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Article de revue

La place du Sinaï au sein des rivalités de pouvoir en Egypte (2011-2013)

Pages 143 à 163

Notes

  • [1]
    « 25 Egyptian policemen killed in northern Sinai ambush », Haaretz, 19 août 2013.
  • [2]
    D’après les chiffres les plus récents du CAPMAS (Central Agency for Public Mobilization ans Satistics), l’Egypte compte 86 249 243 habitants en 2014.http://www.capmas.gov.eg/?lang=2
  • [3]
    « Egypt’s Sinai Question », International Crisis Group, « Egypt’s Sinai Question », Middle East/North Africa vol.61, 30 janvier 2007.
  • [4]
    Source : CAPMAS (Central Agency for Public Mobilization and Statistics) :http://www.capmas.gov.eg/reports_eng/cens/form_cns_e. aspx?parentid=2940&id=3455&free=1
  • [5]
    « The revival of Al Salam Canal, supposed to develop Sinai », Egypt Independent, 21 mai 2012.
  • [6]
    L’ensemble des dispositions prévues par le « North Sinai Agricultural Development Project » sont par exemple décrits sur le site gouvernemental :http://www.sis.gov.eg/newVR/sinia/html/esinia10.htm
  • [7]
    Témoignage d’une habitante d’El-Arish, recueilli au Caire le 10 février 2014.
  • [8]
    Voir la page dédiée aux musées militaires sur ce site gouvernemental :http://www.sis.gov.eg/newvr/october/english/5.htm
  • [9]
    Voir la fiche d’Abdel Fattah Al-Sissi sur ce site gouvernemental :http://www.sis.gov.eg/En/Templates/Articles/tmpArticles. aspx?CatID=2817#.U4dBMvl_tcM
  • [10]
    Terme employé par exemple pour qualifier la région dans le journalLe Monde : « La région du Sinaï est devenu un sanctuaire djihadiste », Le Monde, 20 août 2013.
  • [11]
    « L’expression « guerre contre le terrorisme » abandonnée », France 24, 31 mars 2009.
  • [12]
    Cette expression était utilisée pour le Sinaï dès 2011 : « Le Sinaï est devenu le nouveau sanctuaire d’Al-Qaïda », Slate, 18 août 2011.
  • [13]
    « Reportage exclusif : au cœur du sanctuaire djihadiste des Ifoghas »,France 24, 7 mars 2013.
  • [14]
    « Et si la Libye devenait le nouveau sanctuaire d’Al-Qaïda ? »,SlateAfrique, 2 janvier 2012.
  • [15]
    « Les zones tribales du Pakistan, sancutaire djihadiste », Le Monde, 22 janvier 2009.
  • [16]
    « Afghanistan-Pakistan : le grand retour des djihadistes », Le Point, 30 juillet 2012.
  • [17]
    « Proche-Orient : Kerry fait du bon travail », Le Monde, 13 février 2014.
  • [18]
    « Militants down Egyptian helicopter, killing 5 soldiers », The New-York Times, 26 janvier 2014.
  • [19]
    Ibid.
  • [20]
    The Henry Jackson Society, « Terror in Sinai », Londres, 2014, p. 32.
  • [21]
    « Abou Bakr Al-Baghdadi, le nouveau Ben Laden », Le Monde, 29 mai 2014.
  • [22]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 15.
  • [23]
    « La région du Sinaï est devenue un sanctuaire djihadiste », art. cit.
  • [24]
    « Le Sinaï, épreuve de vérité pour Mohamed Morsi », Le Monde, 16 août 2012.
  • [25]
    « Fin de partie pour Tantaoui », SlateAfrique, 12 août 2012.
  • [26]
    « Mohamed Morsi s’affranchit de la tutelle des militaires », France24, 13 août 2012.
  • [27]
    « Le président Morsi met le maréchal Tantaoui à la retraite », L’Express, 12 août 2012.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    « Mohamed Morsi s’affranchit… », art. cit.
  • [30]
    « Fin de partie pour Tantaoui », art. cit.
  • [31]
    « Mohamed Morsi s’affranchit… », art. cit.
  • [32]
    « Egypt’s Morsi ‘empowered’ by army shake-up », Al Jazeera, 14 août 2012.
  • [33]
    « Fin de partie pour Tantaoui », art. cit.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    « Tantawi hails people of Sinai, allocates LE250 million for development projects », Egypt Independent, 30 avril 2012.
  • [39]
    « Fin de partie pour Tantaoui », art. cit.
  • [40]
    « Sinaï : l’armée met fin aux rumeurs sur un Sinaï palestinien », Al-Ahram Hebdo, 2 janvier 2013 ; Voir également les propos d’un général de l’armé égyptienne dans « Egypte : « Il faut tuer ou arrêter les leaders des Frères musulmans »», Le Monde, 20 août 2013
  • [41]
  • [42]
    « Sissi sollicite l’aide des Etats-Unis contre les djihadistes », Le Nouvel Observateur, 15 mai 2014.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    « Les Frères Musulmans déclarés organisation terroriste en Egypte »,Le Monde, 25 décembre 2013.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    Les différentes estimations oscillent entre 288 morts selon le gouvernement et 900 selon les dirigeants de la confrérie. Le ministère de la Santé égyptien a reconnu que la répression des manifestations du 14 août 2012 avaient fait plus de 600 morts dans l’ensemble du pays, dont 595 civils et 43 policiers. Le récent rapport d’Human Rights Watch, « All according to plan. The Rab’a massacre and mass killings of protesters in Egypt » mentionne un minimum de 817 morts pour la seule journée du 14 août.
  • [47]
    « 15 dead, 134 injured in Egypt’s Mansoura explosion », Ahram Online, 24 décembre 2013.
  • [48]
    Traduction du terme « heartland », qui matérialise la différence que font les médias entre le cœur de l’Egypte et le Sinaï, vue comme une région périphérique.
  • [49]
    « Egypt’s political forces accuse Brotherhood of orchestrating Mansoura attack », Ahram Online, 24 décembre 2013.
  • [50]
    « Égypte, le prix de la « guerre contre le terrorisme »», Orient XXI, 10 janvier 2013.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    « Over 40,000 detained and prosecuted since July, Wikithawra reports », Mada Masr, 25 mai 2014.
  • [53]
    « The Jihadist’s threat in Egypt’s Sinai », Al-Monitor, 22 juillet 2013.
  • [54]
    « Beltagy claims he referred to ‘protests’ in famous Sinai video », Egypt Independent, 31 août 2013.
  • [55]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 30.
  • [56]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 4.
  • [57]
    « The Jihadist’s threat in Egypt’s Sinai », art. cit.
  • [58]
    Ibid.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    Propos recueillis au Caire le 9 février 2014 auprès du journaliste égyptien Mohannad Sabry, spécialiste du Sinaï pour le média en ligne Al-Monitor, basé à Washington.
  • [61]
    Spécialiste du Qatar, il est notamment l’auteur de Le Qatar aujourd’hui, Michalon, Paris, 2013.
  • [62]
    « La question des Frères Musulmans crée un schisme entre les Etats du Golfe », La Croix, 17 mars 2014.
  • [63]
    « Islamists outlaws. Saudi Arabia takes on the Muslim Brotherhood »,Foreign Affairs, 17 mars 2014.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    « Le Golfe protège l’Egypte », Al-Ahram Hebdo, 30 mars 2014.
  • [66]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 5.
  • [67]
    « Islamists outlaws. Saudi Arabia takes on… », art. cit.
  • [68]
    « Visit by Egypt’s Morsi to Iran reflects foreign policy shift », Washington Post, 27 août 2012.
  • [69]
    « Iran’s president begins historic Egypt visit », Al-Jazeera, 5 février 2013.
  • [70]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 19.
  • [71]
    « Sinai peacekeeping force commander warns of weapons smuggling to Gaza », Haaretz, 31 mai 2012.
  • [72]
    « IDF captures Iranian ship carrying advanced rockets for Gaza », Yediot Ahronot, 3 mai 2014.
  • [73]
    « Doubts surface on Gaza destination of rockets seized by Israel »,Reuters, 25 mars 2014.
  • [74]
    « Israel security officials : weapons smuggled into gaza to attack Israel, now used against Egypt », The Algemeiner, 25 juillet 2013.
  • [75]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 18.
  • [76]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 18 d’après « Hamas sets up rocket production line in Sinai » Jerusalem Post, 11 décembre 2011.
  • [77]
    Leïla Seurat, « Le Hamas et Mohamed Morsi : un rapprochement trop risqué », in Confluences Méditerranéee, vol. 86, été 2013, pp. 131-143.
  • [78]
    Expression recueillie auprès du journaliste égyptien Mohannad Sabry, au Caire, le 9 février 2014.
  • [79]
    Michaël Prazan, Frères Musulmans. Enquête sur la dernière idéologie totalitaire, Grasset, Paris, 2014, p. 419.
  • [80]
    Ibid.
  • [81]
    Expression tirée de l’article « Le Sinaï, épine dans le pied de l’Egypte »,Le Monde diplomatique, février 2012.
  • [82]
    Cité in « Les prisons, incubatrices du terrorisme », Le Monde, 2 juin 2014.
English version

