Couverture de COMLA1_204

Article de revue

Relire la méthode d’Ivan Illich. Cheminer vers des sciences « humaines » ?

Pages 49 à 78

Notes

  • [1]
    Cet article n’aurait pas vu le jour sans l’amicale sollicitation de Milad Doueihi avec qui nous avons organisé la journée autour de la « méthode Illich » à la Maison de la recherche de Sorbonne Université en février 2016. Merci à Elsa Tadier et Gustavo Gomez Mejia pour nos habituelles et « conviviales » discussions ainsi qu’aux attentives et amicales relectures et suggestions d’Igor Babou, Clotilde Chevet, Michel David, Thierry Devars, Jean Gayet, Samuel Goyet, Marc Jahjah, Florian Malaterre, Bérénice Mariau, Marine Souchier, Mathilde Vassor, Anne Zali.
  • [2]
    Ivan Illich, David Cayley, La corruption du meilleur engendre le pire, trad. Daniel De Bruycker et Jean Robert, Actes Sud, 2007, p. 123.
  • [3]
    Thierry Paquot, « Ivan Illich : politique de l’amitié », Mouvements, no 68, 2011, p. 48-58.
  • [4]
    Barbara Duden, « Illich, seconde période », Esprit, no 8-9, août-septembre 2010, p. 138.
  • [5]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 126.
  • [6]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de l’infra-ordinaire », Communication & langages, no 172, juin 2012, p. 3-19.
  • [7]
    Gérard Simon, Le Regard, l’Être et l’Apparence dans l’optique de l’Antiquité, Paris, Seuil, 1988, p. 16. Cité par Illich dans « Passé scopique et éthique du regard. Plaidoyer pour l’étude historique de la perception oculaire », La Perte des sens, trad. Pierre-Emmanuel Dauzat, Fayard, 2004, p. 295.
  • [8]
    Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
  • [9]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 46.
  • [10]
    Georges Perec, L’Infra-ordinaire, Seuil, coll. « La Librairie du xxe siècle », 1989.
  • [11]
    Henri Lefebvre, La Vie quotidienne dans le monde moderne, no 162, Gallimard, coll. « Idées », 1968, p. 38.
  • [12]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 228.
  • [13]
    Ivan Illich, « Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul (1993) », La Perte des sens, op. cit., p. 155.
  • [14]
    Ibid., p. 59.
  • [15]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 296.
  • [16]
    Ivan Illich, Le Genre vernaculaire, in Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 353.
  • [17]
    Ivan Illich, Du lisible au visible. Sur l’Art de lire de Hugues de Saint Victor, in Œuvres complètes, op. cit., p. 567.
  • [18]
    Ibid., p. 72 sq.
  • [19]
    Ivan Illich, « La recherche conviviale », Le Travail fantôme, in Œuvres complètes, vol. 2, op. cit., p. 194-195.
  • [20]
    Jean Robert, « Les instruments d’un pouvoir sur autrui », Esprit, op. cit., p. 168.
  • [21]
    Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit., Gallimard, 1964, p. 11-12.
  • [22]
    « Idéologie cybernétique » que l’on peut aisément actualiser sous le terme de « numérique ».
  • [23]
    Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit, op. cit., p. 12-13.
  • [24]
    Paolo Fabbri, Le Tournant sémiotique, Paris, Hermès-Lavoisier, 2008, p. 134.
  • [25]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 126.
  • [26]
    Cité par Illich dans : « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 296.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Ivan Illich, La Convivialité, Seuil, coll. « Points », no 65, 1973, p. 130.
  • [29]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli… », op. cit.
  • [30]
    Sur la perception auditive, on se reportera avec profit à l’article de Stéphan-Éloïse Gras dans le présent dossier : « L’écologie sonore d’Illich. Une méthode critique pour le matérialisme numérique ? ».
  • [31]
    Sauf mention contraire, les références de ce passage vont à Ivan Illich, « Surveiller son regard à l’âge du “show” (1993) », La Perte des sens, op. cit., p. 203-205. Voir également « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 287-326 ; Ivan Illich, David Cayley, « L’Évangile et le regard », op. cit., p. 150-169 ; ainsi que les chapitres « Lumen » et « La page en tant que miroir », dans Ivan Illich, Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., p. 578-583.
  • [32]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 296.
  • [33]
    Ibid., p. 315.
  • [34]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 180.
  • [35]
    Ibid., p. 207 ; voir notamment la note 1.
  • [36]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 297.
  • [37]
    Ibid., p. 323.
  • [38]
    Ivan Illich, « Du livre au texte », Du lisible au visible, op. cit., p. 691 sq.
  • [39]
    Jacques Ellul, La Parole humiliée, Paris, Seuil, 1981.
  • [40]
    Albrecht Dürer, Een tekenaar tekent een vrouw, 1525, gravure sur bois, 76 × 215 mm, Rijksmuseum Amsterdam.
  • [41]
    Ivan Illich, « Surveiller son regard à l’âge du “show” (1993) », op. cit., p. 227.
  • [42]
    Ivan Illich, Le Genre vernaculaire, in Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 353.
  • [43]
    Emmanuël Souchier, « La “lettrure” à l’écran. Lire & écrire au regard des médias informatisés », Communication & langages, no 174, 2012, p. 85-108.
  • [44]
    Henri-Charles Puech, En quête de la Gnose, I, La Gnose et le temps, Gallimard, 1978. Les références de ce passage vont au premier article de l’ouvrage, « Temps, histoire et mythe dans le christianisme des premiers siècles », p. 1-23.
  • [45]
    Ibid., p. 3.
  • [46]
    Expression formulée à propos du célébrissime Christophe Colomb et de l’injustement inconnu Elio Antonio de Nebrija, lettré qui proposait pourtant à Isabelle de Castille une Gramática castellana « pour coloniser la langue parlée par ses sujets ». Ivan Illich, Le Travail fantôme, in Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 126-127.
  • [47]
    Caterina Magni, « À la découverte de la tridimensionnalité », Les Olmèques. La genèse de l’écriture en Méso-Amérique, Arles, Éditions Errance, 2013, Troisième partie, p. 215-250.
  • [48]
    Arthur Lochmann, La Vie solide : la charpente comme éthique du faire, Paris, Payot et Rivages, 2019.
  • [49]
    Tim Ingold, Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture, Bellevaux, Éditions Dehors, 2018, p. 229 sq.
  • [50]
    Caterina Magni, Les Olmèques des origines au mythe, Paris, Seuil, 2003, p. 132.
  • [51]
    Caterina Magni, Les Olmèques. La genèse de l’écriture en Méso-Amérique, op. cit., p. 234.
  • [52]
    Ibid., p. 217.
  • [53]
    Ivan Illich, « Dans le miroir du passé », Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 705.
  • [54]
    Ibid., p. 706.
  • [55]
    Voir notamment Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967, p. 71 ; L’Écriture et la Différence, Paris, Seuil, 1967, p. 248. Voir le Derridex : https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0509140439.html.
  • [56]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli… », op. cit.
  • [57]
    Ivan Illich, « Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul (1993) », op. cit., p. 160.
  • [58]
    André Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, 2 vol., Paris, Albin Michel, 1964-1965.
  • [59]
    Ivan Illich, « Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul (1993 », op. cit., p. 159-160. Voir dans le présent dossier l’article de Marc Jahjah : « Du lisible au visible : la naissance du texte, une méthode critique pour penser l’“éthique perceptive” de la culture numérique ? ».
  • [60]
    Elsa Tadier, Les corps du livre – du codex au numérique – Enjeux des corporéités d’une forme médiatique : vers une anthropologie communicationnelle du livre, thèse de doctorat, Paris, Sorbonne Université, 2018, p. 394 sq.
  • [61]
    Alexandre Friederich, H +, Paris, Éditions Allia, 2020, p. 15.
  • [62]
    Émile Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, 2. Pouvoir, droit, religion, Les Éditions de Minuit, 1969, p. 100 sq.
  • [63]
    Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, vol. 2, p. 1235.
  • [64]
    Octavio Paz, Le Singe grammairien, Skira, coll. « Les sentiers de la création », 1972, p. 46-47.
  • [65]
    Tim Ingold, « Textures de la surface : le sol et la page », Communication & langages, no 204, 2020, supra.
  • [66]
    Stendhal, Le Rouge et le Noir, Paris, Levavasseur, 1830.
  • [67]
    Propos cités par Illich dans son allocation de juillet 1983 au Colegio de México : « L’énergie, un objet social », Esprit, op. cit., p. 211.
  • [68]
    Ivan Illich, « La page en tant que vigne et jardin », Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., p. 622.
  • [69]
    Ivan Illich, In the Vineyard of the Text: A Commentary to Hugh’s Didascalicon, Chicago, University of Chicago Press, 1993.
  • [70]
    Emmanuël Souchier, « Histoires de page et pages d’histoire », L’Aventure des écritures, La page, Anne Zali (dir.), Paris, Bibliothèque nationale de France, 1999 ; Olivier Bertrand, Les Clôtures du Paradis, Bruxelles, Surfaces utiles, 2017.
  • [71]
    Jacques Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 23.
  • [72]
    Olivier Fournout, « Diatextes », Communication & langages, no 156, 2008 ; Théorie de la communication et éthique relationnelle : du texte au dialogue, coll. « Forme et sens », Paris, Hermès-Lavoisier, 2012.
  • [73]
    Roland Barthes, « Histoire ou littérature ? », Sur Racine, Paris, Seuil, 1963, p. 166.
  • [74]
    « La notion de trans-formation étant ici comprise à la fois comme une élaboration, une médiation et un changement », Emmanuël Souchier, « Mémoires – outils – langages. Vers une “société du texte” ? », Communication & langages, no 139, 2004, p. 48.
  • [75]
    « Il suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme : identification à savoir la transformation produite chez le sujet quand il assume une image », Jacques Lacan, « Le stade du miroir », Écrits I, Paris, Seuil, coll. « Points », no 5, 1966, p. 90.
  • [76]
    Emmanuël Souchier, « Le texte, objet d’une poïétique sociale », Que faisons-nous du texte ?, Y. Jeanneret, N. Meeùs (dir.), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 23-33.
  • [77]
    Ivan Illich, « La page en tant que miroir », Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., note 42, p. 582.
  • [78]
    « Il doit chercher les mots de la sagesse, et travailler avec ardeur à toujours les garder devant les yeux de l’esprit, comme un miroir pour y voir son visage », ibid., note 40, p. 581.
  • [79]
    Ibid., note 43, p. 583.
  • [80]
    Ivan Illich, « Dans le miroir du passé », Œuvres complètes, op. cit., p. 706.
  • [81]
    Jurgis Baltrušaitis, Le Miroir, essai sur une légende scientifique : révélations, science-fiction et fallacies, Paris, Elmayan/Seuil, 1978.
  • [82]
    Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au mythe personnel, introduction à la psychocritique, Paris, José Corti, 1963.
  • [83]
    « Hugues s’exprime toujours dans une perspective intensément visuelle », Ivan Illich, « La page en tant que miroir », op. cit., p. 586.
  • [84]
    Ivan Illich, « Le texte et l’université : idée et histoire d’une institution unique », Esprit, op. cit., p. 176.
  • [85]
    On notera qu’Illich ne tient pas uniquement compte du savoir intellectuel mais également des dimensions expérientielle et perceptive de sa pratique de chercheur.
  • [86]
    Ibid., p. 179.
  • [87]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 23.
  • [88]
    Le Cidoc, Centro intercultural de documentación, fondé par Ivan Illich à Cuernavaca au Mexique (1966-1976). Le Cidoc a mis en place une politique d’éducation libre telle qu’Illich la promouvait. Il le définissait en ces termes : « C’est un cadre pour comprendre les conséquences de la révolution sociale, non un instrument pour promouvoir des théories particulières d’action sociale. », Cidoc – Cuadernos, 1018, 0/6, Cuernavaca, México.
  • [89]
    Ivan Illich, La Convivialité, op. cit., p. 6-8.
  • [90]
    Ibid., p. 34.
  • [91]
    Tzvetan Todorov, Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique suivi de Écrits du Cercle de Bakhtine, Paris, Seuil, 1981, p. 31.
  • [92]
    Joëlle Le Marec, Ce que le « terrain » fait aux concepts. Vers une théorie des composites, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris 7 Denis Diderot, 2002.
  • [93]
    George Steiner, « The end of the bookiness? », Times Literary Supplement, 8-14 juillet 1988, p. 754. Cité par Ivan Illich, « La page en tant que miroir », op. cit., p. 691.
  • [94]
    Ivan Illich, « Le texte et l’université : idée et histoire d’une institution unique », Esprit, op. cit., p. 180.
  • [95]
    Ibid., p. 176.
  • [96]
    Ibid., p. 182.
  • [97]
    Voir notamment François Richaudeau, Le Langage efficace. Communiquer, persuader, réussir, Paris, Marabout, 1973 ; François Richaudeau, Michel et Françoise Gauquelin, Lecture rapide, CEPL – Retz, 1982 ainsi que la liste de ses publications dans Communication & langages :https://www.persee.fr/authority/145263. Voir par ailleurs le numéro 200 de la revue, « Lexique », 2019.
  • [98]
    François Richaudeau, La Lettre et l’Esprit. Vers une typographie logique, Planète, 1965.
  • [99]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 291.
  • [100]
    Antonio Machado, « Toi qui marches, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant », Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre, « Préface » de Claude Estéban, Sylvie Léger et Bernard Sesé (trad.), Paris, Gallimard, coll. « Poésie », no 144, 1981.
  • [101]
    Ibid., p. 184.
  • [102]
    Ivan Illich, La Convivialité, op. cit., p. 133.
  • [103]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 125.
  • [104]
    Emmanuël Souchier, « Du “sens formel” de l’œuvre », in « Introduction » au Traité des vertus démocratiques de Raymond Queneau, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la N.R.F. », 1993, p. 15-24.
  • [105]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 125.
  • [106]
    Raymond Queneau, « Connaissez-vous le chinook ? » [Les Lettres Françaises, 1946], Bâtons, chiffres et lettres, Paris, Gallimard, coll. « Idées », no 70, 1965, p. 63.
  • [107]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 168.
  • [108]
    Jean-Michel Berthelot, « Le texte scientifique, structures et métamorphoses », Figures du texte scientifique, Paris, Puf, 2003, p. 19-53.
  • [109]
    Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, vol. 1, p. 119.
  • [110]
    Le IIe Concile de Nicée se tient en 787. Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 165. Voir Alain Besançon, L’Image interdite. Une histoire intellectuelle de l’iconoclasme, Fayard, 1994. Jack Goody, La Peur des représentations. L’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la fiction, des reliques et de la sexualité, Paris, La Découverte, 2003.
  • [111]
    « L’évangile et le regard », Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 150-169.
  • [112]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 158.
  • [113]
    Ibid., p. 161.
  • [114]
    Ibid., p. 165.
  • [115]
    Ivan Illich, Barry Sanders, ABC l’alphabétisation de l’esprit populaire, trad. Maud Sissung, Paris et Montréal, Éditions La Découverte et Le Boréal, 1990, p. 83 sq.
  • [116]
    Jack Goody, La Famille en Europe, Paris, Seuil, 2001.
  • [117]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 131.
  • [118]
    Ibid., p. 124.
  • [119]
    Ibid., p. 180.
  • [120]
    L’ascèse vient du grec « askein “exercer (une activité), s’exercer” et d’abord “façonner, travailler (un matériau)” », Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, op. cit., vol. 1, p. 124.
  • [121]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 305.
  • [122]
    Ibid., p. 119-120.
  • [123]
    Ivan Illich, La Convivialité, Paris, Seuil, coll. « Points », no 65, 1973, p. 129 et 133.
  • [124]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 219-220.
  • [125]
    Ivan Illich, La Convivialité, op. cit., p. 133.
  • [126]
    Pour une vision synthétique de ces questions, voir Emmanuël Souchier, Étienne Candel, Gustavo Gomez-Mejia avec la collaboration de Valérie Jeanne-Perrier, Le Numérique comme écriture. Théories et méthodes d’analyse, Malakoff, Armand Colin, coll. « Codex », 2019.
  • [127]
    Maude Pilon, Quelque chose continue d’être planté là, Québec, Le Lézard amoureux, 2017, p. 25-26.
  • [128]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 208.
  • [129]
    Ivan Illich, Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., p. 588-589.
  • [130]
    Éric Méchoulan, Lire avec soin. Amitié, justice et médias, Lyon, ENS Éditions, coll. « Perspectives du care », 2017, p. 146.
  • [131]
    Raymond Queneau, Morale élémentaire, Paris, Gallimard, 1975, p. 146.
À mes doctorants et mes étudiants, passés et présents.

