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Article de revue

Où sont les diplômés chômeurs ?

Un exemple de pragmatisme protestataire à l'époque du « 20 février »

Pages 77 à 91

Notes

  • [1]
    Lors de la campagne pour les élections législatives de 2007, le Parti socialiste unifié (PSU) avait retenu pour son programme, la réforme constitutionnelle et la révision de l’article 19 consacrant l’inviolabilité du roi.
  • [2]
    Michel Camau, « La disgrâce du chef. Mobilisations populaires arabes et crise du leadership », Mouvements, nº 66, vol. 2, juin 2011, pp. 22-29.
  • [3]
    À propos des dilemmes pratiques rencontrés par l’action protestataire, voir Frédéric Vairel, « L’ordre disputé du sit-in au Maroc », Genèses, nº 59, vol. 2, 2005, p. 47-70.
  • [4]
    Dans la ville de Bouarfa (18 000 habitants), située à 280 km au Sud d’Oujda, dans la région de l’Oriental, la Coordination a réussi à obtenir la gratuité de l’eau. Mais, en mai 2011, le porte-parole de la Coordination, Saddik Kabbouri, est arrêté pendant un sit-in de solidarité avec les détenus bouarfis du 20 février. Accusé d’incitation à la violence contre les agents de l’ordre, il est condamné à 2 ans et demi de prison le 17 juin.
  • [5]
    « Le chômage des jeunes diplômés, une bombe à retardement ! », article paru dans Afrique Actu le 11 janvier 2011 (version en ligne consulté le 20 juin 2011 :http://afriqueactu.net/22967/afrique/le-chomage-des-jeunes-diplomes-une-bombe-a-retardement)
  • [6]
    À propos de l’intensité de l’investissement protestataire de la rue par les diplômés chômeurs organisés, voir : M. Emperador, « Les manifestations des diplômés chômeurs au Maroc : la rue comme espace d’affirmation et de transgression du tolérable », Genèses, vol. 77, décembre 2009, pp. 30-50.
  • [7]
    Ce point est une reprise partielle d’un article personnel intitulé « De Sidi Ifni à Sidi Bouzid », Revue Economia, nº 11, février-mai 2011, pp. 87-90.
  • [8]
    Lahcen Achy, “Morocco’s Experience with Poverty Reduction”, Carnegie Papers, nº 25, décembre 2010.
  • [9]
    Idem.
  • [10]
    Najib Bouderbala, « La trajectoire du Maroc indépendant : une panne dans l’ascenseur social », Critique économique, nº 10, 2003, pp. 5-30.
  • [11]
    Conversation avec un membre du conseil exécutif de l’ANDCM (mai 2011)
  • [12]
    Une chronique de la marche organisée par le M20F le 5 juin 2011, parue dans le journal As-sabah, souligne la présence très importante de membres de la section locale de l’ANDCM (« Hudur laft lilmu’ataline fi ihtijajat harakat 20 febrayer fi Kenitra »/ « Participation de chômeurs dans les protestations du M20F à Kénitra », As-sabah, 6 juin 2011)
  • [13]
    On peut signaler, en raison de leur durée, la grève des médecins internes et résidents, celle des enseignants de l’enseignement primaire et celle des employés de Maroc Télécom et de La Poste. La réponse policière a été quelquefois très violente. Par exemple, la manifestation exceptionnelle de 10 000 médecins, le 25 mai à Rabat, a été réprimée en faisant plus de 200 blessés.
  • [14]
    Le dernier sit-in organisé par l’ANDCM au siège de l’UMT eut lieu en 2001. Prolongé pendant des semaines, les militants de l’époque accusent le secrétaire général du syndicat, Mahjoub Benseddik, d’avoir personnellement appelé la sécurité pour mettre fin à l’« occupation » des locaux syndicaux. La dispersion du sit-in fut extrêmement violente, avec une destruction partielle du siège qui, depuis, sert de parking.
  • [15]
    Maroc hebdo international, 499, 22-28 février 2002.
  • [16]
    Les titulaires de diplômes de troisième cycle pouvaient s’inscrire sur cette base censée être un outil de dépistage des profils attractifs, et consultable par les ministères désireux d’embaucher des cadres.
  • [17]
    Pendant notre enquête de terrain (2006-2009), nous avons rencontré un bijoutier qui se présentait comme « diplômé chômeur » du fait de n’avoir pas pu mettre professionnellement à profit son master en droit. Citons aussi le cas d’adhérentes à un groupe de diplômés de troisième cycle, inscrites en thèse dans les facultés de Rabat, mais reconnaissant militer pour « gagner du temps ».
  • [18]
    Le « Makhzen » concentre, aux yeux des protestataires, l’autorité politique au détriment des organes représentatifs. Makhzen signifie littéralement « magasin où l’on garde l’impôt en nature, et par extension, le trésor » (Abdallah LAROUI, Les origines sociales et culturelles du nationalisme maghrébin, Casablanca, Centre culturel arabe, 1993, p. 67). La formule est toujours employée pour « désigner l’appareil de domination marocain [tout en] soulignant le caractère traditionnel et spécifique » (Myriam CATUSSE, Frédéric VAIREL, « Question sociale et développement : les territoires de l’action publique et de la contestation au Maroc », Politique africaine, nº 120, décembre 2010, p. 7).
  • [19]
    Les mairies et sièges ministériels sont d’autres cibles. La situation est quelque peu différente dans les villes petites et moyennes, où les unités rattachées au ministère de l’Intérieur (bachaouiyas et sièges de province dans le cas des capitales provinciales) sont directement visées par les actions.
  • [20]
    Al Adl wal Ihssane n’a pas le statut de parti mais celui de groupement, jama’a.
  • [21]
    Entretien, octobre 2008.
  • [22]
    Barnamij el marhali (Programme d’étape) est un courant d’extrême gauche aux référents théoriques indéterminés (marxisme-léninisme, guévarisme, maoïsme, etc.) au sein du syndicalisme universitaire.
  • [23]
    Entretien, mai 2008.
  • [24]
    F.F. Piven et R. Cloward suggèrent l’effet déradicalisateur des structures militantes dans le cas des mobilisations de personnes sans ressources ; cf. Poor People’s Mobilizations, Vintage Books, Random House, New York, 1977.
  • [25]
    Cf. la répression de la manifestation de Casablanca le 13 mars, quatre jours après le discours royal annonçant la mise en place d’une Commission consultative de révision de la constitution et la « prise en main » du dossier des changements politiques. cf. également la répression du sit-in réalisé par le M20F devant le centre de détention de la Délégation à la Sûreté territoriale à Témara et la répression systématique des marches ultérieures (22 et 29 mai), jusqu’au décès d’un manifestant à Safi.
  • [26]
    Entretien publié à Contretemps, 23 janvier 2011 : http://www.contretemps.eu/ interviews/revolution-par-bas
  • [27]
    Début février 2011, Abbas El Fassi a élargi sa promesse (formulée le 20 janvier) de 1 000 postes d’emploi pour les diplômés chômeurs à 4 000 et annoncé l’établissement d’un quota annuel réservant 10 % des nouveaux postes dans l’administration publique aux diplômés de troisième cycle.

