Notes
-
[1]
Pour écrire cet article, je me suis appuyée sur une expérience de terrain s’étalant sur près de huit années, à militer au sein de la société civile et à côtoyer ses acteurs nationaux comme internationaux, ainsi que nombre de décideurs politiques. Entre juin 2011 et décembre 2015, j’étais directrice du programme Liban puis directrice de bureau du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) à Beyrouth. Depuis 2016, je milite au sein de l’ONG libanaise Act for the Disappeared.
-
[2]
Entretien, 5 novembre 2019, Beyrouth.
-
[3]
Journal officiel libanais (en arabe), 6 décembre 2018, numéro 52, loi 105 du 30 novembre 2018, p. 5546. Pour une version de la loi en arabe et en anglais, voir Law 105 : Law on Missing and Forcibly Disappeared Persons, UMAM, Beyrouth, 2019.
-
[4]
Sur la réconciliation “officielle” voir Dima de Clerck, « Government-sponsored resettlement and reconciliation in post-war Lebanon » in Positive Peace for Lebanon : Reconciliation, Reform and Resilience, Accord, Issue 24, 2012, p. 49-57 et D. de Clerck, 2015, Les relations druzo-chrétiennes dans le Mont-Liban Sud à l’épreuve des guerres et des réconciliations, des représentations et des mémoires, thèse de doctorat, Sorbonne Paris 1.
-
[5]
Voir Lyna Comaty, Post-conflict Transition in Lebanon : The Disappeared of the Civil War, Taylor and Francis, Routledge Studies in Middle Eastern Society, 2019.
-
[6]
Voir Kora Andrieu, La justice transitionnelle, Gallimard-Folio/Essais, Paris, 2012.
-
[7]
Les chiffres à disposition des ONG sont basés sur des listes documentées. Néanmoins, le chiffre de 17000 disparus est médiatisé par la société civile qui se base sur un rapport publié en mars 1992 par le gouvernement libanais sur le nombre total de victimes de la guerre entre 1975 et 1990. ICTJ, Lebanon’s Legacy of Political Violence : A Mapping of Serious Violations of International Human Rights and Humanitarian Law in Lebanon, 1975 – 2008, Beirut, 2013, p. 70, citant Human Rights Watch, World Report 1993/Liban, 1.
-
[8]
“Memory Map”, Act for the Disappeared : http://mapofmemorylebanon.webflow.io/en/home.Consulté le 12 juin 2019.
-
[9]
CICR Beyrouth, 20 août 2019.
-
[10]
Entretien, 19 juin 2019, Beyrouth.
-
[11]
The International Center for Transitional Justice (ICTJ), Failing to Deal with the Past : What Cost to Lebanon ?, Beirut, 2014, p. 16.
-
[12]
Lynn Maalouf, « Mémoires collectives et sort des victimes », dans Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), sous la direction de Franck Mermier et Christophe Varin, Sindbad, Actes Sud, Paris, 2010, p. 265-284.
-
[13]
Voir le rapport de ICTJ, Living with the Shadows of the Past : The Impact of Disappearances on the Wives of the Disappeared, Beyrouth, 2015.
-
[14]
En 2012, les associations de familles de disparus ont déposé une pétition auprès du Conseil d’État demandant à avoir accès au dossier de la commission créée en 2000 pour enquêter sur les cas de disparitions. Un arrêt du Conseil d’État en date du 4 mars 2014 est venu confirmer le droit des proches de personnes disparues de savoir ce qu’il est advenu des leurs.
-
[15]
Raquel ‘Utayek, « La Chambre des députés déposera-t-elle une motion de confiance contre les ministres ? » (en arabe), Al-Joumhouriya, 1 juin 2019.
-
[16]
Elias Khoury, préface de la publication de Act for the Disappeared, Do not let my story end here, Beirut, 2017, p. 3.
-
[17]
Voir Amal Khalil, « La loi sur les disparus a été enfin adoptée : Tous sont innocents du « sang de ce saint »» (en arabe), Al-Akhbâr, 13 novembre 2019.
-
[18]
Le ministre Bassil doit rebrousser chemin à la suite de mouvements de protestation à ‘Aley qui dégénèrent en échanges de tirs entre partisans du PSP et son rival dans la communauté druze, le député Talal Arslân, un loyaliste proche du CPL. Les accrochages firent deux morts chez les partisans d’Arslân (Tilda Abou Rizk « Une tournée de Bassil à Aley déclenche un affrontement interdruze », OLJ, 1 juillet 2019).
-
[19]
Claire Grandchamps, « Ces petites phrases de Gebran Bassil qui ont engendré des polémiques », OLJ, 4 juillet 2019.
-
[20]
OLJ, 1 juillet 2019.
-
[21]
Ibid. Voir Carmen Abou Jaoudé, « Le Liban, un modèle de réconciliation ? », OLJ, 28 octobre 2017.
-
[22]
L’accord de Doha débouche sur l’élection de Michel Sleiman, commandant en chef de l’Armée libanaise (2009-2014). Jeanine Jalkh, « L’accord de Doha, onze ans après », OLJ, 22 mai 2019.
-
[23]
Voir Elizabeth Picard, The Demobilization of the Lebanese Militias, Oxford : Centre for Lebanese Studies, 1999 et Dima de Clerck, “Ex-militia fighters in post-war Lebanon”, in Positive Peace for Lebanon : Reconciliation, Reform and Resilience, Accord, Issue 24, 2012, p. 24-26.
-
[24]
ICTJ, How People Talk About the Lebanon Wars : A Study of the Perceptions and Expectations of Residents in Greater Beirut, Beirut, 2014.
-
[25]
Ibid. p. 9.
-
[26]
Entretien, 10 juillet 2019, Beyrouth. L’écrivain a fait partie du groupe de réflexion et du consortium d’acteurs de la société civile, organisé au Liban par ICTJ entre 2013 et 2014. Le consortium a publié des recommandations dans Confronting the Legacy of Political Violence in Lebanon : an Agenda for Change, ICTJ, Beirut, 2014.
-
[27]
Voir Pierre Hazan, La Paix contre la justice ? Comment reconstruire un État avec des criminels de guerre, Bruxelles : GRIP : A. Versailles, 2010.
-
[28]
Julien Abi Ramia, « Au Liban, 40 ans de réconciliations pour tourner la page de la guerre », OLJ, 1 décembre 2018.
-
[29]
Voir Dima de Clerck, « Guerre, rupture et frontière identitaire dans le Sud du Mont-Liban. Les relations revisitées entre druzes et chrétiens de la Montagne », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2009/3 (n° 103), p. 163-176. Voir aussi sa thèse, 2015, op. cit.
-
[30]
Voir Dima de Clerck, « Le « Retour des morts ». La place des morts chrétiens dans le Sud du Mont-Liban » dans Autour des morts de guerre Maghreb - Moyen-Orient, sous la direction deR. Branche, N. Picaudou, P. Vermeren, 2013.
-
[31]
En août 2000, le président Amine Gemayel signe solennellement avec le leader du PSP, Walid Joumblatt, un « pacte d’honneur », premier pas vers une réconciliation entre les deux communautés. Julien Abi Ramia, op. cit.