Ouvrir la voie

1Ivan Illich n’a pas à proprement parler consacré de texte dédié à « La méthode », comme nombre d’auteurs ont pu le faire en lettres et sciences humaines et sociales [1]. En revanche, tout au long de son parcours, il n’a eu de cesse de truffer ses articles, conférences et ouvrages de remarques méthodologiques. En permanence, il a accompagné son propos d’une pensée réflexive qui nous fournit ici les outils pour formuler à notre tour cette interrogation autour de la méthode. Riche de ses innombrables propositions – souvent reprises et reformulées à l’attention du public auquel il s’adressait comme autant d’éléments constitutifs de sa démarche ou, plus simplement, pour les besoins de la démonstration qu’il menait –, j’ai choisi de focaliser mon attention sur certains aspects saillants qui faisaient écho aux préoccupations de notre époque, à celles de nos disciplines, ainsi qu’aux légitimes interrogations de mes étudiants avec qui nous revenons si souvent sur le chemin partagé de la méthode.

2Ivan Illich s’était fixé un objectif : tenter de « comprendre le devenir historique du monde occidental ». Vaste projet pour lequel il a tracé les voies d’une méthode en commençant par interroger les cadres instituants de notre « topologie mentale ». L’un de ses gestes premiers consistait à « se défaire des présupposés qui imprègnent l’usage des mots ». Il en fit de même avec l’usage de nos sens. Pour « l’étude de l’éthologie de la lecture » à laquelle il s’est adonné, il s’est donc intéressé à l’histoire du regard et à celle de l’ouïe. Les mots ainsi que les habitudes sensorielles dessinent notre façon coutumière d’aborder le monde, de le médiater, de le comprendre. Partant, ils déterminent la façon que nous avons de nous engager sur les chemins de la recherche.

3Pour cet article, je me suis appuyé sur une approche transversale des textes d’Illich afin d’interroger la façon dont il propose – dans des contextes pluriels – une manière de penser les phénomènes qui interroge aussi en permanence les conditions dans lesquelles on peut les penser. Ce double regard et cette attention permanente à la réflexivité sont précieux pour la recherche et c’est ce que je tenterai ici d’interroger, d’analyser, de préciser, afin de voir en quoi une telle démarche peut être pertinente aujourd’hui pour nos propres pratiques de chercheurs.

4Afin d’illustrer sa démarche, mais aussi pour montrer comment cette voie est porteuse dans d’autres recherches et d’autres disciplines qui ne sont pas nécessairement les siennes, je me suis appuyé sur quelques exemples, parfois venus de champs, de cultures ou d’époques fort éloignés de ses centres d’intérêt. J’ai alors pris le temps de les situer brièvement dans leurs contextes afin qu’ils reprennent un semblant de vie. Ce faisant, j’ai choisi d’expliciter la voie qui, chez Illich, vise notamment à renouer avec une « lecture savoureuse et jouissive » ainsi qu’à retrouver « la fonction conviviale du langage » qu’il appelait de ses vœux.

5Pour le « texte » de recherche – dont les activités principielles en sciences humaines relèvent avant tout de la lecture et de l’écriture –, Ivan Illich a déployé une véritable poïétique, un « faire » singulier, attentif à la langue, à l’écriture et au texte de l’autre. Il a ainsi déployé une éthique à travers « un chemin d’amitié » qui passe par l’ascèse – et définit le travail du chercheur – en ce que l’ascèse est avant tout « exercice, entraînement, répétition ».

6À la lumière de ce parcours, une question affleure : n’est-ce pas précisément d’une éthique et de « valeurs » aussi clairement redéfinies dont a cruellement besoin la recherche contemporaine ?

« Comprendre le devenir historique du monde occidental »

7Au fondement de sa méthode, Ivan Illich s’est donc fixé comme objectif de « comprendre le devenir historique du monde occidental [2] ». En « dialogue intermittent » avec « Paolo Prodi et une vingtaine d’autres intellectuels [3] » et amis – Barbara Duden souligne à cet égard l’importance de sa pratique collaborative « enraciné[e] dans le sol nourricier de l’amitié [4] » –, Illich s’est assigné comme « devoir de comprendre la densité culturelle de notre époque par l’exploration des postulats formateurs aujourd’hui disparus [5] ».

8En d’autres termes, il s’est intéressé à l’histoire de la culture et des mentalités et aux événements fondateurs qui lui permettaient de mettre au jour l’héritage dont notre époque est redevable. Un héritage qui nous échappe pour partie, dont nous n’avons pas nécessairement conscience pour en avoir perdu la mémoire. Illich s’intéressait en effet aux cadres instituants[6] de la civilisation occidentale contemporaine ; cadres qui la constituent, qu’elle vit « intérieurement » et qui déterminent son identité aussi bien que sa vie, mais qui ont disparu de ses champs de visibilité et dont elle a de ce fait perdu la signification.

9Une telle « archéologie du savoir » éclaire les cadres impensés de nos institutions, de nos pratiques quotidiennes aussi bien que de nos réflexes langagiers. Cette remarque va au-delà de la convocation très actuelle de la notion d’imaginaire que l’on rencontre fréquemment dans nos disciplines – souvent employée pour congédier celle d’idéologie. Illich ne travaille pas à proprement parler sur l’imaginaire contemporain de nos sociétés mais sur les « postulats formateurs » qui ont présidé à l’élaboration de la culture, à « la densité culturelle de notre époque ». À travers sa démarche archéologique, il cherche à comprendre en quoi les prémisses judéo-chrétiennes de la culture occidentale obèrent son « devenir ». Quant au terme même « d’archéologie », il l’emprunte explicitement à Gérard Simon qui parle d’une « archéologie du regard », auteur qu’il cite abondamment dans son « Plaidoyer pour l’étude historique de la perception oculaire [7] ».

10Sans faire référence à L’archéologie du savoir de Foucault [8], Cayley reprend une métaphore analogue lorsqu’il précise qu’Illich était « désireux d’entreprendre une archéologie des “certitudes” modernes – ces idées et sentiments apparemment si évidents et “naturels” que jamais on ne les remet en question [9] ». Cette naturalité acquise par la culture – espace où gît le nœud idéologique impensé de notre rapport au monde – est une des caractéristiques essentielles des processus « infra-ordinaires » que Perec cherchait à débusquer d’une autre manière [10]. Perec s’inscrivait dans le prolongement théorique de Henri Lefebvre pour qui « la vie quotidienne [est] objet de philosophie [11] ». Nous y reviendrons en formulant la question essentielle des cadres instituants de la pensée et donc du rapport que nous entretenons à la langue lorsque nous entreprenons une démarche de recherche, question qui se trouve à la base même de la méthode d’Illich.

11De cette plongée en immersion dans l’histoire de notre culture, Ivan Illich tire une hypothèse fondatrice. Selon lui, en effet, « la modernité peut s’étudier comme une extension de l’histoire de l’Église » et « le monde d’aujourd’hui » – celui qui est le sien à la fin du xxe siècle –, « ne peut se comprendre entièrement que comme une perversion du Nouveau Testament [12] ». Une thèse qu’il éclaire et résume notamment lors d’une conférence en hommage à Jacques Ellul à Bordeaux en 1993 : « le caractère unique de l’âge dans lequel nous vivons ne peut être saisi rationnellement si l’on ne comprend pas qu’il est le résultat d’une corruptio optimi quae est pessima », expression latine antique qui sera reprise pour le titre de ses ultimes entretiens avec David Cayley : la corruption du meilleur engendre le pire[13].

12Ivan Illich affirme « que le dynamisme si particulier de la civilisation occidentale est enraciné dans son héritage judéo-chrétien – idée familière et bien admise » ; en revanche, il postule de façon tout à fait originale « que l’Occident moderne, avec sa volonté caractéristique de manipuler autrui en vue de son salut, est une perversion de la foi chrétienne ». Pour David Cayley, seul Illich « a vu l’Occident moderne comme une trahison de la foi chrétienne [14] ».

13Il importe ici de souligner qu’Ivan Illich a déployé cette hypothèse à partir d’une méthode construite sur des pratiques d’historien et de philologue. Lorsqu’il s’intéresse au regard, par exemple, il précise qu’il entend « traiter [cette] activité perceptive comme un sujet historique [15] ». Cet aspect essentiel de son travail mérite d’être précisé dans le contexte idéologique et institutionnel de nos disciplines. Et ce, pour deux raisons au moins : l’une ayant trait au statut des croyances ou motivations initiales du chercheur et à son inscription dans l’espace social, l’autre à la rigueur conceptuelle établie autour de ces hypothèses formulées à partir du contexte historique et culturel qu’il est à même de traiter. Or, c’est précisément dans un espace d’érudition des textes, de la période et de la culture qu’il a fréquentées, qu’Illich trace les principales directions de sa méthode. Lorsqu’il évoque la « trahison de la foi », il ne parle donc pas en croyant mais bien en historien qui cherche à comprendre nos processus de constitution sociale.

14Dans Le Genre vernaculaire, ouvrage qui demeure d’une vive actualité, il revient précisément sur cette posture d’historien : « si, volontairement je ne me range pas parmi les historiens “scientifiques”, car je ne plaque pas sur le passé des mots-clés, des concepts forgés par l’utopie, je n’en estime pas moins honorer les morts par une recherche raisonnée, documentée et critique [16] ». La pratique de l’historien repose sur l’usage d’un vocabulaire et de concepts adaptés aux mentalités de l’époque travaillée ; elle ne se fonde pas sur une conceptualisation contemporaine érigée en « utopie », c’est-à-dire dans un espace projeté à prétention universelle qui a été dressé hors sol et hors la culture des groupes ou périodes évoqués. Illich agit en érudit de son époque sans déroger aux règles et habitus de la conception de la science héritée de Hugues de Saint-Victor ; dans la lignée de Varron, sa lectio est une « quête de la sagesse [17] », « un mode de vie [18] ». Ce qu’Illich appellera la « technologie critique » de Hugues [19] est « une recherche des “remèdes contre la faiblesse et l’infirmité du corps” et contre les maux résultant “d’interventions néfastes de l’homme dans l’environnement” [20] ».

