Notes
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[1]
« Otra vez el ayer », Avant dernière poésie d’Antonio Machado, Hora de España, junio 1938, in Soledades Poesias de la guerra, PPP, Madrid, 1981, p. 156.
-
[2]
Nous avions notamment, publié dans la revue Maghreb-Machrek n° 197, Automne 2008, un dossier « La France et l’Algérie : mémoire de la guerre et guerre des mémoires. »
-
[3]
Charron, Paris, 1972.
-
[4]
Sur la question de l’histoire « univoque » on consultera le livre de Suzanne Citron, Le mythe national : l’Histoire de France en question, Les éditions ouvrières/études et documentation internationales, Paris, 1989, 336 p.
-
[5]
« La victoire franquiste voudra prendre les couleurs d’une victoire nationale, mais elle n’y parviendra pas, sinon dans le discours. » JF Daguzan, « Fait national et fait régional, essai comparatif entre la France et l’Espagne », in Pierre Bidart (coordinateur), Régions, nations, Etats, composition et recomposition de l’espace national, Publisud, Paris, 1991, p. 53.
-
[6]
Patrick Pépin, Histoires intimes de la guerre d’Espagne, 1936-2006 la mémoire des vaincus, Nouveau monde éditions, Paris, 2009, p. 27.
-
[7]
Cette stratégie n’a pas été suivie dans d’autres cas de figure. L’Allemagne réunifiée décida de poursuivre les membres du pouvoir est-allemand supposés avoir commis des crimes à l’encontre de leur population ou de l’Allemagne de l’Ouest. Toutes les élites furent épurées ; ce qui créa et crée encore un fort ressentiment chez les Allemands de l’Est.
-
[8]
« La révolution incroyable ? L’armée et la transition démocratique en Espagne », in Anne Dulphy & Yves Léonard, De la dictature à la démocratie : voies ibériques, P.I.E. - Peter Lang, Bruxelles, 2003, p. 68.
-
[9]
Histoires intimes de la guerre d’Espagne 1936-2006 La mémoire des vaincus, op. cit. p. 10.
-
[10]
Sociologie de la mémoire des descendants de vaincus de la guerre civile espagnole dans la région de Murcie, sous la direction d’Yves Déloye, Mémoire M2 recherche Paris 1, juin 2007, p. 23.
-
[11]
Mari Carmen Rodriguez, Guerre de la mémoire en Espagne, mardi 30 janvier 2007, Le Courrier, http://www.lecourrier.ch/index.php?name=New spaper & file=article & sid=42976, p.2.
-
[12]
Plaza & Janes, Barcelona, 1985 pour l’édition espagnole, chap. 2 « Cicatriz de la guerra civil », p. 31-33.
-
[13]
Phénomènes abordés en profondeur dans : Aróstegui (J.), Godicheau (F.), Guerra civil, mito y memoria, Madrid, Marcial Pons, 2006.
-
[14]
Voir son site web très documenté : http://www.memoriahistorica.org/
-
[15]
Op.-cit. p. 33.
-
[16]
Voir notamment Danièle Rozenberg, « Mémoire et oubli dans la construction démocratique espagnole », in Anne Dulphy & Yves Léonard, De la dictature à la démocratie : voies ibériques, op.cit., p. 167-184.
-
[17]
LEY 52/2007, de 26 de diciembre, por la que se reconocen y amplían derechos y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecucióno violencia durante la guerra civil y ladictadura. http://www.boe.es/ boe/dias/2007/12/27/pdfs/A53410-53416.pdf
-
[18]
Arnaud Imatz, Guerre d’Espagne : mémoire historique ou mémoire hystérique ? Nouvelle revue d’histoire, janvier/février 2009, n° 40, Polemia 28/02/09, http://www.polemia.com/article.php?id=1886
-
[19]
Jean Ortiz, Bataille pour la mémoire républicaine, Le Monde diplomatique, février 2009, p. 16 ; http://www.monde-diplomatique.fr/ imprimer/16784:1fd745ddb1
-
[20]
80 000 Marocains ont combattu pendant la guerre civile ; Zoé Deback, Mémoire. Les Indigènes de la Guerre d’Espagne, Telquel Online n° 346 ; http://www.telquel-online.com/346/maroc6_346.shtml
-
[21]
Olivier Compagnon, Severiano Rojo Hernandez, Mona Huerta Credal : Introduction scientifique au colloque Mémoires de la guerre civile espagnole : transmission, réappropriations et usages, 1-3 avril 2009, http:// calenda.revues.org/nouvelle10854.html
-
[22]
Un très bon panorama est donné par Anne Dulphy, « Le regard français sur la transition espagnole (presse nationale, périodiques, ouvrages publiés) », in Anne Dulphy & Yves Léonard, De la dictature à la démocratie…, op. Cit., p. 257-278.