1

Le caractère explicitement politique des revendications exprimées par le mouvement du 20 Février (M20F) ne saurait négliger la « question sociale ». Les exigences d’une constitution limitant le pouvoir exécutif du roi, d’une justice autonome et efficace dans la lutte contre la corruption et d’une économie émancipée des logiques oligarchiques, s’accompagnent d’une dénonciation des conditions de vie difficiles subies par la majeure partie de la population.

2 L’association de ces thématiques ne s’explique pas seulement par la volonté des animateurs des Coordinations locales du M20F d’élargir la palette revendicative afin de convaincre le plus grand nombre de personnes à venir manifester. L’actuel discours revendicatif n’intègre guère d’arguments jusque-là restés inédits [1]. La nouveauté du discours du 20F tient au lien explicite désormais établi entre des questions comme le chômage ou la ruine des services publics et la manière dont l’autorité politique et économique est exercée. La corruption, la faible autonomie de la justice ou l’opacité d’un « capitalisme de copains » biaisé par l’influence royale, sont dénoncés comme des maux dont souffre quotidiennement la population à cause de la répartition inégale des ressources et de l’exclusion engendrées.

3 Les mobilisations populaires qui ont abouti au départ de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et de Hosni Moubarak en Égypte, signalent la vulnérabilité des systèmes d’autorité personnifiés par des leaders touchés à mort dans leur légitimité [2]. Le caractère « extraordinaire » de ces rebondissements modifie l’état d’esprit des activistes marocains qui se sentent désormais moins contraints de respecter les limites d’expression imposées par le régime [3]. En 2006, des Coordinations locales contre la hausse des prix et la dégradation des services publics furent créées au Maroc pour dénoncer les conditions de vie de la plupart de la population. Cette campagne impliqua plusieurs dizaines de villes, organisa quatre marches nationales et s’étala, dans certains lieux, sur plusieurs années, avec quelques réussites exemplaires [4]. Pourtant, le cahier de griefs resta délibérément circonscrit aux questions matérielles et sociales : il s’agissait de maximiser la capacité de mobilisation auprès d’une population diverse idéologiquement et de minimiser le risque de répression. La remise en cause des fondements structurels de la domination politique au Maroc constitue en effet une « ligne rouge ». Les dangers encourus par ceux qui oseraient la franchir semblent aujourd’hui atténués par l’ampleur des mobilisations dans le monde arabe et la vision de régimes assiégés. Le M20F a implicitement repris les « non-dits » des mobilisations antérieures, précarité matérielle et autoritarisme étant sous-entendus comme les deux faces de la même monnaie.

4 Dans un tel climat, on s’attendrait à une participation des « diplômés chômeurs » aux actions du M20F pour deux raisons. La première est la prégnance et la visibilité du chômage des jeunes, en particulier des diplômés de l’enseignement secondaire et supérieur, dont le chômage est considéré comme une « bombe à retardement » [5]. La seconde est la présence de groupements de diplômés au chômage qui, depuis le début des années 1990, revendiquent leur insertion dans la fonction publique. Ainsi, le « diplômé chômeur » au Maroc renvoie à une catégorie protestataire bien ancrée dans l’arène politique, avec une identité, un discours et des modes de faire repérables et reproductibles.

