Notes
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[1]
Les données empiriques sur lesquelles s'appuie cet article ont été recueillies à travers un travail d'archive et d'observation, complété par des entretiens avec des acteurs de la patrimonialisation scientifique (chercheurs, enseignants-chercheurs, agents des services en charge du patrimoine, de la communication et de la culture).
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[2]
Jean Davallon, « À propos des régimes de patrimonialisation : enjeux et questions », colloque Patrimonialização e sustentabilidade do patrimonio : reflexão e prospectiva, Lisbonne, 2014.
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[3]
La notion d'entrepreneurs de patrimoine, empruntée à la sociologie de l'action collective, doit s'entendre dans le sens d'entrepreneurs de causes, c'est‑à-dire d'acteurs individuels ou collectifs qui tentent de promouvoir une cause et de mobiliser autour d'un projet. Il s'agit ici le plus souvent soit de chercheurs qui ont une proximité symbolique et/ou matérielle avec le scientifique à honorer (ainsi qu'une position qui leur permet d'agir), soit d'institutions généralement académiques.
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[4]
Soraya Boudia, Anne Rasmussen, Sébastien Soubiran (dir.), Patrimoine et communautés savantes, Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. Art et Société, 2009.
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[5]
Olivier Givre, Madina Regnault (dir.), Patrimonialisations croisées : jeux d'échelles et enjeux de développement, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2015.
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[6]
Bernard Miège, La Société conquise par la communication, Grenoble, PUG, 1989.
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[7]
La plupart des informations sont tirées de travaux réalisés au sein de cette université, et notamment : Philippe Delvit, Noms de lieux à UT1 Sciences sociales. Les espaces de la reconnaissance universitaire, Toulouse, Centre toulousain d'histoire du droit et des idées politiques, 2005 ; André Cabanis, Philippe Delvit, Les Plaques d'amphi, UT1, Toulouse, Mission archives, Université des sciences sociales, Polycopié, 2007.
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[8]
Maurice Hauriou (1856-1929) est une figure tutélaire du droit toulousain, voire français. Il était professeur de droit public à la Faculté de Droit de Toulouse, dont il fut également le doyen (1906-1926). Ses travaux sur l'État ont marqué profondément et durablement les théories du droit public français (théorie de l'État, théorie du service public). Il est à l'origine de ce que l'on a appelé l'École de Toulouse.
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[9]
Parfois, ce sont les bâtiments ou les locaux nommés qui disparaissent, pour laisser la place à de nouveaux… à qui l'on ne réattribue pas le nom : ainsi, à l'université Toulouse – Jean Jaurès, les amphithéâtres dédiés à Jean-Pierre Vernant (1914-2007) et à Vladimir Jankélévitch (1903-1985), deux universitaires éminents passés par l'université de Toulouse au moment de la Seconde guerre mondiale et tous deux fortement impliqués dans la Résistance locale, n'ont pas résisté à la reconstruction quasi-totale de cette université. Et leurs noms n'ont pas été donnés aux nouveaux locaux. Même chose à la Faculté des Sciences de Purpan, où l'amphithéâtre Yves Laporte (1920-2012, professeur de médecine à Toulouse, professeur au Collège de France – 1972-1991 – et membre de l'Académie des sciences) a été démoli et jamais remplacé. Le nom du professeur s'est donc évaporé en même temps que le local.
-
[10]
Jean Laroche, « Éloge de M. Robert Lacroux », Mémoires de l'académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, Série 17, t. X, 1999, vol. 161, p. 51-52.
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[11]
École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques.
-
[12]
En avril 2016, nous avons interrogé 150 étudiants devant cinq amphithéâtres portant les noms de professeurs de générations différentes (Achille Mestre, Georges Boyer, Henri Dupeyroux, Paul Couzinet et Pierre Montané de la Roque). Moins de 10 % ont répondu de façon satisfaisante sur l'identité professionnelle de ces enseignants-chercheurs.
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[13]
Pour plus d'informations sur Daniel Faucher, cf. Louis Papy, « Daniel Faucher (1882-1970) », Annales de Géographie, 440, 1971, p. 385-389 et François Taillefer, « Daniel Faucher », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1970, nos 3-4, p. 213-218.
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[14]
Dans notre corpus, on peut par exemple, citer Maurice Hauriou (cf. supra) et surtout Paul Sabatier, Prix Nobel de chimie (cf. infra).
-
[15]
Jérôme Denis, David Pontille, Petite sociologie de la signalétique : les coulisses des panneaux du métro, Paris, Presses des Mines, coll. Sciences sociales, 2010.
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[16]
Marc Augé, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil, 2002.
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[17]
Paul Sabatier (1854-1941) a été élu en 1884 professeur titulaire de la chaire de chimie générale de la Faculté des Sciences de Toulouse, poste qu'il a occupé jusqu'à son départ en retraite en 1930. Il est devenu doyen en 1905 et pendant son long décanat il a été un acteur très impliqué dans la structuration locale de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour ses travaux, il a reçu un nombre important de distinctions, la plus prestigieuse étant le Prix Nobel de Chimie (1912), partagé avec le nancéen Victor Grignard. Il a été notamment membre de l'Académie des Sciences et de la Royal Society (1918) et… Mainteneur de l'Académie des Jeux Floraux à partir de 1909, honneur auquel il tenait beaucoup. Voir Armand Lattes, « Paul Sabatier, Prix Nobel de chimie 1912 : un universitaire régionaliste et chercheur de talent. Biographie et œuvre scientifique », Actualité chimique, octobre-novembre, 2012, nos 367-368, p. 8-18.
-
[18]
Paul Sabatier avait participé à la création, au sein de la Faculté des Sciences de Toulouse, des Instituts d'Agronomie, d'Électrotechnique et de Chimie. Ils correspondent aujourd'hui aux trois écoles fondatrices de l'INP de Toulouse : l'École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse (ENSAT), l'École nationale supérieure d'électrotechnique, d'électronique, d'hydraulique et de télécommunications (ENSEEIHT) et l'ENSIACET (cf. supra).
-
[19]
Itinéraire d'un scientifique régionaliste convaincu : vie et œuvre scientifique de Paul Sabatier ; Catalyse, vous avez dit catalyse ? Domaines émergents : catalyse et nanosciences ; table ronde avec des industriels et des chercheurs, intitulée « Depuis Paul Sabatier, la catalyse est partout ».
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[20]
Une exposition photographique (Regards sur la chimie), une exposition sur la chimie dans la vie quotidienne (Nom de code chimie) et enfin l'exposition de la réplique taille réelle du Rover (Curiosity), des directs depuis la planète Mars et des rencontres avec les scientifiques de l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (Du Nobel à Curiosity… Curiosity n'est pas un vilain défaut).
-
[21]
Jean Davallon, « Le musée est‑il vraiment un média ? », Publics et Musées, 1992, 2, p. 199-123.
-
[22]
Joseph Ducuing (1885-1963), était un chirurgien et un cancérologue réputé (auteur de nombreux travaux, Président de l'Association Française pour l'Étude du Cancer en 1952), mais aussi une « grande figure locale », très investie à divers niveaux : directeur du Centre Anti-Cancéreux de Toulouse, directeur de l'Hôpital Varsovie créé pour accueillir les victimes du franquisme et qui porte le nom de Joseph Ducuing depuis 1976, résistant…
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[23]
La presse nationale a fait état de cette polémique. Cf., par exemple, cet article du Figaro.fr (10/03/2014) : http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/toulouse-le-changement-de-nom-de-l-universite-le-mirail-fait-debat-4536/
- [24]
-
[25]
Cf. Christine Barats, « Textes numériques ou sur le numérique. Rhétorique de l'internationalisation et attractivité des universités parisiennes », in Defays J.‑M., Englebert A. (dir.), Acteurs et contextes des discours universitaires, Paris, L'Harmattan, vol. 2, p. 209-225, 2009 ; Lucia Granget, « Les universités en quête de prestige dans le grand jeu de la concurrence : le rôle de la communication marketing et l'impact des palmarès », Communication et Organisation, 35, 2009, p. 148-157.