-
[23]
Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris, 3 tomes : t. 1 La République (1 vol., 1984), t. 2 La Nation (3 vol., 1992), t. 3 Les France (3 vol., 1992).
-
[24]
Sociologie de la mémoire des descendants de vaincus de la guerre civile espagnole, p. 10.
-
[25]
Sébastien Ledoux, Pour une généalogie du « devoir de mémoire » en France, http://centrealbertobenveniste.org/formail-cab/uploads/Pour-une-genealogie-du%20devoir-de-memoire-Ledoux.pdf
-
[26]
Sébastien Ledoux, « primauté d’une nouvelle figure sociale : la victime », in Pour une généalogie du « devoir de mémoire » en France, idem, p. 6.
-
[27]
Maud Joly, « Guerre Civile, violences et mémoires : retour des victimes et des émotions collectives dans la société espagnole contemporaine » in Ve Journée d’histoire des sensibilités, Rennes, UHB, 20 mars 2008/Va Jornada de Estudios de Historia de las Sensibilidades – Coord. Luc Capdevila-Frédérique Langue, http://nuevomundo.revues.org/36063
-
[28]
« Mémoire et oubli dans la construction démocratique espagnole », op. cit., p. 179.
-
[29]
José María Ruiz-Vargas, « Trauma y memoria de la Guerra Civil y la dictadura franquista », Hispania Nova, Revista de historia contemporanea, n° 6 año 2006, p. 38-39 http://hispanianova.rediris.es/6/dossier/6d012. pdf
« Cual muerde el tiempo tu memoria en vano !
Tan nuestra ! Aviva tu recuerdo, hermano.
No sabemos de qui va a ser mañana. »
1Comme chercheur en science politique, j’ai toujours eu les plus grandes réserves vis-à-vis de l’égo-histoire de la mise en scène de l’expérience et le l’implication personnelle de l’auteur. Pourtant, je vais trahir ici cette résolution pour essayer de donner un peu de chair à ce sujet qui n’est peut-être pas compris à sa juste valeur tras el Pirineo.
2 J’ai fait ma thèse de science politique sur la transition militaire espagnole du franquisme à la démocratie. J’ai donc séjourné longuement en Espagne entre 1981 et 1986, pays que j’avais préalablement fréquenté à partir de 1975. J’ai donc été imprégné du « compromis historique », condition de la transition démocratique, basé sur l’absence de revanche et sur l’oubli.
3 Un peu plus tard, travaillant sur le Maghreb, je revins sur la question de la mémoire qui se posait de façon de plus en plus pressante en Algérie. En effet, à partir du début des années 2000, les autorités algériennes se mirent à revendiquer une reconnaissance, voire des excuses publiques pour les « crimes de la colonisation » commis par la France pendant les cent trente ans d’occupation. De l’autre côté, en miroir, on assistait à la revendication mémorielle des Harkis et des rapatriés. [2]
4 Enfin, quitte à s’impliquer un peu plus au risque de lasser le lecteur, je vais terminer par un exemple personnel qui peut faire sourire mais qui n’en est pas moins l’expression d’une réalité. Fruit de l’éducation française, laïque une et indivisible j’avais gobé avec délectation les fondements d’une histoire commune enseignée indistinctement à toutes les populations de l’empire français. Or, en 1972, alors à l’université, je découvrais avec stupéfaction le livre de Gaston Bonheur, « Si le Midi avait voulu » [3] dans lequel surgissait une histoire régionale qui n’avait rien à voir avec l’histoire officielle et où la « croisade contre les Albigeois » - sous couvert de lutte contre l’hérésie cathare, n’était tout bonnement que l’invasion du Sud, du Languedoc par le Nord et la destruction brutale et sans merci d’une civilisation originale avancée. Ainsi, les victoires officielles étaient devenues des défaites et vice-versa. Je n’ai pas eu à souffrir d’une telle découverte trop lointaine ; mais, à la même époque, je n’étais pas le seul à redécouvrir une mémoire occultée – les Vendéens par exemple, portaient aussi le souvenir non éteint du « génocide » perpétré par les armées de la révolution française. [4]
5 La mémoire n’était donc plus seulement un bon ou mauvais souvenir d’une histoire individuelle. Elle n’était pas non celle exclusive des commémorations au monument aux morts. Il se développait progressivement des processus mémoriels qui venaient compléter ou contourner l’histoire officielle et qui faisait de l’individu une partie prenante de la grande histoire. La réappropriation commençait.
6 Il faut cependant être prudent avec la mémoire. Telles que se développent aujourd’hui des revendications mémorielles, elles se situent entre la légitime revendication d’épisodes occultés d’une histoire à la fois individuelle et collective et la manipulation politique de ladite mémoire par des autorités ou des groupes politiques en mal de symboles.