5 Or, les diplômés chômeurs organisés, personnages chevronnés par un hyper-activisme de rue sans répit apparent [6], n’ont pas répondu au rendez-vous du M20F. L’aîné de la catégorie, l’Association nationale des diplômés chômeurs du Maroc (ANDCM), a initialement rejoint le Comité national d’appui au Mouvement du 20 Février (CNAM) pour s’en distancier après la manifestation du 20 mars 2011. Pour les autres groupements concentrés sur Rabat, non seulement ils n’ont pas rejoint le mouvement, mais ils ont interrompu leur propre activité protestataire entre début février et début avril. Étonnant, dirait-on ? Pas tellement…

6 La consolidation d’un espace de militantisme et de protestation « chômeur » au Maroc (et au Maroc seulement) est allée de pair avec un processus de disciplinarisation dans le face à face avec les pouvoirs publics. Une suite interminable de groupes de chômeurs a vu le jour depuis le début des années 1990. Ceux-ci ont bâti leur raison d’être dans la présentation du diplômé comme une victime de l’application erratique des dispositifs juridiques les concernant (et prévoyant l’embauche). Certains groupes ont enregistré de vrais succès, leurs adhérents étant insérés dans la fonction publique après des mois de protestations intensives mais autolimitées. Il s’agit moins d’un « échange » conscient entre retenue protestataire et récompenses, que d’un « ajustement » entre des chômeurs organisés et les autorités. Si l’accommodement des groupes chômeurs à un style protestataire autolimité s’avère fructueux, il les contraint aussi à des choix et influence leurs positionnements futurs. Telle est l’idée développée dans ces pages. La manière dont l’espace protestataire des diplômés chômeurs s’est consolidé au fil des dernières années et la logique qui sous-tend la reconnaissance de leurs revendications, rendent improbable une convergence de la « cause du droit au travail » avec d’autres dynamiques protestataires. La convergence est encore moins envisageable lorsque ces autres dynamiques se déclarent « politiques » et se livrent, comme le M20F, à une critique ouverte des mécanismes et des agents d’autorité.

Un point sur le « diplômé chômeur » fédérateur de l’indignation au Maghreb [7]

7 Les aspirations à la démocratie et à des conditions de vie dignes en Tunisie, en Égypte, en Algérie, etc., ont porté sur le devant de la scène les jeunes éduqués exclus du marché du travail, dont nombre d’auteurs ont suggéré la portée révolutionnaire en tant que symbole de l’indignation collective face aux abus économiques et politiques. Un tel raccourci impose de faire la distinction entre deux acceptions du « diplômé chômeur » : la catégorie sociologique et le groupe protestataire.

8 Depuis les années 1990, les rapports des institutions financières internationales pointent le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur comme un indicateur clé de la crise des pactes sociaux maghrébins depuis l’application des politiques d’ajustement structurel pendant la décennie 1980. En Tunisie, au Maroc et en Algérie, où environ 30 % de la population a moins de 18 ans, la jeunesse exerce une forte pression sur le marché de l’emploi. Celui-ci est incapable d’augmenter sa capacité d’accueil selon un rythme suffisant.

9 En comparant les performances éducatives à l’échelle maghrébine, on constate que la Tunisie présente un taux d’alphabétisation parmi les plus élevés de la région (74,3 %), alors que le taux du Maroc est beaucoup plus bas (52,3 %) [8]. Malgré ces disparités, la jeunesse maghrébine est globalement de plus en plus éduquée. Une proportion croissante a eu accès à l’enseignement supérieur grâce au développement de l’infrastructure universitaire et à l’arrivée incessante d’un flux de lycéens issus du cycle secondaire. Bien que la proportion de diplômés universitaires au sein de la population totale soit minuscule (0,9 % de la population totale du Maroc en 2004), la progression des 40 dernières années montre que le rêve développementaliste d’une promotion sociale par la voie du diplôme est possible pour une frange accrue de la population.

10 Néanmoins, les perspectives d’intégration professionnelle des diplômés sortis des bancs de l’université s’assombrissent avec la perte de vitesse du secteur public. Evoquer la faible employabilité des diplômés est un lieu commun et les explications proposées sont multiples : certains signalent le décalage de plus en plus prononcé entre les profils de main d’œuvre requis pour le marché de l’emploi et les compétences des diplômés ; d’autres dénoncent le type d’insertion des pays du Maghreb dans le système économique international fondé, entre autres, sur l’exploitation d’une main d’œuvre faiblement qualifiée.

11 Les diplômés grossissent les rangs de l’économie informelle, un secteur d’emploi de premier ordre. Son développement très rapide au Maroc pourrait expliquer la réduction des taux officiels de chômage, qui passent de 13,4 % en 2001 à 9,1 % en 2004 [9]. « Caché » par le phénomène du sous-emploi, le chômage se concentre sur la tranche d’âge des 25-34 ans, et spécialement sur les diplômés, dont le taux de chômage oscille autour de 20% en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

12 Mais si le chômage des diplômés est un phénomène général dans la région, le passage à l’action protestataire par ceux qui se réclament de cette catégorie est plus rare. Le Maroc est le seul pays maghrébin où la « panne de l’ascenseur social » [10] insuffle une dynamique de protestation collective, animée par une nébuleuse non unifiée de groupements de chômeurs. En 1999, le sociologue A. Hafaiedh se référait aux diplômés chômeurs tunisiens comme les acteurs d’un conflit sans voix, dont toute tentative d’organisation buterait sur la répression de l’appareil policier. Si les mobilisations de Gafsa révèlent la présence d’une dynamique balbutiante d’organisation collective des chômeurs, souvent proches du Parti Communiste Ouvrier Tunisien (PCOT), l’hypothèse d’un « silence » des chômeurs est recevable pour presque toute la région. Au Maroc, l’éclosion des diplômés chômeurs comme catégorie protestataire fait écho à l’évolution d’un secteur du syndicalisme universitaire, à la fin des années 1980, dans une conjoncture de libéralisation politique et de récession économique.