1 Le 19 août 2013, une embuscade tendue à deux bus civils égyptiens près de la ville de Rafah, dans le Nord de la péninsule du Sinaï, conduisait à la mort de 25 policiers [1]. Si cet attentats’ajoute à la longue liste d’actes terroristes perpétrés dans la région depuis la révolution égyptienne de janvier 2011, son écho a été particulièrement fort dans tout le pays. Les images des corps des policiers égyptiens, qui ont été alignés au sol, les mains liées dans le dos, avant d’être froidement assassinés, ont choqué l’ensemble de la société. De nombreux journalistes égyptiens, mais aussi israéliens et occidentaux, se sont alors empressés de voir dans cet évènement la tournure tragique que prenait l’opposition en Egypte entre l’armée au pouvoir depuis le début de l’été et les islamistes. L’appellation « islamistes » opérant alors un regroupement sémantique de différents acteurs répondant à des logiques très diverses, puisqu’elle recouvre, selon les différentes sources, des activistes liés à des groupes terroristes locaux, des partisans des Frères Musulmans ou encore des miliciens affiliés à la mouvance djihadiste internationale.

2 Le contexte dans lequel s’inscrit cet attentat explique en partie la grande disparité de ses interprétations : l’éviction le 3 juillet 2013 du président élu Mohamed Morsi, issu des Frères Musulmans, a engendré de nombreuses manifestations violentes et a contribué à polariser la société égyptienne. Les médias du pays ont en effet insisté sur l’opposition entre les militants de la confrérie et les partisans d’un retour au pouvoir du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA), dirigé par le général Al-Sissi. Les nombreuses attaques dont ont été victimes les forces de sécurité égyptiennes dans le Sinaï ont ainsi été présentées par certains journaux nationaux comme le prolongement des affrontements entre les militaires et les Frères Musulmans, symbolisés par les manifestations de la place Rabia al-Adawiya, au Caire.

3 La campagne d’attentats ciblant l’armée et la police égyptiennes dans le Sinaï a cependant débuté bien avant le renversement de Mohamed Morsi par les généraux. Dès le début de la révolution égyptienne de 2011, dans la foulée des « printemps arabes », l’insécurité dans la péninsule a explosé, avant même l’élection du candidat de la confrérie. De plus, il est intéressant de noter que lorsque les Frères Musulmans étaient au pouvoir, les mêmes journaux égyptiens analysaient alors les incidents dans la région comme résultant de l’action de groupes djihadistes et reprochaient au président de l’époque son incapacité à lutter contre ces derniers.

4 Issu d’un travail de recherche mené au sein de l’Institut Français de Géopolitique (IFG), à l’Université Paris 8, cet article analyse le rôle qu’a tenu l’insurrection dans la péninsule du Sinaï au sein des luttes pour le pouvoir au Caire depuis le début des « printemps arabes », etplus spécifiquement au cours de l’année 2013. Cette étude accorde une importance particulière à l’analyse du traitement médiatique des évènements dans le Sinaï, dans la presse écrite régionale et occidentale. Aussi bien qualifié de nouvel Afghanistan du djihadisme mondial, que de terrain d’affrontement entre forces politiques égyptiennes, l’insécurité dans le Sinaï semble être perçue par les journalistes comme un phénomène au cœur de dynamiques nationales et internationales. Comment s’articule ces importantes dissonances d’interprétation ? Peut-on parler d’une éventuelle instrumentalisation de l’insurrection dans la péninsule ? Cet article de recherche résulte d’une série d’entretiens conduits entre octobre 2013 et mars 2014 en France, en Egypte et en Israël, ainsi que d’une analyse méthodique du vocabulaire employé par différents médias, analystes et responsables politiques à propos de cette région. L’objectif est ici d’identifier l’influence de l’insécurité dans la péninsule du Sinaï au sein des bouleversements politiques sur la scène intérieure égyptienne, dans un contexte d’internationalisation des luttes de pouvoir dans le pays.

Une région à la fois exclue du projet national et érigée en symbole du patriotisme égyptien

5 Avec 550 000 habitants, le Sinaï représente à peine 0,6 % de la population égyptienne [2]. Sa superficie, qui s’étend à 60 000 km2, compte en revanche pour 6 % de la superficie totale du pays. La région du Sinaï est ainsi caractéristique du déséquilibre démographique égyptien : la population de ce pays très étendu est massée dans la vallée et le delta du Nil. Le reste du pays, en grande partie désertique, est à la fois sous-peuplé et perçu comme secondaire par le pouvoir central du Caire. La constatation du géographe grec Hérodote, selon lequel, « l’Egypte est un don du Nil », semble encore prégnante dans le modèle de développement du pays.

6 Les habitants du Sinaï se plaignent ainsi depuis plusieurs décennies de leur marginalisation économique. Leurs sentiments se nourrissent des injustices dont ils s’estiment victimes, à propos notamment des redistributions des revenus du secteur touristique. En effet, les stations balnéaires du Sud-Sinaï sont actuellement les seuls atouts économiques dont bénéficie la péninsule. Mais, selon plusieurs témoignages, lapopulation ne profiterait même pas de cette manne, puisque le pouvoir central du Caire réserverait l’acquisition de ces terrains ainsi que les emplois créés à des migrants venus du delta du Nil. Bien que très difficilement vérifiables, on peut donner quelque crédit à ces allégations, reprises dans le rapport d’International Crisis Group, « Egypt’s Sinai Question » [3], publié en 2007.