7 Nous sommes à un moment charnière de l’histoire qui est un vrai momentum historique et qui peut expliquer ce retour massif de la mémoire. Le vingtième siècle fut le siècle des plus grandes massacres et des plus grandes oppressions. De cette période particulièrement sinistre qui laissa les peuples et les individus dévastés, seuls les derniers survivants survivent par le seul effet de l’usure du temps. Il s’est donc installé un course contre la montre afin de préserver les derniers témoignages oraux de cette époque. Les communautés juives furent les premières à s’attacher à préserver la mémoire de la Shoa en recueillant les témoignages des rescapés dont la plupart avaient occulté leur passage aux portes de l’enfer. Les Arméniens suivirent et d’autres s’engouffrèrent dans la brèche ouverte.
8 Le cas espagnol n’est pas tout à fait de même nature : Il y eut d’abord une négation organisée de la mémoire par le vainqueur – la destruction organisée d’une partie de la mémoire. [5] Puis il y eut un « oubli » volontaire conjoint – fruit d’un compromis politique – indispensable à la réussite de la transition démocratique. « La transition sera donc le produit d’un accord entre les vaincus et les vainqueurs. Le prix de cet accord, c’était l’oubli. Le silence sur quarante ans d’histoire. » [6]
Le compromis politique en Espagne et la stratégie de l’oubli
9 La transition démocratique en Espagne entre 1976 et 1982 (date de l’arrivée des Socialistes au pouvoir) représente à bien des égards une expérience unique dans l’histoire.
10 Lorsque le prince Juan-Carlos de Borbon y Borbón devint roi à la mort du vieux dictateur en octobre 1975, personne ne lui prédisait une survie politique. Le jeune roi va retourner la situation politique en sa faveur en l’espace de quelques mois.
11 Il va peu à peu remplacer la vieille garde franquiste par de jeunes technocrates issus des rangs franquistes mais prêts à faire des réformes. Il va aussi remplacer les militaires au sommet de la hiérarchie par d’autres, également franquistes, mais eux aussi décidés à faire changer l’institution dans le sens de la modernité.
12 A partir de ce changement sans violence, ni heurts, il va ensuite engager des réformes politiques de fonds :
13 Autorisation des syndicats, en 1977,
14 Légalisation des partis politiques (et surtout du parti communiste) en 1977,
15 Nouvelle Constitution en 1978, créant une monarchie constitutionnelle et des autonomies régionales de type quasi-fédéral (surtout pour la Catalogne et le Pays Basque),
16 Le principal élément qui assura le succès de la transition démocratique fut la décision des hommes au pouvoir (le roi et ses ministres) de renoncer à condamner le franquisme et d’oublier officiellement les crimes et abus (notamment vis-à-vis des libertés publiques) qui furent commis par ses chefs et ses exécutants - (rappelons que les derniers condamnés à mort pour des raisons politiques furent exécutés en 1975). Ce furent donc les lois décisives de novembre 1975, juillet 1976 et octobre 1977.
17 Il y eut donc une stratégie délibérée d’ignorance et d’oubli qui a permis aux deux camps de la guerre civile, les vainqueurs et les vaincus, de tirer un trait sur le passé et de s’attacher à reconstruire ensemble quelque chose de nouveau. Les Forces armées qui avaient été longtemps le bras armé de la répression avaient tout à perdre des possibles règlements de compte et l’Etat en construction, tout à craindre d’une réaction brutale de leur part. L’oubli officiel permit l’émergence d’une Espagne nouvelle. [7]
18 Par le passé, nous avions considéré que le modèle de l’oubli était finalement le modèle idéal de la transition démocratique. Nous écrivions : « Tout d’abord, la règle de l’oubli est un élément majeur de la transition. Celle-ci aura permis d’éviter les règlements de compte et aura favorisé l’allégeance des armées à un processus qu’elles n’acceptaient pas au fond. D’autres pays ont choisi des voies différentes comme l’Allemagne, mais aussi l’Argentine et le Chili. Dans le premier cas, la décision de sanctionner et de punir a créé un profond malaise chez les Allemands de l’Est et n’a pas favorisé la réunion des deux pays. Dans les autres cas, l’oubli fut déclaré unilatéralement par les militaires quand ils abandonnèrent le pouvoir et cela n’a pas marché non plus – (les militaires argentins ont finalement été poursuivis et le même processus commence au Chili quinze ans après). Il est donc clair que, pour réussir, la notion d’oubli politique doit faire l’objet d’un consensus global de l’opinion publique, des autorités politiques de tous bords et des militaires. C’est une condition sine qua non. » [8]