-
[32]
Sandra Noujeim, « L’alliance Aoun-Geagea suscite à la fois exaltation et craintes », OLJ, 19 janvier 2016.
-
[33]
Zeina Antonios, « À Bkerké, Geagea et Frangié mettent fin à une discorde vieille de 40 ans », OLJ, 15 novembre 2018.
-
[34]
Voir Aida Kanafani-Zahar : Liban. La guerre et la mémoire, Presses Universitaires de Rennes, 2011.
-
[35]
Carmen Abou Jaoudé, “No Justice, No Peace. Transitional justice in Lebanon : An approach that brings justice to the victims of the war and political violence, and restores citizens’ trust in the State”, supplément spécial publié par le projet « La consolidation de la paix au Liban » du PNUD, numéro 15, 13 avril 2017.
-
[36]
Lois 190 et 193 du 4/1/1993, Journal officiel libanais. Voir Dima de Clerck, 2015, op. cit. et Annie Tohmé Tabet et Choghig Kasparian, Retour des déplacés dans leurs villages au Liban : Damour, Bireh et Kfar Qatra (1992-2009), Presses de l’Université Saint-Joseph, Beyrouth, 2015.
-
[37]
Dima de Clerck, 2012, op. cit., p. 53.
-
[38]
Voir Dima de Clerck 2012, op. cit., pp. 49-57.
-
[39]
Dima de Clerck, 2012, op. cit., p. 53. Walid Joumblatt a conservé sa mainmise sur le ministère jusqu’en 2018 en avalisant toutes les nominations à la tête de l’institution depuis sa création. En 2018, le nouveau ministre, Ghassan Atallah, est choisi par le CPL. Simon Abi Ramia, député CPL, a récemment confirmé que seuls 15 à 20 % de déplacés seraient retournés chez eux, Lebanese Broadcasting Corporation (LBC) « Vision 2030 », 4 juillet 2019.
-
[40]
Carla Eddé, « Les mémoires des acteurs de la guerre : le conflit revisité par ses protagonistes », dans Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), op. cit., p. 26.
-
[41]
Voir Mara Albrecht and Bassel Akar, The Power of Remembrance : Political Parties, Memory, and Learning about the Past in Lebanon. Zouk Mosbeh : Center for Applied Research in Education at Notre Dame University-Louaize and forum ZFD, 2016.
-
[42]
Voir Sune Haugbolle, War and Memory in Lebanon, Cambridge, 2010.
-
[43]
Voir Fushat ‘Amal (espace d’espoir) un projet mémorial virtuel et interactif créé par Act for the Disappeared, https://www.fushatamal.org/. Consulté le 27 juillet 2019.
-
[44]
Voir Aida Kanafani-Zahar, op. cit.
-
[45]
Wadad Halwani, « Lorsque les disparus de la guerre contribuent à la consolidation de la paix civile », supplément spécial publié par le projet « La consolidation de la paix au Liban » du PNUD, numéro 21, Beyrouth, 27 mai 2019.
-
[46]
Les tentatives d’assassinat des anciens ministres Marwan Hamadé (1er octobre 2004) et Elias el Mur (12 juillet 2005), et l’assassinat, le 21 juin 2005, de l’ancien dirigeant du Parti communiste libanais Georges Hawi. Voir sur le site du TSL, « Affaires connexes, Hamadeh, Hawi et El-Murr (STL-11-02) », https://www.stl-tsl.org/fr/the-cases/stl-11-02. Consulté le 15 juillet 2019.
-
[47]
Sur les conséquences de l’impunité sur le Liban, voir l’étude d’ICTJ, 2014, op. cit.
-
[48]
L’ONG allemande forum ZFD-Civic Peace Service a répertorié 157 initiatives traitant du passé qui ont eu lieu entre 1990 et 2017. https://www.forumzfd.de/en/mapping-initiatives-addressing-past-lebanon-2015-2017. Site consulté le 7 juillet 2019.
-
[49]
En tant que directrice du bureau de ICTJ au Liban, j’ai coordonné les travaux du consortium entre 2013 et 2014. Voir la liste des participants dans ICTJ, op. cit., p. 42.
-
[50]
Grâce à des fonds complémentaires du département allemand des Affaires étrangères par le biais de la fondation Friedrich Ebert.
-
[51]
Idem.
-
[52]
Howard Zehr, La justice restauratrice : Pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et Fides, Genève, 2012.
-
[53]
Zehr, Howard, The Little Book of Restorative Justice, 2002. https://www.unicef.org/tdad/littlebookrjpakaf.pdf
-
[54]
http://adyanfoundation.org/. Consulté le 29/08/2019.
-
[55]
http://fightersforpeace.org/. Consulté le 29/08/2019.
-
[56]
Voir l’étude de Christalla Yakinthou et Lynn Maalouf “Lebanon : Education in a Context of State-Imposed Amnesia”, in Transitional Justice and Education : Learning Peace, edited by Clara Ramírez-Barat and Roger Duthie, ICTJ-UNICEF, New York, 2016.
-
[57]
https://lahlebanon.org/. Consulté le 29/08/2019.
-
[58]
Voir Louis Joinet, « Face aux dilemmes de l’instauration des processus de justice transitionnelle », Mouvements, 2008/1 (n° 53), pp. 48-53.
-
[59]
John Paul Lederach : Building Peace : Sustainable Reconciliation in Divided Societies, U.S. Institute of Peace, 1997 ; The Little Book of Conflict Transformation, Good Books, 2003 et The Moral Imagination : The Art and Soul of Building Peace, Oxford University Press, 2005.
-
[60]
Depuis sa création en 1980, le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées a été saisi de 55000 cas concernant 105 États. France diplomatie, « Disparitions forcées, lutte contre la torture et détentions arbitraires », https://www.diplomatie.gouv.fr. Consulté le 27 juillet 2019.
-
[61]
« Loi sur les disparus : Aoun promet de faire le suivi après la formation du gouvernement », OLJ, 30 novembre 2018.
1Soudain, elle éclate en sanglots sous les applaudissements nourris des députés qui viennent nombreux la féliciter. « Je n’en croyais ni mes yeux ni mes oreilles », raconte Wadad Halwani, présidente du Comité des familles des personnes kidnappées et disparues du Liban [2], quand, dans une séance mémorable tenue le 12 novembre 2018, le nouveau Parlement libanais adopte la loi 105 sur les disparus [3]. Trente-six ans après l’enlèvement de son mari en 1982, Wadad déverse des larmes de joie. Ce n’est pas hélas pour avoir retrouvé son homme, mais pour avoir recouvré l’espoir. L’adoption de cette loi par des parlementaires fraichement élus (mai 2018) est presque un miracle dans un pays qui refuse, depuis la fin officielle de la guerre en octobre 1990, de donner des réponses satisfaisantes aux familles sur le sort de leurs disparus. Un pays qui peine à panser ses plaies, nie ses blessures et rechigne à faire face à son passé violent. Les victimes, elles, n’ont pas oublié. Les familles des disparus continuent de souffrir et cherchent à savoir ce qu’il est advenu de leurs proches. La loi 105 devrait assouvir leur quête de vérité et de justice et permettre à la société libanaise d’entamer un vrai processus de réconciliation nationale. Le règlement de la question des disparus pourrait en effet parachever la « réconciliation » parrainée par l’État dès 1992 [4], laquelle est remise en question à chaque incident et à chaque déclaration de politicien jugée « provocatrice ». Célébrée par les associations de soutien aux familles comme une victoire, l’adoption de la loi est pour d’autres un leurre qui cache mal l’absence de volonté politique des acteurs impliqués dans les disparitions forcées de la guerre (1975-1990) et de l’après-guerre sous tutelle syrienne (1990-2005) [5].