-
[26]
Jeoffrey Gaspard, « Le discours promotionnel des universités européennes. Homogénéité dans la compétitivité ? », Mots. Les Langages du politique, 102, 2013, p. 53-66.
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[27]
Igor Babou, Joëlle Le Marec, « Les pratiques de communication professionnelle dans les institutions scientifiques. Processus d'autonomisation », Revue d'anthropologie des connaissances, vol. 2, 1, 2008, p. 115-142.
-
[28]
Jeoffrey Gaspard, op. cit.
1 Dans le cadre du programme de recherche Patrimoine scientifique et environnement local (PASTEL) regroupant une vingtaine de chercheurs et financé par l'Idex de Toulouse (2015-2017), notre contribution a eu pour objet l'analyse de la patrimonialisation des chercheurs toulousains à travers des hommages multiples et hétérogènes qui leur ont été rendus par des pairs, de leur vivant ou, plus fréquemment, après leur disparition [1]. Ces hommages se sont notamment manifestés par l'attribution de leurs noms à des institutions académiques (universités, instituts, laboratoires), des bâtiments et des locaux (salle des professeurs, salle des thèses, bibliothèques, amphithéâtres…). Ces objets ne font pour la plupart pas partie du patrimoine scientifique au sens où ils rempliraient les critères habituellement énoncés par les professionnels pour le qualifier ainsi (inventaire, classement…). Ils relèvent par contre du processus de patrimonialisation car ils ont été l'objet de « gestes patrimoniaux [2] », et à ce titre, ils ont fait sens à un moment donné pour les entrepreneurs de patrimoine [3]. Cette entrée par les « gestes » participe d'un élargissement du patrimoine scientifique [4], sur la toile de fond d'une extension de la notion de patrimoine, tous domaines confondus. Elle suggère en outre une conversion du regard du chercheur : celui‑ci ne se focalise pas sur ce qu'est le patrimoine, mais sur ce qui a « fait patrimoine » pour les principaux acteurs de la patrimonialisation, dans des contextes socio-spatio-temporels particuliers [5].
2 Nous tenterons, à partir des attributions de noms, de réfléchir à quelques impensés de la patrimonialisation. Le terme « impensé » n'est pas ici pris au sens premier de ce qui ne peut être saisi par la pensée, mais au sens faible, plus rarement employé, de ce qui est non ou insuffisamment formulé, voire non ou insuffisamment précisé et qui, à ce titre, interpelle la raison… ce qui renvoie à une autre manière, sans doute plus décentrée, plus oblique, de penser ledit processus, en particulier sous l'angle d'une indétermination relative dans laquelle le temps occupe une place centrale.
3 Car patrimonialiser, c'est d'abord vouloir faire échapper des objets matériels ou immatériels à l'usure du temps. C'est ensuite faire circuler ces objets dans le temps, depuis le passé, jusqu'au présent et, du moins on l'espère, pour le futur. Or toute circulation est un déplacement et tout déplacement entraîne des transformations dans les objets, ainsi que dans les représentations de ces derniers. Dès lors, observer comment les noms attribués à des objets matériels ou immatériels circulent, ou ne circulent plus, dans le temps revient à observer leur transformation au sein des espaces sociaux concernés.
4 On notera au passage que la volonté – d'aucuns diraient le désir – de patrimonialiser n'est jamais permanente. À Toulouse, au cours de la période retenue (1880-2016), la patrimonialisation semble s'organiser par vagues, quelquefois portées par des effets de mode, toujours suivies de périodes plus ou moins longues au cours desquelles il ne se passe pas grand-chose, voire rien du tout. On est en présence de chronologies fracturées : hommage, oubli, redécouverte. Dans la première et la troisième, cette volonté est observable à travers des indices, des traces : cérémonies commémoratives, discours et publications d'hommages par les pairs et les institutions scientifiques, décisions des instances académiques de nommer des « lieux », articles publiés par la presse…
5 On constatera d'abord que la patrimonialisation peut avoir des « ratés ». À court terme, car la greffe ne prend pas nécessairement, et surtout à moyen ou à long terme lorsque les signes s'effacent au point de faire de moins en moins sens pour les publics qui fréquentent les lieux.
6 On relèvera ensuite, surtout dans les périodes de profondes mutations, qu'elle peut s'accompagner de préoccupations à la fois « autres » et plus pratiques, mais pas illégitimes pour autant, même si elles traduisent une instrumentalisation plus ou moins prononcée des noms et figures de chercheurs. Deux seront explicitées : la signalétique, convoquée officiellement pour améliorer le repérage des lieux, la circulation et la sécurité des usagers sur les campus et la communication dont les dispositifs se veulent tournés vers la construction valorisante de l'image des universités. Toutes deux sont récentes : la première apparaît au début des années 1970 avec l'Université de masse qui voit les étudiants et les enseignants affluer, les constructions se développer et les campus s'étendre tant horizontalement que verticalement ; la seconde renvoie au nouveau statut de la communication institutionnelle à l'échelle sociétale à partir des années 1980-1990, période au cours de laquelle « la société est conquise par la communication [6] ».
Les ratés de la patrimonialisation
7 La patrimonialisation peut avoir des ratés qui interrogent le processus même. Le terme « ratés » est employé ici dans le sens d'une déficience plus ou moins marquée dans le fonctionnement d'un dispositif, de sorte que le but n'a pas été atteint ou ne l'a été que partiellement, ou plus tardivement que prévu, voire dans un autre contexte, porteur d'autres enjeux et finalités.
Des décisions d'attribution repoussées ou non mises en œuvre
8 À court et à moyen terme, en l'absence d'études de réception qui n'entraient pas dans notre projet de recherche, il est difficile de vérifier si le processus de patrimonialisation a laissé des traces durables auprès des publics vers lesquels les entrepreneurs de patrimoine avaient souhaité se tourner et, pour dire les choses autrement, si l'opération de patrimonialisation est parvenue à faire sens pour eux. Par contre, il est possible de vérifier si une opération décidée est effectivement entrée dans les faits en respectant les conditions initialement prévues. Et les exemples de ratés ne manquent pas.
9 Les premiers concernent la Faculté de Droit, aujourd'hui université Toulouse I – Capitole [7]. La délibération de l'Assemblée de Faculté en date du 19 mars 1919, à la demande du doyen Maurice Hauriou [8], autorise ce dernier à attribuer aux salles de cours les noms des professeurs Pierre-François Furgole (1740-1818), Jean-Baptiste Brissaud (1854-1904), Antonin Deloume (1836-1911, doyen entre 1900 et 1906), Henri Bonfils, Léon Beudant (1829-1895) et Adolphe Chauveau (1802-1868). Elle ajoute ceux de Maurice Garrigou, ancien étudiant, docteur en droit, notaire et généreux donateur, et de deux juristes célèbres, autrefois « passés par la Maison » : Jean Bodin (1529-1596) et Jacques Cujas (1520-1590). Mais à part ceux de Garrigou (bibliothèque) et de Deloume (salle des actes où se soutenaient les thèses), aucun nom n'est utilisé dans l'immédiat, pas plus que dans un futur plus éloigné.
