui s’imposent et analyses dictées, le texte développe le point de vue de l’auteur au risque de paraître forcer celui du spectateur. Trop explicatif pour certains qui lui reprochent sa lourdeur [22], il ne l’est manifestement pas assez (ou mal) à en juger par les réactions de ceux qui n’ont pas compris ce qui leur était expliqué [23].

21Ce programme est constitué en grande partie d’images homoformes, communes à « Zone Xtrême » et au Jeu de la mort. Elles sont simultanément signe en mention et en usage. « Comment signaler graphiquement une expression entrant dans un jeu d’écriture […] sans la faire participer en même temps à ce jeu ? » interrogent les linguistes Bernard Bosredon et Irène Tamba [24]. Source de malentendus dans le discours, ce procédé est particulièrement difficile à la télévision. Faute de guillemets possibles, l’image autonymique, pour être comprise comme citationnelle, doit être légendée ou commentée. La critique télévisée de la télévision repose habituellement sur l’alternance des images montrées et de leur commentaire en plateau [25]. Ici, c’est le documentaire dans son intégralité qui se construit comme autonymique, et qui doit livrer son code interprétatif en même temps qu’il se déroule. Cette gageure narrative est à la source de deux malentendus diamétralement opposés, que je schématise ici mais dont on trouve des témoignages précis et nombreux : les téléspectateurs qui ont été particulièrement attentifs à tout ce qui relève de la sémiotisation des images (montage, voix off, musique) ont dénoncé le sensationnalisme et l’autoritarisme de l’interprétation, alors que ceux qui ont fait partiellement abstraction de ces commentaires ont dénoncé les images comme incitant à la violence. Au croisement entre les deux, certaines des critiques consistent à reprocher à Christophe Nick sa manoeuvre citationnelle : il ne dénoncerait que pour mieux se complaire dans la monstration de la violence. Le procédé rhétorique est interprété comme un artifice.

De l’expérience « Zone Xtrême » à l’expérimentation Jeu de la Mort

22L’empilement est la force de ce documentaire en même temps qu’il en est la faiblesse. Chaque strate est simultanément matière à enrichissement et à malentendu. Commencer par un montage d’images violentes empruntées à des jeux de téléréalité diffusés dans plusieurs pays, c’est faire violence au téléspectateur en lui montrant une vérité de la télévision qu’il ne connaît pas et n’a probablement pas envie de connaître. Faire entrer le téléspectateur dans le jeu « Zone Xtrême », lui donner à voir ce qu’a vu le public et ce qu’ont vécu les participants, c’est prendre le risque qu’il regarde le jeu au détriment du documentaire. Lui montrer que l’expérience est une transposition rigoureuse de celle de Milgram, c’est s’exposer à la critique selon laquelle il n’y a que copie et donc aucun apport.

23Le dispositif est doublement expérimental : expérience encadrée par Jean-Léon Beauvois, expérimentation filmique de Yami 2. Le jeu de la mort est une production innovante, censée se prolonger dans la participation du téléspectateur : le regarder, c’est à la fois être plus que jamais téléspectateur et accepter de s’abstraire de sa posture de téléspectateur. Mais le téléspectateur peut ne pas s’abstraire et évaluer sévèrement ce programme, dans le cadre auquel il est habitué (ce programme surenchérit dans la violence) ; il peut aussi s’abstraire et retourner le miroir vers le programme lui-même (ce n’est pas tant la télévision qu’il faut mettre en cause que ce programme). L’expérimentation est l’antichambre de l’expiation, parce que tout expérimentateur est faiseur de discorde. L’apprenti sorcier se verra reprocher d’avoir ouvert la boîte de Pandore [26].

24Plus de deux années de travail pour un documentaire de 94 minutes diffusé en début de soirée sur une chaîne généraliste. Une profusion de matériaux collectés et de réflexions engagées qui déborde du dispositif médiatique prévu, et qui donne lieu à la rédaction du livre « L’expérience extrême », rendue nécessaire par la frustration de ne pas pouvoir tout faire figurer dans le film. Le trop-plein de pistes de réflexion brouille le projet initial de faciliter la compréhension de l’évolution et du pouvoir de la télévision. Dans l’épaisseur de l’empilement se niche un écheveau de questionnements et d’éléments de réponse. La voix off ne tisse qu’un fil argumentatif, laisse de côté d’autres fils qu’il serait intéressant de suivre, sacrifie les méandres des articulations logiques au profit d’une thèse qui finit par paraître à charge. Une heure et demie et quatre minutes : c’est bien peu pour expliquer Milgram, les formes contemporaines de la télévision, la mécanique qui se met en place sur un plateau de télévision, le point de vue des participants sur leur propre comportement. Milgram, la télévision : deux mastodontes déjà compliqués séparément pour que le croisement soit aisé. De la même façon que les étudiants en psycho-sociologie se souviennent de Milgram comme d’une révélation, « La Zone Xtrême » fait sens en soi : même les pacifiques, les apparents inoffensifs, peuvent devenir tortionnaires, malgré eux mais sans grande résistance, dans un spectacle télévisuel comme dans un cadre scientifique. Cette conclusion marque les esprits, retient l’attention, freine la progression vers le sens global de Jusqu’où va la télé ? : les interprétations psychosociologiques écrasent les révélations sur le dispositif télévisuel. À ceci s’ajoute le paradoxe entre un documentaire qui donne à voir la vérité de l’être humain, tout en la volant, et une des idées qui fonde la série, à savoir que la téléréalité ne peut pas prétendre montrer la vérité puisqu’elle force et scénarise les comportements.