19 Or il nous apparaît désormais que cette notion de consensus global n’était que temporaire et que le prix psychologique à payer était tel que celui-ci finirait par voler en éclat. De cette « misperception » comme disent les Anglo-saxons, nous devons faire amende honorable. Mais cette perception n’est pas partagée par tous. La France, qui ignore tout de l’Espagne, est – en dehors des familles de la Retirada – restée sur le mythe de l’oubli fondateur. « Comme le note Patrick Pépin, « dans l’histoire immédiate, seule perdure la fascination pour une transition démocratique considérée à tort ou à raison, le temps dira ce qu’il faut en penser, comme un cas d’école réussi du passage toujours difficile du totalitarisme à un régime de liberté. [9] » C’est sans doute vrai, mais à quel prix ? Car Juan Serrano Moreno ajoute fort justement : « L’oubli décidé pendant la transition n’était pas tangible tel quel, mais plutôt un trou de mémoire conscient, ou tout simplement un silence délibéré. Ainsi le célèbre « pacte de l’oubli » fut plutôt un « pacte du silence ». [10]
Le retour en force de la mémoire des vaincus
20 L’apparition d’une apparition mémorielle qui débute au milieu des années 1990 et s’accélère au début des années 2000 tient à plusieurs choses : d’une part, le sentiment que tous les acteurs de cette époque vont disparaître, et, d’autre part, la résurgence d’un courant d’analyse néo-franquiste tendant à réviser le caractère négatif de la dictature. C’est donc une course contre la montre qui se lance à cette période. La présence au pouvoir durant toute cette période du courant néoconservateur de Manuel Aznar a peut être participé de la radicalisation du débat. [11]
L’impulsion essentielle des associations
21 Quand Paul Graham écrit son « España : anatomia de una democracia » en 1984, il est frappé de ce qu’il appelle avec étonnement « l’amnésie » espagnole. Il tente de l’expliquer par la référence aux grands chocs émotionnels qui inhibent la mémoire des survivants. [12] Pourtant des signes « d’éveil » apparaissent assez tôt, il rappelle l’énorme succès d’octobre 1981 sur la guerre civile (sans distinction de camps), qui accueillit plus de 300 000 visiteurs à Madrid. Mais le processus fut de longue durée : celui nécessaire à l’éveil des chocs traumatiques. [13]
22 C’est surtout à partir de la deuxième moitié des années 1990 que des associations nationales et régionales, voire locales commencèrent à se créer pour tenter de récupérer la mémoire des vaincus. Le premier travail étant de mettre des noms sur des cadavres – d’identifier les victimes – de les nommer ! En effet, même si l’oubli avait joué un rôle d’égalisation mémorielle des vainqueurs et des vaincus, les traces des vainqueurs étaient restés (Valle de los Caidos, noms de places et de rues, symboles muraux, statues, etc.) alors que rien n’indiquait celles des vaincus.
23 L’association la plus importante fut l’Association de récupération la mémoire historique (Asociacion para la recuperacion de la memoria historica-ARMH) qui s’est particulièrement attachée à l’ouverture des fosses communes et l’identification des corps. [14] Ces associations ont essaimé dans toutes les régions.
La réponse gouvernementale et la Loi
24 La victoire surprise de José-Luis Zapatero aux élections législatives de 2004 juste après les attentats de Madrid, amena des changements guère attendus par une opinion publique persuadée de la nouvelle victoire de la droite. Zapatero, avant la crise économique, modifia peu la politique espagnole sauf dans les domaines des évolutions sociales et sociétales. Petit-fils d’un républicain fusillé, le Premier ministre était directement concerné par la question de la mémoire. Il prit donc ce problème à bras le corps.
25 C’est dès le 23 juillet 2004 lors du Conseil des ministres de Leon que le gouvernement annonçait la création d’une commission dont la mission est « la reconnaissance d’une dette morale qu’a le gouvernement de l’Espagne avec les victimes de la guerre civile », d’honorer ceux qui ont souffert d’une manière ou d’une autre de la répression et d’élaborer « une loi de solidarité » visant à envisager l’indemnisation matérielle ou morale des victimes. Patrick Pépin parle « d’acte fondateur » pour la reconstruction de la mémoire espagnole. [15]
26 A partir de la transition, la question de la mémoire va commencer à se jouer via les réparations financières liées aux dommages de la guerre civile. Au-delà de la loi d’amnistie du 15 octobre 1977, 5 lois et décrets-lois accordent de 1976 à 1984, des réparations à diverses personnes (mutilés, veuves et enfants de morts pendant la guerre, reconnaissance des droits de tous ceux ayant fait partie des forces armées ou forces du maintien de l’ordre et du corps des carabiniers). [16]
27 Il faut attendre vingt ans encore, et le retour des socialistes au pouvoir, pour assister, le 10 septembre 2004, à la création de la Commission interministérielle pour l’étude de la situation des victimes de guerre visant à la « réhabilitation morale et juridique des victimes de la guerre et du franquisme. »
28 Enfin, le 28 octobre 2007 était votée la loi sur la mémoire historique – approuvée par le Sénat le 10 décembre de la même année. [17]
29 La loi prévoit cinq dispositions majeures : la reconnaissance du caractère injuste et illégitime des jugements établis pendant la période de la guerre civile et de la dictature « pour des motifs de politique, d’idéologie ou de croyance. Cette disposition offre droit à la révision éventuelle des procès sur demande des ayant-droits ;