10 Dix années plus tard, le décès de Maurice Hauriou fournit une occasion de passer à l'acte, non pas pour appliquer la précédente décision, mais pour en prendre une autre : l'Assemblée de Faculté du 3 novembre 1929 rend hommage au doyen en donnant son nom à une salle où les professeurs se réunissaient et utilisaient un vestiaire et qui deviendra plus tard la très officielle salle des professeurs. Mais il faut attendre le Conseil d'université du 21 janvier 1979 pour que le processus d'attribution redémarre, du moins au niveau des principes (et avec de nouvelles propositions) car les attributions s'échelonneront sur une vingtaine d'années. Entre la salle du conseil Gabriel Marty (1979) et l'amphithéâtre Henri Dupeyroux (2007), ce sont 16 autres locaux qui sont baptisés (dont 10 en 2007). Et tous les noms attribués ont encore cours en 2018. On notera cependant que quelques noms retenus ont été « oubliés », entre autres pour honorer la mémoire de professeurs récemment décédés alors qu'ils étaient encore en exercice. Cette circonstance n'avait pas été prévue par le Conseil d'université.
11 Enfin, le principe de donner à une salle le nom de Jean-Claude Cabanne (1944-1998), pourtant rapidement approuvé en Conseil à la suite de l'émotion causée par sa disparition précoce, n'a jamais été mis en œuvre. Les avis divergent sur cet « oubli » : certains pensent que Jean-Claude Cabanne n'était « que » maître de conférences dans un établissement où le cursus honorum est très présent, ce qui semble vouloir dire qu'il ne méritait pas cet hommage au regard des critères dominants de « son » institution ; d'autres font état de son positionnement politique gênant, réputé « à droite de la droite », quand quelques-uns évoquent le cumul des deux raisons.
Usure du temps… et des plaques mémorielles
12 Mais les ratés peuvent aussi venir de l'usure du temps, ce dernier effaçant des traces qui ne sont pas ou mal réactivées. Il peut s'agir d'abord d'effacements matériels, tels la disparition de plaques (vols, travaux, accidents) et leur non-remplacement, voire l'absence de plaques [9] : à l'université Toulouse I – Capitole, les noms des Professeurs Bye, Gabolde et Magnol, qui avaient été retenus pour des amphithéâtres sont abandonnés pour être attribuées à de simples salles, non signalées par une plaque. Dès lors, ces noms de lieux se sont rapidement et définitivement effacés.
13 Un exemple évocateur et quelque peu « clochemerlesque », concerne la récente (2013) Maison de la Recherche et de la Valorisation (MRV) située sur le Campus des Sciences de l'université Paul Sabatier, mais gérée par l'Université fédérale de Toulouse (UFT). Elle abrite à l'origine une seule salle nommée, la salle du conseil « Robert Lacroux », en hommage à un chimiste toulousain [10]. L'attribution du nom date en fait de l'époque où ces locaux étaient occupés par une grande école, l'ENSIACET. L'Université fédérale avait souhaité conserver un lien symbolique avec cet établissement car il fait partie de cette université. Or deux plaques qui ornaient les murs n'ont pas été à nouveau scellées après les travaux de rénovation du bâtiment.
14 La première rendait hommage à Georges Mignonac, ce professeur de la Faculté des Sciences de Toulouse, qui dès 1933, avait joué un rôle non négligeable dans la structuration de la discipline sur le plan local, notamment entre 1940 et 1950 quand il dirigeait l'Institut de Chimie.
15 La seconde honorait la mémoire de Jean-Pierre Riba (1944-2001), professeur de génie chimique et pionnier de la biotechnologie, décédé en 2001 des suites de l'explosion de l'usine AZF qui avait ravagé une partie de la ville. En juin 2002, lors d'une cérémonie en présence de ses anciens collègues, la plaque avait été dévoilée à l'entrée d'un amphithéâtre, et l'engagement de l'apposer dans un autre amphithéâtre qui porterait son nom dans les nouveaux locaux de l'ENSIACET [11] avait été pris. Hélas, la plaque a disparu au cours des travaux et le nom de Jean-Pierre Riba n'a pas été donné à un amphithéâtre du nouveau site de l'ENSIACET… ce qui a provoqué des remous dans la communauté concernée et dans la famille du défunt, remous que La Dépêche du Midi a rendu publics le 25 janvier 2015. Car ni l'ENSIACET, ni l'Université fédérale n'ont voulu endosser la responsabilité de l'incident : « On ne prend pas cette affaire à la légère, avance le Directeur de l'ENSIACET, à Labège, Jean-Marc Le Lanne […] Ni mes prédécesseurs, ni moi-même, n'avons reçu un courrier officiel de nos administrations nous informant qu'elle devait orner les nouveaux murs de l'ENSIACET. » Mais comme à Clochemerle, tout finit bien : en juin 2015, une autre plaque commémorative est apposée sur les murs d'un amphithéâtre de la nouvelle école INP-ENSIACET.
16 Cette affaire est cependant révélatrice à la fois de l'usure du temps car les deux établissements ont oublié les engagements patrimoniaux, et de la possibilité de réactivation de la mémoire au nom du « devoir de mémoire », sorte de pendant du droit à la mémoire d'un chercheur dès lors qu'il a été reconnu « méritant » par ses pairs.
17 Un autre raté du côté des plaques peut être attribué conjointement à la légèreté des acteurs de la patrimonialisation et aux « troubles de la mémoire » : un des vingt-quatre amphithéâtres de l'université Toulouse III – Paul Sabatier qui portent des noms de chercheurs s'est vu attribuer celui de Benjamin Baillaud (1848-1934), célèbre astronome toulousain dont la notoriété fut en son temps internationale. Si l'on en croit la plaque biographique, Benjamin Baillaud aurait dirigé l'Observatoire du Pic du Midi jusqu'en 1952, donc dix-huit ans après sa mort, ce qui constitue un exemple inédit de mandarinat post mortem. Manifestement l'auteur du texte a confondu le père (Benjamin) et le fils (Jules) qui, lui, a bien dirigé l'Observatoire, mais entre 1937 et 1947. Il est pour le moins étonnant que personne ne se soit aperçu de ces deux grossières erreurs… Sauf à considérer qu'au moment de l'attribution du nom, plus de soixante ans après la disparition de Benjamin Baillaud, la vie et l'œuvre du défunt ne faisaient plus vraiment sens pour des entrepreneurs de patrimoine, par ailleurs pas très regardants sur leurs sources.
Usure du temps et effacements mémoriels
18 En fait l'usure du temps est surtout celle de la mémoire. De sorte que les noms de lieux connaissent des effacements mémoriels progressifs, plus particulièrement quand le nommage n'a pas été suffisamment soigné, puis réactivé et/ou quand la figure scientifique n'a plus la même reconnaissance sociale qu'autrefois. La cause immédiate la plus fréquente est l'absence d'un panneau d'information retraçant brièvement la vie et l'œuvre des universitaires. Si l'université Toulouse III – Paul Sabatier a multiplié ces panneaux, sans pour autant les généraliser, il n'en va pas de même des deux autres universités. Ainsi, à Toulouse 1 – Capitole, la plupart des amphithéâtres nommés ne comportent qu'une plaque portant uniquement le nom. La majorité des étudiants qui utilisent aujourd'hui régulièrement ces locaux ne sont pas en mesure de donner une réponse correcte quand on les interroge sur l'identité professionnelle de ceux auxquels l'université a ainsi rendu hommage [12].