15C’est de cette méthode dont je parlerai avant tout – pour son intérêt bien sûr – mais aussi et surtout pour la proximité qu’elle entretient avec les « chemins » que nous traçons en Sciences de la communication. Une méthode susceptible de nourrir nos propres pratiques de recherche et d’éclairer nombre de nos questionnements actuels. J’en retiens donc les deux premières caractéristiques, d’histoire et de philologie. Ancrée dans l’histoire, sa culture et sa langue, la recherche d’Illich n’est pas désincarnée par « la pensée “opératoire” » de ses propres modèles théoriques, pensée qui devient alors « une sorte d’artificialisme absolu », ainsi que le regrettait Merleau-Ponty [21] lorsqu’il évoquait « l’idéologie cybernétique [22] ». C’est une recherche située qui prend en compte le « corps » qui est le nôtre et pose sa propre énonciation comme un partenaire évident de la communication, notamment d’un point de vue scientifique. Toute l’approche d’Illich réévalue le rapport de la perception sensorielle vis-à-vis du logos et de l’abstraction privilégiés dans notre culture occidentale. Même si elle n’est pas formulée en ces termes, la place du corps est centrale dans son approche. Et le regard de Merleau-Ponty est éclairant à cet égard.

16Merleau-Ponty, dont l’ancrage disciplinaire n’est pas le même mais l’approche d’une très grande proximité, écrivait en effet qu’« il faut, que la pensée de science – pensée de survol, pensée de l’objet en général – se replace dans un “il y a” préalable, dans le site, sur le sol du monde sensible et du monde ouvré tels qu’ils sont dans notre vie, pour notre corps, non pas ce corps possible dont il est loisible de soutenir qu’il est une machine à information, mais ce corps actuel que j’appelle mien, la sentinelle qui se tient silencieusement sous mes paroles et sous mes actes ». Un corps qui s’exprime « silencieusement sous mes paroles » dans ce milieu qui est le nôtre, avec « les corps associés, les “autres” ». « Dans cette historicité primordiale, la pensée allègre et improvisatrice de la science apprendra à s’appesantir sur les choses mêmes et sur soi-même, redeviendra philosophie… [23] ».

17Si Merleau-Ponty parle ici en philosophe, sa parole est avant tout de méthode et interroge le « corps actuel » de l’énonciation en ce qu’il nous intéresse au regard de la pensée d’Illich. Sur cette articulation théorique essentielle entre l’expression du corps et l’énonciation qui mériterait un bien plus ample développement, rappelons brièvement les propos de Paolo Fabbri qui a clairement montré que l’« énonciation a une racine intéressante, le neuma grec et, partant, le mouvement de la tête, un geste, un mouvement significatif. S’il en est ainsi, avant même d’être un acte verbal, l’énonciation est un “mouvement”, un geste pour acquiescer [24] ».

« Se défaire des présupposés qui imprègnent l’usage des mots »

18J’évoquais à l’instant la question des cadres instituants ; j’aimerais l’illustrer en l’installant dans l’espace de la recherche et de la méthode tout en conservant l’interrogation de Merleau-Ponty. Reprenant l’un de ses entretiens avec David Cayley, Illich souligne la difficulté qu’il y a à « mener une conversation » avec un auteur du xiie siècle. Son premier geste, d’ordre réflexif, porte alors sur la langue : « je dois me défaire des présupposés qui imprègnent l’usage actuel des mots [25] ». Mes mots d’aujourd’hui parlent-ils la culture d’hier ? Le peuvent-ils seulement ? Lorsqu’il entreprend ses recherches sur le regard, Illich retrouve cette interrogation sous la plume de Gérard Simon qui écrivait précisément : « Notre thèse est qu’aucun de nos concepts – rayon, image, champ visuel, vision binoculaire, objet, sujet, etc. – n’est transposable tel quel aux textes de l’Antiquité et du Moyen Âge [26]. » Travail essentiel de l’historien qui invite à réfléchir à la teneur des termes que nous employons lorsque nous parlons de l’autre, de son histoire et de sa culture. Elle ne se formule du reste pas uniquement en termes historiques, mais également culturels, sociaux ou ethnologiques. Ce questionnement a nécessairement des retombées éthiques et politiques. « C’est ce qui en fait un procédé heuristique extraordinairement efficace », poursuit Illich, « m’amenant à considérer d’un point de vue critique – cum grano salis, avec un grain de sel, comme disaient les Romains – chacun des mots auxquels je recours aujourd’hui dans la conversation [27]. »

19Heuristique, le décalage est d’ordre historique et culturel, bien sûr. Mais pas seulement. Il touche à notre rapport au monde. Plus fondamentalement encore, il porte sur l’articulation entre nos modes de perception et l’idée que nous nous faisons des modalités nous permettant d’entrer en rapport avec l’autre, le monde et nos semblables. Le premier mouvement d’Illich consiste donc à interroger le vocabulaire et les « mots de la tribu », pour reprendre l’expression de Mallarmé.

20Et cela ne peut se faire en dehors des cadres culturels, économiques et politiques. Dans le monde contemporain où « l’homme lui-même est industrialisé », « le mode industriel de production établit sa domination non seulement sur les ressources et l’outillage, mais aussi sur l’imagination et les désirs d’un nombre croissant d’individus ». Or, « cette industrialisation de l’homme entraîne la dégradation de tous les langages et il devient très difficile de trouver les mots qui parleraient d’un monde opposé à celui qui les a engendrés [28] ». Une difficulté que le « point de vue critique – cum grano salis » de l’intellectuel peut parvenir à lever. L’intellectuel et le chercheur sont, de fait, toujours confrontés à une injonction poïétique qui les oblige à forger les outils – les mots, les concepts – dont ils ont besoin, cela relève de leur fonction. Si cette activité banale n’est pas réservée aux seuls « spécialistes », comment toutefois formuler cette injonction au quotidien de l’aliénation des langages sans songer aussi aux conséquences que cela peut avoir sur l’action des hommes ?

21Nous sommes face à un impensé, d’une autre nature, relatif aux conditions d’élaboration de la pensée collective, conditions qui ont pour vertu de s’effacer de la conscience des individus au cours de l’action. Pouvons-nous faire fi de la « mémoire de l’oubli [29] », ce processus qui relève d’une nécessité phénoménologique ? Nous savons effectivement qu’il nous faut paradoxalement oublier nos « savoir-faire » pour agir aussi bien que nos « savoir-être » pour vivre. Autrement dit, nous ne pouvons penser au quotidien les cadres qui instituent nos langages, nos pratiques aussi bien que nos organisations au risque de vivre en permanence dans une posture critique d’analyse et de surplomb déconnectée de la réalité. Si une telle démarche est vitale pour le travail du chercheur, de l’analyste ou de l’enquêteur, si elle devrait être placée en amont de toute décision politique, de toute action réfléchie – couple mythologique primordial du Sage et du Prince –, elle est en revanche proprement invivable au quotidien et s’avère être un frein pour le geste, la routine ou l’action. Les présupposés archéologiques qui préludent à nos actions nous sont heureusement « oubliés » et les fondations raisonnées de nos gestes sont à leur tour naturalisées. Nous ne les pensons pas, ils nous agissent. Or c’est sur cette naturalisation de l’agir que prennent racine les impensés idéologiques de nos sociétés.

22Cette question des processus de naturalisation est au cœur de la méthode d’Illich. Elle n’a pas seulement trait à notre rapport à la langue mais elle acquiert une nouvelle dimension si l’on veut bien interroger, comme il le fait, les « “certitudes” modernes » et porter notre geste intellectuel au-delà des mots et de la langue pour nous engager sur la voie d’une véritable histoire des sens et de la sensorialité. Autrement dit, revenir au corps… ce corps qui s’exprime « silencieusement sous mes paroles », comme le disait Merleau-Ponty.

Se défaire des présupposés qui imprègnent l’usage des sens

23Le travail d’archéologie mené par Illich est essentiel en ce qu’il a trait aux conditions de perception linguistiques et culturelles ; autrement dit, aux modalités d’élaboration de la pensée elle-même. Mais Illich ne s’est pas arrêté aux mots de la langue, il a entrepris une histoire des perceptions sensorielles ; les sens humains ne relevant pas uniquement de l’ordre physiologique mais également de l’apprentissage et des acquis et savoirs culturels. Il convient de saisir la mesure et l’importance de ces travaux attendu qu’ils montrent le conditionnement de l’appareillage sensoriel et intellectuel que nous avons façonné au fil de l’histoire.

24Pour évoquer cette « recherche attentive des changements dans les modes de perception [30] », j’ai choisi l’exemple des travaux consacrés aux « divers régimes scopiques, ou “cadres oculaires” qui ont historiquement façonné le regard [31] », autrement dit à cette « éthologie de la vision […] qui appartient par excellence à l’histoire de la culture [32] ». À travers quatre périodes clés de l’histoire, Illich montre comment le regard a changé de régime. Et comment notre perception du monde s’est transformée au cours des siècles en fonction des conceptions du regard que nous avions, ainsi que du vocabulaire et des métaphores que nous employions pour l’évoquer [33].

25« Dans le régime antique, écrit-il, le regard est expérimenté comme un organe trans-oculaire. Dans cette époque scopique, le regard rayonne depuis la pupille pour embrasser un objet, se fondre avec lui, au point que l’œil est teinté aux couleurs de l’objet. » Il date la fin de ce « régime d’un regard qui embrasse tout » autour de l’an mil, « dans l’Égypte des Fatimides ». C’est « l’âge de l’opsis et de la pupilla érectile [34] ». Comprenons bien que le regard est alors considéré comme un véritable prolongement organique de l’œil. Ainsi, « Homère et Eschyle comparent l’œil humain au soleil, dont la lumière attise la couleur et la vie ». Quant à lui, Hipparque va jusqu’à comparer ces rayons « à des doigts ». Considérés comme des organes sensibles, situés dans le prolongement de la pupille, ces rayons étaient « désignés sous le nom de psycho podia », c’est-à-dire de « membres de l’âme [35] ». « Quelle que soit l’école à laquelle ils appartiennent, tous les opticiens antiques s’accordent pour dire que le regard avance, se projette dans une érection organique de l’œil, qu’il est une projection de chair dans le monde [36]. » Illich souligne le fait que « beaucoup de gens ont du mal aujourd’hui à concevoir leur regard comme un contact blessant ». Sans doute parce que nous avons perdu la sensation même de nos sens ou que notre « topologie mentale » relative aux sensations a tout simplement changé. Notre regard ne plonge plus au cœur des yeux de nos contemporains, il s’abîme à la surface des écrans. Et c’est là, pour Illich, l’un des enjeux majeurs de l’œuvre d’Emmanuel Levinas qui a « fait du regard mutuel de deux personnes la source de l’existence personnelle [37] ».

26Le deuxième régime qu’Ivan Illich qualifie de « scolastique, conserve l’idée d’un regard actif, sans image, qui se dirige vers l’extérieur. Mais la vision n’intervient plus où se trouve l’objet : l’œil a désormais le pouvoir d’extraire des “universaux” des formes que les choses émettent par leur rayonnement ». Pour Illich, « c’est l’époque du regard transcendant » qui « correspond au temps des vitraux et des miniatures gothiques ». Le regard s’émancipe alors des objets en propre pour aller vers des formes. La perception que l’on a du regard est en train de s’éloigner des realia, des objets concrets du monde, pour entrer dans un mouvement progressif d’abstraction. Signalons au passage que le phénomène d’abstraction des pratiques intellectuelles, dont parle Illich à propos du « texte livresque [38] » et sur lequel nous reviendrons un peu plus loin, se déploie concomitamment avec une évolution des « cadres oculaires ». Le corps et l’esprit œuvrent de concert.

27Le « troisième régime naît de l’union de l’image et du regard à l’aube de la Renaissance ». L’œil est alors « perçu comme un instrument sur le modèle d’une camera, d’un appareil photographique, dont diverses techniques permettent d’étendre la portée ». En faisant référence à La Parole humiliée de Jacques Ellul [39], Illich parle alors « du regard médiatisé (mediated) ou humilié ». Si l’on reprend sa métaphore, dans ce « troisième régime », la perception du regard intègre les champs sémantiques du technique et de la médiation, à l’image du célèbre perspectographe ou « portillon » de Dürer [40]. La conception que nous nous faisons du regard a donc sensiblement évolué du registre perceptif vers celui de la technique. Nous ne touchons plus le monde des yeux, nous « appareillons » notre regard pour l’appréhender.

