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Article de revue

PCF : la construction d'un regard et d'une politique

Pages 107 à 109

1 Le PCF, né en 1920, s’est inscrit dans les mutations et les tragédies du 20ème siècle. On ne peut comprendre l’évolution de sa politique sur la question de Palestine si on ne commence pas par ce constat, un constat de bon sens. Mais il signifie qu’il faut fouiller l’histoire, ses complexités et ses contradictions.

2 Il y a trois phases principales.

3 La première est l’après guerre jusqu’en 1956. Pour les Communistes français, la priorité va à la reconstruction de la France, à la confrontation Est/Ouest, aux questions de la paix et de l’URSS... Ce qui se passe au Proche-Orient passe après. A l’époque, le PCF n’est pas le seul à interpréter les choses ainsi. Beaucoup d’événements importants eurent un traitement d’événements secondaires... au regard de ce fait majeur de l’histoire que fut la Seconde Guerre mondiale. Il faut du recul pour pouvoir mesurer la portée exacte et hiérarchiser les événements.

4 Pour le PCF, seule la création de l’ Etat d’Israël constitue alors un fait vraiment décisif. C’est pour lui une réponse légitime au génocide des juifs par les Nazis, un prolongement de l’engagement communiste contre l’Allemagne d’Hitler. C’est aussi une contribution au renforcement du camp socialiste, l’URSS reconnaissant immédiatement le nouvel Etat où les forces de gauche sont majoritaires.

5 L’expulsion des Palestiniens en 1948, cependant, pose problème. Pour le PCF, une cohabitation des juifs et des Arabes devait être possible, alors que la colonisation britannique les a opposés. Dans l’ Humanité du 2 mai 1948, Pierre Courtade traduit avec hésitation le trouble suscité par ce qu’on appelle aujourd’hui la Nakba en parlant du sionisme comme « le fruit amer du capitalisme et de l’oppression à laquelle les juifs ont été soumis depuis des siècles ».

6 Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela : un contexte international de confrontation ; une conception marxiste-léniniste rigide dans une guerre froide qui écrase tout ; un parti qui sort grandi de la guerre et de la Résistance mais qui doit se reconstruire lui-même entièrement, rebâtir une organisation et une politique. Les défis sont alors énormes.

7 Les communistes sont partagés entre l’espoir suscité par la création d’Israël face à l’impérialisme anglo-saxon et l’expulsion de 800.000 Palestiniens, la responsabilité des milices juives et des dirigeants israéliens dans ces expulsions. La cohérence d’ensemble recherchée sur la base de la solidarité de classe entre juifs et Arabes est trop générale pour dépasser la contradiction.

8 Cette première phase, cependant, se termine avec la crise de Suez, en 1956. Le parti condamne l’agression israélienne, le colonialisme français et britannique. Avec cette crise qui marque le recul des Européens et l’affirmation des Etats-Unis comme puissance dominante au Proche-Orient, le PCF procède à une inflexion critique très nette de sa politique vis-à-vis d’Israël. Il est dans son élément pour traiter d’une crise internationale majeure de ce type. Mais 1956, c’est aussi la crise hongroise, le 20ème Congrès du PCUS avec une dénonciation des crimes de Staline et du culte de la personnalité. On ne peut juger de ce qui se passe en 1956 sans regarder un ensemble de ruptures et d’événements qui pèsent lourd...

9 La deuxième phase dans les évolutions du PCF commence avec la guerre de juin 1967 qui permettra aux communistes d’établir un cadrage général et des principes. C’est en quelque sorte la mise en place définitive des fondations et des valeurs d’une politique dont l’essentiel ne changera plus guère par la suite : soutien à l’existence de l’Etat d’Israël et aux droits nationaux du peuple palestinien ; rappel de l’importance du plan de partage de 1947 ; dénonciation des conséquences de la politique de colonisation, avec l’exode forcé et les massacres comme à Deir Yassin. L’essentiel réside dans l’affirmation d’un « contentieux à régler » (comme dit René Andrieu) et dans la reconnaissance d’un mouvement national palestinien qui effectivement s’affirme.

10 Jacques Coubard, journaliste à l’ Humanité, collabora étroitement avec la Section de politique extérieure du parti. Il fut le premier (en mars 1969, à Amman) à rencontrer Yasser Arafat. A son retour, il eut un entretien avec Jean Kanapa, secrétaire de Waldeck Rochet et très impliqué dans les relations internationales du parti. Le voyage de Jacques Coubard confirmera aux yeux de Kanapa et de la direction du PCF cette affirmation d’un mouvement de libération nationale anti-impérialiste.

11 Dans le reportage de l’ Humanité-dimanche du 23 mars 1969, Jacques Coubard écrit notamment : « Il n’y aura pas de paix pour le peuple israélien tant que l’injustice commise ne sera pas effacée ».

12 Il faudrait bien davantage que ces quelques lignes pour décrire ces évolutions et pour expliciter ce que seront l’attitude et l’action des communistes, lors des crises et des guerres qui vont suivre dans une troisième phase : des accords d’Oslo... jusqu’à l’effondrement du processus de paix. Disons que les bases de leur positionnement ont été ainsi posées il y a 40 à 45 ans.

13 Aujourd’hui, nous entrons dans une période nouvelle. Sous les coups de boutoir des guerres et de l’occupation, sous la pression des faits accomplis de la colonisation, l’échec d’Oslo est acté. Une page est tournée. Il faut redéfinir un nouveau cadre politique pour un règlement juste et durable dont le contenu principal ne change pas : l’édification d’un Etat palestinien indépendant, à côté de l’ Etat d’Israël, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, avec le principe du droit au retour pour les réfugiés, avec la libération des prisonniers... Il n’y a pas d’autre chemin pour sortir d’une impasse dramatiquement illustrée et alimentée, voici environ un an, par l’agression contre le peuple palestinien à Gaza. ?


Date de mise en ligne : 01/01/2011

https://doi.org/10.3917/come.072.0107

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