19 Autre exemple de même nature, à l'université Toulouse III – Paul Sabatier : Henri Brunet, professeur de physique, d'abord chercheur au Centre de Physique Atomique de Toulouse (CPAT), puis Directeur de ce laboratoire, a donné son nom à un bâtiment, également dénommé 3R3, qui abrite le laboratoire LAPLACE-UMR 5213. Le nom d'Henri Brunet est toujours bien en vue au-dessus de la porte d'entrée, mais aucune plaque ne rappelle qui il fut. Nous nous sommes posté à deux reprises à proximité du bâtiment et nous avons demandé chaque fois à trente membres du personnel de l'université Paul Sabatier sortant de ces locaux ou y pénétrant où se trouvait le bâtiment Henri Brunet : seul un sur cinq a donné la bonne réponse, mais trois sur cinq qui étaient affectés dans ce bâtiment ont répondu correctement. Par contre plus de quatre sur cinq connaissaient le bâtiment sous son autre nom (3R3). Il faut dire que le nom d'Henri Brunet a disparu de la signalétique (cf. infra) de l'UPS, au profit de 3R3.
20 L'effacement mémoriel peut aussi concerner des institutions, et par exemple des composantes. Ainsi à l'université Toulouse – Jean Jaurès, l'actuel Département de Géographie et Aménagement porte le nom d'Institut Daniel Faucher depuis 1966, date à laquelle a été célébré le Quarantième anniversaire de la nomination à Toulouse comme professeur de géographie de Daniel Faucher (1882-1970). Celui qui est considéré comme un des maîtres de la géographie française (il a joué un rôle important dans ce que l'on nommait alors « l'École de géographie de Toulouse », tournée vers la géographie sociale) s'était fortement investi sur le plan local, notamment en jouant un rôle majeur dans la création en 1930 de la Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest (aujourd'hui Sud-Ouest Européen) et surtout de l'Institut de Géographie. Il a également été doyen (1944-1952) de la Faculté des Lettres. Ce résistant « de la première heure » a été aussi très actif dans la vie civique locale : on lui doit, entre autres, la construction de la première cité universitaire toulousaine… qui porte toujours son nom [13].
21 À partir des années 1990, l'usage du nom de Daniel Faucher pour désigner le Département de géographie qui s'est substitué à l'Institut de géographie se perd progressivement, alors qu'il n'a pas été officiellement abandonné. Il n'y a guère que pour les « anciens », et surtout les retraités, qu'il fait encore usage et sens. Les autres sont néanmoins en partie excusables : aucune plaque, aucun signe matériel, aucune manifestation rituelle mémorielle, ne manifeste que cette institution a porté ce nom dans un passé pas si lointain.
22 Par-delà la spécificité de chacun, ces ratés rappellent que la temporalité dans laquelle vivent les publics actuels qui fréquentent l'université (étudiants, nouveaux chercheurs et enseignants-chercheurs…) n'est pas celle des entrepreneurs de mémoire, pour la plupart des pairs qui ont voulu, à un moment donné, honorer la figure d'autres pairs jugés « méritants » au regard des critères alors dominants et dont les traces étaient encore présentes dans les lieux de science qu'ils fréquentaient. Souvent fortement suggérée par les premiers acteurs de la patrimonialisation, l'évidence patrimoniale des attributions de noms résiste manifestement mal à l'épreuve du temps. Et ce phénomène questionne tous ceux, professionnels du patrimoine, experts, chercheurs […] que l'on convoque régulièrement pour interroger l'inscription des représentations du passé savant dans le présent de lieux et d'objets matériels et/ou immatériels au sein desquels elles reprennent vie. On notera toutefois que ceux dont la carrière s'inscrit dans l'exceptionnalité (on peut les assimiler aux « grands monuments ») et que l'on classe souvent dans la catégorie « figures remarquables », bénéficient d'un « effet-mémoire » qui parvient à résister, jusqu'à un certain point [14], aux attaques du temps. Les autres, dont la patrimonialisation témoigne d'une époque (patrimoine témoin) ou a d'abord une valeur d'information (patrimoine document), résistent moins.
Patrimoine, mémoire et signalétique
23 La signalétique est entendue ici comme l'ensemble des dispositifs de localisation, de guidage, d'orientation et d'information destinés à ceux qui fréquentent de manière pérenne ou temporaire les établissements d'enseignement supérieur. Elle s'appuie sur une sémantique qui utilise, souvent en les combinant, des signes divers : icones, mots, chiffres, logos, couleurs… Longtemps jugée accessoire tant par les professionnels que par les sciences humaines et sociales, elle bénéficie aujourd'hui d'un préjugé favorable : elle est considérée comme un marquage de l'espace, voire comme une ressource indispensable pour les pratiques ordinaires de mobilité. Et cela est confirmé par nos entretiens avec des responsables locaux. D'une certaine manière, sa montée en puissance dans les services publics traduit à la fois leur souci de modernisation, le passage progressif de l'usager au client, l'adoption d'une politique de l'attention et le basculement dans le marketing et la communication [15].
24 Elle permet aussi d'établir un lien entre ce que chaque établissement recèle en matière patrimoniale ou mémorielle, la multiplicité des publics (des usagers aux visiteurs occasionnels) et la variété de leurs centres d'intérêt et usages, mais aussi et surtout de rendre plus aisée leur orientation et leurs déplacements. Pour dire les choses plus simplement, elle facilite à la fois le repérage et l'accès à un élément patrimonial ou mémoriel, puis à son interprétation (via une plaque, un panneau d'information…), y compris pour des raisons liées à la vie quotidienne de l'établissement (par exemple assister à un cours dans un amphi « nommé » ou non, livrer un équipement…). Enfin, en le désignant, elle contribue à faire exister le patrimoine et à le singulariser, puis à le pérenniser. En quelque sorte, et à sa manière, la signalétique atteste que le lieu nommé est bien à sa place, dans un espace plus vaste dédié à la production et à l'enseignement des connaissances. De sorte que son absence ou son déficit n'est pas sans conséquences négatives (cf. supra).
25 Cette ambivalence peut être ouvertement revendiquée par les autorités universitaires. En effet, à la suite des agents responsables de la signalétique (patrimoine immobilier, information-communication, sécurité…), elles estiment de plus en plus fréquemment que les appellations de bâtiments et de locaux fondées sur les chiffres et les lettres manquent de lisibilité et de précision, surtout dans les grands campus. Ainsi, lors du baptême du bâtiment d'accueil de l'université Paul Sabatier qui portera le nom de Louis Lareng (07/10/2009), La Dépêche du Midi (10 octobre 2009) écrit « Bâtiment A, tripode B… la signalétique du pourtant immense campus scientifique de Rangueil est pour le moins “schématique”. D'où le souhait du Président Gilles Fourtanier de le rendre plus lisible en lui donnant des appellations plus perceptibles, autant pour les étudiants que pour les visiteurs ». En attribuant au bâtiment le nom d'un enseignant-chercheur local bénéficiant d'une notoriété internationale, également ancien président de cette université, on veut donc faire d'une pierre deux coups.
26 Cependant, l'instrumentalisation des noms de chercheurs au service de préoccupations pratiques, aussi légitimes soient‑elles, est susceptible d'avoir des effets imprévus surtout quand la signalétique devient une fin et non un moyen. Cela est d'autant plus évident lorsque, et c'est bien souvent le cas, le patrimoine est une préoccupation accessoire des responsables de la signalétique, voire des instances universitaires… ce que nos entretiens ont confirmé : aucun responsable interrogé n'a placé le patrimoine dans les priorités de la signalétique.