25La complexité du dispositif de communication appelle une explicitation forte en terme d’énonciation éditoriale. Chacun des deux documentaires repose sur une mise en abyme (regarder la télévision à la télévision) et un même objectif (montrer des images pour changer le regard). Dans Le temps de cerveau disponible, ce procédé est limpide : la caméra filme un écran de télévision et son image réfléchie dans les yeux de téléspectateurs immobiles, jusqu’à en faire le fil conducteur visuel. Il manque à Jusqu’où va la télé ? une explication et une symbolisation claires de sa prétention métadiscursive. L’idéal aurait probablement été une soirée thématique, avec une introduction en plateau, présentant à la fois le projet et le lien entre les deux documentaires. L’ambition de la série est entravée par ce déficit d’orchestration. Un programme n’est qu’une composante, certes majeure mais à compléter, dans une programmation. Dans cette série qui décortique la télévision en tant que dispositif de communication, la mise en place du dispositif de communication semble étrangement peu ou mal pensée. Reprenons la phrase d’ouverture du Jeu de la mort : « Ce que nous allons regarder est extrêmement dur. Il ne s’agit pourtant que de télévision et de divertissement ». Cette phrase n’est pas fausse, dans la mesure où elle prévient les téléspectateurs qu’une sélection d’images violentes est imminente. Mais elle engendre un contresens si le téléspectateur comprend qu’elle parle, non de ces programmes dénoncés, mais du programme qui les dénonce. Le jeu de la mort donne l’impression de s’auto-désigner comme « divertissement ».

26Comment expliquer la multiplicité de ces affleurements du brouillage ? Probablement parce que les dispositifs de communication, notamment médiatiques, sont souvent présumés auto-communiquants. Sans doute aussi en partie parce que le caractère métadiscursif de Jusqu’où va la télé ? rend particulièrement malaisé un niveau de discours supplémentaire. Mais de façon plus conjoncturelle, parce que Yami 2 est une petite équipe, qui s’est trouvée devoir gérer des problèmes de communication particulièrement perturbateurs. Le 25 avril 2009, Libération consacre un dossier au Jeu de la mort. Quelques jours plus tôt, les journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts se sont imposés sur le plateau où était enregistré « Zone Xtrême ». Ils ont eu connaissance de ce tournage dont la confidentialité était pourtant la condition sine qua non, la communication consistant justement à éviter autant que possible que des informations circulent [27]. Pour ne pas mettre à mal son projet, toute révélation de la feintise avant la fin des enregistrements donnant le coup d’arrêt de l’expérience, la production a choisi de les accueillir en échange d’une mise sous embargo. La publicisation contrainte a eu pour effet d’engager la médiatisation de Jusqu’où va la télé ? sur un mode sensationnel : logique du scoop (dévoiler ce que ni le producteur ni le diffuseur ne voulaient faire savoir), mise en cause de procédés empruntés à la téléréalité (surtitre du dossier : « téléréalité, téléctrochoc », titre « La télé met les doigts dans la prise »), révélation du chiffre de 80 % de participants ayant été jusqu’au châtiment suprême (contre 62,5 % chez Milgram). Trois axes, trois brèches ouvertes : Christophe Nick sera soupçonné d’avoir favorisé le buzz, en maintenant la confidentialité pour mieux organiser les fuites [28] ; à la faveur d’un bon mot, un premier écrasement se produit entre Le jeu de la mort et « Zone Xtrême », entre métadiscours et discours, entre la télévision dont on parle et la télévision que l’on fait ; enfin, on assiste à une mise en pâture des pourcentages, tellement massifs, tellement évocateurs, mais aussi tellement réducteurs [29]. France 2 réagit en publiant un communiqué pour préciser qu’elle ne « prépare pas une émission de téléréalité mais un documentaire consacré à ce genre ». La plupart des articles publiés suite à la révélation de Libération accoleront le mot « téléréalité » au programme ; un programme pourtant virtuel, puisque de fait seul « Zone Xtrême » existe à ce moment-là. Les commentaires vont s’enraciner sur un faux jeu, télévisuel sans être à proprement parler télévisé, qui n’a pourtant de sens que dans un programme non encore conçu.

27Yami 2 est contrainte de s’adapter à cette médiatisation non souhaitée et s’attache à protéger les participants, dans leur intérêt et dans celui du documentaire en cours de montage. Le risque est évident : 2 sur 80 ont aussitôt refusé la diffusion de leur image, une troisième suite aux articles de Libération. D’autres refus pourraient intervenir. Des journalistes pourraient chercher à entrer en contact avec les « cobayes » de l’expérience. Le premier documentaire aimante l’attention de la production, d’autant plus vigilante que l’opération financière est risquée [30]. Le sens global de Jusqu’où va la télé ? pâtit de cette focalisation sur Le jeu de la mort, dans laquelle s’emboîte une focalisation sur « Zone Xtrême ».