13 La disparité des conditions offertes au Maghreb pour une organisation collective empêche d’établir un pronostic sur la capacité d’action politique des « diplômés chômeurs ». Et quand une telle organisation existe, il faut s’interroger sur le contenu de leur projet sociétal, du moins s’ils en ont un. En effet, les groupes de chômeurs marocains se sont focalisés, au fil des années, sur l’obtention d’un emploi pour leurs adhérents. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux perçoivent la politisation du discours revendicatif comme un risque, une transgression des marges très incertaines du tolérable pour les autorités. Or, le respect de ces marges est nécessaire à une reconnaissance éventuelle de leurs revendications par ces mêmes autorités.

Une mobilisation pragmatique… ou l’historique d’une domination

14 Parler de la « mobilisation des diplômés chômeurs » peut induire en erreur, en ce qu’elle peut faire croire à une unité ou une coordination quelconque entre ceux qui se revendiquent comme tels. Si les chômeurs mobilisés se reconnaissent autour d’un discours revendicatif et des formes de protestation semblables, on a affaire à une multiplicité de groupes tenant à afficher des différences construites en amont de la protestation.

15 Ces groupements, ayant pour but l’insertion de leurs membres dans la fonction publique, sont présents sur tout le territoire marocain, en particulier dans les villes où des postes administratifs sont à pourvoir. Trois catégories sont identifiables en fonction des traits mis en avant par les adhérents (type de formation, sensibilité politique, présence d’un handicap physique) et des caractéristiques de leur action collective.

16 En premier lieu, la plus ancienne association de diplômés chômeurs (Association nationale des diplômés chômeurs du Maroc, ANDCM) représente une catégorie à part entière et ce, pour plusieurs raisons : créée en 1991, l’ANDCM est la seule association ayant vocation à survivre à ses adhérents, telle une sorte de syndicat de chômeurs ; disposant de plus d’une centaine de sections locales, elle est implantée sur tout le territoire national ; enfin, elle a toujours préservé sa filiation idéologique avec le syndicalisme universitaire d’extrême gauche. Ce dernier élément se répercute sur le style protestataire de l’association. Le discours de l’ANDCM vise le « régime (autoritaire, capitaliste oligarchique, élitiste, corrompu) », jugé responsable du chômage. Le grief individuel des militants de l’ANDCM s’inscrit dans une vision plus large de la réalité où l’ensemble des précarités socio-économiques est lié à des enjeux politiques, tels que l’état des libertés individuelles ou l’exercice de l’autorité.

17 Selon cette logique, l’ANDCM est susceptible de rejoindre des initiatives protestataires portées par d’autres collectifs. L’appel à la solidarité avec le M20F lancé par le Comité national d’appui (CNAM) a été positivement accueilli et soutenu par l’association de chômeurs. Mais, quelques semaines plus tard, les modes de travail des Coordinations du 20F de Rabat et de Casablanca ont amené le bureau national de l’ANDCM à se distancier de l’initiative, avec l’argument de ne pas se sentir concerné par un projet trop tiède sur la question du chômage et « sans boussole politique »[11]. La position officielle du bureau national n’a pas empêché la participation à titre individuel des adhérents de l’ANDCM aux marches organisées par le M20F. Elle ne préjuge pas non plus d’éventuelles convergences au niveau local [12]. D’ailleurs, cette distanciation n’a pas empêché l’association de profiter du « climat d’opportunité manifestante », ressenti par plusieurs corps de métiers en grève depuis janvier 2011 [13]. Ainsi, le 4 avril 2011, l’ANDCM a lancé une « ma’araka wataniya » (combat national) étendue sur plusieurs semaines. Les actions dans la capitale (sit-in devant le ministère de l’emploi, marches dans le centre ville, etc.) sont parvenues à rassembler plus d’un millier d’adhérents des branches locales. Pour la première fois depuis 2001, l’Union marocaine du travail (UMT) permettait à des diplômés chômeurs de siéger et de dormir dans les locaux du syndicat pendant toute la durée de la ma’araka[14]. De même, l’appel de l’ANDCM à une manifestation nationale de chômeurs à Casablanca le 20 juin – à l’occasion de la journée contre le chômage proclamée par l’association- misait sur l’élan protestataire secouant la ville depuis quelques mois.

18 La deuxième catégorie de chômeurs organisés est celle des diplômés handicapés. Surtout composés par des non-voyants, les groupes demandent l’application des dispositions du ministère de la Fonction publique et du Secrétariat d’État pour la famille, l’enfance et la solidarité sociale qui engagent l’administration publique à consacrer un quota d’emplois pour les personnes présentant un handicap physique.

19 Enfin, les diplômés de troisième cycle (titulaires de diplômes d’ingénieur, de master et de doctorat) constituent la dernière catégorie au sein de l’espace protestataire « chômeur ». Compte tenu de leur puissance numérique, ils jouent un rôle central dans la production des images publiques dominantes de la mobilisation : des centaines (voire des milliers) de personnes marchent presque tous les jours dans les rues du centre ville à Rabat et exigent, devant le Parlement, d’être intégrées dans la fonction publique. Ces diplômés de troisième cycle sont les auteurs d’un surinvestissement protestataire de l’espace public rbati depuis 10 ans, au point que le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi a pu suggérer que « le Maroc est un mai 68 permanent » [15]. Dès lors, le refus de ces diplômés de participer aux manifestations pro-démocratie organisées par le M20F pénalise ce dernier du fait de la perte considérable d’effectifs potentiels représentée.