30 L’aide aux victimes du franquisme et leurs famille est étendue jusqu’à 1977 ;
31 L’Etat s’engage à aider à l’identification et l’exhumation éventuelle des victimes encore disparues.
32 Les symboles encore existant du franquisme et de la guerre civile devront être retirés des édifices et espaces publics ;
33 Le monument funéraire de la guerre civile, la « Valle de los caidos » (le val de ceux qui sont tombés), devra être dépolitisé afin d’honorer les morts des deux camps.
34 En marge de la loi, un centre de documentation sur la mémoire historique est créé. Enfin, et ce n’est pas le caractère le moins intéressant de la loi et de son environnement, la nationalité espagnole est attribuée de droits aux vétérans des Brigades internationales et aux enfants et petits-enfants d’exilés qui en feraient la demande entre le début 2009 et la fin de l’année 2011. C’est surtout en Amérique latine et au Mexique que cette disposition a un impact immédiat. Les 475 000 exilés espagnols français n’en ont pas usé (150 demandes en 2009) - fruit sans doute à la fois de l’intégration et de la proximité géographique.
Baltazar Garzón : mégalomane ou martyr ?
35 Le juge Garzón avait connu son heure de gloire en faisant arrêter le général Pinochet. En 2006, des associations se tournèrent vers lui en déposant des plaintes pour « détention illégale en vertu d’un plan systématique d’élimination physique de l’adversaire pendant la guerre civile (1936-1939) et les années de l’après-guerre, méritant le qualificatif juridique de génocide et de crime contre l’humanité. » Garzón se déclara compétent en se basant sur le caractère imprescriptible des crimes de génocide. Un épisode tragi-comique survint quand le juge argua du fait que la mort de Franco et celle de plusieurs dignitaires n’ayant pas été déclarées officiellement il lui était possible de poursuivre puisqu’il n’étaient pas juridiquement morts et donc toujours pénalement responsables ! [18] Le juge ouvrait alors une instruction (ordonnance du 16 octobre) sur la disparition de 130 137 disparus, sur la base d’un « plan prémédité et systématique d’extermination », un système de disparition forcées » et de « crimes contre l’humanité. [19] » Garzón, s’attaquant de façon frontale à la loi d’amnistie de 1977, ouvrait à compter de cette date une tempête médiatique dont les flots déchaînés risquaient désormais de se refermer sur lui. Il fut alors dessaisi avant d’être poursuivi devant ses pairs depuis février 2010 pour « prévarication » tandis que l’on commença à enquêter aussi sur le financement de ses campagnes politiques passées. Juge d’instruction aux méthodes de hussard, autoritaire et peu soucieux de la procédure, Garzón a accumulé des torrents de haine de la part de nombreux collègues et ennemis politiques. Mais il est aussi devenu le « dieu vivant » de tous ceux qui attendaient la réouverture du procès du franquisme depuis soixante ans ! Alors, antimonarchistes, indépendantistes, autonomistes, et familles de victimes ont crié au procès politique, dénonçant le « bûcher » qui semble lui être promis. De son côté, Garzón, qui ne s’attendait pas à être poursuivi, a accusé le coup, se posant comme bouc émissaire d’un combat plus grand que lui. D’une certaine manière, il est bien symptomatique de ce « passé qui ne passe pas ! » et de cette mémoire qui recommence à séparer les Espagnols.
La bataille de la reconnaissance et ses conséquences au niveau international
36 Le problème posé par la « reconstitution » de la mémoire espagnole est énorme et unique. Quand on commence à soulever le coin du tapis, comme dit la formule populaire, les conséquences peuvent être incalculables... Tout d’abord, la question de la mémoire espagnole n’est pas univoque mais est constituée de voix plurielles qui, autour de la centralité de la reconnaissance, peuvent avoir des objectifs différents. Différentes voix se font entendre :
37 La voix des familles d’exilés ;
38 La voix des familles de victimes ;
39 La voix des anciens combattants ;
40 La voix des exilés eux-mêmes et, là aussi, la situation est différente pour ceux qui ont été exilés en France (ceux qui sont restés et ceux qui sont rentrés), au Mexique, en Amérique latine et même en Russie (Union Soviétique – certains y sont même nés !) ;
41 La voix des organisations politiques et syndicales ;
42 La voix des régionalistes (dans toutes leurs palettes) mais qui se pensent d’abord catalans, basques, etc. ;
43 La voix des Marocains, engagés de force dans la guerre (ils furent les premières troupes de choc de la rébellion) et sans doute les plus ignorés ensuite. [20]
44 Finalement, pour chaque groupe la revendication n’est tout à fait la même ; ce qui ne manquera pas de poser un problème pour la résolution finale du problème. Mais le fait le plus notable est que ce mouvement a des conséquences bien au-delà de l’Espagne. Comme le notent Compagnon, Rojo-Hernandez et Huerta Credal, « en ce sens la question de la mémoire de la guerre civile telle qu’elle se pose actuellement en Espagne conduit à s’intéresser à ce qui a été produit hors des frontières du pays, dans ces nations d’Europe ou d’Amérique latine où le conflit espagnol a eu des répercussions à divers degrés, tant sur le plan politique que social et culturel » [21] L’octroi de la nationalité espagnole aux fils d’exilés est une de ces conséquences. La célébration systématique depuis quelques années de la Retirada dans le sud de la France – presque comme une cérémonie nationale – en est un autre exemple.