7 Il existe également des éléments tangibles qui confirment ces accusations : le CAPMAS publie des statistiques de la répartition de la population par sexe pour chaque gouvernorat. Il apparaît que le Sud-Sinaï est le seul gouvernorat du pays à présenter un fort déséquilibre : les hommes habitant ce gouvernorat étaient en effet deux fois plus nombreux que les femmes en 2006 [4] ! Cette donnée corrobore ainsi l’impression de la population : des hommes seuls viendraient travailler dans les zones touristiques du Sud-Sinaï mais n’y éliraient pas domicile. Ces migrants du delta du Nil, que les habitants originaires du Sinaï nomment de façon très parlante les « Egyptiens », seraient favorisés dans l’accès à l’emploi, au détriment des locaux. L’argent généré par ces sites balnéaires ne profiterait donc même pas à la population du Sinaï. Cette marginalisation est généralement présentée comme un des facteurs qui expliquent le taux élevé d’activités illégales dans la péninsule.

8 Cette discrimination institutionnalisée, couplée aux manques en termes de développement, revient également très fréquemment pour expliquer les causes sociales des processus actuels de radicalisation idéologique de la jeunesse du Sinaï. L’idée du canal Al Salam revient comme un serpent de mer pour caractériser l’attitude des autorités égyptiennes à l’égard des habitants de la péninsule. Il s’agit d’un projet, dont les germes remontent aux années 1980, conçu pour « irriguer des régions marginalisées du Nord et du Sud du Sinaï » [5]. Les premiers travaux ont été entrepris en 1997, au moment où le canal a été intégré au lancement du « Plan de développement du Sinaï » [6] s’étalant sur 20 ans. Cette entreprise a très rapidement été arrêtée, faute de financements. Selon une habitante du Nord de la péninsule, ce canal symbolise la situation actuelle du Sinaï au sein du pays : « chaque fois qu’un politicien parle du Sinaï, il prétend que le gouvernement va reprendre ce projet ; et c’est loin d’être le seul dossier dans ce cas-là. L’Etat a un tas de projets prévus pour le Sinaï mais aucun n’a jamais abouti » [7].

9 Cette représentation locale d’une région figée à l’état d’éternel projet cohabite paradoxalement avec celle d’une zone qui incarne le patriotisme égyptien et la défense de la nation. Occupée par Israël entre 1967 et1982, le Sinaï est en effet devenu un instrument de politique intérieure fréquemment utilisé par la plupart des dirigeants du pays. Le statut particulier de la péninsule au sein de l’armée est même institutionnalisé puisqu’une des principales récompenses militaires porte son nom : « la médaille de l’Ordre de l’étoile du Sinaï ». A ce propos, en 1993, un musée militaire a été inauguré dans le Nord-Sinaï, dont la description, faite sur le site d’information officiel de l’Etat égyptien, indique qu’il a été construit en « hommage aux efforts fournis par les citoyens du Sinaï pour défendre leurs terres contre des invasions étrangères depuis l’ère pharaonique jusqu’aux temps modernes » [8]. Alors que la bravoure des habitants du Sinaï fait généralement référence aux guerres israélo-arabes, la rhétorique employée ici insiste sur la continuité historique de la résistance de ses habitants. Elle s’inscrit donc dans cette idéologie nationale qui tend à faire de la région un rempart face à tout envahisseur potentiel.

10 Ce site web mentionne également l’existence d’une médaille intitulée « Décoration du 25 avril (Libération du Sinaï) », qui apparaît en premier sur la liste des nombreuses décorations du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi [9], et qui fait référence cette fois-ci à un événement historique précis. Il s’agit en effet de célébrer la date à laquelle l’Egypte a retrouvé une pleine souveraineté sur ce territoire (à l’exception de la ville de Taba), suite au retrait israélien de 1982. Cette « Journée de Libération du Sinaï » est fériée depuis cette année-là et donne lieu à des célébrations dans l’ensemble du pays. De nombreux jours chômés sont en effet liés aux différentes guerres ayant impliqué l’Egypte au cours du XXe siècle, durant lesquelles le Sinaï a souvent fait office de champ de bataille. Ainsi, le 18 juin a été consacré « Journée de l’Evacuation » en commémoration du repli des forces britanniques en 1956. De même, le 6 octobre est devenu la « Journée des Forces Armées » afin d’honorer le déclenchement de la « guerre d’Octobre » (appelée aussi « guerre du Kippour » en Israël), qui reste comme le principal fait d’armes des militaires égyptiens au cours l’ère moderne.

11 La place accordée à la dernière guerre menée contre l’Etat hébreu, qui s’est toutefois soldée par la défaite des pays arabes, se décline également dans la toponymie des villes égyptiennes. Depuis 1973, de nombreux axes de circulation, souvent un des principaux de chaque agglomération, ont été rebaptisés « Avenue du 6 octobre ». En outre, certaines villes, érigées après cette guerre, portent le nom de cette date. Dans la banlieue du Caire, les villes du « 10 ramadan » (qui correspond à la date du déclenchement de la guerre de 1973 dans le calendriermusulman) et du « 6 octobre » ont ainsi été créées par Anouar el-Sadate, respectivement en 1977 et 1979.

12 Dans la rhétorique officielle de l’Etat égyptien, la péninsule du Sinaï est donc assimilée à un trésor convoité, que l’Egypte a su recouvrer au terme de luttes acharnées. Elle devient donc un élément de fierté nationale, qui en appelle au patriotisme de chaque citoyen égyptien. On comprend dès lors que les difficultés rencontrées par l’armée égyptienne dans sa lutte contre le terrorisme dans le Sinaï s’accompagnent de discours martiaux qui utilisent la place de la région dans la construction du sentiment national.

Une zone cataloguée comme « sanctuaire djihadiste » [10] dans le langage diplomatique

13 Depuis 2011, dans la plupart des titres de presse égyptiens et internationaux, le Sinaï n’est pas simplement décrit comme une région où de nombreux attentats sont régulièrement commis, mais également comme un territoire contrôlé partiellement par certains groupes rebelles. Cette problématique est récurrente dans le monde entier, depuis qu’une « guerre contre le terrorisme » a été décrétée par l’administration Bush, à la suite des attaques du 11 septembre 2001. Bien que cette formulation ait été bannie du langage diplomatique de la Maison Blanche par Barack Obama [11] en 2009, plusieurs interventions militaires ont explicitement pour objectif de rétablir la souveraineté d’un état sur une zone qui serait aux mains des terroristes. Or, le Sinaï a ainsi récemment basculé dans la liste de ces régions, que les journalistes regroupent sous la bannière des potentiels « sanctuaires djihadistes » [12], quand elles abritent des groupes qui revendiquent une lutte armée au nom de l’islam. Cette expression a été utilisée dans de nombreux médias francophones que ce soit à propos du Nord du Mali [13], de la Libye [14], des zones tribales pakistanaises [15], et bien sûr de l’Afghanistan [16]. Ce dernier pays, qui a été dominé par un régime taliban entre 1997 et 2001, est en effet devenu le symbole de ces territoires où des groupes, se revendiquant de la nébuleuse Al-Qaïda, ont pu prendre racine. Dans un article du 13 février 2014, l’analyste du journalLe Monde Alain Frachon considérait même que « le Sinaï [était] en voie d’« afghanisation » avancée » [17]. Il détaillait le sens de ce néologisme en précisant que l’Egypte perdait le contrôle « des bandes de Bédouins passés du côté d’Al-Qaïda et équipés en armes sophistiquées,notamment des missiles sol-air, venus de la vente en gros de l’arsenal du libyen Kadhafi ». Le parallèle avec l’Afghanistan se fonderait donc sur une convergence idéologique des groupes du Sinaï avec la mouvance terroriste internationale et la possession d’armes lourdes, permettant de faire face à l’intervention d’une armée nationale.