28Le quatrième régime apparu autour de 1800 nous permet « de parler de communication visuelle, de vue globale ou d’interface. C’est une époque dominée par l’isométrie plutôt que par la perspective, l’époque des horizons sans entraves, des points de vue indépendants de toute position ». Cette période, note Illich, on peut « la baptiser l’âge des diagrammes, l’âge de la vision herméneutique plutôt qu’exégétique ». Mais il préfère néanmoins « parler d’âge du “show”, d’un âge au cours duquel l’œil devient dépendant de l’interface plutôt que de l’imagination ». Ce quatrième régime opère un renversement du regard par rapport au régime initial. Le regard ne va plus vers les objets, les realia, il est happé par le spectacle du monde médiaté à la surface des écrans.

29Résumant ces quatre périodes de façon lapidaire, Illich écrit que, « dans l’Antiquité, l’œil avait été le critère ou le miroir de la vérité. Au Moyen Âge, on lui reconnut le pouvoir plus limité d’extraire l’essence universelle de formes fragiles. Depuis la Renaissance, il a servi de modèle dans la fabrication et l’interprétation de tableaux. Devant l’écran, il est devenu une porte d’entrée dans le “show” [41] ».

30Cette recherche historique qui montre la variation des cadres instituants du regard selon les époques et la culture est au fondement de la méthode d’Illich. Elle permet de mettre en évidence qu’il est problématique d’envisager l’interprétation d’un fait culturel en dehors d’une remise en cause des modalités de notre propre perception et de l’idée que nous en avons. La démarche d’historien des sens qu’il met en œuvre s’élabore conjointement au travail sur les mots et les discours. Son approche nous montre que le fait sensoriel est un fait culturel qui baigne dans la langue. Inversement, que le fait langagier est un fait culturel qui baigne dans les sens, car la langue est également nourrie de nos langages corporels. Ainsi, lorsqu’Illich étudie la page chez Hugues de Saint-Victor, il cherche à comprendre comment la lecture – et donc le rapport à l’écriture et au texte – est conditionnée par l’activité du regard et du corps lisant. Une telle approche lui permet d’insister sur la mise en œuvre de sa méthode d’historien : « je ne plaque pas sur le passé des mots clés, des concepts forgés par l’utopie [42] ». Geste de compréhension de l’intelligence corporelle d’une époque, l’activité de lettrure[43] – d’écriture-lecture – est toujours déjà située dans la langue et la culture.

Interroger les cadres instituants de notre « topologie mentale »

31Deux autres exemples, concernant des « champs » fort différents, viendront conforter l’intérêt méthodologique de cette archéologie culturelle. Le premier est tiré d’un ouvrage de Henri-Charles Puech, En quête de la Gnose, dont Raymond Queneau avait amicalement souhaité la publication [44]. Dans l’article initial du livre, « Temps, histoire et mythe dans le christianisme des premiers siècles », Puech montre que la notion de temps, que nous avons héritée des chrétiens, est proprement linéaire et que cela « nous semble si simple, si naturel, que nous y verrions volontiers une donnée immédiate, spontanée, de notre sensibilité et de notre entendement ». Or, chez les Grecs anciens, précise-t-il, « le déroulement du temps est cyclique, et non rectiligne » et il « ne saurait avoir une direction et un sens absolument définis ». Au point que « certains penseurs de l’Antiquité finissante – pythagoriciens, stoïciens, platoniciens – en viennent à admettre qu’à l’intérieur de chacun de ces cycles de durée, de ces aïônés, de ces aeva, se reproduisent les mêmes situations qui se sont déjà produites dans les cycles antérieurs et se reproduiront dans les cycles subséquents – à l’infini [45] ».

32Il s’avère donc particulièrement difficile de saisir que la différence que nous faisons d’ordinaire entre mythe et histoire n’est pas efficiente dans la Grèce antique ; la perception du temps n’y a aucune commune mesure. Les visions du temps que les chrétiens et les Grecs de l’Antiquité ont déployées engendrent deux conceptions de l’univers fondamentalement distinctes. Ancrés que nous sommes dans la « naturalité » d’une pensée linéaire de la temporalité, que pouvons-nous aujourd’hui effectivement saisir de la pensée circulaire des Grecs de l’Antiquité ?

33De la même manière, en d’autres temps et dans une tout autre contrée, que pouvons-nous raisonnablement comprendre de l’écriture olmèque si nous ne sortons pas de nos présupposés culturels et de nos habitudes ethnocentrées ? Et si nous ne passons pas « du normalement connu à l’anormalement négligé » pour reprendre l’expression d’Illich [46]. Caterina Magni a en effet montré qu’en Méso-Amérique, dès l’avènement du « langage des signes » apparu vers 1200 avant notre ère, les Olmèques avaient intégré la « tridimensionnalité » à l’écriture [47]. Or, penser un système d’écriture dans lequel œuvre la troisième dimension nous est un geste intellectuel étranger aussi bien qu’ignoré. Nous ne savons pas le faire ; quand bien même des pratiques équivalentes existent depuis des générations dans des corps de métiers traditionnels. Il n’est que de songer aux artistes ou artisans qui recourent à l’œil et à la main pour appréhender et travailler la troisième dimension de l’espace, architectes ou sculpteurs aussi bien que charpentiers passés maître dans « l’Art du trait », ce fameux « tracé de charpente [48] ». Bref, à tous ceux qui ont appris et savent « dire par la main », pour reprendre l’expression de Tim Ingold [49].

34Dans le système de représentation olmèque, « les motifs ne sont pas organisés selon un dispositif de lignes ou de colonnes, mais se déploient dans un désordre apparent sur le support, qu’il soit gravé ou sculpté (pierre, bois, os, coquillage…), modelé (argile) ou peint (roche, textile papier…). Bien entendu, un ordre et un sens de lecture existent. La disposition suit toujours une logique interne à l’image [50] ». L’écriture et la lecture intègrent l’espace tridimensionnel du quotidien comme celui de la cité ou de l’environnement naturel. Ainsi, d’un point de vue architectural par exemple, « derrière une ornementation anodine, de la simple voie de passage à la modénature en passant par les merlons qui couronnent le toit des palais, le glyphe est omniprésent. Plus surprenant, c’est parfois le plan et la forme générale de l’ensemble architectural qui relèvent du “langage des signes” [51] ».

35Dans toutes nos cultures occidentales, l’écriture se déploie selon les deux dimensions du plan et lorsque, très rarement, la troisième dimension intervient – dans la gravure lapidaire par exemple –, elle n’affecte en rien le « dispositif écriture » et ses modalités structurelles et cognitives même si, comme le dit Franck Jalleau, « sur la pierre, c’est la lumière qui dessine le caractère ». Or, chez les Olmèques, il en va tout autrement car l’exploitation de la tridimensionnalité intègre le système lui-même. Nos sens sont étrangers à cette lecture et si, « pour pénétrer dans les arcanes de la pensée précolombienne, il faut impérativement élargir l’éventail de nos perceptions visuelles [52] », comme nous le rappelle à juste titre Caterina Magni, c’est bien l’ensemble de nos sens et de notre « topologie mentale » qu’il conviendrait d’élargir pour parvenir à apprécier la pensée, la culture, l’histoire ou le milieu de vie de cet « autre » dont nous oublions si souvent de penser l’altérité réelle.

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37Lorsqu’Illich annonce sa démarche en introduction à l’ouvrage Dans le miroir du passé, il nous convie « à un réexamen historique d’une notion apparemment banale ». Il s’agit pour lui « de considérer, dans une perspective historique, des postulats généralement admis comme des vérités ou des “certitudes positives” sans qu’on s’interroge sur leur sociogenèse [53] ». Il propose alors de faire un pas de côté, souhaitant suggérer « que c’est seulement dans le miroir du passé qu’il est possible de reconnaître l’altérité radicale de notre topologie mentale du xxe siècle, et d’en déceler les axiomes générateurs qui restent généralement hors de portée de l’attention contemporaine [54] ».

38La ligne de recherche qu’il initie sur les perceptions, ainsi que son approche archéologique consistant à prêter attention aux « présupposés qui imprègnent les mots », font écho aux travaux de Henri-Charles Puech sur la temporalité chez les chrétiens ou les Hellènes et à ceux de Caterina Magni sur la tridimensionnalité dans l’écriture olmèque, pour ne citer qu’eux. Ces trois démarches – si distinctes quant à leur objet, leur culture ou leur époque – ont toutes en commun de se focaliser sur l’articulation des cadres perceptifs et intellectuels qui engagent notre relation au monde. Heuristiques, toutes trois ouvrent sur la « topologie mentale » de nos contemporains et nous invitent à repenser nos propres regards.

39Ces recherches posent deux questions théoriques essentielles. La première, déjà largement balisée par Jacques Derrida, nous renvoie à la domination logocentrique [55]. La seconde, qui lui est liée, relève de la « mémoire de l’oubli [56] ». Elle interroge « l’aliénation » des pratiques ordinaires dans la routine et l’action. Toutes deux ont trait aux modalités expressives dont l’homme se dote pour « dire le monde » ; toutes deux nous invitent à reprendre le chemin du « corps actuel » dont parle Merleau-Ponty et à réévaluer les modalités expressives qui ne relèvent pas uniquement de la langue – du logos.

40La question relève du registre du langage, des sens et de l’action.

41Illich ne formule pas à proprement parler la question du logocentrisme. En revanche, il montre très clairement comment l’abstraction des pratiques intellectuelles a pris le pas sur la sensorialité dans la culture médiévale, à commencer par la pratique de la lecture. Selon lui, en effet, depuis la naissance de l’université, « la culture de la pensée abstraite éclipse totalement la culture des sens [57] ». Cette hégémonie des savoirs abstraits s’est construite au détriment du corps et de la sensorialité. Et c’est là une rupture épistémologique fondamentale qui s’inscrit dans le très lent mais irrésistible mouvement d’éloignement du corps des dispositifs techniques ou de ce qu’Illich, dans la tradition de Leroi-Gourhan, continue d’appeler des « outils [58] ». « L’existence, dans notre société qui se veut système, met hors jeu les sens par les engins fabriqués pour leur extension, nous empêche de toucher ou d’incorporer le réel, et en plus, nous intègre dans ce système. C’est cette radicale subversion de la sensation qui humilie, et puis remplace la perception [59] ». Subversion qui nous invite aujourd’hui à repenser – a minima – le rôle du corps dans nos dispositifs numériques [60] et, au-delà, à la place des « hommes de chair et d’os » dans l’avènement d’une « civilisation qui implique la disparition de ce que nous sommes [61] ».

42Lorsqu’il œuvre sur les cadres instituants de notre « topologie mentale », Illich n’a pas pour unique objectif de baliser son champ de recherche. En reconsidérant fondamentalement la « valeur » de nos outils intellectuels et terminologiques, en questionnant les conditions de possibilité du discours de recherche, il annonce également les préceptes d’une méthode.

La méthode comme un chemin vers…

43Revenons donc à la « méthode » et à son étymologie pour ce qu’elle nous rappelle la notion de « voie » qui semble avoir été par trop souvent oubliée au cours de ces dernières décennies au profit de la doxa disciplinaire – l’orthodoxie qui a toujours maille à partir avec le pouvoir. L’ordre est nécessaire à l’institution – il la fonde, comme le rappelle Benveniste [62] –, mais il ne garantit pas pour autant la voie dynamique susceptible de guider les questionnements du chercheur, à défaut de pouvoir y répondre. Que nous dit donc la « méthode » ?

44Le nom féminin méthode

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est un emprunt (1537) au bas latin methodus, terme scientifique employé en médecine, en géométrie et en rhétorique, emprunt au grec methodos, formé de meta (méta-) et de hodos « route, voie », « direction qui mène au but ». La racine indoeuropéenne est sed- « marcher » sans que l’on puisse l’identifier sûrement à sed- « s’asseoir » (seoir). Methodos signifie proprement « cheminement, poursuite », mais l’on est passé du concept constatif (le chemin suivi) au concept normatif (le chemin à suivre) : de là, le sens de « recherche, traité, doctrine scientifique » [63].

46La méthode est « route, voie ». En médecine, géométrie ou rhétorique on « va vers », on a un but, on est guidé par le réel : organes, formes ou figures. La méthode est « un chemin vers » comme le disait Octavio Paz de la lecture : « Cheminer : lire un passage de terrain, déchiffrer un morceau de monde. La lecture considérée comme un chemin vers… Le chemin comme une lecture : une interprétation du monde naturel ? [64] ».

47La méthode a cette liberté – cette nécessité – de se couler sur le terrain, de s’adapter aux courbes et accidents du « monde naturel ». Lequel se croit « naturel » dans l’ordre littéraire lors même qu’il n’est que le fruit des cheminements de l’Homme à la surface du « sol » ou de la « page », pour reprendre les déambulations de Tim Ingold à l’ouverture de ce numéro [65] ; lesquelles déambulations nous ramènent au cœur des préoccupations d’Ivan Illich, celles de la lecture et de la page, précisément. La méthode est le chemin. Elle « nous mène au but », ou du moins essaie-t-elle de nous y guider – à moins que ce ne soit nous qui essayions de l’y guider. À l’instar du chemin, la méthode est une lecture : une interprétation du monde naturel.