27 Quand il est élevé au rang d'impératif, le respect des standards de la signalétique risque de dispenser les autorités et les services universitaires de réactiver régulièrement la mémoire des lieux et des liens qui les relient aux chercheurs qui leur ont donné leur nom. L'impératif signalétique (se repérer, s'orienter, organiser l'espace) peut aussi, en raison de ses dimensions fonctionnelles, relativiser la place des récits, grands ou petits, qui parce qu'ils situaient et contextualisaient le chercheur honoré, ont longtemps accompagné, voire cadré, la patrimonialisation. Par ailleurs, la surabondance de signes standardisés dans un lieu et autour de lui ne garantit pas la circulation du sens dans l'espace et le temps. D'aucuns estiment même qu'en saturant ces espaces de signes, on vide le lieu de sa charge symbolique et donc de sa singularité, et on le transforme en un « non-lieu [16] ». Autrement dit un espace vidé de ce qui fait sens pour ceux qui le fréquentent régulièrement ou occasionnellement. Ainsi, pour de nombreux étudiants toulousains, le chimiste Paul Sabatier [17] qui a donné son nom à l'université Toulouse III, nom qui est mentionné dans de multiples espaces et supports toulousains (métro, voies urbaines, panneaux, plans de l'université éponyme et de la ville de Toulouse, cartes d'étudiant…), devient « Paul Sab ». Ce diminutif est moins la manifestation d'une affection reconnaissante que la marque d'une banalisation et d'une perte de lien entre lieu et usagers du lieu, ou alors la manifestation d'un usage du nom propre comme nom commun, sans lien avec la biographie de l'universitaire. Toutefois, la saturation de signes peut aussi, dans des conditions spécifiques, produire l'effet inverse. Ainsi, à l'Observatoire du Pic du Midi, espace confiné, la multiplication des plaques explicatives ou commémoratives, mais aussi d'autres signes (sculptures, photographies…), confère une dimension particulière (entre le musée des sciences et des techniques, le mémorial à la gloire des Pyrénées et de l'observation du ciel, et le centre d'interprétation du paysage) à ce lieu tourné désormais autant vers le tourisme que vers la science.
28 Enfin, la signalétique peut devenir un enjeu de communication… ce qui renforce les risques d'altération du sens que cette dernière peut faire courir au patrimoine.
Patrimoine et communication
29 Pendant plusieurs décennies, l'attribution d'un nom à des institutions, des bâtiments et des locaux était avant tout synonyme d'hommage. Toujours présente aujourd'hui, cette motivation se combine à des préoccupations communicationnelles ayant pour finalité la mise en visibilité et la promotion de l'institution, de son image, voire de sa marque. Le nom retenu est alors censé être chargé de caractéristiques communicationnelles positives pour l'objet matériel ou immatériel patrimonialisé. On mettra ici l'accent sur deux pratiques assez répandues : les dates anniversaires liées à la figure scientifique retenue et le nommage d'institutions (naming). On notera au passage que ces pratiques sont très présentes dans d'autres champs du social (culture, sport, industrie…). Et si la première met souvent directement ou indirectement la science en avant, la seconde peut aussi jouer sur d'autres registres.
Les dates anniversaires à connotation scientifique comme point d'accroche promotionnel
30 « Frénésie commémorative » oblige, la date anniversaire est désormais l'occasion non seulement de célébrer une figure scientifique ou une institution (établissement, institut, laboratoire…), mais aussi de réaliser des opérations de communication à des fins à la fois internes et externes. Sur le plan interne les universités espèrent renforcer les liens entre les membres en même temps que l'identité. Au niveau externe, elles attendent qu'en convoquant le passé dans ce qu'il a de glorieux, se confortera, et au besoin, se redessinera l'image-vitrine qu'elles veulent donner d'elles-mêmes, puis projeter vers tels ou tels publics. Au passage, bien sûr, elles pourront contribuer à la « promotion de la science », par exemple en redonnant une deuxième vie à des collections, ou en organisant des visites guidées, des expositions et des conférences.
31 Toutes les dates sont bonnes à prendre à partir du moment où elles sont susceptibles de mettre en visibilité ce que l'on veut montrer : naissance, décès, départ à la retraite, nomination comme professeur, attribution d'un prix prestigieux, réception dans une académie nationale française ou étrangère ; ou encore création d'un établissement, d'un institut ou d'un laboratoire, construction d'un bâtiment à forte valeur ajoutée (esthétique, historique, scientifique…) ou d'un grand équipement scientifique. On peut même prendre quelques libertés avec la chronologie : en 2016, la mécanique des fluides toulousaine a fêté solennellement ses 100 ans, alors que l'Institut de mécanique des fluides de Toulouse (IFMT) qui a véritablement installé la discipline sur le territoire n'a été créé qu'en 1930. Ici, la patrimonialisation cherche à intégrer des éléments antérieurs à l'objet central.
32 En 2012, le Centième anniversaire de l'attribution du Prix Nobel de chimie à Paul Sabatier a été l'occasion pour l'université qui porte son nom ainsi que pour l'Institut National Polytechnique [18] de communiquer durant plusieurs mois autour de cette thématique. Des réalisations et des événements destinés tantôt au grand public, tantôt aux usagers des établissements ont été programmés : musée temporaire d'objets, film (Sabatier, un savant si discret, réalisé par Jean-Michel Devos en 1995), projection de documents d'archives (Paul Sabatier, une vie bien remplie), conférences dans une salle municipale du centre-ville [19], expositions [20], posters dans des bâtiments de l'université Paul Sabatier et de certaines écoles d'ingénieurs, animations à l'occasion de la Fête de la science…
33 L'université Toulouse – Paul Sabatier a également édité une plaquette-papier qui est restée longtemps disponible en ligne. La première page comportait un titre « Une université qui a une histoire, la vôtre » placé au-dessous d'un portrait dessiné du chimiste. La huitième et dernière s'ouvrait sur un court texte de Bertrand Monthubert, Président en exercice, qui établissait un lien entre « l'illustre savant » dont on honorait la mémoire et l'université qui porte son nom, laissant entendre qu'elle véhicule ce qu'il incarnait. Entre ces pages, rien sur le savant, mais des références appuyées à des éléments valorisants pour l'Université liés à la figure du chercheur et plus largement à la science (production, diffusion et valorisation des connaissances, innovation, progrès, partenariats avec l'industrie).
34 Cet exemple parmi d'autres montre que la date anniversaire peut aussi être un média au sens de Jean Davallon [21] : mise en scène et insérée dans les dispositifs adéquats, elle est susceptible de donner à voir et à mieux comprendre, en orientant le regard des publics, le travail, l'apport, la vie […] du chercheur, et à travers sa figure, à appréhender sinon « la science » et les institutions scientifiques, du moins leurs représentations que l'institution veut valoriser. Il révèle aussi que la communication qui porte moins sur l'institution ou sur ce qu'elle offre « concrètement » (des formations, des experts, par exemple) que sur ce qu'elle symbolise (une image « positive », les connaissances, leur utilité sociale, les figures qui les ont produites…) est désormais considérée comme un élément stratégique important. Tellement important qu'elle peut aussi passer par d'autres voies que la date anniversaire. Et par exemple par des magazines très éditorialisés qui mettent directement en avant la recherche, productrice de connaissances, à travers d'une part son histoire et ses grands récits, d'autre part ses dimensions contemporaines fictionnalisées (un chercheur, la vie d'un laboratoire, une découverte, la construction d'un projet de recherche…) : l'université de Strasbourg a son magazine Savoirs, Lyon I édite Club, l'université de Bordeaux a créé U au moment de la fusion entre plusieurs établissements. L'université Paul Sabatier avait aussi son propre magazine qu'elle a abandonné quand l'Université fédérale de Toulouse a fondé le sien (Explorer), disparu en 2017. Quant aux magazines universitaires traditionnels, ils laissent désormais une plus grande place à ces « nouvelles thématiques » et à leurs « nouveaux » modes de traitement.