20 Le refus de prendre part à la nouvelle dynamique s’est opéré en plusieurs phases. La première a lieu à la fin de janvier 2011, alors que les négociations entre, d’un côté, les conseillers du Premier ministre et les représentants du ministère de l’Intérieur et, de l’autre, la dizaine de groupes de diplômés de troisième cycle actifs sur Rabat, s’intensifient. Le 20 janvier, les négociateurs publics s’engagent à créer plus d’un millier de nouveaux postes au début du mois de mars en échange de l’arrêt des protestations des chômeurs et de leur promesse de se tenir à l’écart de la manifestation du 20 février. La deuxième phase débute courant mars, lorsque les actions des groupements de troisième cycle reprennent pour dénoncer les promesses non tenues. Tout en se distinguant explicitement du cahier revendicatif du M20F, les diplômés se permettent des actions plus subversives. Voici un exemple. Le vendredi 20 mai, à midi, quelques centaines de diplômés chômeurs se mêlent à la foule qui attend devant l’esplanade de la mosquée As Sunna l’apparition de Mohammed VI à la sortie de la prière. Alors que le roi salue les centaines de personnes rassemblées, les diplômés arborant les gilets de l’association l’interpellent pour qu’il intercède dans leur dossier, aux cris de : « les cadres veulent la fonction publique ». Certains observateurs voient dans cette action un singulier manque de respect à l’égard de la figure monarchique dont la constitution établit le caractère inviolable. Pourtant, une autre interprétation est possible : l’action s’inscrit dans le style protestataire de cette catégorie de diplômés et, s’il y a de l’audace dans l’interpellation directe du roi, s’adresser à lui constitue un acte d’allégeance, c’est reconnaître sa puissance et sa centralité, voire exprimer le vœu d’une reprise de son autorité.

21 A l’évidence, il n’est pas question, pour les diplômés de troisième cycle, de renverser les structures qui permettent l’insertion dans la fonction publique. D’ailleurs, la rhétorique collective s’appuie sur des arguments juridiques : les articles 12 et 13 de la Constitution de 1996 garantissent le droit d’accès de tous les citoyens à la fonction publique et à l’emploi en général ; les décrets 865/99 et 888/99 du ministère de la Fonction publique établissent l’insertion directe sans concours des titulaires de master et doctorat ; la base de données du Secrétariat de la formation professionnelle recensant les diplômés supérieurs est censée jouer un rôle de « salle d’attente » avant l’intégration fonctionnariale [16]. Le chômage « subi » par les diplômés de l’enseignement supérieur est interprété comme le résultat d’une mauvaise application des règles existantes, soit par manque de rigueur soit par manque d’intégrité éthique de ceux chargés de les exécuter :

22

« Pourquoi l’État ne respecte pas lui-même les lois qu’il a créées ? S’il ne se respecte pas lui-même, comment va-t-il respecter mon droit ? Comment vais-je le respecter ? Les responsables ont créé eux-mêmes le problème : s’ils avaient bien utilisé la base des données, s’ils avaient recruté par ordre chronologique d’obtention du diplôme…, alors tout le monde attendrait son tour ! S’ils respectaient les procédures des concours, on ne remettrait pas en question les embauches ! » (Abdellatif, enseignant vacataire à l’Université Mohamed V et membre de Mouwahida, Rabat, 17 février 2008).

23 Ainsi, le cadre réglementaire n’est pas remis en question, mais son application. Une telle approche du « problème » permet de transcender la diversité idéologique des adhérents. Les groupes de diplômés de troisième cycle ont cultivé le statut de chômeur comme leitmotiv de l’engagement. Le plus souvent, s’identifier comme tel renvoie moins à une situation d’inactivité économique qu’au souhait d’améliorer le statut professionnel [17]. Des trajectoires et des sensibilités disparates sont aplanies au profit d’un type d’engagement qui valorise en priorité l’investissement en termes de présence physique. Classés dans des listes, les adhérents reçoivent des points pour leur participation aux actions protestataires, le nombre de points accordés variant en fonction de la dangerosité ou de l’intensité de l’action. À la fin, les militants les plus investis sont, a priori, les mieux placés pour bénéficier des postes accordés par les responsables publics. Ce système entraîne l’intensification de l’activité protestataire visible. Celle-ci est devenue un moyen par lequel les adhérents se distinguent entre eux à l’intérieur des groupes, et un moyen par lequel les groupements s’assurent une « place » dans l’agenda des autorités.

24 La récurrence des manifestations banalise l’action collective. Pour y remédier, les groupes cherchent à entretenir l’« effet surprise » avec des actions « extraordinaires » et des techniques de contrôle de l’information, pour éviter des fuites sur les « ichkal nidali » (formes de lutte) et prendre de court les forces de l’ordre. Néanmoins, l’expression publique des griefs des diplômés de troisième cycle se caractérise par l’autolimitation, aussi bien aux niveaux opérationnel que discursif. Des slogans peu accusateurs, centrés sur l’argumentaire juridique et la « misère » du chômeur, forment la bande sonore des actions :

25

« On est Chou’ala, la flamme, le courage, l’élite du pays. On est contre la politique d’embauche sélective du gouvernement. Tu veux travailler à Rabat et Casablanca mais tu n’y travailleras jamais. On va t’envoyer loin de chez toi. On laisse crever les enfants du peuple. Ils sont où, les droits humains ? » (Notes de terrain, Rabat, 9 octobre 2008).