48Ce faisant, cheminant, elle transforme le monde, elle le change de forme – de registre sémiotique. Elle en fait un objet à voir ou à lire, elle le donne à lire. Le monde devient alors un objet de science ou de littérature et, dans tous les cas, un objet de fiction, de récit ou de narration : une histoire. Le monde est ainsi proprement médiaté. La méthode, pas plus que le roman, n’est « un miroir qui se promène sur une grande route » au sens où l’entendait Stendhal [66]. Le roman, l’histoire comme la méthode sont des « textes » à proprement parler. Je reviendrai un peu plus loin sur la métaphore du miroir qui nous pose une autre question.

49Ainsi la méthode nous donne-t-elle à comprendre le monde. C’est d’elle que nous tenons la vision de notre univers. Plus radical encore, Einstein disait que « la théorie […] décide ce que voit le physicien [67] ». C’est grâce au cheminement dynamique de la méthode que nous le comprenons, c’est-à-dire, étymologiquement, que nous parvenons à le prendre avec nous. Mais il est alors modelé au fil de nos déambulations, à travers la lecture et la culture des mots, des gestes et des concepts que nous avons glanés sur le chemin. « Lorsque Hugues lit, il moissonne ; il cueille les grains dans les lignes. Il sait que Pline faisait remonter l’étymologie de pagina, page, à l’espalier. Les lignes de la page étaient des fils du treillage qui supporte le raisin [68] ». Hugues « cueille le fruit des feuilles de parchemin », il se promène dans les vignes du texte. Le titre de son ouvrage en anglais portait sur la Vigne du texte[69]. Le long des « rangs » de raisin ou du pays traversé – le pagus –, comme sur la page écrite, nous prenons avec nous[70].

50Le savoir ne nous vient pas des faits bruts ou des objets figés que nous avions cru « naturels » mais bien à travers ces déambulations méthodologiques qui leur ont donné vie et qui les ont forgés. Les chercheurs parleront quant à eux de « corpus » ; lequel relève toujours d’un geste intellectuel, d’un choix, qui est toujours déjà un geste d’interprétation. Ce travail de constitution des « faits » tisse une relation irréversible, une relation qui se noie dans le paradoxe des origines. « Il faut commencer quelque part où nous sommes et la pensée de la trace » écrit Derrida, « nous a déjà enseigné qu’il était impossible de justifier absolument un point de départ [71] ». Alors, commençons… ou plutôt, continuons à cheminer.

51Cependant que le chemin, comme toute lecture, nous dit aussi que la méthode également se lit. Et c’est en cet espace précis que se fonde l’échange et que naît l’œuvre de science en ce qu’elle peut avoir de prétention humaine et sociale. Non au lieu-dit des codes, des corpus et des lois. Mais au lieu de l’échange, de la méthode et au temps de sa réception, de son dialogue – ou de son diatexte, puisque dans l’ordre de la science nous échangeons par le texte, justement [72]. Quels sont les « postulats formateurs » qui ont présidé à l’élaboration de la méthode ? Suis-je apte à les énoncer ? Si tel est le cas, alors, je peux entrer en sciences, en ce lieu où la méthode se présente, s’échange et se discute. Les cadres instituants de la méthode définissent les possibles initiaux de l’échange. Roland Barthes soulignait déjà que : « la première règle objective est ici d’annoncer le système de lecture, étant entendu qu’il n’en existe pas de neutre [73] ».

52De cette étymologie définitionnelle, retenons en premier lieu la route, la voie et la direction ; nous avons là l’essentiel du chemin qu’il nous faut parcourir pour aller vers la méthode d’Ivan Illich : la voie, justement. Ce qu’il déploie à travers son œuvre est un cheminement vers… une progression… sans qu’il soit jamais possible de lui assigner le concept normatif du chemin à suivre. Son propos ne se fige pas en norme, précisément en ce qu’il s’ouvre au dialogue, à la discussion et qu’il s’interroge en permanence sur ses conditions d’élaboration. Regard réflexif qui, dans l’ordre du texte, porte sur ses propres modalités d’énonciation, sur sa place dans le discours, sur les présupposés qui imprègnent les mots et, au-delà, sur ceux qui préludent à l’usage de nos sens. Là réside le préalable à toute méthode.

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54J’évoquais un peu plus haut la fameuse métaphore de Stendhal comparant le roman à un miroir promené « sur une grande route » afin de souligner que comparer la méthode, l’histoire ou le roman – tous textes – à l’image reflétée d’un miroir est en réalité illusoire. La métaphore scopique a pour particularité de transformer le monde en image et d’effacer la présence des acteurs – scripteur ou lecteur – esquivant ainsi leur activité. Dans le processus métaphorique, le travail de lecture-écriture – de lettrure – est absorbé par l’image du dispositif matériel et ses caractéristiques optiques. Or ni la lecture ni l’écriture ne sont images ou reflets, mais bien des activités physiques et intellectuelles qui doivent être phénoménologiquement pensées comme des ruptures. La métaphore du miroir absorbe les métamorphoses et le travail de trans-formation sémiotique [74] ; phénomène que l’on retrouve dans le travail psychique, Lacan considérait également « le stade du miroir » comme une « transformation [75] ». Produit de l’écrire et du lire, le texte qui a prétention à « représenter » le monde est avant tout le fruit d’une réalisation, d’une production à part entière, fruit d’une « poïétique sociale [76] ». Les textes sont des processus de médiation, autrement dit, des processus matériels de production symboliques qui émanent du monde et le réintègrent au temps même de leur effectuation.

55Dès lors, l’omniprésente métaphore du miroir dans l’œuvre d’Illich pose une question qui relève de la méthode mise en place. Si l’usage qu’il en fait pour commenter le chapitre Sur l’Art de lire de Hugues de Saint-Victor consacré à l’avènement de la page et de la notion encore inconnue au xiie siècle de « l’individu » – que l’on ne peut interpréter « que par son insertion organique dans cet univers mental » de la culture de l’époque [77] –, si le recours à cette métaphore scopique trouve toute sa justification dans la « topologie mentale » de l’homme médiéval, peut-on en dire de même pour l’homme contemporain ?

56Autrement dit, la métaphore est-elle aussi justifiée pour un usage actuel comme dans le titre de l’ouvrage Dans le miroir du passé, par exemple ? Lorsqu’Illich fait l’exégèse de la page médiévale en employant l’image de Hugues [78], il œuvre avec la rigueur de l’historien situant son analyse dans la culture et la mentalité de l’époque. Et il y prête une attentive érudition, précisant notamment que « le xiie et le xiiie sont l’une des époques où l’emploi métaphorique du miroir se transforme considérablement [79] ». En revanche, cette « notion apparemment banale » appliquée à notre propre époque doit faire l’objet d’un « réexamen historique », au moins pour en évaluer sa réception actuelle [80]. Son emploi ne renvoie effectivement pas aux mêmes représentations.

57Écrire n’est pas refléter une image du monde dans un miroir, mais s’engager dans la production, dans la réification intellectuelle d’un « autre monde », symbolique – qu’on le nomme texte ou méthode importe peu. En revanche, il importe de souligner que la métaphore du miroir est un leurre idéologique qui élude les acteurs de la scène communicationnelle – énonciateurs ou énonciataires – et omet leur présence au monde. Comme s’il revenait à l’objet miroir de faire, de dire ou de lire, d’écrire… aussi bien que de refléter le monde à travers toutes ses illusions et autres « fallacies [81] ». Pour l’objet miroir, il n’y a pas plus d’écrivant que de lecteur. Cette hypothèse dès lors : dans quelle mesure le miroir n’a-t-il pas fini par appartenir à la « topologie mentale » d’Illich à force de fréquentation des textes médiévaux ? Un « point aveugle », pour rester dans le champ scopique, qui nous inviterait à réévaluer cette « métaphore obsédante [82] » dans l’œuvre d’Illich très largement nourrie de la vision de Hugues [83].

… un texte d’une « lecture savoureuse et jouissive »

58À moins, bien sûr, que cette métaphore ne soit prise dans les rets d’une tout autre destinée et que nous opérions de ce fait un renversement majeur en réassignant à l’université le rôle qui était le sien : être le lieu et l’origine du « texte livresque ». Dans sa conférence de Brême de 1991, Illich voit en effet « l’université dans le miroir de la page écrite [84] ». C’est la valeur de la métaphore qui doit alors être envisagée selon un choix anachronique qu’Illich assume pleinement lorsqu’il prend conscience de l’imprégnation médiévale de sa propre culture : « le style même de ma réflexion me trahit : je suis bibliophile jusqu’à la moelle des os, j’ai une expérience bibliotopique de la vie et mes perceptions et représentations sont biblionomiques [85] ». Son autocritique est sans ambigüité : « l’étude de l’éthologie de la lecture après 1100 me fait comprendre à quel point mes certitudes et évidences les plus “naturelles” font de moi la créature d’une grande époque [86] ». On peut alors lire le statut métaphorique du miroir chez Illich en tension contradictoire entre l’énonciation de l’auteur et la réception contemporaine de son texte. Si cette image trouve un point d’équilibre, c’est autour de l’intentionnalité de l’auteur qui renvoie aux valeurs de la culture médiévale.

59Une interrogation demeure, néanmoins, qui est un pari d’auteur sur la réception de son texte. Elle se pose en termes communicationnels. Car, même en ayant fait l’effort du chemin vers l’acception médiévale de la métaphore, le lecteur contemporain peut-il « se défaire des présupposés qui imprègnent l’usage des mots » communs ? Une question qui en soulève une autre, également déterminante, celle de la réception de l’œuvre d’Illich bien sûr, mais surtout celle de son objet : le texte.

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61Tout dans sa démarche tend vers un texte, même si, de son vivant, sa pratique s’est essentiellement accompagnée d’enseignement, de conférences, de discussions ou d’échanges extrêmement nourris et nombreux et qu’il en a fait une condition même de son chemin de « chercheur itinérant [87] ». Son geste d’homme et d’intellectuel tend vers un texte. Un simple aperçu, une brève reprise du vocabulaire déployé dans « l’avant propos » de La Convivialité nous en livrera un exemple dont la richesse et la complexité est symptomatique.

62À l’origine de cet ouvrage, pour évoquer ses recherches consacrées à la servitude née du mode industriel, au gigantisme des outils et au culte de la croissance, Illich parle d’une « analyse multidimensionnelle », qualifiant ainsi la caractéristique propre de la méthode. Il fait état « d’un document de travail », d’un « texte préparatoire » en espagnol, d’une « version française, remaniée », d’un « livre » prenant forme à l’occasion de discussions autour de textes législatifs au Canada, de l’édition du « texte anglais de ce document de travail », lequel a ensuite servi de base à des conférences au Mexique [88] et en Inde, qui ont elles-mêmes fait l’objet de « contributions écrites » intégrées à la nouvelle version de l’ouvrage. Le texte en américain a finalement été remanié à partir de la traduction en français de Vincent Bardet et de l’assistance amicale de Luce Giard. Et l’auteur finit par évoquer un simple « tract » : « J’ai remanié l’ensemble de ce tract que je me permets maintenant de soumettre à la discussion [89] ». L’analyse du circuit communicationnel ayant présidé à l’élaboration de ce texte collectif et des métamorphoses médiatiques du « document de travail » initial reste à faire. Sa description élémentaire n’en offre pas moins un cas d’école exemplaire. Or l’objectif final de ce texte – de ce simple « tract » qui a tout de même eu une renommée internationale –, n’est autre que de circuler dans le corps social : « ce manifeste est […] un guide, un détecteur à utiliser comme tel [90] ».

63Mikhaïl Bakhtine affirmait que « l’objet des sciences humaines est un texte, au sens large de matière signifiante [91] ». On ne saurait trouver plus belle illustration que ce texte de facture « composite », tissé de pratiques, d’écrits et d’échanges oraux en tous genres [92]. Pour Bakhtine, l’objet de la science circulant dans le corps social est un texte. La pensée y prend forme à travers les diverses modalités de sa mise en écriture. La pratique d’Illich est celle d’un lettré qui lit, vit, pense et écrit à travers la culture du codex et cette « technique nouvelle » apparue entre 1130 et 1200 qu’il qualifiera de « texte livresque », à la suite de George Steiner [93]. Illich a intériorisé « l’échafaudage mental » de « l’ordre typographique » et pense texte en ce qu’il est un pur produit de la « lectio scholastica[94] ». C’est-à-dire, de cette « chose » et de cette pratique qui « engendra » l’université : « Durant le second tiers du xiiie siècle, la texture de la page change radicalement d’aspect ; cette nouvelle “technique de tissage” de l’écriture rend possible la forme universitaire de l’étude, elle la met littéralement au monde. » Il précise alors que « l’esprit qui engendra l’université se voit ainsi attribuer une base matérielle et cette base est une technique complexe. Par cette technique, la page de manuscrit cesse d’être un arrangement de lignes chantantes pour devenir le miroir d’un ordre mental [95] ».