Fallait-il oublier en 1976-1977 ; et continuer…?
45 Ceux qui critiquent la politique de l’oubli lors du moment charnière et majeur de l’histoire de l’Espagne de 1976-1978 ont tendance à oublier eux-mêmes les conditions objectives dans lesquels les décideurs espagnols firent ce choix. Rien n’était évident ! L’appareil politico-administratif et policier est encore dans les mains des fonctionnaires franquistes. L’angoisse fantasmatique des communistes demeure. L’armée se braque alors que l’ETA commence sa campagne sanglante. Qui n’a pas été à Madrid à cette époque n’a pas vu les ministères sous les armes, les sacs de sable et, derrière la Movida, la tension palpable. Jusqu’en 1982, moment où la victoire des socialistes marque vraiment la fin de la transition, personne n’est assuré de rien et le coup d’état du 23 février 1981 viendra le rappeler à tout le monde. La presse internationale ne donne d’ailleurs pas cher du Roi et de ses réformes. [22] Alors le pacte de l’oubli a peut-être été un prix certes élevé mais nécessaire pour passer ce moment particulièrement dangereux. Mais pouvait-on en rester là ?
La réalité de mémoires collectives concurrentes ou parallèles
46 Pierre Nora, dans ses travaux fondateurs sur la France, a montré que l’identité se construisait sur un ensemble de symboles et de commémorations. [23] Réelle ou réinventée, la mémoire se nourrit d’un rapport aux choses (les monuments aux morts, les cimetières, les frontons des édifices publics). Il montrait aussi que mémoire individuelle et mémoire collective se rejoignaient pour composer le grand tout d’une identité cohérente même si elle est souvent plurielle.
47 Mais le fait intéressant est qu’il s’est aussi constitué une « mémoire des vaincus » qui pousse les portes de la reconnaissance. Cette mémoire-là revendique sa place dans la mémoire collective globale voire s’inscrit contre celle-ci. Encore faut-il pouvoir la regrouper. Serrano Moreno, qui se place sous l’ombre tutélaire de Maurice Hallbwachs, parle de « communauté affective ». [24]
48 C’est à partir de ce surgissement de mémoires qu’apparaît le « devoir de mémoire » (René Rémond) qui désormais marque le discours politique et imprègne certaines revendications de la société civile. Le Politique a bien compris que ces revendications sont le résultat de l’apparition de l’individu, porteur d’un type de mémoire singulier sur l’espace social et politique et qu’il doit en tenir compte. Ce phénomène constituerait une « vague mémorielle » (Pierre Nora) qui modifie les rapports dans ledit espace. [25] A cela, le Politique ne peut pas ne pas répondre.