26 Le Parlement et quelques sièges ministériels (sauf celui de l’Intérieur) sont des cibles fréquentes, car ce sont des sites d’autorité visibles et tangibles, même si le pouvoir qui y réside est plus symbolique qu’effectif [18]. En tant que sièges formels d’une autorité effective logeant ailleurs, les défis qui leur sont adressés ne constituent pas des transgressions des « lignes rouges » du tolérable. Ces dernières concernent la remise en question de la trilogie « Dieu, la patrie, le roi ». Ainsi, le fait d’adresser les revendications au Parlement [19] révèle la quête d’un équilibre entre le besoin d’éviter toute accusation de traîtrise et la recherche d’une compréhension de la part des détenteurs du pouvoir politique au Maroc. Les diplômés identifient la monarchie et le ministère de l’Intérieur comme les ultimes ressorts de la décision publique : les défier directement serait l’intolérable.

27 L’autolimitation des actions se cultive également lors des négociations avec les responsables publics. Le préalable presque incontournable pour entamer des négociations avec les autorités sur l’obtention de quelques postes d’emploi, est la fermeture du groupe aux nouveaux adhérents. De cette manière, l’insertion dans le cycle de négociations s’accompagne d’une fragmentation du champ protestataire « chômeur ». Rencontrés séparément, les groupes reçoivent des informations contradictoires, ce qui sape la possibilité d’une coopération. Une certaine expérience de l’action publique montre aux militants que la protestation devient efficace au bout d’une certaine période si elle est conduite sous une certaine forme, un constat qui solidifie le pragmatisme des associations, transmis et exacerbé de vague en vague.

Le « cauchemar du politique », le « bouclier antipolitique » et la difficile convergence entre collectifs protestataires

28

« Notre revendication est khobsi(Littéralement : “de pain”, de subsistance) et ça doit rester comme ça… Mais il y aurait ceux qui voudraient politiser le dossier… et alors on passerait à autre chose… On retournerait aux années de la fac, à la confrontation entre clans. On nous utiliserait pour des fins qui ne sont pas les nôtres » (Propos tenus par un membre de Tansikiya, Rabat, octobre 2008).

29 Ces propos tenus par un membre d’un groupe de diplômés de troisième cycle chômeurs révèlent la ligne de fracture virtuelle entre les « causes légitimes » et celles tenues pour « illégitimes ». Ces paroles datent de 2008, mais l’idée sous-jacente est toujours valable en mai 2011 : « Nous ne voulons que notre emploi, mais le PV [procès verbal] que nous avons signé [avec le conseiller du Premier ministre] nous oblige à continuer de protester », s’exclamait un adhérent de l’Union de diplômés de l’Institut royal de la formation des cadres, dans une période effervescente de mobilisations (politiques ou syndicales/professionnelles).

30 Les deux citations suggèrent que le leitmotiv de la protestation est l’incapacité à bénéficier d’un droit acquis tangible, en l’occurrence un poste d’emploi. Le terme « khobsi », litt. « du pain », est utilisé comme opposé à « politique » (siyassi) : le premier renvoie à un bien dont le droit de jouissance est indiscutable, car il est indispensable à la vie. Le deuxième terme nie le caractère indispensable du bien convoité : la revendication siyassiya/politique ne saurait être reconnue aussi « urgente » que la revendication khobsiya/matérielle ; en plus, elle ne résulte pas d’un consensus mais incite au contraire à la confrontation de priorités diverses, subjectivement construites. Suivant cette logique, la revendication khobsi renvoie au nécessaire et à l’unanime, alors que la revendication politique renvoie à l’accessoire et au différend.

31 Vue ainsi, la revendication politique serait essentiellement conflictuelle, ce qui est d’ailleurs suggérée dans la citation par l’allusion aux« années de la fac ». Le syndicalisme universitaire des années 1980 et 1990 s’est caractérisé par les affrontements extrêmement violents entre islamistes et militants de gauche. Pendant toute la période des « années de plomb », l’éventualité de la surveillance et de la répression planait sur chaque syndicaliste universitaire. La ténacité de ces souvenirs donne une force symbolique à l’évocation de « la fac », rappelant l’association entre « revendication politique » et risque pour sa propre intégrité physique. Non seulement conflictuelle, la revendication politique serait également susceptible d’être l’otage de logiques sectaristes. Dans la citation, l’évocation des « clans » souligne que les intérêts collectifs peuvent être travestis et manipulés par des groupes en conflit, animés par la satisfaction de buts propres.

32 Mais une telle interprétation du binôme matériel/politique ne va pas de soi. Il s’agit d’une appréciation subjective des mots, qui conduit à privilégier certaines lectures au détriment d’autres. Rappelons-le : la plateforme revendicative du M20F ne néglige pas la dénonciation des précarités matérielles. Bien au contraire, le mouvement considère que les mécanismes de l’autorité politique et les souffrances quotidiennes s’enchevêtrent, l’un ne pouvant pas s’expliquer sans l’autre. Si le refus des groupes de diplômés de troisième cycle de penser leur chômage dans une complexité politique large se justifie par le référentiel susmentionné, des raisons d’ordre tactique et opérationnel prévalent également.

33 La diversité des parcours biographique et idéologique des adhérents des groupes de troisième cycle les oblige à élaborer un discours collectif à partir du plus petit dénominateur commun : le souhait d’améliorer sa situation professionnelle. Chercher d’autres raisons au chômage que l’application peu rigoureuse des normes impliquerait de désigner des responsabilités susceptibles, selon les militants, de heurter les sensibilités des uns et des autres. Est-ce que cette résistance à l’imputation de responsabilités s’explique par les éventuelles contradictions auxquelles les propres convictions des militants seraient confrontées ? Ou bien par l’intériorisation du lien entre controverse et risque ?

