Notes
- [1]
-
[2]
C. Forest, Inna, Paris, Grasset, 2011, p. 17.
-
[3]
Terrafemina, 17 août 2012.
-
[4]
S. Freud, « Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse » (1933), dans OCF. P, XIX, Paris, Puf, 2004, p. 199.
-
[5]
M. Chollet, « Femen partout, féminisme nulle part », Le monde diplomatique, 12 mars 2013.
-
[6]
Le monde, 11 juin 2013.
-
[7]
D. Foenkinos, Charlotte, Paris, Gallimard, 2014, p. 91.
-
[8]
H. Parat, Sein de femme, sein de mère, Paris, Puf, coll. « Petite bibliothèque de psychanalyse », 2011, p. 14.
-
[9]
H. Deutsch, « Maternité et sexualité » (1933), dans La psychanalyse des névroses, Paris, Puf, 1970, p. 169.
-
[10]
G. Ackerman, « Femen manifeste », dans Femen, Paris, Calmann-Lévy, 2013, p. 4.
-
[11]
Ibid., p. 3.
-
[12]
Ibid., p. 3 et 86.
-
[13]
Ibid., p. 17.
-
[14]
Ibid., p. 57.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
Ibid., p. 73.
-
[17]
Ibid., p. 59.
-
[18]
Ajout d’un affixe qui ne crée pas un nouveau lexème, sans altération du sémantisme du cœur lexical.
-
[19]
Le grand Gaffiot, dictionnaire latin-français, Paris, Hachette, 8e éd., 2012.
-
[20]
Ovide, Les métamorphoses, Arles, Actes Sud, coll. « Thésaurus », 2001, p. 129.
-
[21]
J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1986, p. 328.
-
[22]
S. Freud, « Le moi et le ça » (1923), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 238.
-
[23]
J. Pourrinet, « À la croisée de la psychanalyse de l’enfant et l’art aujourd’hui : originaire, créativité, création », thèse de doctorat en psychologie, Paris V, 2009, p. 44, non publiée.
-
[24]
M. Onfray, Le désir d’être un volcan, Paris, Grasset, coll. « Biblio essais », 1996, p. 401.
-
[25]
M. Gagnebin, Pour une esthétique psychanalytique, Paris, Puf, 1994, p. 176.
-
[26]
J. Chevalier, A. Gheerbrant, op. cit., p. 303.
-
[27]
G. Ackerman, op. cit., p. 5.
-
[28]
C. Bard, « Mon corps est une arme, des suffragettes aux Femen », Les temps modernes, 2014/2, n° 678, p. 213-240.
-
[29]
H. Deutsch, op. cit., p. 169.
-
[30]
Charlie-Hebdo, n° 1081, 6 mars 2013, p. 7.
-
[31]
S. Freud « Projet d’une psychologie », dans Lettres à Wilhelm Fließ, Paris, Puf, 2006, p. 625.
-
[32]
Ibid., p. 639-640.
-
[33]
S. Freud, « Le moi et le ça », op. cit., p. 238.
-
[34]
M.-A. Paveau, « Ces corps qui parlent. La petite vertu discursive des Femen », 3 mars 2013, https://hal-univ-paris 13.archives-ouvertes.fr
-
[35]
M. Yalom, Le sein, une histoire (1997), Paris, lgf/Livre de poche, 2010, p. 58.
-
[36]
S. Freud, Résultats, idées, problèmes, II, Paris, Puf, 1985, p. 287.
-
[37]
F. Héritier, « Celui qui a les mots a le pouvoir », Elle, publié le 6 janvier 2014, www.elle.fr
-
[38]
F. Héritier, « Inceste et substance », dans Incestes, Paris, Puf, 2001, p. 130.
-
[39]
F. Héritier : « Les Femen reproduisent la malédiction du nu », 18 juin 2013.
-
[40]
S. Freud, « Tabou de la virginité » (1918), dans OCF.P, XV, Paris, Puf, 2006, p. 86.
-
[41]
M. Yalom, op. cit., p. 26.
-
[42]
Ibid., p. 25.
-
[43]
J.-P. Kamieniak, « Freud et la découverte de la sexualité infantile, ou du bon usage de l’observation », Le Coq-Héron, n° 217, 2014.
-
[44]
S. Freud, Lettres à Wilhelm Fließ, Paris, Puf, 2006, lettre du 10 mars 1898, p. 384.
-
[45]
J.-M. Hirt, « Visuel/le visuel », dans A. de Mijolla (sous la direction de), Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Hachette Littératures, 2005, p. 1896-1897.