L’image logotype, fausse citation et vrai piège

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Figure 1 : Couverture du dossier de presse et de I’invitation aux journalistes

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Figure 1 : Couverture du dossier de presse et de I’invitation aux journalistes

29L’image choisie [31] pour représenter Jusqu’où va la télé ? est symptomatique de la problématique à laquelle ont été confrontés producteur et diffuseur. Elle montre un écran de télévision photographié, la captation du film étant symbolisée par des lignes horizontales. On y voit le comédien de « Zone Xtrême » mimant, dents serrées et visage crispé, la souffrance infligée par une décharge électrique. Le recours à cette image s’explique par la nécessité de donner de la visibilité au programme sans utiliser l’image des participants, dans un souci éthique d’autant plus vif que le principe du jeu est attaqué : tout en étant identifiable, cette représentation évite l’identification des joueurs. Elle existe par défaut, en raison de ce (ceux) qu’il n’est pas question de donner à voir. Cette image, ou d’autres du même type (le comédien attaché dans la cellule d’électrocution), illustre la plupart des articles consacrés au programme avant sa diffusion. Si elle circule, c’est qu’elle donne à voir. Mais qu’y voit-on ?

30Une double feintise : celle qu’ont vécue les participants à « Zone Xtrême », victimes d’une mise en scène incarnée par ce faux joueur [32] ; celle que vit tout téléspectateur du Jeu de la mort, confronté à une image censée citer « Zone Xtrême » alors que les participants ont entendu mais jamais vu les souffrances du comédien. Cette image a été filmée à l’intention des téléspectateurs, en prévision du spectacle qui allait leur être livré. Elle accentue l’effet de réel, elle surenchérit sur la bande-son pourtant explicite (râles puis hurlements de douleur). Hyperbolique, elle met en danger la crédibilité du film. Lors de ces instants où Le jeu de la mort montre des images de l’acteur hurlant, la scénarisation prend le pas sur l’information, la fiction sur la réalité ; l’auteur donne à voir une représentation, qu’il a construite de toutes pièces, comme s’il la jugeait plus vraie que l’image du plateau télé, que l’image qu’ont réellement vue les participants. Il distord le cadre de l’expérience scientifique, qui consiste justement à écarter la souffrance infligée et la mort potentielle, la présentatrice répétant aux participants « nous assumons toutes les conséquences », « dans 10 minutes Jean-Paul vous remerciera », et le dispositif interdisant aux participants de visualiser celui qu’ils maltraitent. L’auteur utilise alors un procédé propre à la téléréalité : la prétention du plus vrai que vrai… qui confine au mensonge. Dans un programme qui n’a rien de commun avec la téléréalité, ces scènes-là sont un basculement possible, une brèche pour une réinterprétation. Or il en a été fait un symbole et pour ainsi dire un logotype.

Une diffusion bouleversée

31Environ un mois avant la diffusion, la série est soudainement cassée. France 2 prend la décision de ne pas diffuser les deux documentaires l’un après l’autre mais lors de deux soirées consécutives : Le jeu de la mort à 20 h 35, suivi d’un débat animé par Christophe Hondelatte, et Le temps de cerveau disponible le lendemain à 22 h 45, dans la case documentaire préexistante, Infrarouge. Cette déconstruction est un contresens. Au nom d’une combine audimétrique (l’espoir de réunir les téléspectateurs devant un débat animé par un journaliste célèbre ?), la combinaison Jusqu’où va la télé ? est défaite. La programmation, art combinatoire, se délite ici dans un réflexe probablement opportuniste. Le diffuseur était la pièce manquante qui pouvait assumer le sens global de ce discours critique sur la télévision ; au lieu de quoi il le détricote. Non seulement le débat qui suit Le jeu de la mort écarte Le temps de cerveau disponible de la série, mais en plus le plateau réuni brouille l’intelligibilité et rétrécit les perspectives. Comme pour donner des gages de sa prétention à offrir les conditions du débat, France 2 laisse la conduite à l’animateur, indépendamment de l’auteur, qui est simple invité et se trouve mis en cause sans toujours pouvoir répondre. La présence de Christophe Nick à l’image s’opère notamment par de grands écrans en décor de plateau, qui montrent ses expressions, entre agacement et fatigue dépitée. Il est certes expressif mais n’a que peu l’opportunité de s’exprimer dans la discussion. La première erreur du diffuseur est de considérer qu’un débat télévisuel contradictoire est un signe probant de volonté d’engager une réflexion. La deuxième est de se soumettre à la polémique naissante et de la laisser se développer sur l’antenne.

32Le débat est organisé en trois parties : l’interview de deux participants à « Zone Xtrême » et de Christophe Nick (une dizaine de minutes), le débat avec quatre spécialistes en lien plus ou moins proche avec les médias (un peu plus d’un quart d’heure) [33], le débat avec trois journalistes spécialistes des médias (une petite demi-heure). Animateur sur la radio RTL, qui appartient au même groupe que RTL 9 et M6, chaînes de télévision directement visées par Le temps de cerveau disponible, Christophe Hondelatte invite pour cette troisième partie Isabelle Morini-Bosc, journaliste sur RTL, et Jean-Marc Morandini, journaliste du groupe Bolloré (Direct 8) et de Lagardère (Europe 1). Il leur donne la parole avant de la laisser à David Abiker, d’emblée mis en cause par Isabelle Morini-Bosc parce qu’il aurait reconnu hors antenne ne pas avoir regardé le documentaire, puis ensuite par Jean-Marc Morandini pour sa prétention intellectuelle. Le prétendu débat vire à plusieurs reprises à la dispute (manifestations de mépris, élévations de voix), Morini-Bosc et Morandini se déclarant rétifs à une réflexion qui postule un rôle social de la télévision (elle ne serait qu’un divertissement et un reflet de la société) et défendant un point de vue pragmatique : il existe suffisamment de programmes télévisuels pour que le projet de fonder sa critique sur un programme inventé ne soit pas insensé. Au milieu de ces empoignades de principe et de surface, il n’est fait aucune place ni aux discours explicatifs (qu’il s’agisse du projet Jusqu’où va la télé ? ou de la méthodologie de « Zone Xtrême ») ni aux scientifiques (Jean-Léon Beauvois et Bernard Stiegler ne sont ni présents ni même évoqués).