2Dans ce contexte, une justice transitionnelle peut paraître comme une aberration. Rendue par des mécanismes de vérité et de mémoire, des procès, des réparations et des réformes institutionnelles, elle semble inaccessible [6]. Comment parler de paix et de réconciliation dans un contexte chargé de violence, de menaces et de haines ? Une justice transitionnelle serait-elle de mise dans un pays toujours en conflit ? De quelle justice parlons-nous ? Qui la rendrait ? Quel intérêt trouveraient les acteurs politiques qui continuent d’agir en seigneurs de guerre dans le règlement de la question des disparus ? Pour quelles raisons chercheraient-ils à s’exposer davantage, et donner des preuves de leurs crimes ? Les chefs de guerre pourraient-ils devenir des agents de la paix dans leur pays ? Ce sont ces questionnements complexes et parfois insolvables qui interpellent les activistes et les citoyens libanais qui cherchent à tourner la page de la guerre et à construire un État en paix avec lui-même. Cet article tente d’y apporter quelques éclairages.
Les disparus : une cause nationale et une mémoire sauvegardée
3La loi 105 prévoit la création d’une commission dont l’objectif est d’enquêter sur les cas de disparitions forcées – entre 5000 et 8000 selon les ONG [7] – durant le conflit libanais, d’obtenir la libération des détenus présumés vivants dans les prisons syriennes et d’identifier les dépouilles des personnes qui ont été tuées et ensevelies dans les nombreux charniers disséminés dans le pays. En 2000, sous la pression des familles, une commission créée pour suivre le dossier des disparus a identifié trois charniers : le cimetière des Anglais de Tahwita, le cimetière de Mar Mitr à Achrafié et celui des Martyrs à Horj Beyrouth. Pourtant, jamais une exhumation n’a pu être autorisée pour confirmer ces informations. L’ONG Act for the Disappeared a répertorié depuis 2014 plus d’une centaine de sites potentiels [8] ; un travail de documentation venu s’ajouter aux efforts du CICR au Liban. Depuis 2012, l’organisation internationale a collecté des informations « précédant la disparition » (ante disappearance data, ADD) de 3050 personnes et 1800 échantillons de référence biologique (salive) provenant des familles d’environ 700 disparus, en prévision d’une analyse d’ADN [9]. Ces bases de données devraient être remises à la future commission nationale sur les disparus qui devrait commencer ses travaux avant qu’il ne soit trop tard, explique Justine Di Mayo Houry, fondatrice et directrice d’Act for the Disappeared [10]. Dès la fin de la guerre, un grand nombre de charniers auraient été détruits ou ensevelis sous des constructions. D’autres risquent de l’être s’ils ne sont pas identifiés et protégés en vue d’être exhumés. Plus urgent encore, les mères, les pères et les conjoints des disparus vieillissent et beaucoup sont déjà décédés sans connaitre le sort des leurs. Certains sont relayés par leurs proches : sœurs, frères, tantes, oncles, fils ou filles, nièces ou neveux. D’autres attendent encore. D’aucuns ont perdu espoir et ont refait leur vie, choisissant de les déclarer morts, comme l’avait prévu la loi 434, adoptée par le Parlement en mai 1995 (loi régissant l’héritage), et trois commissions d’enquêtes créées entre 2000 et 2005, sans toutefois donner des preuves tangibles sur leur décès [11]. La loi 434 permet aux familles qui le souhaitent de déclarer officiellement la mort leurs disparus après quatre années de disparition (depuis la fin de la guerre). Certaines ont choisi de le faire pour des raisons administratives et juridiques. Cependant, nombreuses sont les familles qui refusent d’abandonner la lutte pour la vérité et continuent de participer aux activités des organisations qui défendent leurs droits. Toutes sont hantées par l’absence jamais justifiée et le sort jamais clarifié d’un ou de plusieurs proches.
Des vies bouleversées
4Depuis sa création en 1982, le Comité des familles de disparus milite en leurs noms et se donne pour mission de sensibiliser l’opinion publique à cette cause nationale. Wadad Halwani, sa fondatrice, en est devenue bien malgré elle l’icône au lendemain de cette sinistre journée du 24 septembre 1982 où son mari a été enlevé dans leur maison, au cœur du quartier beyrouthin de Râs al-Nab‘, par deux hommes armés se disant appartenir à un organe de l’État libanais [12]. Sa vie est bouleversée, comme l’est celle de milliers d’autres appartenant à différents groupes sociocommunautaires libanais et palestiniens [13]. Près de quatre décennies plus tard, elle continue de chercher son époux et, comme elle, des milliers de familles attendent les leurs, parfois depuis le début de la guerre en 1975 et de la vague d’enlèvements qui s’ensuivit. Elle ne s’est laissée ébranler ni par le temps, ni par les intimidations exercées à son encontre et à l’égard de ses camarades de lutte. Ensemble, ils ont organisé des sit-in et des manifestations dans les rues de Beyrouth en guerre et sur la ligne de démarcation qui coupait la capitale en deux, devant les institutions étatiques et les sièges des partis politiques et milices. Rien ne les arrêtait, ni obus, ni francs-tireurs, ni la pluie, ni la chaleur de l’été beyrouthin. Ils ont rendu visite, souvent en vain, aux chefs de milices et partis, à des présidents, des ministres et des députés, ainsi qu’aux responsables des instances religieuses et des organisations internationales. En plus de la douleur de la séparation et de l’inconnu, ils ont subi humiliation, chantage et désespoir et résistent jusqu’à ce jour aux dissensions internes, aux tentatives de récupération et d’instrumentalisation par les politiques.
Le manque de volonté politique
5L’émotion suscitée par l’adoption de la loi 105 est donc bien justifiée. Wadad Halwani a attendu longtemps cette « solution scientifique », comme elle l’appelle, qui devrait donner des réponses aux familles des disparus. Cette loi est en fait l’aboutissement d’une longue lutte [14] qui continuera jusqu’à son application. Au Liban, depuis 2002, on dénombre cinquante-deux lois non appliquées dont des textes phares contre la corruption et la torture [15]. C’est à plus forte raison le cas lorsque les détenteurs du pouvoir actuel, soupçonnés d’enlèvements durant la guerre, craignent de remettre en question leur autorité. Plus encore, écrit l’écrivain Élias Khoury, connaître la vérité sur le sort des disparus est une punition en soi pour les responsables : « L’ouverture des fosses communes ne permettrait pas seulement aux morts de se reposer en paix dans la terre et dans la mémoire, mais serait aussi un moyen de sanctionner les criminels moralement et politiquement » [16].