-
[46]
S. Freud, L’homme Moïse et la religion monothéiste (1939), dans OCF.P, XX, Paris, Puf, 2010, p. 191.
-
[47]
J.-M. Hirt, op. cit.
-
[48]
S. Freud, « Manuscrit M », dans Lettres à Wilhelm Fließ, op. cit., lettre du 31 mai 1897, p. 316.
-
[49]
J.-M. Hirt, op. cit.
-
[50]
L. Danon-Boileau, « Trouble dans le féminin de l’homme », conférence d’introduction à la psychanalyse de l’adulte, 21 novembre 2002, site de la spp.
« Couvrez ce sein que je ne saurais voir,
Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. »
« Les Pussy Riot attendent, vendredi 17 août 2012, le jugement du parquet russe quant à leur prière anti-Poutine. À Kiev (Ukraine), elles en ont reçu un [soutien] particulièrement fort de la part des activistes du mouvement féministe Femen. Seins nus, une militante a abattu une croix orthodoxe en bois en plein cœur de la capitale ukrainienne [1]. »
2 Une croix tombe dans la ville de Kiev et déclenche le scandale dans la capitale ukrainienne et l’arrivée en France d’un membre emblématique des Femen, Inna Chevchenko (née en1990). C’est elle qui a mené à bien l’opération « Castrons la croix [2] ».
3 Les Femen en attaquant la croix ne se trompent pas de cible ; certes, par cet acte militant, elles veulent « défendre la liberté de s’exprimer [3] », mais surtout, elles mettent à terre un ordre établi, la branche verticale, dressée, symbolisant le principe masculin, et la branche horizontale, couchée, le principe féminin. La croix matérialise l’équilibre en son point central, point où s’unifient et divergent paradoxalement les contraires. Les Femen souscrivent à ce paradoxe. À travers cette action qui sur le plan manifeste revendique « la victoire totale sur le patriarcat », elles mettent à bas un système nous poussant à nous interroger ou à tenter de redéfinir les catégories du masculin et du féminin, notamment à partir de l’endroit où elles se fondent.
4 Freud aurait certainement compris de prime abord cette action « Castrons la croix » comme la marque de l’envie du pénis propre à la sexualité féminine, mais, nous rappelle-t-il,
« il faut prendre garde à ne pas sous-estimer l’influence des organisations sociales qui, elles aussi, poussent la femme dans des situations passives [4] ».
6 Sur cette seconde partie de la proposition, les Femen seraient en accord avec le père de la psychanalyse. Cependant, Freud, soutenant l’importance de l’influence des organisations sociales, emploie un « elles aussi », précaution indiquant la présence d’une autre dimension jouant dans la passivation des femmes, celle de la sexualité tant féminine que masculine.
7 Le décor est planté, c’est sous cette forme effractive, violente, médiatique, que nous découvrons l’ovni Femen présenté par les médias comme « la quatrième vague du féminisme », point de vue qui cependant ne fait pas l’unanimité au sein des féministes :
« Il n’est pas certain que les médias et le grand public fassent complètement la différence entre les Femen et la Cicciolina, précurseuse de la couronne de fleurs sur cheveux blonds [5]. »
9 Sara Salem, doctorante à l’Institut des sciences sociales des Pays-Bas, appelle à se méfier de l’idéologie véhiculée par les pratiques des Femen, qui pourrait être qualifiée de « féminisme de type néocolonial [6] ». À travers ces opinions exprimées, nous constatons que l’action des Femen est loin d’être consensuelle chez les sujets qui en sont témoins ; elle a tendance à cliver, à radicaliser les propos, nous poussant, par une logique binaire, vers le clivage.
10 Cependant, le combat militant peut-il mettre autrement en question un sujet de société ? Le féminisme dans ces vagues successives a-t-il opéré différemment ? Dès ses origines, il a montré qu’il avait partie liée à la sexualité et à son tabou. Les féministes ont de tout temps revendiqué dans leur lutte la liberté sexuelle comme symbole de l’émancipation féminine, et l’accession à une pleine reconnaissance en tant que sujet. « La liberté est le slogan des survivants [7]. » La femme sexuée, érotique, n’a cessé de faire l’objet du refoulement, et ceci de nouveau et de façon exacerbée dans la période actuelle, comme l’illustre la montée de tous les radicalismes à laquelle nous assistons. Mais à travers ce mouvement de répression que l’on ne cesse de voir renaître, ne doit-on pas y lire, de façon plus large, le refoulement de la sexualité au sein de notre société, sexualité dont la représentation la plus scandaleuse serait celle de la femme, personnage condensant deux représentations inconciliables, la mère et l’amante, personnage rassemblant en son sein courant sensuel et courant tendre ? D’un côté, pour les hommes, il y aurait une nécessité à maintenir le clivage :
« Sein de femme, sein de mère : seraient-ils dans leur duplicité l’émanation des seules défenses masculines face aux tentations incestueuses [8] ? », et de l’autre, pour les femmes, la nécessité d’une « identification à la mère immaculée dont la maternité est perpétuée dans son moi avec le refus de la sexualité, comme elle a refusé la sexualité de sa propre mère [9] ».