33Le débat Jusqu’où va la télé ? révèle une incurie conséquente : Le jeu de la mort est le déversoir de points de vue lapidaires et Le temps de cerveau disponible est paré d’invisibilité. Premièrement, la parole est donnée à des professionnels de la télévision dont le métier consiste à promouvoir la télévision, qui s’obstinent à faire dévier le débat, à reprocher à l’auteur d’avoir fait ce documentaire plutôt qu’un autre : relativisation de l’importance à accorder aux programmes de téléréalité, stigmatisation d’Internet comme espace de non-droit (et valorisation par contrecoup des règles, juridiques et morales, qui encadrent la télévision), stigmatisation des autres pays (et valorisation par contrecoup de ladite exception culturelle française), dénonciation d’un parti pris élitiste contre la télévision [34]. Deuxièmement, Le temps de cerveau disponible est exclu ; sa charge critique, pourtant plus violente à l’encontre des chaînes de télévision que Le jeu de la mort, passe inaperçue. Christophe Hondelatte, une fois le débat terminé, se contente de mentionner son existence : « je voudrais vous signaler que demain, en deuxième partie de soirée, France 2 diffuse un deuxième documentaire […] un documentaire militant […] il veut démontrer que la télévision exploite les pulsions les plus viles […] Voilà ». Mi-figue mi-raisin, le présentateur annonce le deuxième documentaire comme une cerise sur le gâteau. Les ingrédients sont ceux d’une confiture mais c’est la déconfiture de la série qui finit de mijoter. Le noyau de cette cerise-là parachève l’écroulement de la série.

34Résultat, la duplication entre les deux documentaires est faible : seuls 11,5 % des téléspectateurs du Jeu de la mort ont regardé Le temps de cerveau disponible. Certes, ceci augmente singulièrement l’audience globale de Jusqu’où va la télé ? ; mais ceci signifie surtout que seuls 400 000 téléspectateurs ont été en mesure d’en comprendre le sens.

Débat débâti, dispute disséminée

35Une dispute médiatique, consécutive à une altercation lors de l’enregistrement du débat, a bénéficié d’un terreau propice pour prendre racine et se développer. Alexandre Lacroix, rédacteur en chef de Philosophie magazine, présent sur le plateau, s’accroche avec Christophe Hondelatte parce qu’il considère que sa façon d’animer le débat est une preuve flagrante des mécanismes de domination et de soumission qui s’imposent sur un plateau de télévision. Le matin de la diffusion du Jeu de la mort, le récit d’Alexandre Lacroix est publié dans Libération[35]. Sa mésaventure surenchérit sur le titre qui figure en « Une » : « Polémique autour du jeu de la mort ». Pendant plusieurs jours, les récits croisés et (un peu) contradictoires d’Alexandre Lacroix, Christophe Hondelatte, David Abiker, Jean-Marc Morandini, vont nourrir les émissions spécialisées des radios et télévisions, les pages médias des quotidiens, les blogs et sites Internet spécialisés. Prolongement du débat ou greffe contre-productive ?

36En mai 2010, Alexandre Lacroix publie, dans la collection « Café Voltaire » de Flammarion, un essai intitulé Téléviathan. Il y relate, avec force détails, son « affaire » et ce qu’il considère comme des pressions. Il voit dans son expérience la démonstration du pouvoir de la télévision. Une télévision qu’il ne regarde pas, qu’il ne possède pas et qu’il conseille au lecteur de « jeter ». Il ne s’appuie pas sur les deux documentaires de Jusqu’où va la télé ? : il évoque à peine le premier, ne cite pas le deuxième. Écrire une critique de la télévision qui trouve naissance dans le débat du Jeu de la mort et qui ne dit pas un mot des documentaires, ne serait-ce que pour les critiquer… Quel que soit l’intérêt que l’on peut trouver à son ouvrage, il est la trace d’un détournement du débat et du parasitisme dont il a été victime.

Une communication bouleversante

37France 2 a mis en place une stratégie de communication inédite pour une chaîne du service public français : cinq semaines avant la diffusion, le 10 février, le service de « communication on line » orchestre une tactique de buzzmarketing avec trois premières vidéos de teasing sur le jeu « Zone Xtrême »  [36], postées sur une trentaine de blogs considérés comme influents. Elles sont suivies le 15 février d’une vidéo plus longue [37] révélant le documentaire Le jeu de la mort. Les premières sont légendées « bientôt sur vos écrans » ou « le 15 février, découvrez le diffuseur qui se cache derrière ce jeu révolutionnaire » ; la dernière, celle qui met fin au suspense, s’ouvre sur l’inscription « Jusqu’où va la télé ? » et se clôt sur « un documentaire en deux parties : Le jeu de la mort et Le temps de cerveau disponible ; prochainement sur France 2 ». Les premières montrent des extraits du jeu comme s’il s’agissait d’un vrai jeu, la dernière dévoile le dispositif métatélévisuel et les scientifiques qui l’encadrent. France 2 a mis les internautes dans la même situation que les participants au Jeu de la mort : elle leur a fait d’abord croire que ce jeu cruel allait être diffusé, avant de leur révéler la vérité.