Victimes et émotion : les nouveaux acteurs du fait politique
49 Les victimes – légions ignorées des grands massacres- sont entrées dans l’histoire depuis quelques années. Elles demandent des comptes. A travers la porte immense ouverte par la Shoa, des milliers de petites ouvertures se sont créées ou s’engouffrent les mémoires oubliées. « Dans le processus d’individualisation des sociétés, les représentations mentales intègrent une vision du monde où la souffrance individuelle doit être prise en compte et mise en scène. Elles reflètent en cela une dimension de plus en plus affective de la vie sociale. Les mobilisations collectives se construisent alors au travers de logiques compassionnelles. » [26]
50 L’émotion – la mort de Lady D en fut la démonstration universelle la plus achevée - devient également un élément central de la sociologie des foules et des évènements. Comme le note Maud Joly : « Dans le rejeu du passé traumatique par la délivrance des émotions, la génération des petits-enfants de Républicains tient un rôle essentiel. Elle a permis la catharsis collective en créant et en légitimant des espaces-temps de célébration des morts de la guerre. Elle s’est faite le relais des demandes de reconnaissance auprès des autorités responsables. Elle s’est imposée comme l’acteur principal d’une sortie de guerre différée. » [27]
Identité et repli « paroissial »
51 Une piste de recherche qui est peut-être à exploiter serait de se demander si la quête de la mémoire amputée n’est pas le dernier stade de la fragmentation de l’identité espagnole – voire de la nation espagnole. La transition a ré-établi le nationalisme « provincial » en favorisant la constitution d’unités homogènes très fortes notamment en Catalogne et au Pays Basque. La revendication sans fin de la mémoire des vaincus ne marque-t-elle pas à sa manière la fin du consensus de 1977 et donc une nouvelle étape dans l’histoire de l’Espagne ou, vaudrait-il mieux dire, dans l’histoire « des Espagnes » ? Comme le fait remarquer Danièle Rozenberg, « Chaque communauté autonome, historique ou non, est aujourd’hui engagée dans une relecture/revalorisation de son passé qui vient nourrir des interrogations identitaires, conforter les aspirations politiques et culturelles, et légitimer les revendications nationalitaires/nationalistes. Ici l’histoire n’est pas seulement dépouillée de ses réécritures falsificatrices forgées sous le franquisme, restituée dans sa complexité au nom de l’objectivité ; elle est également annexée dans une construction collective identitaire. » [28]
52 En a-t-on jamais fini avec la mémoire ? Quand dit-on « stop ! Je suis rassasié, ma mémoire est satisfaite et les mannes de mes ancêtres dorment en paix » ? José-Maria Ruiz-Vargas énonce clairement le credo de la souffrance de « l’autre Espagne » : « Quand la moitié d’un pays a été subjuguée, humiliée, blessée, dans sa dignité et condamnée à ne pouvoir se défendre pendant des dizaines d’année, quand la moitié du pays a été considérée et traitée comme le pire des délinquants, on ne peut commander à « l’usure du temps », ni à un hypothétique « oubli naturel » la tâche délicate de restaurer la dignité et la justice jetées à bas. La mémoire endolorie sera réparée quand la société espagnole, sans distinction de drapeaux, connaîtra et reconnaîtra sa vérité. » [29] Mais qui le dira ? Quelle est l’arbitre impartial qui sifflera la fin du match ?
53 En 2002, à l’occasion d’une mission au Japon, je discutais avec des chercheurs japonais sur la énième protestation chinoise contre le sanctuaire de Yazukuni qui recueille la mémoire des soldats tombés pour la patrie et aussi les mannes de quelques criminels de guerre majeurs… A ma demande de réaction vis-à-vis de ce sujet, mes interlocuteurs répondirent excédés : « ils n’en n’auront jamais assez de nos excuses ! » Sur un autre registre, il est intéressant de noter que parmi les griefs récurrents des groupes islamiques radicaux, on trouve la Reconquista et l’éviction des Maures d’Espagne en 1497 ! On n’en finit donc jamais avec la mémoire car celle-ci se reconstruit ou est reconstruite par d’autres en fonction des circonstances. Dans le cas espagnol, on est certes loin du compte. Il reste encore beaucoup de noms sans sépultures et de sépultures sans nom. Le travail qui reste à faire est en deux temps : restituer la mémoire des vaincus puis, ensuite, que ceux-ci se déclarent satisfaits. Cela prendra du temps mais sans cette étape, il n’y aura pas de véritable paix possible dans les cœurs. ?
Notes
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[1]
« Otra vez el ayer », Avant dernière poésie d’Antonio Machado, Hora de España, junio 1938, in Soledades Poesias de la guerra, PPP, Madrid, 1981, p. 156.
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[2]
Nous avions notamment, publié dans la revue Maghreb-Machrek n° 197, Automne 2008, un dossier « La France et l’Algérie : mémoire de la guerre et guerre des mémoires. »
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[3]
Charron, Paris, 1972.
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[4]
Sur la question de l’histoire « univoque » on consultera le livre de Suzanne Citron, Le mythe national : l’Histoire de France en question, Les éditions ouvrières/études et documentation internationales, Paris, 1989, 336 p.
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[5]
« La victoire franquiste voudra prendre les couleurs d’une victoire nationale, mais elle n’y parviendra pas, sinon dans le discours. » JF Daguzan, « Fait national et fait régional, essai comparatif entre la France et l’Espagne », in Pierre Bidart (coordinateur), Régions, nations, Etats, composition et recomposition de l’espace national, Publisud, Paris, 1991, p. 53.
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[6]
Patrick Pépin, Histoires intimes de la guerre d’Espagne, 1936-2006 la mémoire des vaincus, Nouveau monde éditions, Paris, 2009, p. 27.