Le nommage et ses vertus communicationnelles
35 Le nommage est une pratique qui vise à donner des connotations positives, voire une identité ou une image spécifique à un édifice, un équipement, une institution dont l'architecture, la fonction ou les activités sont voisines de celles que l'on rencontre dans d'autres lieux de même nature. Pendant longtemps, il a concerné le lieu d'implantation (université de Toulouse, Faculté de sciences de Toulouse…) et, plus exceptionnellement, un chercheur ou un intellectuel dont la notoriété dépassait manifestement l'espace local ou régional. On était alors de plain-pied dans une pratique de marquage identitaire qui a souvent bénéficié à des amphithéâtres, des salles de professeurs, des salles du conseil ou des thèses, ainsi que des bâtiments. Désormais, on observe le développement de pratiques de naming qui s'inscrivent davantage dans une stratégie de marque, même si la notion de marque est encore largement rejetée par les milieux académiques. Les trois universités toulousaines fournissent autant d'études de cas de cette évolution qui a par deux fois posé problème sur le site ou dans les établissements concernés.
36 C'est le 18 décembre 1969, dans la foulée de la fusion des anciennes Facultés des Sciences, de Médecine et de Pharmacie et de l'autonomie des universités, toutes deux liées à la Loi Faure, que l'université Toulouse III ajoute à son nom celui de « Paul Sabatier ». L'attribution n'a guère fait problème, même si, à la demande de quelques professeurs de médecine, le nom du Professeur Joseph Ducuing [22] a été un temps proposé. Il faut dire qu'à cette époque les stratégies communicationnelles et commerciales étaient ignorées des établissements d'enseignement supérieur. Et surtout que la figure de Paul Sabatier était consensuelle, tant sur le plan scientifique que sur celui de la création de structures universitaires innovantes, en liaison avec le tissu économique et politique local.
37 Il n'en va pas de même pour l'attribution, très contestée, en mars 2014, du nom de Jean Jaurès à l'université Toulouse II – Le Mirail [23], en lieu et place du chiffre accolé à son intitulé et du nom d'un quartier connu au départ comme un lieu d'innovation architecturale et urbanistique, puis assez rapidement comme un quartier dit « sensible ». En fait, l'idée du changement de nom était portée depuis les années 2000 par les Présidents successifs et par des enseignants-chercheurs qui souhaitaient un marqueur territorial ayant une dimension académique forte. Et de fait, avant d'être « Jaurès », cet homme politique de premier plan, né dans le Tarn – dont on commémorait en 2014 le centenaire de la mort – avait été docteur et enseignant à la Faculté des Lettres de Toulouse, mais aussi adjoint au maire de la ville et chroniqueur régulier dans le quotidien local La Dépêche. Les partisans du changement de nom s'appuyaient aussi sur quelques arguments plus « techniques » ou « pragmatiques » marquant un décrochage avec le quartier du Mirail : l'UT2 était présente sur d'autres sites régionaux (Blagnac Figeac, Foix, Montauban), elle avait depuis sa création connu un certain nombre de changements significatifs qui l'avaient transformée (modification des statuts, reconstruction totale du campus…).
38 En fait, la nouvelle équipe a plutôt cédé à la tentation de faire disparaître le nom du quartier en raison de sa charge négative sur l'image de l'établissement… tout en s'inscrivant discrètement dans la stratégie de nommage qui affecte nationalement nombre d'universités et qui vise souvent, en sus de préoccupations identitaires, à supprimer ou relativiser le chiffre lié à son intitulé. Et ce, afin d'augmenter la notoriété de l'établissement et de le rendre plus visible, surtout « à l'international ».
39 Toujours est‑il que cette décision a été contestée, multiples arguments hétérogènes à l'appui : le projet de construction a, dès 1965, intégré des relations multiples, y compris sur le plan architectural, entre l'université et le nouveau quartier du Mirail ; l'identité de l'université est déjà construite au moment du débat sur le changement de nom ; de nombreux étudiants et membres des personnels sont attachés à la référence au quartier ; il existe des traditions de dialogue et de travail avec les habitants et les associations du quartier, notamment à l'occasion de nombreuses recherches de terrain, surtout en géographie et en sociologie ; la référence à la localisation est synonyme de tolérance, d'ouverture et d'échanges, et donc de valeurs universitaires traditionnelles toujours revendiquées… Jaurès lui-même a été remis en question : trop à gauche pour certains, trop social-démocrate pour d'autres. Une pétition pour que l'université garde son nom a même été lancée (elle obtiendra 1551 soutiens) [24]. En pure perte… Il faut cependant reconnaître que quelques mois plus tard le soufflé est retombé et qu'en 2018 cette polémique semble oubliée. Le nouveau nom s'est donc banalisé.
40 Pour sa part, l'université Toulouse I – Sciences Sociales a changé de dénomination en 2009 pour devenir l'université Toulouse I – Capitole. Le nouveau nom n'a donc rien à voir avec un universitaire prestigieux. Il entend signifier que cette université, la seule à être restée dans le centre historique, s'identifie à un symbole patrimonial fort de Toulouse et du « pouvoir local », le Capitole, à la fois place centrale, Hôtel de Ville (les Capitouls étaient le nom donné aux conseillers municipaux sous l'Ancien Régime) et opéra de réputation internationale. Mais le terme renvoie aussi à un symbole connu internationalement : « Notre ancien nom ne plaidait pas en notre faveur […] Nous avions besoin d'un véritable ancrage géographique. La réflexion a duré plusieurs mois et nous avons très rapidement opté pour Capitole. À l'international, tout le monde comprend. Il y a un Capitole à Washington, un Capitole à Rome. Et puis, ce mot est associé à deux idées : centre de la cité et endroit où se font les lois. Cela correspond donc parfaitement ! » (Bruno Sire, Président, Objectifs News-La Tribune.fr, 02/09/2009). Dans les autres universités, des autorités se sont exprimées mezzo voce – on reste entre gens bien élevés – pour critiquer ou regretter l'annexion par une seule université du Capitole, patrimoine toulousain commun. En pure perte, là aussi…
La patrimonialisation au risque de la communication ?
41 À travers l'exemple des trois universités toulousaines, on constate que l'attribution d'un nom à une université ou une de ses composantes, puis la « gestion » de ce nom à moyen ou long terme, ne sont jamais neutres et que leurs motivations et modalités varient d'une période à une autre. En même temps, ces processus s'inscrivent toujours dans un projet au sein duquel le patrimoine est présent. Il faut en outre constater que leurs dimensions immédiatement scientifiques se sont combinées et se combinent encore avec des considérations locales et régionales. Car il s'agit désormais de se mettre en visibilité, si possible à travers un discours d'excellence, dans sa « zone de chalandise » pour attirer l'attention d'étudiants, d'anciens étudiants (alumni), de chercheurs, d'entreprises, de collectivités publiques, de financeurs, de média [25]. Mais également en dehors, car la concurrence entre universités est désormais européenne [26], voire mondiale. Dès lors, quoi de plus précieux que la figure d'un chercheur à la fois incontesté en raison de son capital scientifique (publications, positions occupées dans les institutions académiques, appartenance à des académies nationales et internationales, récipiendaire de prix…) et fortement inscrit localement, notamment en raison d'investissements aisément observables dans les structures d'enseignement et de recherche du territoire, mais aussi dans des associations, voire dans des fonctions électives locales. Ou encore celle d'un homme politique « historique », également passé par l'université de Toulouse.