38Du point de vue économique, la démarche de France 2 est logique : il s’agit de rentabiliser cet investissement hors normes pour un documentaire en attirant les téléspectateurs. Le jeu de la mort se prête à la mise en scène communicationnelle choisie : conformément au programme, il s’agit de choquer et marquer les esprits. Christophe Nick l’a dit, il veut démontrer que le public est prêt à regarder une émission comme « Zone Xtrême ». Or dans Le jeu de la mort, il ne peut pas y parvenir : il donne à voir un documentaire sur un jeu et non le jeu en tant que tel. Il teste les participants et le public sur le plateau mais pas les téléspectateurs. D’une certaine manière, France 2 complète le dispositif : les téléspectateurs potentiels croient, au moins temporairement, que ce programme est vrai. Le phénomène mériterait d’ailleurs une analyse à part entière. C’est en grande partie la révélation de l’identité du diffuseur qui a amené à parler de « canular », France 2 n’étant pas crédible sur le territoire de la « trash TV » ; mais quelque pointe d’indignation que l’annonce du jeu ait pu entraîner, elle a surtout provoqué une curiosité amusée. La diffusion du jeu sur une chaîne de télévision française n’a pas été perçue comme inenvisageable. Les réactions à la stratégie de communication de France 2 laissent donc penser que pareil jeu est bel et bien possible, du point de vue des téléspectateurs.

39Cette démarche est celle du diffuseur et non du producteur, qui n’y a pris part d’aucune manière [38]. Mais en réitérant et complétant la mise en scène métatélévisuelle, la direction de la communication s’est heurtée aux mêmes difficultés que la production dans sa conception du programme. Comment donner à voir des extraits de « Zone Xtrême » sans courir le risque d’être désigné comme le coupable qui introduit en France la pire émission qu’on ait jamais vue ? Comment mettre de son côté des téléspectateurs que l’on a d’abord trompés ? Comment faire comprendre que les images que l’on a montrées sont en fait métaphoriques, métonymiques et métadiscursives ? Le projet nécessitait une écoute attentive et prolongée, très ambitieuse quant à l’attention des consommateurs de médias. Les internautes et les téléspectateurs, entre le 10 février et le 17 mars, ont vu des bribes qui ne suffisaient pas à les renseigner sur le dispositif global.

40La stratégie de buzzmarketing a bien fonctionné (circulation et commentaires) mais sans pour autant servir le projet Jusqu’où va la télé. Elle a renforcé l’écrasement entre le faux jeu et le vrai documentaire, en livrant un montage d’extraits sans produire de métadiscours assumé par le diffuseur. Elle a introduit un rapprochement inédit entre France 2 et les chaînes privées, en imitant un procédé d’événementialisation typique des secondes. Elle a favorisé le non-visionnage des films, en organisant un mystère puis en révélant la vérité et mettant fin au suspense bien avant la diffusion. Elle a accéléré le mécanisme de mise à distance : dans un premier temps pris au piège, les internautes se sont d’autant plus retranchés dans le déni et le refus de toute identification avec le public du jeu « Zone Xtrême » et avec les participants. Le jeu de la mort a besoin de l’acceptation des téléspectateurs : il faut qu’ils pensent qu’ils auraient pu être à la place des participants, qu’ils auraient pu agir comme eux. Le documentaire présuppose ce transfert. Or la médiatisation qui l’a précédé l’a déjoué : en orientant les commentaires vers le procédé du faux jeu, elle a éloigné les possibilités de croyance dans un jeu plausible, auquel tout un chacun aurait pu se prendre. Qui a scruté le doigt est peu enclin à croire à la lune.

41France 2 a voulu faire un clin d’œil. Or cette connivence a été décrétée sans être partagée. La chaîne s’est exprimée avec l’assurance de ceux qui ont la certitude de leur légitimité, qui croient leur probité reconnue et s’affranchissent de la nécessité d’affirmer leur posture. L’ironie est un art difficile, qui ne se manie bien qu’avec un public restreint. Imiter les chaînes commerciales, faire ainsi le contraire de ce que l’on veut montrer que l’on est, c’est subtil… mais efficace seulement auprès de ceux qui sont convaincus d’avance : ceux qui pensent que la politique de programmation de France Télévisions est foncièrement différente de celle des chaînes commerciales, ceux qui savent que France 2 ne diffuse pas de téléréalité, ceux qui ont suffisamment bien compris le projet Jusqu’où va la télé ? pour pouvoir interpréter les silences du dispositif de communication. La chaîne a peut-être renforcé la confiance avec ce public-ci, mais au risque de semer la défiance chez bon nombre de téléspectateurs.