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[7]
Cette stratégie n’a pas été suivie dans d’autres cas de figure. L’Allemagne réunifiée décida de poursuivre les membres du pouvoir est-allemand supposés avoir commis des crimes à l’encontre de leur population ou de l’Allemagne de l’Ouest. Toutes les élites furent épurées ; ce qui créa et crée encore un fort ressentiment chez les Allemands de l’Est.
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[8]
« La révolution incroyable ? L’armée et la transition démocratique en Espagne », in Anne Dulphy & Yves Léonard, De la dictature à la démocratie : voies ibériques, P.I.E. - Peter Lang, Bruxelles, 2003, p. 68.
-
[9]
Histoires intimes de la guerre d’Espagne 1936-2006 La mémoire des vaincus, op. cit. p. 10.
-
[10]
Sociologie de la mémoire des descendants de vaincus de la guerre civile espagnole dans la région de Murcie, sous la direction d’Yves Déloye, Mémoire M2 recherche Paris 1, juin 2007, p. 23.
-
[11]
Mari Carmen Rodriguez, Guerre de la mémoire en Espagne, mardi 30 janvier 2007, Le Courrier, http://www.lecourrier.ch/index.php?name=New spaper & file=article & sid=42976, p.2.
-
[12]
Plaza & Janes, Barcelona, 1985 pour l’édition espagnole, chap. 2 « Cicatriz de la guerra civil », p. 31-33.
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[13]
Phénomènes abordés en profondeur dans : Aróstegui (J.), Godicheau (F.), Guerra civil, mito y memoria, Madrid, Marcial Pons, 2006.
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[14]
Voir son site web très documenté : http://www.memoriahistorica.org/
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[15]
Op.-cit. p. 33.
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[16]
Voir notamment Danièle Rozenberg, « Mémoire et oubli dans la construction démocratique espagnole », in Anne Dulphy & Yves Léonard, De la dictature à la démocratie : voies ibériques, op.cit., p. 167-184.
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[17]
LEY 52/2007, de 26 de diciembre, por la que se reconocen y amplían derechos y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecucióno violencia durante la guerra civil y ladictadura. http://www.boe.es/ boe/dias/2007/12/27/pdfs/A53410-53416.pdf
-
[18]
Arnaud Imatz, Guerre d’Espagne : mémoire historique ou mémoire hystérique ? Nouvelle revue d’histoire, janvier/février 2009, n° 40, Polemia 28/02/09, http://www.polemia.com/article.php?id=1886
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[19]
Jean Ortiz, Bataille pour la mémoire républicaine, Le Monde diplomatique, février 2009, p. 16 ; http://www.monde-diplomatique.fr/ imprimer/16784:1fd745ddb1
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[20]
80 000 Marocains ont combattu pendant la guerre civile ; Zoé Deback, Mémoire. Les Indigènes de la Guerre d’Espagne, Telquel Online n° 346 ; http://www.telquel-online.com/346/maroc6_346.shtml
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[21]
Olivier Compagnon, Severiano Rojo Hernandez, Mona Huerta Credal : Introduction scientifique au colloque Mémoires de la guerre civile espagnole : transmission, réappropriations et usages, 1-3 avril 2009, http:// calenda.revues.org/nouvelle10854.html
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[22]
Un très bon panorama est donné par Anne Dulphy, « Le regard français sur la transition espagnole (presse nationale, périodiques, ouvrages publiés) », in Anne Dulphy & Yves Léonard, De la dictature à la démocratie…, op. Cit., p. 257-278.
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[23]
Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris, 3 tomes : t. 1 La République (1 vol., 1984), t. 2 La Nation (3 vol., 1992), t. 3 Les France (3 vol., 1992).
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[24]
Sociologie de la mémoire des descendants de vaincus de la guerre civile espagnole, p. 10.
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[25]
Sébastien Ledoux, Pour une généalogie du « devoir de mémoire » en France, http://centrealbertobenveniste.org/formail-cab/uploads/Pour-une-genealogie-du%20devoir-de-memoire-Ledoux.pdf
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[26]
Sébastien Ledoux, « primauté d’une nouvelle figure sociale : la victime », in Pour une généalogie du « devoir de mémoire » en France, idem, p. 6.
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[27]
Maud Joly, « Guerre Civile, violences et mémoires : retour des victimes et des émotions collectives dans la société espagnole contemporaine » in Ve Journée d’histoire des sensibilités, Rennes, UHB, 20 mars 2008/Va Jornada de Estudios de Historia de las Sensibilidades – Coord. Luc Capdevila-Frédérique Langue, http://nuevomundo.revues.org/36063
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[28]
« Mémoire et oubli dans la construction démocratique espagnole », op. cit., p. 179.
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[29]
José María Ruiz-Vargas, « Trauma y memoria de la Guerra Civil y la dictadura franquista », Hispania Nova, Revista de historia contemporanea, n° 6 año 2006, p. 38-39 http://hispanianova.rediris.es/6/dossier/6d012. pdf