42 Mais alors, il est difficile d'évoquer la patrimonialisation sans s'intéresser à son inscription matérielle et symbolique dans les stratégies et les dispositifs de communication. Cela revient à se poser des questions que l'on se pose peu, mais qui ont été pointées par Igor Babou et Joëlle Le Marec [27] : quid de la cohabitation entre les normes scientifiques souvent invoquées (rigueur, prise de distance avec l'objet…), les normes patrimoniales et les normes communicationnelles ? Dans des cas limites, les normes communicationnelles peuvent‑elles devenir des opérateurs de légitimité, et avec quelles conséquences ? Le temps de la science et le temps du patrimoine font‑ils toujours bon ménage avec celui de la communication ? La communication peut‑elle précéder la patrimonialisation, ou pour dire les choses de façon plus crue, les préoccupations communicationnelles peuvent‑elles susciter, puis donner forme, à des dynamiques patrimoniales ?
43 Répondre à ces interrogations nécessite un travail de recherche qui dépasse le cadre de cet article et surtout des données de terrain que nous avons pu recueillir dans le cadre du projet PASTEL. Qu'il nous soit toutefois permis d'avancer quelques remarques. Tout d'abord, l'impératif communicationnel qui traverse les universités s'inscrit dans une stratégie d'ouverture qui n'est pas toujours définie de façon suffisamment précise [28], alors que la patrimonialisation scientifique comporte nécessairement une dimension se rapportant à l'identité, au retour sur soi, et parfois à l'entre-soi. Le risque d'incompatibilité est réel, mais non inéluctable pour peu que le choix de la figure scientifique locale qui « donnera » son nom fasse l'objet d'un processus démocratique interne qui ne saurait se limiter aux seules instances officielles, à savoir les différents conseils de l'université. Cela suppose qu'il existe dans ladite université une communauté de pratiques mémorielles et patrimoniales qui se préoccupe de s'ouvrir non seulement vers le monde académique, mais aussi vers les professionnels des musées, de la culture scientifique et technique et de l'enseignement, et au‑delà vers des publics plus larges.
44 On notera ensuite que l'appel au patrimoine scientifique local ou plus simplement à la mémoire locale invite à donner une place particulière aux spécificités de l'établissement dans la mesure où la figure scientifique est en quelque sorte un « bien commun local » que l'on souhaite partager avec d'autres en raison de l'intérêt qu'elle représente sinon pour toute la communauté scientifique, du moins pour une partie d'entre elle. Il suffirait alors que la communication universitaire sorte du langage standardisé (les fameux éléments de langage) qui est encore trop souvent le sien, au profit d'un discours moins convenu dans lequel la restitution de ce bien à la communauté scientifique serait mise en exergue. On se situerait ainsi dans la perspective d'un patrimoine ou d'une mémoire « revendiqué(e) », ce qui le (la) ferait entrer de manière assumée dans une autre temporalité : la nôtre. En fin de compte, il s'agirait d'articuler la volonté de patrimonialiser avec une stratégie de communication basée pour tout ou partie sur ces figures, en espérant que cette relation aidera à la pérennisation du sens de la patrimonialisation pour la communauté universitaire.
45 Par-delà l'interrogation des « ratés » du processus et de ses dispositifs, de la signalétique et de la communication patrimoniale ou mémorielle, ce détour sur quelques impensés de la patrimonialisation a permis de mettre l'accent sur les fractures et surtout sur les entrelacs du temps : quand on invoque le passé, le présent et le futur ne sont jamais très loin, ce qui est une manière convenue de dire que le passé et le futur sont en permanence recombinés par le présent, souvent au profit de ce dernier. Il a ensuite l'intérêt de rappeler ce que les promoteurs de la cause patrimoniale ou mémorielle ont parfois tendance à oublier : la patrimonialisation doit être une source de réflexivité pour ceux qui s'y investissent. Enfin, il vise à interpeler ceux qui pensent le processus (chercheurs, professionnels…) et à leur faire prendre conscience que ce qu'ils disent et ce qu'ils font alimente les discours et les pratiques qui contribuent à construire la patrimonialisation.
Bibliographie
Bibliographie
- Augé Marc, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil, 2002.
- Babou Igor, Joëlle Le Marec, « Les pratiques de communication professionnelle dans les institutions scientifiques. Processus d'autonomisation », Revue d'anthropologie des connaissances, vol. 2, 1, 2008, p. 115-142.
- Barats Christine, « Textes numériques ou sur le numérique. Rhétorique de l'internationalisation et attractivité des universités parisiennes », in Defays J.‑M., Englebert A. (dir.), Acteurs et contextes des discours universitaires, Paris, L'Harmattan, vol. 2, 2009, p. 209-225.
- Boudia Soraya, Anne Rasmussen, Sébastien Soubiran (dir.), Patrimoine et communautés savantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Art et Société, 2009.
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- Davallon Jean, « Le musée est‑il vraiment un média ? », Publics et Musées, 2, 1992, p. 199-123.
- Davallon Jean, « À propos des régimes de patrimonialisation : enjeux et questions », colloque Patrimonialiização e sustentabilidade do patrimonio : reflexão e prospectiva, Lisbonne, Portugal, 2014.
- Delvit Philippe, Noms de lieux à UT1 Sciences sociales. Les espaces de la reconnaissance universitaire, Toulouse, Centre toulousain d'histoire du droit et des idées politiques, 2005.
- Denis Jérôme, David Pontille, Petite Sociologie de la signalétique : les coulisses des panneaux du métro, Paris, Presses des mines, coll. Sciences sociales, 2010.
- Gaspard Jeoffrey, « Le discours promotionnel des universités européennes. Homogénéité dans la compétitivité ? », Mots. Les Langages du Politique, 102, 2013, p. 53-66.
- Givre Olivier, Madina Regnault (dir.), Patrimonialisations croisées : jeux d'échelles et enjeux de développement, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2015.
- Granget Lucia, « Les universités en quête de prestige dans le grand jeu de la concurrence : le rôle de la communication marketing et l'impact des palmarès », Communication et Organisation, 35, 2009, p. 148-157.
- Laroche Jean, « Éloge de M. Robert Lacroux », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, série 17, t. X, vol. 161, 1999, p. 51-52.
- Lattes Armand, « Paul Sabatier, Prix Nobel de chimie 1912 : un universitaire régionaliste et chercheur de talent. Biographie et œuvre scientifique », Actualité Chimique, octobre-novembre, 367-368, 2012, p. 8-18.
- Miège Bernard, La Société conquise par la communication, Grenoble, PUG, 1989.
- Papy Louis, « Daniel Faucher (1882-1970) », Annales de Géographie, 1971, 440, p. 385-389
- Taillefer François, « Daniel Faucher », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 3-4, 1970, p. 213-218.
Notes
-
[1]
Les données empiriques sur lesquelles s'appuie cet article ont été recueillies à travers un travail d'archive et d'observation, complété par des entretiens avec des acteurs de la patrimonialisation scientifique (chercheurs, enseignants-chercheurs, agents des services en charge du patrimoine, de la communication et de la culture).
-
[2]
Jean Davallon, « À propos des régimes de patrimonialisation : enjeux et questions », colloque Patrimonialização e sustentabilidade do patrimonio : reflexão e prospectiva, Lisbonne, 2014.
-
[3]
La notion d'entrepreneurs de patrimoine, empruntée à la sociologie de l'action collective, doit s'entendre dans le sens d'entrepreneurs de causes, c'est‑à-dire d'acteurs individuels ou collectifs qui tentent de promouvoir une cause et de mobiliser autour d'un projet. Il s'agit ici le plus souvent soit de chercheurs qui ont une proximité symbolique et/ou matérielle avec le scientifique à honorer (ainsi qu'une position qui leur permet d'agir), soit d'institutions généralement académiques.