De la lutte contre le terrorisme à la reconquête d’un territoire

14 En janvier 2014, un événement a confirmé que l’armée égyptienne n’était pas en mesure de reprendre possession du Sinaï facilement, même en utilisant ses capacités aériennes. Un hélicoptère a en effet été abattu dans le Nord de la péninsule alors qu’il était vraisemblablement engagé dans un combat contre des insurgés [18]. Des experts interrogés par leNew-York Times ont confirmé que les rebelles utilisaient des missiles sol-air de fabrication russe, provenant sans doute de Lybie [19]. La chute de Mouamar Kadhafi est souvent décrite comme un des principaux facteurs de la recrudescence du terrorisme au Proche-Orient et en Afrique de Nord.

15 La posture du principal groupe terroriste actif dans le Sinaï depuis 2011 a également contribué à faire entrer la région dans la catégorie des zones touchées par ce terrorisme mondialisé. « Ansar Beit Al-Maqdess » (ABM), qui signifie « les partisans de Jérusalem » [20], est l’organisation terroriste qui a été la plus active dans le Sinaï au cours de l’année 2013. Elle a tout d’abord revendiqué une affiliation au groupe Al-Qaïda, bien que celle-ci n’ait jamais été formellement confirmée par son commandement. En mai 2014, d’autres sources mentionnaient déjà un rapprochement avec l’organisation djihadiste EIIL [21] (« Etat Islamique en Irak et au Levant »), devenue mondialement célèbre depuis leur avancée spectaculaire dans le Nord de l’Irak au cours de l’été 2014, avant que le groupe ABM publie une annonce officielle de son allégeance à cette organisation le 10 novembre 2014. Quoi qu’il en soit, on constate que la prise en compte du contexte international est aujourd’hui indispensable à l’analyse de la montée du terrorisme dans le Sinaï. La proximité de la Syrie, qui est devenu une véritable plateforme du djihadisme mondial au fil de l’enlisement de la guerre civile dans le pays, est un élément qui ajoute aux inquiétudes du gouvernement égyptien et des chancelleries occidentales. La présence avérée de combattants étrangers au sein des cellules de combattants du Sinaïabonde en ce sens [22]. La population de la péninsule semble également établir un parallèle entre le sort de leur région et certains bastions du djihadisme international. Selon un habitant d’El-Arish, les violents combats du mois d’août 2013 s’apparentent à ceux de « Fallouja, en Irak, avec des échanges de tir à chaque coin de rue » [23].

16 L’Etat égyptien confirme ce sentiment en se déclarant « en guerre » dans l’ensemble de cette région. C’est d’ailleurs le président Mohamed Morsi lui-même, qui, le premier, évoquait la nécessité de « reprendre le contrôle » [24] de ce territoire, sous la pression de l’armée et face à l’émotion nationale, en août 2012.

Instrumentalisation politique de la situation sécuritaire dans la péninsule

17 Cependant les troubles sécuritaires de cette région font également écho aux profonds bouleversements qu’a connus la scène intérieure égyptienne entre 2011 et 2013, marqués par l’omniprésence de l’appareil militaire. La carrière politique de Mohamed Tantawi résume presqu’à elle seule le rôle de premier plan que l’armée n’a cessé de jouer tout au long de cette période. Ce maréchal, qui fut ministre de la Défense d’Hosni Moubarak pendant près de 20 ans, a hérité de la présidence du Conseil suprême des Forces Armées (CSFA) au moment de la démission de ce dernier, le 11 février 2011. Cette institution ayant été chargée d’assurer la transition politique du pays, Mohamed Tantawi a donc cumulé en plus des deux fonctions précédentes, celle de chef d’Etat égyptien jusqu’au début du mandat de Mohamed Morsi, le 30 juin 2012. La transmission de pouvoir a précédé de très peu la « mise à la retraite » [25] du maréchal : le 12 août 2012, ce dernier était contraint de renoncer à ses fonctions de ministre de la Défense et de président du CSFA dans ce qui a été présenté comme un coup de force du président élu afin de « s’affranchi[r] de la tutelle des militaires » [26]. M. Tantawi apparaissait en effet comme un successeur désigné par Moubarak lui-même, puisque ce dernier avait choisi de remettre les pouvoirs au CSFA au moment de sa démission. De plus, le jour du vote du second tour de l’élection présidentielle de 2012, le maréchal égyptien s’était assuré que l’armée continue de bénéficier d’un large contrôle sur le futur gouvernement. Grâce à ce qui a été appelée la « déclaration du 17 juin » [27], « les généraux gardaient un droit de veto sur toute nouvelleloi ou mesure budgétaire et se réservaient aussi un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution » [28]. Cette initiative conduite par le CSFA avait été ainsi perçue comme le premier acte d’une nouvelle lutte politique entre la confrérie et l’armée. Parallèlement au retrait du maréchal Tantawi le 12 août 2012, l’annulation de cette déclaration, le même jour, constituait une réelle victoire du président Morsi, à peine un mois après son élection.

18 Le fait que cette abrogation intervienne une semaine après l’attentat du poste frontière de Rafah ayant coûté la vie à 16 soldats égyptiens n’est pas un hasard du calendrier. La plupart des médias ont tout de suite fait le lien entre la démission de Tantawi, ainsi que celle du chef d’état-major des forces armées Sami Hanan, et les « défaillances d’[une] armée […]engagée à la fois sur le plan politique et sur le plan militaire » [29], selon les propos d’Abdallah al-Ashaal, professeur en sciences politiques à l’université américaine du Caire, interrogé par France 24. Sophie Anmuth, journaliste française basée au Caire, rapporte également qu’au lendemain du retrait de Tantawi, Morsi justifiait sa décision en déclarant vouloir « seulement donner un souffle nouveau à l’armée afin qu’elle puisse être forte et indépendante et protéger l’Egypte, notamment au Sinaï » [30]. Cependant, l’ensemble des analystes interprétaient ces événements comme un des rares aspects visibles des rivalités politiques du pays. Alexandre Buccianti, correspondant RFI-France 24 au Caire, affirmait ainsi que cette décision résultait de négociations entre la présidence et l’armée, qui aurait notamment obtenu l’assurance « qu’il n’y aurait à l’avenir, pas de poursuites judiciaires contre les militaires comme le réclam[aient] les révolutionnaires qui les accus[aient] d’avoir tué nombre d’entre eux » [31].

19 D’autre part, le média qatari Al Jazeera, considérée par les militaires comme la voix des Frères Musulmans, se félicitait de « l’occasion saisie par Morsi […] pour mettre un terme à la carrière politique d’un des plus fidèles serviteurs de l’armée dans le pays » [32]. Dans cet article du 14 août 2012, un ancien député égyptien se félicitait même du fait qu’il n’y ait alors « plus aucun risque […] de Coup d’Etat militaire contre le président », ce qui fut contredit moins d’un an plus tard. La montée du terrorisme dans le Sinaï est donc décrite comme une opportunité que la confrérie a su exploiter dans sa rivalité politique avec les militaires.

20 Au moment où Tantawi renonce à ses fonctions, son remplaçant est un parfait inconnu pour la plupart des Egyptiens. Abdel Fattah Al-Sissi était jusqu’ici le discret « patron des renseignements militaires » [33], bien que cet organisme soit « considérablement monté en puissance depuisla Révolution » [34] de 2011. A son intronisation en tant que ministre de la Défense au début du mois d’août 2012, les médias mentionnent systématiquement qu’il s’agit d’« un homme très pieux » [35] dont la femme porte le « voile […] intégral » [36]. Ces éléments ont ainsi corroboré la thèse qui voulait faire d’Al-Sissi, « l’homme des Frères Musulmans au sein des forces armées » [37], d’après certaines chaînes de télévision égyptiennes.