64À l’articulation des xiie et xiiie siècles, nous passons d’une lecture orale et captive, dominée par la prière, à une lecture d’étude silencieuse et visuelle reposant sur « l’image du texte », l’architecture et le « texte livresque ». L’œil silencieux prend alors le pas sur le corps chantant de la lecture. Et le « texte livresque », ainsi que les pratiques d’enseignement, ouvrent la voie aux « textes de science » que nous connaissons aujourd’hui.

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66Pour comprendre le paradoxe de l’usage de la métaphore du miroir, j’ai évoqué un point d’équilibre autour de l’intentionnalité de l’auteur renvoyant aux valeurs de la culture médiévale. C’est à ce point d’équilibre que je reviens pour en souligner l’importance dans l’ordre de la lecture cette fois-ci. Très tôt confronté aux pratiques de lecture naissantes des « écrits d’écran », Illich s’insurge contre « la perception éclair d’un “message” anonyme », déplorant qu’apprendre n’est désormais « plus digérer une auctoritas jusqu’à la comprendre, mais s’insérer dans un système de communication de contenus [96] ».

67On ne saurait trop insister sur cette tension fondamentale entre la lecture de « prise d’information » et « d’incorporation ». La « prise d’information » a fait les beaux jours de Communication & langages lorsqu’elle était dirigée par François Richaudeau, chantre de la « lecture rapide » et de « la lecture efficace [97] ». Lequel Richaudeau devait, du reste, rationnaliser, d’un point de vue typographique, l’héritage médiéval qu’Illich théorisait pour sa part autour de la notion de « texte livresque [98] ». Alors même qu’Illich reprochait à la lecture rapide, notamment, de ne conduire « qu’à une gymnastique oculaire dans un souci de compétition et de consommation accrue des images [99] » et de l’information. La conception, l’éthique et les objectifs de ces modalités de lecture s’opposent en tous points à l’« ars legendi » de Hugues de Saint-Victor. La lecture d’incorporation réclame temps, patience et répétition, c’est-à-dire un effort, fût-il joyeux. Elle devrait être à la base de nos enseignements pour être soigneusement articulée à la seconde – la lecture de « prise d’information » – qui ne devrait être autre qu’un complément opérationnel. La critique portée par Illich est placée au cœur des enjeux éducatifs et politiques contemporains. Soit nous acceptons d’être intégrés à un « système » d’information, soit nous résistons à l’économie des flux pour nous imposer à nous-mêmes des îlots de compréhension du monde. Cette lecture – qui a tout bénéfice à devenir une lecture collective et discutée –, se doit d’être avant tout une lecture de compréhension, qui permet de prendre avec soi – de prendre en soi – en ce qu’elle autorise une construction compréhensive et non un acte de transmission ou de reproduction servile soumis aux impératifs chiffrés de la recherche actuelle ou, plus trivialement encore, à ceux du marché.

68La lecture privilégiée par Illich est celle de la méthode, celle du chemin vers. Celle qui pratique la ruminatio – la méditation, l’attention, la réflexion. Lecture d’un « corps qui s’exprime “silencieusement sous mes paroles” ». Lecture lente d’un chemin de méthode, lecture d’un corps qui va cherchant-cheminant : « caminante, no hay camino, se hace camino al andar [100] ».

69Plus qu’un « texte », ce qu’Illich cherche donc à retrouver, c’est une attitude, la marche d’une pratique de lecture. Une pratique répondant aux critères élaborés par la Sorbonne et l’université naissantes : « ce pour quoi nous voulons aujourd’hui répondre de nos personnes est la conservation de la lecture savoureuse et jouissive, c’est-à-dire d’une attitude face au texte qui rencontre un écho dans les sens internes [101] ». Et, au-delà de « la parole de l’homme qui habite en poète », Illich nous invite à « retrouver la fonction conviviale du langage [102] ».

« Retrouver la fonction conviviale du langage »

70Latiniste érudit, Ivan Illich est particulièrement sensible à la fonction poétique des textes et à la langue historique de ses interlocuteurs. Il goûte la langue et l’écriture de ceux qu’il lit, leurs particularités. Il travaille en empathie avec « les auteurs de cette première “renaissance” du xiie siècle, si originale », ces auteurs qui, comme il le confie à David Cayley, « inventent leur propre style de latin, adapté à ce qu’ils ont à dire, et [qui] le rendent beau [103] ». La question ne relève pas uniquement d’une sensibilité à l’esthétique de la langue, elle soulève un point théorique essentiel relatif au « sens formel », c’est-à-dire aux rapports d’intimité que le sens d’un texte entretient avec sa forme rhétorique aussi bien que matérielle [104].

71Si ces auteurs ont inventé « leur propre style de latin » c’est qu’ils avaient quelque chose à « dire » que ni « le latin d’église et de cuisine du xie siècle » ni « celui des humanistes du xve siècle » ne pouvaient exprimer [105]. Raymond Queneau tient exactement le même raisonnement lorsqu’il revient sur le caractère novateur et fécond de l’introduction des langues vernaculaires dans la littérature. « C’est l’usage de l’italien qui a créé la théologie poétique de Dante, c’est l’usage de l’allemand qui a créé l’existentialisme de Luther, c’est l’usage du néo-français de la Renaissance qui a fondé le sentiment de la liberté chez Rabelais et Montaigne. » Et Queneau d’ajouter : « un langage nouveau suscite des pensées nouvelles et des pensers nouveaux veulent une langue fraîche [106] ».

72Lorsqu’il évoque les auteurs du xiie siècle qu’il fréquente assidûment, Illich souligne la créativité dont ils font preuve dans leurs pratiques linguistiques. C’est là une des conditions essentielles de production des savoirs. L’attention à l’écriture doit être guidée chez le chercheur par une véritable injonction poïétique, sur laquelle je reviens à l’instant à propos de l’image.

73On saisit dès lors toute l’importance accordée par Illich à la nécessité de se « défaire des présupposés qui imprègnent l’usage actuel des mots ». Chercher à comprendre les auteurs de la « première “renaissance” du xiie siècle », c’est être sensible à l’esthétique de leur pensée et attentif à la spécificité du style de leurs écrits. Historien, Illich travaille en philologue – ce terme détrôné depuis belle lurette par le littéraire ou le linguiste. Et cette démarche a un pendant inverse logique.

74Pour Illich, la langue de recherche n’est pas une langue étrangère forgée en « Utopie », mais une écriture ancrée dans la parole de tous les jours. Une langue écrite certes, qui réclame donc des efforts de lecture, mais qui ne vise pas, dans un mouvement autocentré, à sursignifier son identité lettrée ou ses origines sociales, à travers son vocabulaire, sa syntaxe ou son phrasé.

75La très grande lisibilité des textes d’Illich, malgré la complexité des phénomènes qu’il aborde parfois, est une des caractéristiques majeures de son œuvre. La rigueur de la démarche et la force de conviction sont portées par une écriture dont l’ambition est de se donner à lire au plus grand nombre. Ce souci de lisibilité va de pair avec la fibre pédagogique qui l’anime. En revenant sur ses travaux consacrés à l’image, il évoque ainsi « la passion qui [le] porte à faire réfléchir [ses] étudiants à toutes les idées [qu’il a] évoquées [107] ». Ainsi, dans le partage de l’enseignement, le plaisir de la parole accompagne-t-il l’exigence d’une écriture accessible.

76En cela, il questionne nos communautés scientifiques – et nos habitudes de recherche et d’enseignement – notamment nos pratiques d’écritures formatées dans les rapports entretenus avec l’institution et la communauté scientifique à laquelle nous appartenons. Jean-Michel Berthelot rappelait fort justement les jeux et enjeux politiques, sociaux et éditoriaux des temps propres à l’écriture et à la lecture des écrits de science [108]. Illich ne cherche pas les affèteries de la science ordinaire qui bien souvent cuirasse son expression et surcharge son discours pour sursignifier le « dire de science ». Il travaille au contraire la clarté du propos afin d’être à son tour lisible. Quitte à revenir et revenir à nouveau sur les mêmes questions par des biais distincts. À travers cette écriture se dessine une posture de recherche, une posture d’homme au monde et non un faire-valoir qui se perd dans les méandres de ses propres justifications institutionnelles.

77C’est un art de lire et un art d’écrire dont les enjeux épistémologiques vont au-delà sans doute des territoires où l’on a pu parfois cantonner Ivan Illich – et son œuvre – pour des raisons idéologiques. Illich fait du livre un livre à vivre. Sa posture de lecture n’est pas un jeu d’abstraction théorique. Son accompagnement de L’art de lire de Hugues de Saint Victor est exemplaire à cet égard en ce qu’il définit effectivement un « art de vivre ». Un cheminement de méthode à nouveau. Son « ars legendi » emprunte à l’étymologie d’ars, artis, cette « façon d’être », cette « façon d’agir » qui « a pris en latin le sens d’“habileté acquise par l’étude ou la pratique”, et celui de “talent” [109] ».

78Cet « art de lire » est pour Illich une « façon d’être » et « d’agir ».

L’injonction poïétique au service de l’image

79Illich, au demeurant, ne dédaignait pas cette injonction poïétique ; il la pratiquait également afin d’éclairer des questions complexes. Je n’en prendrai qu’un exemple, mais suffisamment parlant. Dans son approche historique consacrée au regard, il offre une synthèse lumineuse de la question portant sur le statut sémiotique des images dans leur rapport à la croyance. Il remonte pour ce faire au‑delà du Concile de Nicée convoqué à la fin du viiie siècle, Concile qui cherchait à mettre un terme à l’iconoclasme et à la célèbre « querelle des images [110] ». Pour clarifier les enjeux théoriques de ce débat délicat, il forge le concept d’iconoscepsis[111]. L’iconoscepsis permet d’évoquer « le scepticisme face aux images ». Entre l’iconoclasme (la destruction des images) et l’iconodulie (le culte des images), il propose de « créer un troisième terme pour désigner cette méfiance, ce doute ou cette remise en question face aux images, caractéristique de notre culture occidentale depuis les temps présocratiques [112] ».

80Or la question devient ensuite essentielle pour la chrétienté – et au-delà pour les sémioticiens et les théoriciens de l’image – car elle porte sur « la tension entre l’interdit sur les images dans l’Ancien Testament et l’idée du Christ comme image du Père dans le Nouveau », tension qui, en 726, aboutit précisément à la « guerre des images » et traite de notre rapport culturel au corps et à sa représentation [113].

81Illich adopte alors un point de vue particulièrement intéressant pour les chercheurs en Sciences de la communication qui travaillent en sémioticiens. Où l’on voit, non sans intérêt, que notre discipline, vieille d’une petite soixantaine d’années à peine, trouve en Jean de Damas un lointain ancêtre – théoricien de l’image – ayant vécu de 676 à 749. Ivan Illich salue en effet en sa personne l’un des premiers théoriciens des médias et de la médiation. « Revenons à Jean de Damas, écrit-il, dont la doctrine élégante (et, selon moi, convaincante) donne à l’image une légitimité à l’abri de laquelle elle devint, en Occident et à partir du xiiie siècle, un dispositif didactique, un aide-mémoire édifiant pour les scènes de l’Évangile à l’appui du sermon. » Une analyse qui se fonde, comme on le voit, sur la pratique et le contexte d’usage propre à ces images qui étaient à l’époque dédiées à l’enseignement ou au sermon.

82« Or ces images sont conçues non plus comme des seuils annonçant une gloire au-delà d’elles-mêmes, mais comme la représentation peinte de scènes, posant les fondations sur lesquelles sera bâti notre monde d’objectivité. » Autrement dit, Jean de Damas théorise la question de la représentation et de la médiation. La peinture devient alors un média produit par l’homme, une représentation placée entre lui et les realia, lui et le monde, lui et ses semblables, lui et la divinité. Et Illich d’ajouter : « une fois de plus on voit ici une croyance, énorme et extraordinaire – en cette chair, en l’occurrence, déjà dans l’éternité et néanmoins accessible au regard de la foi qui monte depuis l’obscurité vers la lumière éternelle –, mener à l’acceptation du culte des images [114] ».

83En d’autres termes, le processus d’acceptation des images dans notre culture passe historiquement par la croyance au mystère de l’incarnation. Il me semble que la réévaluation de cette thèse et la perspective historique qu’elle offre nous permettrait sans doute de saisir autrement que nous le faisons d’ordinaire, si ce n’est l’archéologie de notre « topologie mentale », du moins les enjeux imaginaires qui se nouent autour de la circulation des portraits et des selfies sur les médias informatisés.

84L’exemple de la création terminologique adaptée au questionnement théorique tisse un chemin de clarté au service de la problématique. Une question de méthode, à nouveau, qui se nourrit d’une érudition déployée à bon escient dans les champs thématiques traités. En ligne de fond, à l’attention de ses lecteurs, Illich conserve un souci permanent de clarté : la plus grande intelligence, c’est d’être intelligible.