6Les réserves et critiques exprimées par des représentants politiques durant la séance parlementaire du 12 novembre dernier [17] sont significatives des défis et obstacles que rencontrent les familles des disparus et les activistes qui réclament des mesures de justice transitionnelle. Très tôt, ils se sont heurtés au blocage politique concernant l’ouverture des dossiers de la guerre qui, selon eux, sont à même d’assainir les relations entre Libanais et par conséquent, de consolider la paix. Ainsi, l’accusation de nabsh al-qubûr, littéralement « fouille des charniers », est-elle le leitmotiv de certains hommes politiques libanais qui rejettent les propositions de la société civile de traiter le passé et les évocations mêmes de ce passé par d’autres politiciens. À cet égard, l’évocation de la guerre de la Montagne (1983) par le ministre des Affaires étrangères (AE) Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre (CPL), met le feu aux poudres lors de sa visite dans le Chouf [18] le 30 juin 2019. Son discours est jugé « provocateur » [19] par Walid Joumblatt, leader druze et chef du PSP, qui l’accuse de « réveiller les démons du passé » [20]. Des discours et des « incidents » remettent à l’ordre du jour les ressentiments hérités d’anciennes guerres intestines [21].
L’insoutenable fragilité des réconciliations
7Cette situation, qui sévit depuis 1990, s’est accentuée dès le retrait syrien en avril 2005. Elle soulève des interrogations et appelle à revisiter la notion de « sortie de guerre » pour le cas libanais, une « sortie » régie par une pax syriana qui a stabilisé le pays par la force et placé au pouvoir ses alliés « vainqueurs de la guerre ». Les crises politiques ont été réglées par le tuteur devenu arbitre. Le tuteur parti, les acteurs se sont retrouvés dans l’incapacité de trouver seuls des solutions aux problèmes politiques sans l’intervention d’une tierce partie, régionale de préférence. En 1989, un parrainage arabe et international aboutit à l’Accord de Taëf. Entre 1990 et 2005, les Syriens prirent la relève. Depuis 2005, les crises se sont multipliées. La solution à la plus importante d’entre elles, survenue en 2008, a été parrainée par le Qatar (Accord de Doha) [22]. Il a fallu deux ans et demi entre mai 2014 et octobre 2016, pour élire un nouveau président de la République, Michel Aoun, et presque neuf mois de plus pour former un gouvernement présidé par Saad Hariri. Ces crises sont entrecoupées de heurts, d’alliances et de ruptures entre dirigeants libanais, au détriment du respect des institutions étatiques et des intérêts des citoyens. Certains citoyens se sont d’ailleurs révoltés avec le mouvement civil né de la crise des déchets en août 2015. D’autres restent démotivés, comme l’indique la forte abstention aux élections législatives de mai 2018.
L’État en crise ou la poursuite de la guerre par d’autres moyens
8Les tentatives de réconciliation entamées après Taëf ont surtout rapproché les chefs de guerre. Trois décennies plus tard, les tensions épisodiques montrent l’échec des réconciliations à prémunir le Liban contre les crises et la violence politique. Les initiatives de réconciliation ont omis d’inclure les différentes strates de la société libanaise, notamment les victimes des guerres.
9Les armes circulent encore en effet librement au Liban au sein de la population, et parmi les gardes du corps et hommes de sécurité des partis bravant la disposition de Taëf sur la dissolution et la démobilisation des milices [23]. On ne compte plus les affrontements qui confirment que l’armée et les forces de sécurité ne détiennent pas le monopole de la violence légitime au Liban. Outre le Hezbollah, qui impose depuis Taëf la reconnaissance de sa légitimité, certes contestée par certains, de fer de lance de la « résistance contre l’ennemi israélien », avec des moyens imposants, de nombreuses formations paramilitaires continuent de sévir dans l’impunité la plus totale. Il suffit de fréquenter les alentours des quartiers généraux des partis et des résidences des leaders politiques pour s’en rendre compte. Durant les affrontements du 7 mai 2008 qui ont duré deux semaines – dans Beyrouth, le Chouf, ‘Aley, la Bekaa et le nord du pays – des miliciens affiliés aux partis politiques se sont battus à l’artillerie légère et moyenne, rappelant aux Libanais les années sombres de la guerre.
10Une étude qualitative effectuée par le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) en 2013, sur les perceptions et attentes des habitants du Grand Beyrouth révèle que la majorité d’entre eux croient que la « guerre n’est pas terminée » [24]. Ils affirment que le Liban n’a pas mis fin à la violence politique, en témoignent l’instabilité politique, l’insécurité permanente et l’absence de réformes institutionnelles [25]. Plus récemment, en avril 2019, les étudiants du Secular Club de l’Université Américaine de Beyrouth ont organisé un débat sur « la guerre inachevée » (An Unfinished War) pour démontrer la pérennité de la guerre civile et ses conséquences politiques, économiques et sociales.
11De fait, les Libanais sont divisés sur les solutions à préconiser pour traiter leur passé. Beaucoup dans le champ associatif et militant, comme dans les milieux académiques ou intellectuels, pensent qu’un règlement des questions en suspens n’est pas possible avec le régime politique actuel. Un régime « confessionnel » qu’Elias Khoury qualifie de « régime de guerre civile perpétuelle » [26]. Les causes structurelles du conflit de 1975 restent ancrées et empêchent la transformation démocratique du Liban et le règlement de ses problèmes de fond qui sévissent depuis son indépendance.
12Cette réalité pousse un grand nombre de Libanais à penser que la consolidation de la paix et une véritable reconstruction étatiques sont peu probables avec les acteurs de la guerre et chefs de milices, d’autant plus que ceux-ci siègent au sommet de l’État [27] depuis les années 1990. En somme, ils continuent en temps de paix à défendre les intérêts et les « causes » de leurs groupes socio-politiques, à coup de menaces ou d’intimidations, dans un contexte de clientélisme politique, toujours de mise au Liban.
Les retrouvailles amères entre leaders
13Malgré ce sombre tableau, les plus optimistes se félicitent que les ennemis d’hier soient devenus les alliés d’aujourd’hui. Mais ces retrouvailles, au lieu d’unir les Libanais, ont au contraire renforcé la solidarité entre les piliers du régime qui, en temps de crise, finissent toujours par s’entendre entre eux pour préserver leurs intérêts au pouvoir. Presque tous ont tissé des liens avec des acteurs étrangers régionaux qui dictent leur volonté.
14La plus spectaculaire de ces réconciliations [28], et peut-être la plus solide, reste « la réconciliation de la Montagne » en 2005 entre le leader druze Walid Joumblatt et le chef des Forces libanaises Samir Geagea. Un rapprochement auquel a œuvré le patriarche maronite Nasrallah Sfeir lors de sa visite historique au Chouf, le 4 août 2001, dix-huit années après la « guerre de la Montagne » qui a mené en 1983 au massacre et au déplacement massif de milliers de chrétiens de la région [29]. Mais cette réconciliation partielle n’a pas permis le retour de la majorité des déplacés dans leurs villages, de l’aveu même de dirigeants libanais. Le sort de centaines de disparus reste inconnu [30].