21 Abdel Fattah Al-Sissi n’a pas la légitimité historique de son prédécesseur, qui se permettait d’évoquer certains épisodes glorieux de sa carrière militaire pour s’attirer les sympathies de l’opinion publique. Alors qu’il était encore à la tête d’un pouvoir de transition, le maréchal Tantawi s’adressait ainsi aux habitants de la péninsule le 30 avril 2012 : « durant la guerre de 1956, vous êtes les personnes qui m’ont protégé lorsque je me trouvais à Khan Younès. La population du Sinaï m’a caché et m’a sauvé de l’ennemi. Vous avez toujours été du côté des militaires » [38]. Le parcours d’Al-Sissi ne lui permet pas de jouir immédiatement de la même aura mais ce dernier, que l’on disait très proche de Tantawi [39], saura également asseoir son ascension politique sur des discours martiaux à propos de la situation du Sinaï.

22 Il a notamment construit son image de protecteur de l’intégrité de la nation en démentant les rumeurs, aussi tenaces que farfelues, de cession d’une partie du Sinaï aux Palestiniens en janvier 2013 [40]. Il a également su exploiter la posture ambigüe du gouvernement Morsi lors de la prise d’otage de sept membres des forces de sécurité égyptiennes dans la péninsule en mai 2013 [41]. Alors que le mécontentement à l’égard des Frères Musulmans montait, les militaires ont parfaitement saisi l’opportunité de revenir sur le devant de la scène.

23 En outre, l’insécurité dans le Sinaï n’a pas été qu’un catalyseur de la gronde sociale contre l’inaction de Morsi avant le 3 juillet 2013. L’explosion de l’insurrection djihadiste dans cette région, après la destitution du président issu de la confrérie, a fourni un argument de plus au Conseil suprême des Forces armées : selon le discours des militaires, l’Egypte avait été ainsi sauvée des mains d’une organisation terroriste. Quelques mois plus tard, fraîchement promu au rang de maréchal à son tour, Abdel Fattah Al-Sissi cultivait cette image de sauveur de la nation, lors de la campagne présidentielle, au terme de laquelle il est élu en mai 2014. Dans sa première interview à un média étranger, il exposait à l’agence Reuters la version de l’armée, qui ne pouvait pas « abandonner son peuple » [42] dans cette « guerre contre le terrorisme » [43].

Le champ sémantique du mot « terrorisme »

24 Les militaires au pouvoir depuis le 3 juillet 2013 ont opéré un regroupement sémantique qui assimile la confrérie à l’insurrection djihadiste dans le Sinaï. A l’issue d’une réunion du gouvernement intérimaire le 25 décembre 2013, les Frères Musulmans ont été officiellement reconnus comme une « organisation terroriste » par l’Etat égyptien [44]. Comme l’a souligné le ministre de la solidarité sociale Ahmed El-Boraie, cette décision permettait aux dirigeants égyptiens d’interdire « toutes [l]es activités » politiques ou sociales, ainsi que « les manifestations quotidiennes » organisées par la confrérie. La répression systématique des Frères Musulmans est donc institutionnalisée, le vice-premier ministre Hossam Eissa promettant de « punir conformément à la loi quiconque appartiendrait à ce groupe » [45]. L’armée ne semblait pourtant pas dans l’attente d’une telle déclaration pour museler l’opposition d’une main de fer, comme en témoigne le démantèlement du sit-in pro-Morsi, place Rabia Al-Adawiya au Caire, qui avait fait plusieurs centaines de morts à l’été 2012 [46]. La dimension symbolique de cette décision paraît encore plus importante que ses conséquences pratiques. L’inscription de la confrérie sur la liste officielle des organisations reconnues comme terroristes par l’Etat égyptien, intervient en effet moins de deux jours après un attentat perpétré contre le commissariat de police de la ville de Mansourah, dans l’est du delta du Nil. Cette attaque a été présentée dans les médias officiels à la fois comme une « extension » [47] de l’insurrection du Sinaï vers le « cœur » [48] du pays et une opération « orchestrée par la confrérie » [49]. Les militaires égyptiens ont ainsi fait basculer l’affrontement politique face aux partisans de Mohamed Morsi vers un combat entre l’armée de l’Etat d’un côté, et un regroupement de groupuscules djihadistes de l’autre.

25 L’attaque de Mansourah a pourtant été très rapidement revendiquée par un communiqué d’Ansar Beit Al-Maqdess. Bien que ce groupe djihadiste se soit opposé au gouvernement Morsi, qualifiant ce dernier de « mécréant » [50], le CSFA est parvenu à diffuser la thèse d’une union entre ABM et la confrérie. Les relais médiatiques du gouvernement ont notamment fait circuler une version modifiée de la déclaration d’ABM, mentionnant leur volonté de répondre « aux violences faites en Egypte aux Frères » [51]. Cette lecture, volontairement simpliste, desdynamiques en cours dans le pays, a permis aux militaires au pouvoir de fédérer une large partie de la population égyptienne autour de la « guerre contre le terrorisme », ciblant une coalition aussi large que désunie, allant des groupuscules du Sinaï à l’organisation des Frères Musulmans. La rhétorique des autorités égyptiennes permettait de justifier la répression féroce contre toute forme d’opposition depuis la destitution de Mohamed Morsi. Un rapport de l’institut Wikithawrarecense plus de 40 000 arrestations dans l’ensemble du pays entre le 3 juillet 2013 et le 15 mai 2014, dont 89 % seraient liés à des activités politiques contre seulement 4 % au terrorisme [52]. Par conséquent, l’appareil militaire égyptien s’est effectivement appuyé sur la lutte contre le terrorisme pour anéantir l’opposition politique que représentait la confrérie, qui avait remporté l’ensemble des suffrages organisés depuis la chute d’Hosni Moubarak.

La question des liens entre les Frères Musulmans et les groupes djihadistes du Sinaï : plusieurs indices mais aucune preuve formelle

26 L’attitude de l’armée ne dédouane pas une partie des Frères Musulmans d’éventuels liens, fondés sur une convergence ponctuelle d’intérêts, avec des groupes djihadistes du Sinaï. Mohamed Beltagui, un des représentants de la confrérie, a ainsi fourni un argument de taille à ses rivaux en déclarant à la télévision égyptienne, quelques jours après la destitution de Mohamed Morsi, que si celui-ci « retrouvait son poste de président, les attaques armées contre des militaires dans le Sinaï s’arrêteraient immédiatement » [53]. Malgré plusieurs démentis de la confrérie et un rétropédalage, assez peu convaincant, de Beltagui lui-même [54], les Frères Musulmans ont eu le plus grand mal à se désolidariser complètement de cette flambée de violence visant les forces de sécurité.

27 L’évolution chronologique du terrorisme en Egypte depuis 2011 tend également à accréditer l’hypothèse d’une alliance de circonstance entre une frange de la confrérie et certains groupes djihadistes, en vue de combattre le retour au pouvoir de l’armée. Le rapport de l’institut The Henry Jackson Society intitulé « Terror in Sinai », présenté au Parlement britannique en mai 2014, note ainsi un brusque changementde l’activité terroriste à partir du renversement de Mohamed Morsi, à la fois en terme d’intensité et de cible : alors que le nombre d’attentats explose, les militaires égyptiens deviennent de loin les principaux visés [55]. Entre les mois de juin et de juillet 2013, on remarque que le nombre d’attaques passe de 7 à 112, et que plus des trois quarts d’entre elles visent désormais des cibles gouvernementales, principalement l’armée. De même, en août 2013, l’étude relève que les « porte-parole djihadistes ont appelé les Egyptiens à prendre les armes contre les militaires » [56]alors que ceux-ci étaient engagés dans un bras de fer politique avec la confrérie.