Heuristique de l’erreur et poïét(h)ique de la recherche

85Mais le geste de méthode ne s’arrête pas là. Ivan Illich pratique également ce que l’on pourrait appeler une poïét(h)ique de la lecture, pour peu que l’« éthique » à laquelle elle renvoie ne soit pas assimilée à un ethnos – un groupe humain, une nation ou un peuple – qui refermerait sur lui-même les ouvertures à l’autre permises par la lecture [115]. Il y a, dans son « art de lire », cette idée consistant à fonder une communauté intellectuelle à travers une lecture constructive faisant remonter les points d’articulation entre les différents auteurs susceptibles de nourrir les questions qu’il aborde.

86Sa lecture de l’ouvrage de Jack Goody consacré à La Famille en Europe est symptomatique à cet égard [116]. Parlant de l’auteur, il évoque « cet ethnologue qui, tel un collectionneur de papillons, a relevé les formes du mariage dans le monde entier et merveilleusement évoqué la façon dont on s’y prend [117] ». Illich note que « Goody écrivit donc, avec l’aide d’amis médiévistes, un livre extraordinairement neuf sur le Moyen Âge, hélas truffé d’erreurs qui le firent rejeter par la plupart des spécialistes : sur l’air de “cet homme ne connaît rien à notre Moyen Âge” ! ». Or au lieu de le condamner à son tour, il le cite en soulignant le caractère novateur et heuristique de son travail.

87Il pratique une lecture empathique dénuée de préjugés – sortie des castes et des disciplines – qui vise à tirer le meilleur des apports de ses interlocuteurs. Sa pratique de lecture relève d’une éthique et d’une poïétique en ce qu’elle est elle-même productive. Pour lui, les erreurs ponctuelles ne sont en rien disqualifiantes ; il retient avant tout la validité de la démarche, sa richesse et sa nouveauté. Il ne se place pas du côté de la réquisition du spécialiste et peu lui importe l’erreur de détail qui pourra toujours être amendée. Il décloisonne les disciplines et réfute les castes qui s’approprient le savoir. Le « notre Moyen Âge » de certains historiens vole en éclats au profit d’une intelligibilité de la période et de la culture abordées. Son geste réfute l’appropriation scandaleuse du savoir par les « experts » au profit du « vernaculaire » et des « communs ». Sa posture relève d’une éthique de la recherche. Au-delà, d’une posture politique.

88Pour autant, il ne renonce en rien aux exigences scientifiques. Et lorsqu’il entretient lui-même une relation d’amitié avec un auteur, il conforte sa posture en conservant un œil critique. Après avoir présenté son ami Paolo Prodi en ces termes : « universitaire reconnu, titulaire de la chaire d’histoire à Bologne, fondateur de l’Institut d’études historiques italo-germaniques de Trente, recteur de l’université de cette ville », il formule la question sans ambigüité aucune : « sur le sujet que je m’apprête à aborder, je m’incline devant sa compétence et – non sans avoir lu attentivement ses détracteurs, m’assurant que mon sens critique n’est pas aveuglé par l’amitié – je suis presque certain qu’il voit juste [118] ».

89Du point de vue de la méthode, ses relations de croyance ou d’amitié n’interfèrent pas dans sa pratique scientifique. La dissociation entre les champs est claire en ce qu’elle est constamment énoncée. La posture éthique relève en outre d’une pratique ascétique : « qu’il me suffise d’indiquer que, dès la fondation des premières universités, la prééminence de la philologie critique et de la bibliophilie alla de pair avec l’abandon de ce que, faute d’un meilleur terme, j’appelle la tradition ascétique [119] ». Une ascèse qu’il pratique, bien entendu, et dont il nous invite à réentendre le sens étymologique afin que nous puissions nous en réapproprier les bienfaits. Illich nous propose pour ce faire de la comparer à la pratique actuelle du yoga dans notre monde occidental, non sans nous redonner une définition simple et accessible de l’ascèse : « askésis est le vieux mot pour dire exercice, entraînement, répétition [120] ». Il précise néanmoins « que l’entraînement, pour nos contemporains, implique toujours un propos instrumental, ce qui n’est pas ce dont [il] parle [121] ».

90Dans la « poïét(h)ique » de la lecture qu’il déploie, il nous faut également évoquer son attitude consistant à reconnaître ses propres erreurs et à les intégrer au fil de son propos. Ainsi, lorsqu’il évoque le passage d’une société de l’outil, de la technologie, « née quelque part entre le xiiie et le xve siècle », à une société des « systèmes », il regrette de n’avoir pas vu plus tôt ce clivage et d’avoir de ce fait entraîné certains de ses lecteurs vers une interprétation qu’il juge désormais caduque. Il reprend alors l’argument de son détracteur – un de ses anciens élèves – montrant par là-même l’intérêt de sa thèse : « Ce que je n’ai pas compris, selon Peschek – et il a sans doute raison –, est que l’usager d’un système en devient un élément, effaçant ainsi la distinction entre la main et l’objet qu’elle manie, devenue fondamentale pour la pensée du xiiie siècle. Or penser le monde non plus en termes de causalité mais d’analyse de systèmes nous fait entrer dans une ère nouvelle et implique que nous sommes sortis de celle des outils [122] ». La remarque est d’autant plus importante pour nous qu’elle invite à reconsidérer la place de l’usager ou du consommateur dans l’analyse des pratiques des médias informatisés notamment.

91Aussi porterai-je au crédit de ce que nous avons appelé sa « poïét(h)ique », la capacité qu’il a à accepter ses erreurs et à intégrer la lecture de ses détracteurs afin de repenser sa propre posture et les points aveugles de son raisonnement.

La méthode, un « chemin d’amitié » ?

92Revenons une dernière fois à la question du langage, à l’attention poétique à la langue des textes dont Illich témoigne. Cette attention – qui est au cœur de nos disciplines, au cœur de nos méthodes et de nos pratiques de travail – joue un rôle théorique primordial pour Illich. Les derniers mots du chapitre consacré à « la redécouverte du langage » qui figure à la fin de La Convivialité[123] nous permettront d’en saisir l’importance et les enjeux.

93Après avoir souligné que « le langage réfléchit la matérialisation de la conscience », Illich revient sur le fait que « le code opératoire de l’outillage industriel s’engrène sur le parler quotidien. La parole de l’homme qui habite en poète est à peine tolérée, écrit-il, comme une protestation marginale, et tant qu’elle ne dérange pas la foule qui fait queue devant l’appareil distributeur des produits. »

94Cette parole, c’est la sienne bien sûr, mais pas uniquement. Dans les années 1970, il croit encore à une « réforme » possible, à une « “sécularisation de l’espoir” ». À cette époque, « la société parfaite, le futur idéal, l’au-delà de l’horizon éveillait encore un désir, les gens se sentaient encore une part de pouvoir [124] ». Aussi pouvait-il écrire : « Si nous n’accédons pas à un nouveau degré de conscience, qui nous permette de retrouver la fonction conviviale du langage, nous ne parviendrons jamais à inverser ce processus d’industrialisation de l’homme. Mais si chacun se sert du langage pour revendiquer son droit à l’action sociale plutôt qu’à la consommation, le langage deviendra le moyen de rendre sa transparence à la relation de l’homme avec l’outil [125] ».

95Une question d’autant plus importante pour nous aujourd’hui que nous savons désormais que les médias informatisés – ces « outils » qui occupent désormais notre quotidien –, sont des dispositifs textuels eux-mêmes composés de textes et « d’outils d’écriture de l’écriture » comme nous l’avons montré à de nombreuses reprises déjà [126].

96

* *
*

97Au terme provisoire de ce parcours, nous avons juste la conscience d’une ouverture, d’un chemin qui se fait en marchant… l’ébauche d’une méthode. « Il est commun de confondre le trajet parcouru avec le temps mis à le parcourir », écrit Maude Pilon, précisant toutefois que « les trajets terminés subsistent quand même dans l’imaginaire [127] ». Dans ses entretiens avec David Cayley, Illich déclare avec sobriété : « Mon chemin a été un chemin d’amitié [128] ». « Amitié, voilà le mot que Hugues emploie pour signifier cet amour de la sagesse, qui est sapientia, ou connaissance savoureuse. […] Lorsque, dans le Didascalicon, Hugues explique l’attrait de la sagesse, il ne peut qu’avoir recours à la métaphore de l’amitié, qui, en fin de compte, motive le studium[129] », ce zèle, ce courage ou ce goût pour l’étude qui fait la saveur de la recherche.

98Aussi aimerais-je clore momentanément ce chemin de méthode en compagnie d’Ivan Illich, en reprenant les propos d’un petit ouvrage d’Éric Méchoulan, Lire avec soin. Amitié, justice et médias qui trace à sa façon un autre « chemin d’amitié » :

99

Apprendre à lire avec soin ne consiste pas seulement à enseigner comment voir les dessous des discours et des situations, mais surtout à construire des relations de confiance avec les événements, les choses et les vivants pour en avoir une meilleure intelligence et en appréhender les multiples temporalités. L’intelligence n’est pas ici souci de domination et de maîtrise : comme la langue nous invite à le penser, il s’agit, en fait, d’être d’intelligence avec d’autres personnes passées ou présentes, c’est-à-dire de créer une microsociété de lecteurs et de lectrices. On n’est jamais intelligent tout seul [130].

100Si telle peut être la méthode, « on peut alors regarder avec satisfaction le parcours accompli [131] ».

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Mots-clés éditeurs : Illich, histoire du regard, cadres instituants, ascèse, infra-ordinaire, injonction poïétique, éthique, cheminement, méthode, fonction conviviale du langage