-
[4]
Soraya Boudia, Anne Rasmussen, Sébastien Soubiran (dir.), Patrimoine et communautés savantes, Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. Art et Société, 2009.
-
[5]
Olivier Givre, Madina Regnault (dir.), Patrimonialisations croisées : jeux d'échelles et enjeux de développement, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2015.
-
[6]
Bernard Miège, La Société conquise par la communication, Grenoble, PUG, 1989.
-
[7]
La plupart des informations sont tirées de travaux réalisés au sein de cette université, et notamment : Philippe Delvit, Noms de lieux à UT1 Sciences sociales. Les espaces de la reconnaissance universitaire, Toulouse, Centre toulousain d'histoire du droit et des idées politiques, 2005 ; André Cabanis, Philippe Delvit, Les Plaques d'amphi, UT1, Toulouse, Mission archives, Université des sciences sociales, Polycopié, 2007.
-
[8]
Maurice Hauriou (1856-1929) est une figure tutélaire du droit toulousain, voire français. Il était professeur de droit public à la Faculté de Droit de Toulouse, dont il fut également le doyen (1906-1926). Ses travaux sur l'État ont marqué profondément et durablement les théories du droit public français (théorie de l'État, théorie du service public). Il est à l'origine de ce que l'on a appelé l'École de Toulouse.
-
[9]
Parfois, ce sont les bâtiments ou les locaux nommés qui disparaissent, pour laisser la place à de nouveaux… à qui l'on ne réattribue pas le nom : ainsi, à l'université Toulouse – Jean Jaurès, les amphithéâtres dédiés à Jean-Pierre Vernant (1914-2007) et à Vladimir Jankélévitch (1903-1985), deux universitaires éminents passés par l'université de Toulouse au moment de la Seconde guerre mondiale et tous deux fortement impliqués dans la Résistance locale, n'ont pas résisté à la reconstruction quasi-totale de cette université. Et leurs noms n'ont pas été donnés aux nouveaux locaux. Même chose à la Faculté des Sciences de Purpan, où l'amphithéâtre Yves Laporte (1920-2012, professeur de médecine à Toulouse, professeur au Collège de France – 1972-1991 – et membre de l'Académie des sciences) a été démoli et jamais remplacé. Le nom du professeur s'est donc évaporé en même temps que le local.
-
[10]
Jean Laroche, « Éloge de M. Robert Lacroux », Mémoires de l'académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, Série 17, t. X, 1999, vol. 161, p. 51-52.
-
[11]
École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques.
-
[12]
En avril 2016, nous avons interrogé 150 étudiants devant cinq amphithéâtres portant les noms de professeurs de générations différentes (Achille Mestre, Georges Boyer, Henri Dupeyroux, Paul Couzinet et Pierre Montané de la Roque). Moins de 10 % ont répondu de façon satisfaisante sur l'identité professionnelle de ces enseignants-chercheurs.
-
[13]
Pour plus d'informations sur Daniel Faucher, cf. Louis Papy, « Daniel Faucher (1882-1970) », Annales de Géographie, 440, 1971, p. 385-389 et François Taillefer, « Daniel Faucher », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1970, nos 3-4, p. 213-218.
-
[14]
Dans notre corpus, on peut par exemple, citer Maurice Hauriou (cf. supra) et surtout Paul Sabatier, Prix Nobel de chimie (cf. infra).
-
[15]
Jérôme Denis, David Pontille, Petite sociologie de la signalétique : les coulisses des panneaux du métro, Paris, Presses des Mines, coll. Sciences sociales, 2010.
-
[16]
Marc Augé, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil, 2002.
-
[17]
Paul Sabatier (1854-1941) a été élu en 1884 professeur titulaire de la chaire de chimie générale de la Faculté des Sciences de Toulouse, poste qu'il a occupé jusqu'à son départ en retraite en 1930. Il est devenu doyen en 1905 et pendant son long décanat il a été un acteur très impliqué dans la structuration locale de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour ses travaux, il a reçu un nombre important de distinctions, la plus prestigieuse étant le Prix Nobel de Chimie (1912), partagé avec le nancéen Victor Grignard. Il a été notamment membre de l'Académie des Sciences et de la Royal Society (1918) et… Mainteneur de l'Académie des Jeux Floraux à partir de 1909, honneur auquel il tenait beaucoup. Voir Armand Lattes, « Paul Sabatier, Prix Nobel de chimie 1912 : un universitaire régionaliste et chercheur de talent. Biographie et œuvre scientifique », Actualité chimique, octobre-novembre, 2012, nos 367-368, p. 8-18.
-
[18]
Paul Sabatier avait participé à la création, au sein de la Faculté des Sciences de Toulouse, des Instituts d'Agronomie, d'Électrotechnique et de Chimie. Ils correspondent aujourd'hui aux trois écoles fondatrices de l'INP de Toulouse : l'École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse (ENSAT), l'École nationale supérieure d'électrotechnique, d'électronique, d'hydraulique et de télécommunications (ENSEEIHT) et l'ENSIACET (cf. supra).
-
[19]
Itinéraire d'un scientifique régionaliste convaincu : vie et œuvre scientifique de Paul Sabatier ; Catalyse, vous avez dit catalyse ? Domaines émergents : catalyse et nanosciences ; table ronde avec des industriels et des chercheurs, intitulée « Depuis Paul Sabatier, la catalyse est partout ».
-
[20]
Une exposition photographique (Regards sur la chimie), une exposition sur la chimie dans la vie quotidienne (Nom de code chimie) et enfin l'exposition de la réplique taille réelle du Rover (Curiosity), des directs depuis la planète Mars et des rencontres avec les scientifiques de l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (Du Nobel à Curiosity… Curiosity n'est pas un vilain défaut).
-
[21]
Jean Davallon, « Le musée est‑il vraiment un média ? », Publics et Musées, 1992, 2, p. 199-123.
-
[22]
Joseph Ducuing (1885-1963), était un chirurgien et un cancérologue réputé (auteur de nombreux travaux, Président de l'Association Française pour l'Étude du Cancer en 1952), mais aussi une « grande figure locale », très investie à divers niveaux : directeur du Centre Anti-Cancéreux de Toulouse, directeur de l'Hôpital Varsovie créé pour accueillir les victimes du franquisme et qui porte le nom de Joseph Ducuing depuis 1976, résistant…
-
[23]
La presse nationale a fait état de cette polémique. Cf., par exemple, cet article du Figaro.fr (10/03/2014) : http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/toulouse-le-changement-de-nom-de-l-universite-le-mirail-fait-debat-4536/
- [24]
-
[25]
Cf. Christine Barats, « Textes numériques ou sur le numérique. Rhétorique de l'internationalisation et attractivité des universités parisiennes », in Defays J.‑M., Englebert A. (dir.), Acteurs et contextes des discours universitaires, Paris, L'Harmattan, vol. 2, p. 209-225, 2009 ; Lucia Granget, « Les universités en quête de prestige dans le grand jeu de la concurrence : le rôle de la communication marketing et l'impact des palmarès », Communication et Organisation, 35, 2009, p. 148-157.
-
[26]
Jeoffrey Gaspard, « Le discours promotionnel des universités européennes. Homogénéité dans la compétitivité ? », Mots. Les Langages du politique, 102, 2013, p. 53-66.
-
[27]
Igor Babou, Joëlle Le Marec, « Les pratiques de communication professionnelle dans les institutions scientifiques. Processus d'autonomisation », Revue d'anthropologie des connaissances, vol. 2, 1, 2008, p. 115-142.
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[28]
Jeoffrey Gaspard, op. cit.