28 Les groupes terroristes, particulièrement actifs dans le Sinaï depuis les années 2000, se sont en effet emparés du prétexte du retour au pouvoir des militaires et de l’éviction de Mohamed Morsi pour déclarer une guerre sainte à grande échelle contre l’Etat. Une des figures de cet islamisme radical dans le Sinaï est l’égyptien Mohamed Al-Zawahiri, qui n’est autre que le frère d’Ayman Al-Zawaihiri, successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al-Qaïda. Mohamed Al-Zawahiri, qui purgeait une peine de prison à perpétuité au Caire, a été libéré par l’administration Morsi, tout comme plusieurs leaders islamistes condamnés au cours des années 1990 pour leur implication dans des attentats [57]. Il se serait alors immédiatement installé dans la péninsule, en vue de devenir le leader du « Mouvement du djihad salafiste » [58] en Egypte. Sa réaction au renversement du président issu des Frères Musulmans est sans équivoque : selon le journal privé égyptien Al-Masry Al-Youm, il aurait appelé à prendre les armes tant que Morsi n’aurait pas retrouvé son fauteuil de président [59]. Cette attitude incite à émettre l’hypothèse d’une alliance, éventuellement tacite, entre certains leaders djihadistes et les dirigeants de la confrérie. Cependant, en dépit des nombreuses accusations de l’armée, « aucune preuve d’un réel engagement des Frères Musulmans, aux côtés des groupes terroristes du Sinaï, n’a à ce jour été fournie » [60] remarque Mohannad Sabry.

29 Pour ce spécialiste de la péninsule du Sinaï, si « l’existence de liens entre les Frères Musulmans et les rebelles du Sinaï ne fait aucun doute », les interrogations demeurent sur « leur niveau réel ». Mohannad Sabry pointe ainsi de nombreuses incohérences dans le discours des militaires : alors que la quasi-totalité des dirigeants de la confrérie sont aujourd’hui en prison, l’insurrection djihadiste se poursuit dans la péninsule. De même, après plusieurs milliers d’arrestations dans le Sinaï, l’armée n’a pas été en mesure de donner une seule preuve irréfutable d’une quelconque complicité entre les Frères Musulmanset un de ces groupuscules. La quantité d’accusations sans preuve et d’informations contradictoires, couplée à la multiplication des groupes actifs dans la région et des cibles visées, font ainsi écho au blackout médiatique imposée par l’armée à propos du Sinaï depuis plus d’un an.

Internationalisation du conflit entre l’armée égyptienne et les Frères Musulmans

30 Selon le géographe Mehdi Lazar [61], membre du cercle des chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO), « la question des Frères Musulmans crée un schisme entre les Etats du Golfe » [62]. En effet, la crise politique égyptienne a mis en lumière l’opposition entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Ces deux pays, riches en hydrocarbures, à majorité sunnite, et tous deux membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), sont pourtant habituellement décrits comme partenaires, notamment dans leur opposition régionale face à l’Iran chiite et ses alliés. Les bouleversements des printemps arabes de 2011 ont néanmoins remis au goût du jour les rivalités entre ces deux grandes puissances énergétiques.

31 Afin d’étendre son influence dans les pays arabes en proie à de profonds changements politiques, le Qatar avait misé sur la confrérie dont il est un des principaux soutiens financiers et logistiques, notamment via le média Al-Jazeera. Au contraire, Riyad a perçu les succès électoraux des Frères Musulmans en Egypte, en Tunisie et en Libye, comme une menace pour le maintien de son propre régime. L’Arabie Saoudite craignait ainsi « une exportation de la révolution égyptienne » [63] via les réseaux des Frères Musulmans dans le royaume et ses alliés des Emirats Arabes Unis (EAU), d’après une tribune du 17 mars 2014 de William McCants publiée au sein de la revue Foreign Affairs. Cet analyste américain, responsable des relations entre les Etats-Unis et le monde islamique à la Brookings Institution, ajoutait même que « ces craintes n’étaient pas sans fondement » [64]. C’est cette peur d’une contagion des printemps arabes qui aurait ainsi poussé Riyad à soutenir sans relâche le retour au pouvoir de l’armée égyptienne, allant même jusqu’à placer les Frères Musulmans sur leur liste des organisations terroristes le 7 mars 2014, quelques mois après que l’Egypte l’a fait.

32 L’attitude diplomatique de l’Arabie Saoudite a même totalement épousé le discours des militaires du Caire puisque cette liste renvoyait dos à dos la confrérie et la nébuleuse djihadiste Al-Qaïda, ainsi quel’organisation chiite Hezbollah, basée au Liban. Elle avalisait ainsi le discours du CSFA qui mêlait la « guerre contre le terrorisme » engagée dans le Sinaï, au sauvetage du pays des mains des Frères Musulmans, cette « vipère qui s’active depuis le Qatar » [65]. La férocité de la répression des autorités égyptiennes à l’égard des journalistes d’Al-Jazeera s’explique également par cette vision d’une lutte à l’échelle internationale contre la confrérie et l’ensemble de ses relais. Le tournant autoritaire pris par les dirigeants du Caire a quelque peu terni leurs relations diplomatiques avec Washington, l’administration Obama s’inquiétant à la fois du recul des libertés civiles et de la « campagne militaire dans le Sinaï » [66]. Les Etats-Unis souhaitaient en effet éviter d’apparaître comme un des principaux alliés d’un régime qui n’hésite pas à utiliser les armes fournies par Washington contre sa population. La décision américaine de geler une partie de l’aide financière et de retarder la livraison d’hélicoptères de combat n’a fait que conforter les dirigeants saoudiens dans l’idée qu’il leur appartenait d’assurer le retour de l’armée égyptienne sur le devant de la scène. Peu de temps après le renversement de Morsi, le Royaume annonçait être en mesure de compenser ces éventuelles pertes en fournissant une aide de 5 milliards de dollars, entraînant dans son sillage des promesses du même ordre de la part des EAU et du Koweït [67].

33 Le soutien indéfectible de l’Arabie Saoudite à l’Egypte des militaires est donc à la mesure de leur crainte d’un renversement d’alliances dans la région. La main tendue de Mohamed Morsi au rival iranien, symbolisée par sa visite à Téhéran en août 2012 [68], quelques mois après son élection, avait particulièrement irrité le régime saoudien.

34 Au sein de cet échiquier moyen-oriental, le rôle de Téhéran n’est pas neutre. A la fois ennemi déclaré d’Israël depuis la révolution islamique de 1979 et grand rival de l’Arabie Saoudite, les Iraniens sont éloignés des positions égyptiennes depuis plus de 30 ans. L’élection de Mohamed Morsi avait ouvert de nouveaux horizons dans les relations diplomatiques entre les deux pays ; le président issu des Frères Musulmans accueillant même au Caire pour la première fois depuis 1979 un président iranien en exercice, Mahmoud Ahmadinejad [69], en février 2013. La destitution de Morsi quelques mois plus tard a donc contrarié les ambitions régionales de Téhéran, qui considère le retour des militaires comme une continuation du régime de Moubarak, hostile à la République islamique.