15L’autre grande réconciliation est celle clôturée le 13 avril 2008 entre l’ambassadeur Abbas Zaki, représentant de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) au Liban, et l’ancien chef du parti Kataëb, l’ancien président Amine Gemayel (1982-1988) [31]. Elle survient à la suite de la proclamation par Zaki « de la déclaration de la Palestine pour le Liban » dans laquelle il présente ses excuses aux Libanais pour les conséquences de la présence palestinienne au Liban, invitant les Libanais et les Palestiniens à tourner la page du passé. Cependant, la persistance des discriminations contre les réfugiés palestiniens installés au Liban depuis 1948 montre les limites de ces initiatives.
16D’autres initiatives de réconciliation, comme celle entre l’ancien chef et fondateur du CPL, le président Michel Aoun et le leader du Hezbollah Hassan Nasrallah, en février 2006, ont apporté un semblant de stabilité. La réconciliation entre leaders chrétiens, notamment Aoun et Geagea, scellée le 18 janvier 2016 par la signature d’un document d’entente dit « accord de Ma‘râb » [32], et qui a été en gros bien accueillie par les chrétiens, a très vite montré ses failles lors des élections législatives de mai 2018 et la formation du gouvernement. Les divisions restent profondes entre les deux mouvances, sans compter leur lutte pour le leadership du camp chrétien. Une des dernières réconciliations a réuni au nord du pays le chef des FL et le leader des Marada Sleiman Frangié, le 13 novembre 2018 [33].
17Ces réconciliations entre leaders, qu’elles soient sincères, partielles ou stratégiques, ne pourraient jeter les bases d’une véritable réconciliation nationale, en faisant fi des victimes de disparition et de déplacement forcés en particulier.
Le retour des déplacés : un dossier en suspens
18La politique d’amnistie et d’amnésie adoptée par les gouvernements libanais depuis 1991 n’a pas réussi à faire oublier aux Libanais leurs querelles ni leurs souffrances [34]. Exténués par plus de quinze années de violence, les Libanais ont consenti à l’équation paix contre justice et celle de paix contre vérité [35]. En 2019, la paix reste inachevée et la vérité et la justice inaccessibles. La seule tentative entreprise, certes aux failles profondes, qui aurait pu s’inscrire dans une logique de justice transitionnelle, a été la création en 1993 du ministère des Affaires des déplacés pour organiser le retour de ces derniers dans leurs villages d’origine et la mise en place de la Caisse centrale des déplacés qui verse des compensations aux victimes [36]. Or un grand nombre de personnes ayant squatté les maisons délaissées par leurs propriétaires ont touché des indemnités afin de les encourager à évacuer les domiciles occupés [37]. Ces mesures n’ont souvent pas fait une distinction claire entre victimes et auteurs de violations [38]. La mission, semée d’embûches et entravée par les pratiques clientélistes, a été confiée entre 1992 et 1998 à Walid Joumblatt, principal responsable des déplacements massifs dans sa région (près de 62 % des déplacés seraient originaires de la Montagne). Le retour des déplacés est resté très inférieur aux attentes en partie pour des raisons économiques, mais aussi du fait de leur manque de confiance, et de la persistance d’un sentiment de peur mêlé de ressentiment chez une grande partie des victimes [39].
La mémoire des disparus comme forme de résistance contre l’oppression
19L’amnésie officielle prônée par les autorités libanaises est incessamment « perturbée » par les controverses entre acteurs politiques qui ravivent les haines et freinent les efforts de réconciliation nationale. La mémoire est ainsi instrumentalisée par des politiciens qui l’utilisent, non pas pour l’assainir et tirer les leçons du passé, mais pour intimider l’adversaire. Pour l’historienne Carla Eddé « les acteurs de la guerre sont devenus des acteurs de la mémoire de la guerre » [40], une mémoire qui fait l’apologie des martyrs des partis politiques et oublie les victimes civiles des conflits libanais [41].
20Un travail de mémoire salutaire et constructif a été réalisé par la société civile et le monde culturel et artistique [42]. L’activisme autour de la question des disparus est au centre de ce travail. Cette tragédie humaine a inspiré un grand nombre de romanciers, réalisateurs et artistes libanais de tout bord. Elle est traitée régulièrement par la presse et fait l’objet d’études académiques, sans compter une multitude d’activités et d’expositions, de campagnes médiatiques et de plaidoyers en faveur de la cause des disparus initiés par les organisations non-gouvernementales libanaises comme internationales [43]. La cause des disparus a permis de sauvegarder en quelque sorte un pan de la mémoire collective du conflit fratricide qui a ravagé le pays. Elle rassemble sous sa bannière tous les Libanais, - et nombre de Palestiniens - appartenant aux différents groupes sociopolitiques et originaires de tout le pays. Les activistes qui militent dans les rangs de la société civile ambitionnent non seulement de régler cette question à des fins humanitaires mais y voient aussi une forme de résistance contre l’oppression d’une classe politique corrompue et clientéliste qui, depuis la fin des hostilités en 1990 et le retrait des troupes syriennes en 2005, est incapable de régler les problèmes de base du citoyen.
Une démarche citoyenne et préventive
21Depuis les années 1990, le Comité des familles des disparus et les associations qui le soutiennent demandent que la date du 13 avril, qui marque le début officiel de la guerre, soit « commémorée afin de ne pas se reproduire » (Tinzakkar lamâtin‘âd) [44]. Tous sont conscients qu’une reconnaissance du droit au savoir, à la réparation et à la justice dans les cas de disparition est au cœur d’un processus plus général de consolidation de la paix [45]. Pour ces organisations, la question des disparus n’appartient pas au passé comme veulent le faire croire les seigneurs de la guerre et de l’après-guerre. Elle s’inscrit dans une démarche citoyenne et préventive dans le présent se projetant dans l’avenir. Pour certains, résoudre ce dossier participerait également au processus de transformation démocratique du pays qui a subi quinze années de guerre, autant d’années de tutelle syrienne et, depuis 2005, une succession de conflits armés, d’attentats et d’assassinats jamais élucidés. Si le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) juge, depuis mars 2009, l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et y a ajouté trois autres affaires qui lui semblent juridiquement liées [46], plus d’une douzaine d’autres attentats contre des personnalités politiques et intellectuelles, ayant engendré des dizaines de victimes, n’ont pas fait l’objet de poursuites [47].
Traitement du passé : les dilemmes de la société civile
22Sur la question de la responsabilité pénale, un des piliers de la justice transitionnelle, les avis sont partagés, et dépendent des agendas des ONG et de certains bailleurs de fonds internationaux. La situation politique n’aide pas non plus à réclamer une justice rétributive hors de portée. Des organisations préfèrent se focaliser sur la cause des disparus, d’autres sur le travail de mémoire et de documentation, ou la refonte du programme scolaire pour y intégrer l’enseignement de l’histoire de la guerre. Un nombre restreint d’organisations luttent contre l’impunité et pour la réforme institutionnelle. Depuis la fin de la tutelle syrienne en avril 2005, les projets et initiatives se multiplient soutenus par des institutions et des organisations internationales (ONU, UE) et des États européens surtout [48]. La question des disparus y occupe une place de choix qui a permis entre autres l’élaboration de la loi 105. Pourtant, au sein de la société civile, des voix s’élèvent pour revendiquer l’examen d’autres dossiers.