34 La réorganisation des priorités politiques que les adhérents à la « cause chômeuse » sont tenus de faire est compréhensible. En 2008, un groupe de diplômés de troisième cycle était présidé par un ancien responsable du bureau national de l’Union nationale des étudiants marocains (UNEM), membre du cercle politique d’Al Adl wal Ihssane[20] (Justice et bienfaisance). Questionné au sujet de l’influence de ses appartenances politiques sur son engagement chômeur, il répondait que« ce n’était pas le moment »[21] de faire appel à sa filiation « associative » pour proposer un diagnostic sur le problème du chômage ou un mode d’agir. De même, un adhérent d’un autre groupe de chômeurs et militant de Barnamij al marhali[22] défendait la possibilité et la nécessité d’« oublier sa filiation politique. Dans le groupement, je ne suis qu’un diplômé chômeur de plus »[23].

35 Une certaine « rationalité » organisationnelle sous-tend cette capacité (affichée) à dissocier les multiples facettes de l’individu-militant. Si un style protestataire concret, aussi apolitique et domestiqué soit-il, aboutit à un accord d’embauche massive, pourquoi le changer ? Les recrutements dont les groupes de diplômés de troisième cycle bénéficient périodiquement constituent des « précédents » favorisant les positionnements pragmatiques. L’insertion dans des processus de négociations impose des contraintes aux organisations, les conduisant à étouffer tout radicalisme en leur sein [24].

36 Conscients des usages dont ils font l’objet, les diplômés chômeurs de troisième cycle acceptent de jouer le jeu de la subversion limitée, du moment que celle-ci est récompensée par des postes dans la fonction publique. De manière indirecte, ils sont appelés à participer à la négociation de l’image du régime : la tolérance montrée à leur égard par les autorités « vérifie » le discours sur la transition et les avancées démocratiques. La nébuleuse de groupes de chômeurs fournit un cadre susceptible d’accueillir et de repérer des mécontents et de désamorcer des oppositions potentielles. Ainsi, le « diplômé chômeur » en tant que catégorie protestataire peut être considéré comme l’avatar le plus abouti d’une pacification des rapports entre le régime et les opposants, grâce à l’a-politisation progressive de ces derniers. Autrement dit, une même logique éclaire la tolérance à l’égard des chômeurs et la répression contre le M20F dans la mesure où celui-ci remet explicitement en cause les fondements du pouvoir et les modalités de son application [25].

37 La probabilité de voir les collectifs de diplômés chômeurs de troisième cycle rejoindre la dynamique du 20F est lointaine. La perspective d’une convergence des plateformes revendicatives paraît encore plus irréaliste. Selon V. Geisser et M. Béchir-Ayari [26], les indemnités de chômage proposées par Z. Ben Ali après le décès de Mohamed Bouazizi ont eu un effet contraire à l’accalmie attendue. En Tunisie, la gestion des mécontentements sociaux a aussi reposé sur une approche matérielle des problèmes. La négation de la dimension politique des revendications, celles touchant à l’exercice de l’autorité, a d’autant plus accru l’indignation collective que les promesses de Ben Ali n’étaient plus crédibles. Au Maroc, une bonne partie des diplômés chômeurs organisés acceptent et perpétuent la négation de la dimension politique de leur dossier, se satisfaisant d’une approche « technico-humanitaire » qui, bon an mal an, donne des résultats concrets [27]. Il serait pertinent de s’interroger sur les effets d’une éventuelle érosion de ce mécanisme. Les groupements tacitement auto-retenus dans l’attente d’une gestion publique positive, seraient sûrement vidés de leur sens. Deux scénarii seraient envisageables : ou bien les contraintes organisationnelles imposées au sein des groupements seront ignorées par leurs bases, rompues aux techniques de la protestation de rue ; ou bien le diagnostic du chômage sera reformulé et inséré dans une réflexion sociopolitique plus large, permettant aux groupements de rejoindre d’autres coalitions protestataires. ?


Date de mise en ligne : 30/09/2011.