35 Dans ce contexte, les Iraniens semblent accentuer leur soutien au Hamas, ainsi qu’à d’autres groupuscules basés à Gaza, qui entendentcontinuer la lutte armée contre Israël. Or, le Sinaï est une zone stratégique dans les relations entre Téhéran et ces éléments gazaouis : plusieurs indices montrent que cette région constitue la dernière étape par laquelle transitent les armes de contrebande fournies par les Iraniens. Depuis 2009, le Soudan a accusé plusieurs fois l’aviation israélienne d’avoir conduit des opérations de bombardement sur son territoire contre des « fabriques d’armes qu’Israël et les Etats-Unis soupçonnaient d’être sous contrôle de l’Iran » [70], et d’alimenter la bande de Gaza, via le Sinaï. De même, en 2012, un général de la Multinational Force & Observer (MFO) alertait sur des tests d’armes sophistiquées de fabrication iranienne, réalisés dans le Sinaï, par des insurgés venus de Gaza [71].

36 En outre, la marine israélienne a intercepté, en mars 2014, un bateau iranien contenant des missiles syriens, à destination des côtes soudanaises. Les militaires de l’Etat hébreu ont communiqué le trajet présumé de ces armes, qui seraient passées de Syrie en Iran, puis embarquées sur le navire iranien à destination du Soudan, où elles devaient être acheminées à Gaza en passant par les réseaux du Sinaï [72]. Cependant, selon l’agence Reuters, les services de renseignement américains auraient établi que la péninsule était, en réalité, la destination finale de ces missiles [73]. Cette hypothèse illustre bien le changement de statut du Sinaï au sein des différents conflits régionaux, récemment passé d’une zone de transit à une zone de combats. De plus, des experts israéliens ont signalé qu’une partie des armes, arrivées à Gaza via la contrebande du Sinaï, avaient fait le chemin en sens inverse, afin d’être utilisées contre des cibles égyptiennes [74].

37 En effet, alors que le Sinaï était souvent décrit comme « l’arrière-cour de la volatile bande de Gaza, cette dynamique est aujourd’hui entrain de s’inverser » [75]. En 2011, quelques mois après le renversement de Moubarak, le Hamas aurait même entrepris d’installer une partie de ces bases et stocks de munitions dans le Nord-Sinaï, où « ils seraient moins vulnérables aux frappes aériennes d’Israël » [76]. Que ces allégations soient vraies ou non, elles ont été reprises et amplifiées dans la presse égyptienne lors de la campagne anti-Morsi au printemps 2013. Au fur et à mesure des évolutions politiques au Caire, les dirigeants de Gaza n’ont plus seulement été présentés comme des éléments perturbateurs, utilisant le Sinaï comme refuge dans leur combat contre Israël, mais comme de réels combattants engagés conte l’Etat égyptien, dans des attaques ciblant les forces de sécurité.

38 Le journal Al-Ahram a notamment accusé de façon virulente trois responsables du Hamas d’être personnellement impliqués dans l’attentat du 5 août 2012 où 16 soldats égyptiens avaient été tués [77]. Considéré comme la « petite sœur » [78] des Frères Musulmans égyptiens, le Mouvement de la Résistance Islamique palestinien allait devenir un ennemi à abattre aux yeux de l’appareil militaire au pouvoir. C’est pourquoi, selon Michaël Prazan, journaliste français, auteur en 2014 d’une enquête très documentée à propos de la confrérie, « le Hamas est le grand perdant de la crise égyptienne », dont il sort « affaibli et terriblement isolé » [79]. Comme un symbole, une des accusations qui permet aujourd’hui à l’armée de maintenir Mohamed Morsi en détention est celle d’une « conspiration impliquant l’ancien président égyptien avec un « groupe terroriste », le Hamas » [80].

Conclusion

39 L’opposition entre l’armée du pays et les Frères Musulmans a donc entraîné dans son sillage une polarisation de la région puisque la plupart des pays voisins se sont répartis entre partisans du retour des militaires d’une part, et soutiens de la confrérie d’autre part.

40 De plus, l’instabilité sécuritaire dans le Sinaï a été instrumentalisée par l’ensemble des parties prenantes de cette opposition, afin de décrédibiliser le camp adverse. Au cours des bouleversements politiques en Egypte depuis 2011, la perception de cette guerre contre le terrorisme a évolué au gré des dirigeants qui se sont succédés au sommet de l’Etat égyptien. L’insurrection djihadiste a, tour à tour, été utilisée par Mohamed Morsi pour s’affranchir de la tutelle de l’état-major, puis, par les militaires, pour renverser le président issu des Frères Musulmans. Quelle que soit l’identité du gouvernement égyptien, le Sinaï paraît donc cantonné à un rôle d’« épine dans le pied » [81] des pouvoirs en place.

41 Selon de nombreux représentants des habitants de la péninsule, les racines de l’insécurité dans le Sinaï seraient plutôt à rechercher dans le déclassement économique de sa population. La flambée de violence en cours dans le Sinaï correspondrait ainsi plutôt à l’analyse que donne le sociologue Michel Wieworka du terrorisme, à savoir un « anti-mouvement social », c’est-à-dire qu’il s’appuie sur l’expression d’une contestation de masse a priori légitime pour la retourner dans une violence incoercible au profit d’un groupe politique ou sectaire ou bienles deux à la fois » [82]. Cette définition semble correspondre à la flambée de violence que connaît actuellement le Sinaï. Alors que l’exclusion de la péninsule du projet national égyptien semble n’avoir d’égal que sa place de choix dans les discours martiaux des dirigeants du pays, il est probable que l’islamisme radical apporte un cadre idéologique à une révolte bien antérieure, nourrie par la misère économique et sociale de la population. ?

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Date de mise en ligne : 13/01/2015