Mise en ligne 17/06/2020

https://doi.org/10.3917/comla1.204.0049

Notes

  • [1]
    Cet article n’aurait pas vu le jour sans l’amicale sollicitation de Milad Doueihi avec qui nous avons organisé la journée autour de la « méthode Illich » à la Maison de la recherche de Sorbonne Université en février 2016. Merci à Elsa Tadier et Gustavo Gomez Mejia pour nos habituelles et « conviviales » discussions ainsi qu’aux attentives et amicales relectures et suggestions d’Igor Babou, Clotilde Chevet, Michel David, Thierry Devars, Jean Gayet, Samuel Goyet, Marc Jahjah, Florian Malaterre, Bérénice Mariau, Marine Souchier, Mathilde Vassor, Anne Zali.
  • [2]
    Ivan Illich, David Cayley, La corruption du meilleur engendre le pire, trad. Daniel De Bruycker et Jean Robert, Actes Sud, 2007, p. 123.
  • [3]
    Thierry Paquot, « Ivan Illich : politique de l’amitié », Mouvements, no 68, 2011, p. 48-58.
  • [4]
    Barbara Duden, « Illich, seconde période », Esprit, no 8-9, août-septembre 2010, p. 138.
  • [5]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 126.
  • [6]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation. Pour une poétique de l’infra-ordinaire », Communication & langages, no 172, juin 2012, p. 3-19.
  • [7]
    Gérard Simon, Le Regard, l’Être et l’Apparence dans l’optique de l’Antiquité, Paris, Seuil, 1988, p. 16. Cité par Illich dans « Passé scopique et éthique du regard. Plaidoyer pour l’étude historique de la perception oculaire », La Perte des sens, trad. Pierre-Emmanuel Dauzat, Fayard, 2004, p. 295.
  • [8]
    Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
  • [9]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 46.
  • [10]
    Georges Perec, L’Infra-ordinaire, Seuil, coll. « La Librairie du xxe siècle », 1989.
  • [11]
    Henri Lefebvre, La Vie quotidienne dans le monde moderne, no 162, Gallimard, coll. « Idées », 1968, p. 38.
  • [12]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 228.
  • [13]
    Ivan Illich, « Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul (1993) », La Perte des sens, op. cit., p. 155.
  • [14]
    Ibid., p. 59.
  • [15]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 296.
  • [16]
    Ivan Illich, Le Genre vernaculaire, in Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 353.
  • [17]
    Ivan Illich, Du lisible au visible. Sur l’Art de lire de Hugues de Saint Victor, in Œuvres complètes, op. cit., p. 567.
  • [18]
    Ibid., p. 72 sq.
  • [19]
    Ivan Illich, « La recherche conviviale », Le Travail fantôme, in Œuvres complètes, vol. 2, op. cit., p. 194-195.
  • [20]
    Jean Robert, « Les instruments d’un pouvoir sur autrui », Esprit, op. cit., p. 168.
  • [21]
    Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit., Gallimard, 1964, p. 11-12.
  • [22]
    « Idéologie cybernétique » que l’on peut aisément actualiser sous le terme de « numérique ».
  • [23]
    Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit, op. cit., p. 12-13.
  • [24]
    Paolo Fabbri, Le Tournant sémiotique, Paris, Hermès-Lavoisier, 2008, p. 134.
  • [25]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 126.
  • [26]
    Cité par Illich dans : « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 296.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Ivan Illich, La Convivialité, Seuil, coll. « Points », no 65, 1973, p. 130.
  • [29]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli… », op. cit.
  • [30]
    Sur la perception auditive, on se reportera avec profit à l’article de Stéphan-Éloïse Gras dans le présent dossier : « L’écologie sonore d’Illich. Une méthode critique pour le matérialisme numérique ? ».
  • [31]
    Sauf mention contraire, les références de ce passage vont à Ivan Illich, « Surveiller son regard à l’âge du “show” (1993) », La Perte des sens, op. cit., p. 203-205. Voir également « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 287-326 ; Ivan Illich, David Cayley, « L’Évangile et le regard », op. cit., p. 150-169 ; ainsi que les chapitres « Lumen » et « La page en tant que miroir », dans Ivan Illich, Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., p. 578-583.
  • [32]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 296.
  • [33]
    Ibid., p. 315.
  • [34]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 180.
  • [35]
    Ibid., p. 207 ; voir notamment la note 1.
  • [36]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 297.
  • [37]
    Ibid., p. 323.
  • [38]
    Ivan Illich, « Du livre au texte », Du lisible au visible, op. cit., p. 691 sq.
  • [39]
    Jacques Ellul, La Parole humiliée, Paris, Seuil, 1981.
  • [40]
    Albrecht Dürer, Een tekenaar tekent een vrouw, 1525, gravure sur bois, 76 × 215 mm, Rijksmuseum Amsterdam.
  • [41]
    Ivan Illich, « Surveiller son regard à l’âge du “show” (1993) », op. cit., p. 227.
  • [42]
    Ivan Illich, Le Genre vernaculaire, in Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 353.
  • [43]
    Emmanuël Souchier, « La “lettrure” à l’écran. Lire & écrire au regard des médias informatisés », Communication & langages, no 174, 2012, p. 85-108.
  • [44]
    Henri-Charles Puech, En quête de la Gnose, I, La Gnose et le temps, Gallimard, 1978. Les références de ce passage vont au premier article de l’ouvrage, « Temps, histoire et mythe dans le christianisme des premiers siècles », p. 1-23.
  • [45]
    Ibid., p. 3.
  • [46]
    Expression formulée à propos du célébrissime Christophe Colomb et de l’injustement inconnu Elio Antonio de Nebrija, lettré qui proposait pourtant à Isabelle de Castille une Gramática castellana « pour coloniser la langue parlée par ses sujets ». Ivan Illich, Le Travail fantôme, in Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 126-127.
  • [47]
    Caterina Magni, « À la découverte de la tridimensionnalité », Les Olmèques. La genèse de l’écriture en Méso-Amérique, Arles, Éditions Errance, 2013, Troisième partie, p. 215-250.
  • [48]
    Arthur Lochmann, La Vie solide : la charpente comme éthique du faire, Paris, Payot et Rivages, 2019.
  • [49]
    Tim Ingold, Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture, Bellevaux, Éditions Dehors, 2018, p. 229 sq.
  • [50]
    Caterina Magni, Les Olmèques des origines au mythe, Paris, Seuil, 2003, p. 132.
  • [51]
    Caterina Magni, Les Olmèques. La genèse de l’écriture en Méso-Amérique, op. cit., p. 234.
  • [52]
    Ibid., p. 217.
  • [53]
    Ivan Illich, « Dans le miroir du passé », Œuvres complètes, vol. 2, Fayard, 2005, p. 705.
  • [54]
    Ibid., p. 706.
  • [55]
    Voir notamment Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967, p. 71 ; L’Écriture et la Différence, Paris, Seuil, 1967, p. 248. Voir le Derridex : https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0509140439.html.
  • [56]
    Emmanuël Souchier, « La mémoire de l’oubli… », op. cit.
  • [57]
    Ivan Illich, « Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul (1993) », op. cit., p. 160.
  • [58]
    André Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, 2 vol., Paris, Albin Michel, 1964-1965.
  • [59]
    Ivan Illich, « Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul (1993 », op. cit., p. 159-160. Voir dans le présent dossier l’article de Marc Jahjah : « Du lisible au visible : la naissance du texte, une méthode critique pour penser l’“éthique perceptive” de la culture numérique ? ».
  • [60]
    Elsa Tadier, Les corps du livre – du codex au numérique – Enjeux des corporéités d’une forme médiatique : vers une anthropologie communicationnelle du livre, thèse de doctorat, Paris, Sorbonne Université, 2018, p. 394 sq.
  • [61]
    Alexandre Friederich, H +, Paris, Éditions Allia, 2020, p. 15.
  • [62]
    Émile Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, 2. Pouvoir, droit, religion, Les Éditions de Minuit, 1969, p. 100 sq.
  • [63]
    Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, vol. 2, p. 1235.
  • [64]
    Octavio Paz, Le Singe grammairien, Skira, coll. « Les sentiers de la création », 1972, p. 46-47.
  • [65]
    Tim Ingold, « Textures de la surface : le sol et la page », Communication & langages, no 204, 2020, supra.
  • [66]
    Stendhal, Le Rouge et le Noir, Paris, Levavasseur, 1830.
  • [67]
    Propos cités par Illich dans son allocation de juillet 1983 au Colegio de México : « L’énergie, un objet social », Esprit, op. cit., p. 211.
  • [68]
    Ivan Illich, « La page en tant que vigne et jardin », Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., p. 622.
  • [69]
    Ivan Illich, In the Vineyard of the Text: A Commentary to Hugh’s Didascalicon, Chicago, University of Chicago Press, 1993.
  • [70]
    Emmanuël Souchier, « Histoires de page et pages d’histoire », L’Aventure des écritures, La page, Anne Zali (dir.), Paris, Bibliothèque nationale de France, 1999 ; Olivier Bertrand, Les Clôtures du Paradis, Bruxelles, Surfaces utiles, 2017.
  • [71]
    Jacques Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 23.
  • [72]
    Olivier Fournout, « Diatextes », Communication & langages, no 156, 2008 ; Théorie de la communication et éthique relationnelle : du texte au dialogue, coll. « Forme et sens », Paris, Hermès-Lavoisier, 2012.
  • [73]
    Roland Barthes, « Histoire ou littérature ? », Sur Racine, Paris, Seuil, 1963, p. 166.
  • [74]
    « La notion de trans-formation étant ici comprise à la fois comme une élaboration, une médiation et un changement », Emmanuël Souchier, « Mémoires – outils – langages. Vers une “société du texte” ? », Communication & langages, no 139, 2004, p. 48.
  • [75]
    « Il suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme : identification à savoir la transformation produite chez le sujet quand il assume une image », Jacques Lacan, « Le stade du miroir », Écrits I, Paris, Seuil, coll. « Points », no 5, 1966, p. 90.
  • [76]
    Emmanuël Souchier, « Le texte, objet d’une poïétique sociale », Que faisons-nous du texte ?, Y. Jeanneret, N. Meeùs (dir.), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 23-33.
  • [77]
    Ivan Illich, « La page en tant que miroir », Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., note 42, p. 582.
  • [78]
    « Il doit chercher les mots de la sagesse, et travailler avec ardeur à toujours les garder devant les yeux de l’esprit, comme un miroir pour y voir son visage », ibid., note 40, p. 581.
  • [79]
    Ibid., note 43, p. 583.
  • [80]
    Ivan Illich, « Dans le miroir du passé », Œuvres complètes, op. cit., p. 706.
  • [81]
    Jurgis Baltrušaitis, Le Miroir, essai sur une légende scientifique : révélations, science-fiction et fallacies, Paris, Elmayan/Seuil, 1978.
  • [82]
    Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au mythe personnel, introduction à la psychocritique, Paris, José Corti, 1963.
  • [83]
    « Hugues s’exprime toujours dans une perspective intensément visuelle », Ivan Illich, « La page en tant que miroir », op. cit., p. 586.
  • [84]
    Ivan Illich, « Le texte et l’université : idée et histoire d’une institution unique », Esprit, op. cit., p. 176.
  • [85]
    On notera qu’Illich ne tient pas uniquement compte du savoir intellectuel mais également des dimensions expérientielle et perceptive de sa pratique de chercheur.
  • [86]
    Ibid., p. 179.
  • [87]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 23.
  • [88]
    Le Cidoc, Centro intercultural de documentación, fondé par Ivan Illich à Cuernavaca au Mexique (1966-1976). Le Cidoc a mis en place une politique d’éducation libre telle qu’Illich la promouvait. Il le définissait en ces termes : « C’est un cadre pour comprendre les conséquences de la révolution sociale, non un instrument pour promouvoir des théories particulières d’action sociale. », Cidoc – Cuadernos, 1018, 0/6, Cuernavaca, México.
  • [89]
    Ivan Illich, La Convivialité, op. cit., p. 6-8.
  • [90]
    Ibid., p. 34.
  • [91]
    Tzvetan Todorov, Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique suivi de Écrits du Cercle de Bakhtine, Paris, Seuil, 1981, p. 31.
  • [92]
    Joëlle Le Marec, Ce que le « terrain » fait aux concepts. Vers une théorie des composites, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris 7 Denis Diderot, 2002.
  • [93]
    George Steiner, « The end of the bookiness? », Times Literary Supplement, 8-14 juillet 1988, p. 754. Cité par Ivan Illich, « La page en tant que miroir », op. cit., p. 691.
  • [94]
    Ivan Illich, « Le texte et l’université : idée et histoire d’une institution unique », Esprit, op. cit., p. 180.
  • [95]
    Ibid., p. 176.
  • [96]
    Ibid., p. 182.
  • [97]
    Voir notamment François Richaudeau, Le Langage efficace. Communiquer, persuader, réussir, Paris, Marabout, 1973 ; François Richaudeau, Michel et Françoise Gauquelin, Lecture rapide, CEPL – Retz, 1982 ainsi que la liste de ses publications dans Communication & langages :https://www.persee.fr/authority/145263. Voir par ailleurs le numéro 200 de la revue, « Lexique », 2019.
  • [98]
    François Richaudeau, La Lettre et l’Esprit. Vers une typographie logique, Planète, 1965.
  • [99]
    Ivan Illich, « Passé scopique… », La Perte des sens, op. cit., p. 291.
  • [100]
    Antonio Machado, « Toi qui marches, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant », Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre, « Préface » de Claude Estéban, Sylvie Léger et Bernard Sesé (trad.), Paris, Gallimard, coll. « Poésie », no 144, 1981.
  • [101]
    Ibid., p. 184.
  • [102]
    Ivan Illich, La Convivialité, op. cit., p. 133.
  • [103]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 125.
  • [104]
    Emmanuël Souchier, « Du “sens formel” de l’œuvre », in « Introduction » au Traité des vertus démocratiques de Raymond Queneau, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la N.R.F. », 1993, p. 15-24.
  • [105]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 125.
  • [106]
    Raymond Queneau, « Connaissez-vous le chinook ? » [Les Lettres Françaises, 1946], Bâtons, chiffres et lettres, Paris, Gallimard, coll. « Idées », no 70, 1965, p. 63.
  • [107]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 168.
  • [108]
    Jean-Michel Berthelot, « Le texte scientifique, structures et métamorphoses », Figures du texte scientifique, Paris, Puf, 2003, p. 19-53.
  • [109]
    Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, vol. 1, p. 119.
  • [110]
    Le IIe Concile de Nicée se tient en 787. Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 165. Voir Alain Besançon, L’Image interdite. Une histoire intellectuelle de l’iconoclasme, Fayard, 1994. Jack Goody, La Peur des représentations. L’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la fiction, des reliques et de la sexualité, Paris, La Découverte, 2003.
  • [111]
    « L’évangile et le regard », Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 150-169.
  • [112]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 158.
  • [113]
    Ibid., p. 161.
  • [114]
    Ibid., p. 165.
  • [115]
    Ivan Illich, Barry Sanders, ABC l’alphabétisation de l’esprit populaire, trad. Maud Sissung, Paris et Montréal, Éditions La Découverte et Le Boréal, 1990, p. 83 sq.
  • [116]
    Jack Goody, La Famille en Europe, Paris, Seuil, 2001.
  • [117]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 131.
  • [118]
    Ibid., p. 124.
  • [119]
    Ibid., p. 180.
  • [120]
    L’ascèse vient du grec « askein “exercer (une activité), s’exercer” et d’abord “façonner, travailler (un matériau)” », Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, op. cit., vol. 1, p. 124.
  • [121]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 305.
  • [122]
    Ibid., p. 119-120.
  • [123]
    Ivan Illich, La Convivialité, Paris, Seuil, coll. « Points », no 65, 1973, p. 129 et 133.
  • [124]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 219-220.
  • [125]
    Ivan Illich, La Convivialité, op. cit., p. 133.
  • [126]
    Pour une vision synthétique de ces questions, voir Emmanuël Souchier, Étienne Candel, Gustavo Gomez-Mejia avec la collaboration de Valérie Jeanne-Perrier, Le Numérique comme écriture. Théories et méthodes d’analyse, Malakoff, Armand Colin, coll. « Codex », 2019.
  • [127]
    Maude Pilon, Quelque chose continue d’être planté là, Québec, Le Lézard amoureux, 2017, p. 25-26.
  • [128]
    Ivan Illich, David Cayley, op. cit., p. 208.
  • [129]
    Ivan Illich, Du lisible au visible…, in Œuvres complètes, op. cit., p. 588-589.
  • [130]
    Éric Méchoulan, Lire avec soin. Amitié, justice et médias, Lyon, ENS Éditions, coll. « Perspectives du care », 2017, p. 146.
  • [131]
    Raymond Queneau, Morale élémentaire, Paris, Gallimard, 1975, p. 146.
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