23Pour unir leurs efforts et s’entendre sur une stratégie commune, des ONG ont tenté de se coaliser - souvent à l’initiative d’organisations internationales et de bailleurs gouvernementaux -au sein de plateformes et consortiums ou ont organisé des groupes de travail et tables rondes. Il s’agit d’une mission difficile tant les divisions sont profondes et les intérêts divergents. En 2012, le PNUD met en place une plateforme d’organisations et d’activistes qui se proposent d’initier un processus de vérité et de réconciliation à l’instar des commissions créées un peu partout dans le monde pour faire face aux violences du passé. La campagne n’aboutit pas. En 2013, le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) crée, avec le soutien financier de l’UE, un consortium d’acteurs de la société civile rassemblant une vingtaine d’associations ainsi qu’une dizaine d’universitaires et d’intellectuels, pour élaborer des recommandations à adresser aux autorités libanaises [49]. Avec le soutien d’ICTJ, le consortium publie en octobre 2014 [50], un policy paper sous le titre de Confronting the Legacy of Political Violence in Lebanon : an Agenda for Change. Le document propose une série de réformes socio-politiques, dont des propositions concrètes réparties sous quatre chapitres ou sections inspirés des piliers de la justice transitionnelle : vérité et mémoire, réparation aux victimes de la violence politique, justice criminelle et réforme institutionnelle. Les recommandations visent à éviter la violence politique au Liban et à contribuer à rétablir la confiance de la société libanaise dans les institutions de l’État [51]. Les propositions reçoivent le soutien d’autres associations qui vont les soumettre en 2015 à l’ONU dans le cadre de son rapport périodique sur les droits de l’homme (UPR). Cependant, les efforts des ONG visant à mettre la pression sur les autorités libanaises pour qu’elles appliquent ces recommandations s’essoufflent. L’insuffisance de financement et le manque d’engagement en ont eu raison. À partir de 2011, les donateurs ont privilégié en effet l’aide humanitaire aux réfugiés syriens installés au Liban, une aide qui apparaissait plus urgente, en particulier pour les bailleurs européens qui souhaitaient les garder à distance de leurs pays.
Justice réparatrice contre justice rétributive
24Du fait de cette situation, les activistes œuvrant dans le champ de la construction de la paix et des droits humains sont divisés sur la stratégie à suivre pour traiter le passé. Certains prônent une politique offensive qui réclame un État de droit où la responsabilité pénale occupe une place de premier plan. D’autres mettent l’accent sur une approche plus pragmatique et transformative qui privilégie le dialogue avec les décideurs politiques, y compris les anciens chefs de guerre, afin d’accélérer la mise en place d’une justice transitionnelle, concernant notamment la question des disparus. Des ONG luttant contre l’impunité, sont persuadées que les dirigeants politiques qui n’ont aucune intention de clore ce dossier doivent d’abord rendre compte de leurs actes et crimes. Les tenants du dialogue rétorquent toutefois qu’il serait irréaliste dans le contexte actuel, et tant qu’ils sont protégés par la loi d’amnistie de 1991, de juger les seigneurs de guerre pour leurs exactions. D’autres encore tablent sur des projets où l’histoire orale autour de la guerre est prépondérante. Ils interviennent en milieu scolaire et universitaire et considèrent les jeunes comme les principaux agents de changement et de paix. Ils ont opté pour la justice restauratrice ou réparatrice, chère à son concepteur américain Howard Zehr [52] qui vise à impliquer « dans la mesure du possible » toutes les parties en conflit, qu’elles soient victimes ou auteurs de crimes. Ce processus cherche « à identifier et à traiter de manière collective les souffrances, les besoins et les obligations, de façon à guérir et réparer autant que faire se peut » [53]. De nombreuses associations s’y sont investies comme Adyan [54], qui prêche le dialogue entre religions, et Fighters for Peace [55], formée d’anciens combattants d’horizons différents, deux ONG qui ont actuellement pignon sur rue. En 2012, un projet pilote d’histoire orale, intitulé Badna Naaref (nous voulons savoir), initié par ICTJ, en partenariat avec le CEMAM, UMAM, al-Jana et Act for the Disappeared, dans des écoles publiques comme privées du Grand Beyrouth, a permis à des élèves de seconde d’entamer un dialogue avec leurs familles autour de la vie quotidienne durant la guerre [56]. La Lebanese Association for History, quant à elle, œuvre pour la réforme du programme scolaire et forme des maitres d’écoles aux nouvelles méthodes d’enseignement de l’histoire, notamment l’histoire de la guerre [57].
25Ces approches ou stratégies qui peuvent paraître contradictoires dans leurs visées ne le sont pas sur le fond. En privé, lors de réunions closes auxquelles j’ai participé, les activistes s’accordent sur le fait que la lutte contre l’impunité, le confessionalisme et la réforme des institutions doivent être au centre de la justice transitionnelle qu’ils souhaitent pour leur pays. Ils réalisent cependant les limites de leurs interventions tant que les priorités du gouvernement comme celles de la société sont ailleurs. Cette situation créé un dilemme qui déchire un grand nombre d’activistes et d’analystes [58]. Convaincus des bienfaits de la justice réparatrice qui privilégie la cohésion sociale, ils sont également conscients que la justice rétributive est nécessaire pour mettre fin à l’impunité et établir un État de droit au Liban. Ces contradictions montrent la complexité de la situation libanaise et la difficulté d’y adapter les mécanismes de transition adéquats. Une approche transformative du conflit impliquant des leaders intermédiaires et des médiateurs professionnels, contribuerait à limiter la violence politique et à paver la voie vers une véritable réconciliation nationale malgré ses multiples défis. Préconisée par les spécialistes des études sur la paix comme Johan Galtung et John Paul Lederach, cette approche privilégie un travail sur les relations humaines entre parties en conflit, qui agit sur les structures sociales, lutte contre les injustices et réduit la violence [59].
Conclusion
26Si à la fin de la guerre, les Libanais ont voulu oublier ses ravages, les proches des disparus les en ont sans cesse empêchés. Par nécessité, la douleur étant encore tenace, ils ont contribué à la construction d’une mémoire nationale. Si les Libanais ne veulent pas d’un retour à la violence, beaucoup, et surtout une partie de leurs dirigeants, refusent encore de faire face à son legs. Ils avancent comme argument principal que l’ouverture des dossiers de la guerre constituerait une menace à la paix civile et favoriserait les dissensions confessionnelles. Ils s’opposent ainsi à toute initiative de justice transitionnelle qui pourrait mettre au grand jour leur rôle et crimes dans le conflit. Les gouvernements successifs ont soigneusement esquivé les sujets qui fâchent : l’écriture et l’enseignement de l’histoire de la guerre, le règlement de la question des disparus et la commémoration officielle de la guerre. Néanmoins, un mouvement civil, culturel et artistique a pu défier cette amnésie forcée, porté par des individus et des associations convaincus de l’importance de traiter le passé. La problématique des disparus est quasiment la seule qui permet encore une réflexion autour de ce passé. Elle est emblématique en ce sens comme dans beaucoup de pays qui ont connu des conflits armés et des violations graves des droits humains en Amérique latine et en Afrique notamment [60].