42

Figure 2 : extrait du dossier de presse

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Figure 2 : extrait du dossier de presse

43Il ne suffit pas de beaucoup communiquer pour que la prise en charge éditoriale soit correcte. La chaîne n’a pas assumé publiquement son rôle dans la production et la diffusion d’un discours critique sur la télévision. Elle a fait sans dire qu’elle faisait. Or, si « dire c’est faire », faire sans dire, est-ce vraiment faire ? Comment produire une communication médiatisée sans donner des signes clairs de son intention ? Dans le dossier de presse, l’éditorial est signé par Patricia Boutinard-Rouelle, directrice des programmes documentaires de France télévisions [39]. Elle s’interroge en tant que responsable d’un média audiovisuel, elle engage le point de vue de son entreprise : « cette soirée […] pose […] la question de la place et de la responsabilité culturelle et sociale des chaînes de service public face à la mercantilisation croissante de la télévision ». On ne trouve aucun équivalent de cette revendication dans la stratégie de communication destinée au public. La chaîne procède comme avec n’importe quel autre documentaire : elle laisse l’auteur gérer seul les réactions pré et post-diffusion. Elle lui délègue un rôle qu’il lui est impossible de tenir. Sa forte présence médiatique est interprétable comme une tentative de compensation du manque éditorial, et même du manquement, de France 2. Son implication ne peut pas faire oublier que le média tait sa propre intention. Contraint de sans cesse rendre compte de son travail, Christophe Nick est d’autant plus suspect qu’il s’auto-justifie ; et plus il prend la parole et moins il peut la déléguer, pour ne pas découdre les explications qu’il est en train de tisser. Il ne peut pas représenter les responsables de la chaîne, il ne peut pas exprimer à leur place ce choix inédit d’une chaîne de télévision qui produit une analyse critique de la télévision. Ce respect des usages, pour un programme intrinsèquement innovant, est une incongruité.

44« Jusqu’où va la télé ? » Paradoxalement, elle ne va pas jusqu’à assumer de poser cette question. En se cantonnant publiquement au rôle de « diffuseur », la chaîne a montré à quel point le média télévision a du mal à s’impliquer dans la production d’un discours critique sur la télévision, et plus largement à représenter et à exercer le rôle social qu’il occupe pourtant.

45Je conclurai sur trois idées.

46Premièrement, l’analyse de ce dispositif de communication médiatique montre que les incertitudes sont majeures dans tout échange médiatisé. Producteur et diffuseur avaient anticipé le risque de la mésentente ; mais pas celui du malentendu. Moyens financiers et humains, compétences professionnelles en communication sont probablement des conditions précieuses pour produire de la visibilité médiatique ; mais elles ne garantissent pas la compréhension de l’intentionnalité. Nous avons ici affaire à un entrecroisement d’acteurs qui ont fait correctement ce à quoi ils s’étaient engagés, chacun participant selon sa logique à cette prise de parole médiatique originale. Tant la formation des professionnels des médias que la circulation de la notion de « contrat de communication » nourrissent l’utopie d’une recette applicable et réitérable. Si « contrat » il y a, ce ne peut être qu’un « contrat mouvant », un remède placebo à la perplexité des acteurs de la production médiatique. Jusqu’où va la télé est une situation d’échange caractérisée par l’incertitude, alors que l’auteur et les commentateurs n’ont pour leur part fait montre d’aucune hésitation.

47Deuxièmement, l’économie médiatique pèse lourd dans les échanges médiatisés. On a affaire ici à un média qui a été critiqué pour avoir voulu faire de l’audience et dont les responsables se sont mal défendus, comprimés dans un contexte qui les a conduits à penser que la discrétion était préférable [40]. Le programme a été interprété à l’aune d’une représentation banalisée de la télévision : un média de divertissement mercantile. Alors que la stratégie de communication virale était pertinente du point de vue de la chaîne, elle a alimenté les préjugés inspirés de la connaissance qu’ont les téléspectateurs des procédés médiatiques. Quels sont les programmes qui s’attachent à produire du commentaire, à fabriquer du bruit pour remplir le vide, à demander aux téléspectateurs leur participation pour co-construire une coquille dont l’inaboutissement est un appel aux discours d’accompagnement ? Principalement ceux que l’on regroupe dans la catégorie « téléréalité ». Le modèle du « contrat », inspiré des règles de l’échange conversationnel, laisse penser qu’il y a équivalence entre le média et le locuteur. Or cet ajustement est loin d’être une évidence. Quand France 2 parle de la télévision, les téléspectateurs voient avant tout que c’est la télévision qui leur parle ; le média télévision assourdit la prise de parole de l’entreprise de média.

48Troisièmement, on a ici une trace des effets de la téléréalité dans les représentations de la télévision. D’une part parce qu’en incitant les téléspectateurs à consommer des programmes tout en se prévalant de distance critique, elle a contribué à systématiser le cynisme. Elle a favorisé une décrédibilisation du média télévision et de la probité de ses producteurs et diffuseurs. D’autre part parce qu’en se constituant en méta-genre, en recyclant et mélangeant des formes typiques du documentaire, du reportage, du roman-photo, de la série, de la fiction, elle a exposé les producteurs de médias à une critique nouvelle : ne plus pouvoir faire leur métier sans risquer de s’entendre reprocher de faire de la téléréalité. Sa dynamique d’emprunts en a fait le genre de l’innovation ; jusqu’à interdire aux documentaristes de continuer à innover ?