https://doi.org/10.3917/come.078.0077

Notes

  • [1]
    Lors de la campagne pour les élections législatives de 2007, le Parti socialiste unifié (PSU) avait retenu pour son programme, la réforme constitutionnelle et la révision de l’article 19 consacrant l’inviolabilité du roi.
  • [2]
    Michel Camau, « La disgrâce du chef. Mobilisations populaires arabes et crise du leadership », Mouvements, nº 66, vol. 2, juin 2011, pp. 22-29.
  • [3]
    À propos des dilemmes pratiques rencontrés par l’action protestataire, voir Frédéric Vairel, « L’ordre disputé du sit-in au Maroc », Genèses, nº 59, vol. 2, 2005, p. 47-70.
  • [4]
    Dans la ville de Bouarfa (18 000 habitants), située à 280 km au Sud d’Oujda, dans la région de l’Oriental, la Coordination a réussi à obtenir la gratuité de l’eau. Mais, en mai 2011, le porte-parole de la Coordination, Saddik Kabbouri, est arrêté pendant un sit-in de solidarité avec les détenus bouarfis du 20 février. Accusé d’incitation à la violence contre les agents de l’ordre, il est condamné à 2 ans et demi de prison le 17 juin.
  • [5]
    « Le chômage des jeunes diplômés, une bombe à retardement ! », article paru dans Afrique Actu le 11 janvier 2011 (version en ligne consulté le 20 juin 2011 :http://afriqueactu.net/22967/afrique/le-chomage-des-jeunes-diplomes-une-bombe-a-retardement)
  • [6]
    À propos de l’intensité de l’investissement protestataire de la rue par les diplômés chômeurs organisés, voir : M. Emperador, « Les manifestations des diplômés chômeurs au Maroc : la rue comme espace d’affirmation et de transgression du tolérable », Genèses, vol. 77, décembre 2009, pp. 30-50.
  • [7]
    Ce point est une reprise partielle d’un article personnel intitulé « De Sidi Ifni à Sidi Bouzid », Revue Economia, nº 11, février-mai 2011, pp. 87-90.
  • [8]
    Lahcen Achy, “Morocco’s Experience with Poverty Reduction”, Carnegie Papers, nº 25, décembre 2010.
  • [9]
    Idem.
  • [10]
    Najib Bouderbala, « La trajectoire du Maroc indépendant : une panne dans l’ascenseur social », Critique économique, nº 10, 2003, pp. 5-30.
  • [11]
    Conversation avec un membre du conseil exécutif de l’ANDCM (mai 2011)
  • [12]
    Une chronique de la marche organisée par le M20F le 5 juin 2011, parue dans le journal As-sabah, souligne la présence très importante de membres de la section locale de l’ANDCM (« Hudur laft lilmu’ataline fi ihtijajat harakat 20 febrayer fi Kenitra »/ « Participation de chômeurs dans les protestations du M20F à Kénitra », As-sabah, 6 juin 2011)
  • [13]
    On peut signaler, en raison de leur durée, la grève des médecins internes et résidents, celle des enseignants de l’enseignement primaire et celle des employés de Maroc Télécom et de La Poste. La réponse policière a été quelquefois très violente. Par exemple, la manifestation exceptionnelle de 10 000 médecins, le 25 mai à Rabat, a été réprimée en faisant plus de 200 blessés.
  • [14]
    Le dernier sit-in organisé par l’ANDCM au siège de l’UMT eut lieu en 2001. Prolongé pendant des semaines, les militants de l’époque accusent le secrétaire général du syndicat, Mahjoub Benseddik, d’avoir personnellement appelé la sécurité pour mettre fin à l’« occupation » des locaux syndicaux. La dispersion du sit-in fut extrêmement violente, avec une destruction partielle du siège qui, depuis, sert de parking.
  • [15]
    Maroc hebdo international, 499, 22-28 février 2002.
  • [16]
    Les titulaires de diplômes de troisième cycle pouvaient s’inscrire sur cette base censée être un outil de dépistage des profils attractifs, et consultable par les ministères désireux d’embaucher des cadres.
  • [17]
    Pendant notre enquête de terrain (2006-2009), nous avons rencontré un bijoutier qui se présentait comme « diplômé chômeur » du fait de n’avoir pas pu mettre professionnellement à profit son master en droit. Citons aussi le cas d’adhérentes à un groupe de diplômés de troisième cycle, inscrites en thèse dans les facultés de Rabat, mais reconnaissant militer pour « gagner du temps ».
  • [18]
    Le « Makhzen » concentre, aux yeux des protestataires, l’autorité politique au détriment des organes représentatifs. Makhzen signifie littéralement « magasin où l’on garde l’impôt en nature, et par extension, le trésor » (Abdallah LAROUI, Les origines sociales et culturelles du nationalisme maghrébin, Casablanca, Centre culturel arabe, 1993, p. 67). La formule est toujours employée pour « désigner l’appareil de domination marocain [tout en] soulignant le caractère traditionnel et spécifique » (Myriam CATUSSE, Frédéric VAIREL, « Question sociale et développement : les territoires de l’action publique et de la contestation au Maroc », Politique africaine, nº 120, décembre 2010, p. 7).
  • [19]
    Les mairies et sièges ministériels sont d’autres cibles. La situation est quelque peu différente dans les villes petites et moyennes, où les unités rattachées au ministère de l’Intérieur (bachaouiyas et sièges de province dans le cas des capitales provinciales) sont directement visées par les actions.
  • [20]
    Al Adl wal Ihssane n’a pas le statut de parti mais celui de groupement, jama’a.
  • [21]
    Entretien, octobre 2008.
  • [22]
    Barnamij el marhali (Programme d’étape) est un courant d’extrême gauche aux référents théoriques indéterminés (marxisme-léninisme, guévarisme, maoïsme, etc.) au sein du syndicalisme universitaire.
  • [23]
    Entretien, mai 2008.
  • [24]
    F.F. Piven et R. Cloward suggèrent l’effet déradicalisateur des structures militantes dans le cas des mobilisations de personnes sans ressources ; cf. Poor People’s Mobilizations, Vintage Books, Random House, New York, 1977.
  • [25]
    Cf. la répression de la manifestation de Casablanca le 13 mars, quatre jours après le discours royal annonçant la mise en place d’une Commission consultative de révision de la constitution et la « prise en main » du dossier des changements politiques. cf. également la répression du sit-in réalisé par le M20F devant le centre de détention de la Délégation à la Sûreté territoriale à Témara et la répression systématique des marches ultérieures (22 et 29 mai), jusqu’au décès d’un manifestant à Safi.
  • [26]
    Entretien publié à Contretemps, 23 janvier 2011 : http://www.contretemps.eu/ interviews/revolution-par-bas
  • [27]
    Début février 2011, Abbas El Fassi a élargi sa promesse (formulée le 20 janvier) de 1 000 postes d’emploi pour les diplômés chômeurs à 4 000 et annoncé l’établissement d’un quota annuel réservant 10 % des nouveaux postes dans l’administration publique aux diplômés de troisième cycle.
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