27Pour nombre d’activistes faire face au legs des guerres est la seule manière de créer un nouveau contrat social entre les différentes composantes de la société libanaise pour mettre fin à la violence. Une réconciliation fondée sur des mécanismes de justice transitionnelle permettrait aux Libanais de traiter les tares du système et mettre fin aux discriminations contre les plus faibles et les plus marginalisés : réfugiés, migrants, handicapés, enfants et femmes. À défaut d’une justice rétributive empêchée par la loi d’amnistie de 1991, un processus de vérité et de reconnaissance pourrait favoriser une justice restauratrice et préventive propice à une transformation démocratique et au rétablissement de la confiance des citoyens libanais dans leur État. La création de la Commission sur les disparus selon la loi 105/2018 pourrait jeter les fondements d’un tel processus. En novembre 2018, le président de la République Michel Aoun a promis sa mise en œuvre dans les plus brefs délais [61]. Afin qu’elle puisse commencer ses travaux, le Conseil des ministres devrait nommer ses dix membres représentant la société civile et lui assurer un budget. Mais rien de concret ne se profile à l’horizon. Beaucoup craignent que les espoirs soulevés par l’adoption de la loi ne soient déçus, et avec eux, l’ajournement d’une paix positive et d’une véritable réconciliation entre Libanais.
Notes
-
[1]
Pour écrire cet article, je me suis appuyée sur une expérience de terrain s’étalant sur près de huit années, à militer au sein de la société civile et à côtoyer ses acteurs nationaux comme internationaux, ainsi que nombre de décideurs politiques. Entre juin 2011 et décembre 2015, j’étais directrice du programme Liban puis directrice de bureau du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) à Beyrouth. Depuis 2016, je milite au sein de l’ONG libanaise Act for the Disappeared.
-
[2]
Entretien, 5 novembre 2019, Beyrouth.
-
[3]
Journal officiel libanais (en arabe), 6 décembre 2018, numéro 52, loi 105 du 30 novembre 2018, p. 5546. Pour une version de la loi en arabe et en anglais, voir Law 105 : Law on Missing and Forcibly Disappeared Persons, UMAM, Beyrouth, 2019.
-
[4]
Sur la réconciliation “officielle” voir Dima de Clerck, « Government-sponsored resettlement and reconciliation in post-war Lebanon » in Positive Peace for Lebanon : Reconciliation, Reform and Resilience, Accord, Issue 24, 2012, p. 49-57 et D. de Clerck, 2015, Les relations druzo-chrétiennes dans le Mont-Liban Sud à l’épreuve des guerres et des réconciliations, des représentations et des mémoires, thèse de doctorat, Sorbonne Paris 1.
-
[5]
Voir Lyna Comaty, Post-conflict Transition in Lebanon : The Disappeared of the Civil War, Taylor and Francis, Routledge Studies in Middle Eastern Society, 2019.
-
[6]
Voir Kora Andrieu, La justice transitionnelle, Gallimard-Folio/Essais, Paris, 2012.
-
[7]
Les chiffres à disposition des ONG sont basés sur des listes documentées. Néanmoins, le chiffre de 17000 disparus est médiatisé par la société civile qui se base sur un rapport publié en mars 1992 par le gouvernement libanais sur le nombre total de victimes de la guerre entre 1975 et 1990. ICTJ, Lebanon’s Legacy of Political Violence : A Mapping of Serious Violations of International Human Rights and Humanitarian Law in Lebanon, 1975 – 2008, Beirut, 2013, p. 70, citant Human Rights Watch, World Report 1993/Liban, 1.
-
[8]
“Memory Map”, Act for the Disappeared : http://mapofmemorylebanon.webflow.io/en/home.Consulté le 12 juin 2019.
-
[9]
CICR Beyrouth, 20 août 2019.
-
[10]
Entretien, 19 juin 2019, Beyrouth.
-
[11]
The International Center for Transitional Justice (ICTJ), Failing to Deal with the Past : What Cost to Lebanon ?, Beirut, 2014, p. 16.
-
[12]
Lynn Maalouf, « Mémoires collectives et sort des victimes », dans Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), sous la direction de Franck Mermier et Christophe Varin, Sindbad, Actes Sud, Paris, 2010, p. 265-284.
-
[13]
Voir le rapport de ICTJ, Living with the Shadows of the Past : The Impact of Disappearances on the Wives of the Disappeared, Beyrouth, 2015.
-
[14]
En 2012, les associations de familles de disparus ont déposé une pétition auprès du Conseil d’État demandant à avoir accès au dossier de la commission créée en 2000 pour enquêter sur les cas de disparitions. Un arrêt du Conseil d’État en date du 4 mars 2014 est venu confirmer le droit des proches de personnes disparues de savoir ce qu’il est advenu des leurs.
-
[15]
Raquel ‘Utayek, « La Chambre des députés déposera-t-elle une motion de confiance contre les ministres ? » (en arabe), Al-Joumhouriya, 1 juin 2019.
-
[16]
Elias Khoury, préface de la publication de Act for the Disappeared, Do not let my story end here, Beirut, 2017, p. 3.
-
[17]
Voir Amal Khalil, « La loi sur les disparus a été enfin adoptée : Tous sont innocents du « sang de ce saint »» (en arabe), Al-Akhbâr, 13 novembre 2019.
-
[18]
Le ministre Bassil doit rebrousser chemin à la suite de mouvements de protestation à ‘Aley qui dégénèrent en échanges de tirs entre partisans du PSP et son rival dans la communauté druze, le député Talal Arslân, un loyaliste proche du CPL. Les accrochages firent deux morts chez les partisans d’Arslân (Tilda Abou Rizk « Une tournée de Bassil à Aley déclenche un affrontement interdruze », OLJ, 1 juillet 2019).
-
[19]
Claire Grandchamps, « Ces petites phrases de Gebran Bassil qui ont engendré des polémiques », OLJ, 4 juillet 2019.
-
[20]
OLJ, 1 juillet 2019.
-
[21]
Ibid. Voir Carmen Abou Jaoudé, « Le Liban, un modèle de réconciliation ? », OLJ, 28 octobre 2017.
-
[22]
L’accord de Doha débouche sur l’élection de Michel Sleiman, commandant en chef de l’Armée libanaise (2009-2014). Jeanine Jalkh, « L’accord de Doha, onze ans après », OLJ, 22 mai 2019.
-
[23]
Voir Elizabeth Picard, The Demobilization of the Lebanese Militias, Oxford : Centre for Lebanese Studies, 1999 et Dima de Clerck, “Ex-militia fighters in post-war Lebanon”, in Positive Peace for Lebanon : Reconciliation, Reform and Resilience, Accord, Issue 24, 2012, p. 24-26.
-
[24]
ICTJ, How People Talk About the Lebanon Wars : A Study of the Perceptions and Expectations of Residents in Greater Beirut, Beirut, 2014.
-
[25]
Ibid. p. 9.
-
[26]
Entretien, 10 juillet 2019, Beyrouth. L’écrivain a fait partie du groupe de réflexion et du consortium d’acteurs de la société civile, organisé au Liban par ICTJ entre 2013 et 2014. Le consortium a publié des recommandations dans Confronting the Legacy of Political Violence in Lebanon : an Agenda for Change, ICTJ, Beirut, 2014.