Mots-clés éditeurs : Le jeu de la mort, Jusqu’où va la télé ?, documentaire, « Zone Xtrême », critique de la télévision, docu-fiction, Le temps de cerveau disponible, téléréalité

Date de mise en ligne : 01/11/2017

https://doi.org/10.4074/S0336150010014043

Notes

  • [1]
    Yves Jeanneret, Valérie Patrin-Leclère, 2003, « Loft story ou la critique prise au piège de l’audience », Hermès, 37.
  • [2]
    Pour Le jeu de la mort : 3,4 millions de téléspectateurs, 13,7 % de parts d’audience, 23,5 % chez les 15-34 ans. Pour Le temps de cerveau disponible : 1,5 million de téléspectateurs, 12,6 % de PdA, (contre 9,3 % depuis janvier), 16,6 % chez les 15-34 ans. Les scores d’audience sont exceptionnellement élevés auprès des jeunes publics (15-34 ans) et exceptionnellement bas auprès des plus âgés (plus de 60 ans).
  • [3]
    Le 17 mars 2010, jour de la diffusion du Jeu de la mort, Mediapart affiche en « Une » un article d’un de ses blogueurs : « Boycottez France 2 ce soir, voici votre acte citoyen responsable ». La rédaction ne publie pas d’autre article sur le sujet.
  • [4]
    Sur le forum de France 2, message posté le 18 mars 2010 à 15 h 15 : « Je n’ai pas vu l’émission concernée […], j’en ai vu la bande annonce, qui m’a fait pressentir une énième téléréalité […]. Je me suis décidée à venir voir le forum parce que l’émission fait grand débat sur mon lieu de travail. »
  • [5]
    Le site Jusqu’où va la télé ? de France 2 a enregistré 185 000 visites entre février et mai 2010, dont 166 000 en mars, et un total de 440 000 pages vues. En avril, il y a encore eu 10 000 visites et 6 000 en juin.
  • [6]
    On trouve même ce titre d’article : « Le fou, la lune, le doigt », in le blog La plume d’Aliocha, 30 mars 2010.
  • [7]
    Forum de France 2, posté le 18 mars 2010 à 00 h 46 min 29 s : « Je trouve ça magnifique que des gens crient à la “manipulation” après une telle émission qui se veut justement de prévenir ce danger. Avez-vous seulement compris l’enjeu de cette émission ? ».
  • [8]
    « C’est une honte pour votre chaîne de passer ce genre d’émission ! Je pensais que vous n’étiez pas sur le même registre que TF1 » ; « Comment une chaîne publique peut-elle diffuser une telle sollicitation à la violence et à la soumission ? » ; « avez-vous pensé aux ados déjà nombreux à mourir chaque année du jeu du foulard ? La torture des copains ça va sûrement leur plaire comme nouveau jeu ! » ; « Comment peut-on étaler sur la place publique dans des émissions de type divertissement ce genre d’agissement ? ».
  • [9]
    Forum de France 2, posté le 8 mars 2010 à 02 h 11 mn 37 s : « Allez ! Arrêtez de croire que l’on marche à cette mascarade ! Tout cela est faux, de la pure fiction censée nous sensibiliser aux dangers de la télé. Qui va croire, à part la presse et les journalistes, que France 2 puisse tolérer ce genre de programme ! À moins que ce ne soit une blague ! Plusieurs choses m’ont mis la puce à l’oreille […] Je suis désolé de vous avoir démasqué bien que je trouve très drôle cette initiative du service public. » Après la diffusion, beaucoup de commentaires ont porté sur le fait que le faux jeu n’était pas crédible, et que les participants avaient donc fait semblant d’y croire. Mediapart, 17 mars 2010 à 22 h 36, par arnaif : « Vous ne voyez donc pas que cette soi-disant “expérience” est bidonnée de A à Z ? Qu’elle est scénarisée ; que les réactions des candidats sont écrites à l’avance ? Vous prenez ce “jeu “ au sérieux ? Revenez sur terre ! ».
  • [10]
    Forum de France 2, posté le 17 mars 2010 à 22 h 42 mn 17 s : « Je suis très déçu car cette expérience est complètement faussée par le fait qu’il y ait une récompense d’un million d’euros ! Je connais pas mal de gens qui tueraient pour beaucoup moins que ça ! ».
  • [11]
    « Franchement, France 2 est descendue bien bas avec cette émission ! Vous avez vraiment besoin de faire de l’audimat ? ! Pour vous dire quand même que je n’ai pas regardé. »
  • [12]
    Ce sera l’objet d’un article à venir, qui nécessite un temps plus long compte tenu de la profusion des matériaux recueillis.
  • [13]
    Comparé à Dumbledore de Harry Potter, au Père Fourras de Fort Boyard ; bref, coupable d’avoir trop la tête de l’emploi pour avoir vraiment la tête de l’emploi.
  • [14]
    À la fin du documentaire, un des participants raconte : « on se sent des ailes ». Dans un jeu dont la présentatrice lui répète qu’il est le « maître », le participant se met au service de la célébration du spectacle tout en se pensant temporairement célébré, sans que les ressorts de la célébrité soient en jeu. La célébration n’a pas besoin de garantie ni même de promesse de célébrité pour fonctionner.
  • [15]
    Dans le débat diffusé suite à la diffusion du documentaire, un des participants explique son désarroi : « l’image que j’avais donnée dans ce jeu-là n’était pas la mienne […] Ça allait à l’encontre de ma nature ».
  • [16]
    Février 2010, éditions Don Quichotte. L’expérience extrême détaille les conditions de réalisation du faux jeu « La Zone Xtrême » et les résultats de l’expérience menée par l’équipe de chercheurs en psycho-sociologie.
  • [17]