https://doi.org/10.3917/come.091.0143

Notes

  • [1]
    « 25 Egyptian policemen killed in northern Sinai ambush », Haaretz, 19 août 2013.
  • [2]
    D’après les chiffres les plus récents du CAPMAS (Central Agency for Public Mobilization ans Satistics), l’Egypte compte 86 249 243 habitants en 2014.http://www.capmas.gov.eg/?lang=2
  • [3]
    « Egypt’s Sinai Question », International Crisis Group, « Egypt’s Sinai Question », Middle East/North Africa vol.61, 30 janvier 2007.
  • [4]
    Source : CAPMAS (Central Agency for Public Mobilization and Statistics) :http://www.capmas.gov.eg/reports_eng/cens/form_cns_e. aspx?parentid=2940&id=3455&free=1
  • [5]
    « The revival of Al Salam Canal, supposed to develop Sinai », Egypt Independent, 21 mai 2012.
  • [6]
    L’ensemble des dispositions prévues par le « North Sinai Agricultural Development Project » sont par exemple décrits sur le site gouvernemental :http://www.sis.gov.eg/newVR/sinia/html/esinia10.htm
  • [7]
    Témoignage d’une habitante d’El-Arish, recueilli au Caire le 10 février 2014.
  • [8]
    Voir la page dédiée aux musées militaires sur ce site gouvernemental :http://www.sis.gov.eg/newvr/october/english/5.htm
  • [9]
    Voir la fiche d’Abdel Fattah Al-Sissi sur ce site gouvernemental :http://www.sis.gov.eg/En/Templates/Articles/tmpArticles. aspx?CatID=2817#.U4dBMvl_tcM
  • [10]
    Terme employé par exemple pour qualifier la région dans le journalLe Monde : « La région du Sinaï est devenu un sanctuaire djihadiste », Le Monde, 20 août 2013.
  • [11]
    « L’expression « guerre contre le terrorisme » abandonnée », France 24, 31 mars 2009.
  • [12]
    Cette expression était utilisée pour le Sinaï dès 2011 : « Le Sinaï est devenu le nouveau sanctuaire d’Al-Qaïda », Slate, 18 août 2011.
  • [13]
    « Reportage exclusif : au cœur du sanctuaire djihadiste des Ifoghas »,France 24, 7 mars 2013.
  • [14]
    « Et si la Libye devenait le nouveau sanctuaire d’Al-Qaïda ? »,SlateAfrique, 2 janvier 2012.
  • [15]
    « Les zones tribales du Pakistan, sancutaire djihadiste », Le Monde, 22 janvier 2009.
  • [16]
    « Afghanistan-Pakistan : le grand retour des djihadistes », Le Point, 30 juillet 2012.
  • [17]
    « Proche-Orient : Kerry fait du bon travail », Le Monde, 13 février 2014.
  • [18]
    « Militants down Egyptian helicopter, killing 5 soldiers », The New-York Times, 26 janvier 2014.
  • [19]
    Ibid.
  • [20]
    The Henry Jackson Society, « Terror in Sinai », Londres, 2014, p. 32.
  • [21]
    « Abou Bakr Al-Baghdadi, le nouveau Ben Laden », Le Monde, 29 mai 2014.
  • [22]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 15.
  • [23]
    « La région du Sinaï est devenue un sanctuaire djihadiste », art. cit.
  • [24]
    « Le Sinaï, épreuve de vérité pour Mohamed Morsi », Le Monde, 16 août 2012.
  • [25]
    « Fin de partie pour Tantaoui », SlateAfrique, 12 août 2012.
  • [26]
    « Mohamed Morsi s’affranchit de la tutelle des militaires », France24, 13 août 2012.
  • [27]
    « Le président Morsi met le maréchal Tantaoui à la retraite », L’Express, 12 août 2012.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    « Mohamed Morsi s’affranchit… », art. cit.
  • [30]
    « Fin de partie pour Tantaoui », art. cit.
  • [31]
    « Mohamed Morsi s’affranchit… », art. cit.
  • [32]
    « Egypt’s Morsi ‘empowered’ by army shake-up », Al Jazeera, 14 août 2012.
  • [33]
    « Fin de partie pour Tantaoui », art. cit.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    « Tantawi hails people of Sinai, allocates LE250 million for development projects », Egypt Independent, 30 avril 2012.
  • [39]
    « Fin de partie pour Tantaoui », art. cit.
  • [40]
    « Sinaï : l’armée met fin aux rumeurs sur un Sinaï palestinien », Al-Ahram Hebdo, 2 janvier 2013 ; Voir également les propos d’un général de l’armé égyptienne dans « Egypte : « Il faut tuer ou arrêter les leaders des Frères musulmans »», Le Monde, 20 août 2013
  • [41]
  • [42]
    « Sissi sollicite l’aide des Etats-Unis contre les djihadistes », Le Nouvel Observateur, 15 mai 2014.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    « Les Frères Musulmans déclarés organisation terroriste en Egypte »,Le Monde, 25 décembre 2013.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    Les différentes estimations oscillent entre 288 morts selon le gouvernement et 900 selon les dirigeants de la confrérie. Le ministère de la Santé égyptien a reconnu que la répression des manifestations du 14 août 2012 avaient fait plus de 600 morts dans l’ensemble du pays, dont 595 civils et 43 policiers. Le récent rapport d’Human Rights Watch, « All according to plan. The Rab’a massacre and mass killings of protesters in Egypt » mentionne un minimum de 817 morts pour la seule journée du 14 août.
  • [47]
    « 15 dead, 134 injured in Egypt’s Mansoura explosion », Ahram Online, 24 décembre 2013.
  • [48]
    Traduction du terme « heartland », qui matérialise la différence que font les médias entre le cœur de l’Egypte et le Sinaï, vue comme une région périphérique.
  • [49]
    « Egypt’s political forces accuse Brotherhood of orchestrating Mansoura attack », Ahram Online, 24 décembre 2013.
  • [50]
    « Égypte, le prix de la « guerre contre le terrorisme »», Orient XXI, 10 janvier 2013.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    « Over 40,000 detained and prosecuted since July, Wikithawra reports », Mada Masr, 25 mai 2014.
  • [53]
    « The Jihadist’s threat in Egypt’s Sinai », Al-Monitor, 22 juillet 2013.
  • [54]
    « Beltagy claims he referred to ‘protests’ in famous Sinai video », Egypt Independent, 31 août 2013.
  • [55]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 30.
  • [56]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 4.
  • [57]
    « The Jihadist’s threat in Egypt’s Sinai », art. cit.
  • [58]
    Ibid.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    Propos recueillis au Caire le 9 février 2014 auprès du journaliste égyptien Mohannad Sabry, spécialiste du Sinaï pour le média en ligne Al-Monitor, basé à Washington.
  • [61]
    Spécialiste du Qatar, il est notamment l’auteur de Le Qatar aujourd’hui, Michalon, Paris, 2013.
  • [62]
    « La question des Frères Musulmans crée un schisme entre les Etats du Golfe », La Croix, 17 mars 2014.
  • [63]
    « Islamists outlaws. Saudi Arabia takes on the Muslim Brotherhood »,Foreign Affairs, 17 mars 2014.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    « Le Golfe protège l’Egypte », Al-Ahram Hebdo, 30 mars 2014.
  • [66]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 5.
  • [67]
    « Islamists outlaws. Saudi Arabia takes on… », art. cit.
  • [68]
    « Visit by Egypt’s Morsi to Iran reflects foreign policy shift », Washington Post, 27 août 2012.
  • [69]
    « Iran’s president begins historic Egypt visit », Al-Jazeera, 5 février 2013.
  • [70]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 19.
  • [71]
    « Sinai peacekeeping force commander warns of weapons smuggling to Gaza », Haaretz, 31 mai 2012.
  • [72]
    « IDF captures Iranian ship carrying advanced rockets for Gaza », Yediot Ahronot, 3 mai 2014.
  • [73]
    « Doubts surface on Gaza destination of rockets seized by Israel »,Reuters, 25 mars 2014.
  • [74]
    « Israel security officials : weapons smuggled into gaza to attack Israel, now used against Egypt », The Algemeiner, 25 juillet 2013.
  • [75]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 18.
  • [76]
    « Terror in Sinai », op. cit., p. 18 d’après « Hamas sets up rocket production line in Sinai » Jerusalem Post, 11 décembre 2011.
  • [77]
    Leïla Seurat, « Le Hamas et Mohamed Morsi : un rapprochement trop risqué », in Confluences Méditerranéee, vol. 86, été 2013, pp. 131-143.
  • [78]
    Expression recueillie auprès du journaliste égyptien Mohannad Sabry, au Caire, le 9 février 2014.
  • [79]
    Michaël Prazan, Frères Musulmans. Enquête sur la dernière idéologie totalitaire, Grasset, Paris, 2014, p. 419.
  • [80]
    Ibid.
  • [81]
    Expression tirée de l’article « Le Sinaï, épine dans le pied de l’Egypte »,Le Monde diplomatique, février 2012.
  • [82]
    Cité in « Les prisons, incubatrices du terrorisme », Le Monde, 2 juin 2014.

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