-
[27]
Voir Pierre Hazan, La Paix contre la justice ? Comment reconstruire un État avec des criminels de guerre, Bruxelles : GRIP : A. Versailles, 2010.
-
[28]
Julien Abi Ramia, « Au Liban, 40 ans de réconciliations pour tourner la page de la guerre », OLJ, 1 décembre 2018.
-
[29]
Voir Dima de Clerck, « Guerre, rupture et frontière identitaire dans le Sud du Mont-Liban. Les relations revisitées entre druzes et chrétiens de la Montagne », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2009/3 (n° 103), p. 163-176. Voir aussi sa thèse, 2015, op. cit.
-
[30]
Voir Dima de Clerck, « Le « Retour des morts ». La place des morts chrétiens dans le Sud du Mont-Liban » dans Autour des morts de guerre Maghreb - Moyen-Orient, sous la direction deR. Branche, N. Picaudou, P. Vermeren, 2013.
-
[31]
En août 2000, le président Amine Gemayel signe solennellement avec le leader du PSP, Walid Joumblatt, un « pacte d’honneur », premier pas vers une réconciliation entre les deux communautés. Julien Abi Ramia, op. cit.
-
[32]
Sandra Noujeim, « L’alliance Aoun-Geagea suscite à la fois exaltation et craintes », OLJ, 19 janvier 2016.
-
[33]
Zeina Antonios, « À Bkerké, Geagea et Frangié mettent fin à une discorde vieille de 40 ans », OLJ, 15 novembre 2018.
-
[34]
Voir Aida Kanafani-Zahar : Liban. La guerre et la mémoire, Presses Universitaires de Rennes, 2011.
-
[35]
Carmen Abou Jaoudé, “No Justice, No Peace. Transitional justice in Lebanon : An approach that brings justice to the victims of the war and political violence, and restores citizens’ trust in the State”, supplément spécial publié par le projet « La consolidation de la paix au Liban » du PNUD, numéro 15, 13 avril 2017.
-
[36]
Lois 190 et 193 du 4/1/1993, Journal officiel libanais. Voir Dima de Clerck, 2015, op. cit. et Annie Tohmé Tabet et Choghig Kasparian, Retour des déplacés dans leurs villages au Liban : Damour, Bireh et Kfar Qatra (1992-2009), Presses de l’Université Saint-Joseph, Beyrouth, 2015.
-
[37]
Dima de Clerck, 2012, op. cit., p. 53.
-
[38]
Voir Dima de Clerck 2012, op. cit., pp. 49-57.
-
[39]
Dima de Clerck, 2012, op. cit., p. 53. Walid Joumblatt a conservé sa mainmise sur le ministère jusqu’en 2018 en avalisant toutes les nominations à la tête de l’institution depuis sa création. En 2018, le nouveau ministre, Ghassan Atallah, est choisi par le CPL. Simon Abi Ramia, député CPL, a récemment confirmé que seuls 15 à 20 % de déplacés seraient retournés chez eux, Lebanese Broadcasting Corporation (LBC) « Vision 2030 », 4 juillet 2019.
-
[40]
Carla Eddé, « Les mémoires des acteurs de la guerre : le conflit revisité par ses protagonistes », dans Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), op. cit., p. 26.
-
[41]
Voir Mara Albrecht and Bassel Akar, The Power of Remembrance : Political Parties, Memory, and Learning about the Past in Lebanon. Zouk Mosbeh : Center for Applied Research in Education at Notre Dame University-Louaize and forum ZFD, 2016.
-
[42]
Voir Sune Haugbolle, War and Memory in Lebanon, Cambridge, 2010.
-
[43]
Voir Fushat ‘Amal (espace d’espoir) un projet mémorial virtuel et interactif créé par Act for the Disappeared, https://www.fushatamal.org/. Consulté le 27 juillet 2019.
-
[44]
Voir Aida Kanafani-Zahar, op. cit.
-
[45]
Wadad Halwani, « Lorsque les disparus de la guerre contribuent à la consolidation de la paix civile », supplément spécial publié par le projet « La consolidation de la paix au Liban » du PNUD, numéro 21, Beyrouth, 27 mai 2019.
-
[46]
Les tentatives d’assassinat des anciens ministres Marwan Hamadé (1er octobre 2004) et Elias el Mur (12 juillet 2005), et l’assassinat, le 21 juin 2005, de l’ancien dirigeant du Parti communiste libanais Georges Hawi. Voir sur le site du TSL, « Affaires connexes, Hamadeh, Hawi et El-Murr (STL-11-02) », https://www.stl-tsl.org/fr/the-cases/stl-11-02. Consulté le 15 juillet 2019.
-
[47]
Sur les conséquences de l’impunité sur le Liban, voir l’étude d’ICTJ, 2014, op. cit.
-
[48]
L’ONG allemande forum ZFD-Civic Peace Service a répertorié 157 initiatives traitant du passé qui ont eu lieu entre 1990 et 2017. https://www.forumzfd.de/en/mapping-initiatives-addressing-past-lebanon-2015-2017. Site consulté le 7 juillet 2019.
-
[49]
En tant que directrice du bureau de ICTJ au Liban, j’ai coordonné les travaux du consortium entre 2013 et 2014. Voir la liste des participants dans ICTJ, op. cit., p. 42.
-
[50]
Grâce à des fonds complémentaires du département allemand des Affaires étrangères par le biais de la fondation Friedrich Ebert.
-
[51]
Idem.
-
[52]
Howard Zehr, La justice restauratrice : Pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et Fides, Genève, 2012.
-
[53]
Zehr, Howard, The Little Book of Restorative Justice, 2002. https://www.unicef.org/tdad/littlebookrjpakaf.pdf
-
[54]
http://adyanfoundation.org/. Consulté le 29/08/2019.
-
[55]
http://fightersforpeace.org/. Consulté le 29/08/2019.
-
[56]
Voir l’étude de Christalla Yakinthou et Lynn Maalouf “Lebanon : Education in a Context of State-Imposed Amnesia”, in Transitional Justice and Education : Learning Peace, edited by Clara Ramírez-Barat and Roger Duthie, ICTJ-UNICEF, New York, 2016.
-
[57]
https://lahlebanon.org/. Consulté le 29/08/2019.
-
[58]
Voir Louis Joinet, « Face aux dilemmes de l’instauration des processus de justice transitionnelle », Mouvements, 2008/1 (n° 53), pp. 48-53.
-
[59]
John Paul Lederach : Building Peace : Sustainable Reconciliation in Divided Societies, U.S. Institute of Peace, 1997 ; The Little Book of Conflict Transformation, Good Books, 2003 et The Moral Imagination : The Art and Soul of Building Peace, Oxford University Press, 2005.
-
[60]
Depuis sa création en 1980, le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées a été saisi de 55000 cas concernant 105 États. France diplomatie, « Disparitions forcées, lutte contre la torture et détentions arbitraires », https://www.diplomatie.gouv.fr. Consulté le 27 juillet 2019.
-
[61]
« Loi sur les disparus : Aoun promet de faire le suivi après la formation du gouvernement », OLJ, 30 novembre 2018.