    Une suite est prévue, avec deux documentaires de 52 minutes, annoncés sous ces titres : « Que sont-ils devenus ? » et « La psychologie sociale ». Le premier doit retracer les mois qui ont suivi la diffusion de Jusqu’où va la télé ? en s’attachant aux participants de « La Zone Xtrême » ainsi qu’aux scientifiques (comment ils ont vécu les réactions à la diffusion). Le deuxième doit expliquer les expériences majeures réalisées dans le cadre disciplinaire de la psychologie sociale.
  • [18]
    En Espagne, Le jeu de la mort sera diffusé en salle de cinéma et non à la télévision.
  • [19]
    Des extraits d’émissions corroborent les propos des chercheurs interviewés.
  • [20]
    J.L. Austin, 1962, How to do things with words, Oxford University Press.
  • [21]
    Variety.com, États Unis, Boyd va Hoeij, 20 juin 2010 : Editing is not entirely smooth, torn between playing up suspense and analyzing findings, but otherwise tech credits are top-tier TV.
  • [22]
    Libération, Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, 17 mars 2010 : « Les grosses ficelles de Nick affaiblissent la démonstration ». « Lourdingue ? Non, quelques tonnes seulement… Quelques tonnes de volonté farouche de prouver à tout prix que la téléréalité est le mal absolu qui viennent plomber le documentaire. Dommage, car la transposition de l’expérience de Milgram à la télé était passionnante en soi. »
  • [23]
    Le meilleur exemple en est ceux qui ont considéré que les comportements s’expliquaient par l’appât du gain. Ils n’ont pas retenu ce que leur disait la voix off (à savoir que le participant est simplement défrayé et ne passera pas à la télévision), ils ont retenu les images du jeu « Zone Xtrême » (l’habillage visuel 1 000 000 €) et les propos de Tania Young : « 1 000 000 en jeu. 900 000 pour le candidat, 100 000 pour le questionneur » ; « si vous décidez d’arrêter vous perdez tout ».
  • [24]
    Bernard Bosredon, Irène Tamba, 1998, « L’autonymie linguistique, un exemple de transfert théorique », Sémiotiques, 14, juin.
  • [25]
    Sur le modèle d’Arrêt sur images.
  • [26]
    Cette expression a circulé dans les articles de la presse télévisuelle (C. Nick aurait ouvert la boîte de Pandore), sans que son auteur soit cité : Bernard Stiegler, qui fait une analogie entre industrie télévisuelle et geste de Pandora dans Le temps de cerveau disponible.
  • [27]
    Yami 2 avait envisagé de ne pas organiser de projection presse avant la diffusion.
  • [28]
    Commentaires faits oralement par des journalistes critiques de télévision, affichant n’être pas dupes de ce qu’ils ont interprété comme un procédé. Daniel Schneidermann, sur le site Arrêt sur images, a publié le 18 mars 2010 une chronique « vite dit » intitulée « Les autres électrochocs » dans laquelle il parle de « fuites organisées ».
  • [29]
    La production et les psycho-sociologues réunis par J.L. Beauvois n’ont pas seulement été surpris par ces pourcentages. Ils ont été sidérés. D’où aussi, probablement, la place qu’ils leur ont accordée.
  • [30]
    Le coût est de plus de 2 millions d’euros.
  • [31]
    Cette image se trouve en couverture du dossier de presse et de l’invitation aux journalistes ainsi qu’en illustration de toutes les productions en lien avec Jusqu’où la télé ? : site Internet, bandeau du livre, films autopromotionnels. Sur la jaquette du DVD, on voit le comédien en plan rapproché, hurlant.
  • [32]
    On peut s’interroger sur le procédé narratif choisi dans Le jeu de la mort : Jean-Paul, le comédien, vient remercier les participants, félicitant ceux qui ont interrompu le jeu. Il simule sa reconnaissance alors qu’en réalité aucun ne lui a fait mal… et que le téléspectateur le sait. Cette scène fait sens dans « Zone Xtrême » (le comédien doit déjouer le stratagème en personne) mais sa médiatisation pose problème (ces scènes introduisent un stratagème dans le documentaire).
  • [33]
    Dans la deuxième partie de débat, ont été invités Alexandre Lacroix (rédacteur en chef de Philosophie magazine, qui revendique ne pas regarder la télévision), Géraldine Mulhman (philosophe), Fabrice d’Almeida (historien), Claude Halmos (psychanalyste).
  • [34]
    La ligne de fracture est forte entre d’un côté David Abiker, journaliste à Arrêt sur images et au magazine Médias, et de l’autre Jean-Marc Morandini et Isabelle Morini-Bosc. Ce n’est pas tant Le jeu de la mort qui est au cœur de la bataille qu’ils se livrent que leur regard sur la télévision, leur rôle de journaliste critique de télévision, leur statut personnel, professionnel et pour ainsi dire institutionnel.
  • [35]
    Libération, 2010, n° 8971, 17 mars, p. 4.
  • [36]
    12, 36 et 45 secondes.
  • [37]
    2 minutes et 32 secondes.
  • [38]
    Les montages des extraits du Jeu de la Mort ont été réalisés par France 2.
  • [39]
    Présente lors de la diffusion presse, elle prend la parole face aux journalistes.
  • [40]
    En finançant et diffusant Jusqu’où va la télé ?, P. de Carolis et P. Duhamel ont pris leur part de risque. Ils ont certainement pensé créer les conditions d’un débat auquel ils n’auraient pas besoin de participer personnellement. La candidature du Président de France télévisions à sa propre succession (mandat arrivant à échéance été 2010) a probablement réprimé les velléités de prise de parole.

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