12 À travers leurs « performances », n’est-ce pas cette irruption traumatique du sexuel dans nos vies que les Femen viennent de nouveau interroger ?
13 Dans cette lignée freudienne et à l’occasion de cet article, je tenterai avec les outils de la psychanalyse, connus pour être plutôt à l’origine « phallo-centrés », de proposer une compréhension des modes d’interventions et des symboles utilisés par les Femen. Cette démarche, par essence restrictive, ne souhaite que venir en complément d’une compréhension plus politique et sociétale de leurs actions, celles-ci, comme la vigueur et le nombre des réactions qu’elles génèrent en témoignent, dépassant largement le champ de la psychanalyse. Dans un premier temps, après avoir rappelé brièvement l’idéologie de ce mouvement et son origine, j’essayerai de caractériser les éléments constitutifs du dispositif Femen. Dans le second temps, j’interrogerai le dispositif mis en place par les Femen et tenterai de comprendre l’impact spécifique de ces actions sur les sujets masculins qui en sont les témoins.
Idéologie, fondements et origine du mouvement
14 Femen est un groupe de jeunes femmes ukrainiennes qui militent « pour miner idéologiquement les institutions fondamentales du patriarcat, de la dictature, de l’industrie du sexe, de l’église […] jusqu’à la capitulation morale complète [10] ». Elles se présentent dans leur manifeste comme « un mouvement international d’activistes topless, courageuses, aux corps couverts de slogans et aux têtes couronnées de fleurs [11] ». Leur idéologie se définit ainsi :
« Séparé de la femme, son corps est devenu l’objet d’une exploitation patriarcale monstrueuse […]. La nudité féminine, libérée du système patriarcal, devient fossoyeuse de ce système […]. Le corps nu d’une activiste, c’est la haine non dissimulée de l’ordre patriarcal et la nouvelle esthétique de la révolution féminine. […] Peu à peu notre réflexion a mûri et nous avons compris que l’ennemi, ce n’est pas un homme concret. L’ennemi, c’est le schéma général du patriarcat [12]. »
16 À la lecture de ces principaux éléments de leur manifeste, nous sommes saisi par le radicalisme et la violence de leurs propos. Nous pouvons reconnaître derrière cette violence la marque de la haine. Cependant, elles le signifient : l’ennemi n’est pas l’homme concret mais le schéma général du patriarcat. Il semble qu’il faille désincarner l’ennemi, peut-être pour mieux le combattre ; elles ne combattent plus une personne mais un système, système qu’elles qualifient de dictature. Mais on le sait, la haine possède son avers, l’amour; les Femen nous parleraient-elles de la dictature de l’amour ?
17 Pour aller plus avant dans la compréhension de la forme du combat des Femen, allons à la rencontre de l’histoire de ce mouvement. Le mouvement naît à Khmelnitski, en Ukraine occidentale, et s’organise sur fond de dégoût du capitalisme postsoviétique autour de trois jeunes femmes : Sacha (née en 1988), Oksanna (née en 1988) et Anna (née en 1984), la plus âgée. Toutes trois sont adolescentes au moment de la « révolution Orange » (novembre 2004) en Ukraine, révolution qui portera finalement au pouvoir Viktor Iouchtchenko, incarnant une présidence de l’Ukraine tournée vers l’Europe et l’Occident. À travers la révolution Orange, transparaît la lutte d’influence que se livrent en sourdine Moscou et Washington dans cette zone, interface entre l’Europe et la Russie. Quelques années après son élection, Iouchtchenko ne parvient pas à gérer les problèmes issus de la crise économique mondiale de 2008-2010, dans un pays qui en est fortement affecté. Dès lors, l’espoir se mute en déception, entraînant le retour de l’ancien président conservateur pro-russe Viktor Ianoukovitch à l’élection présidentielle de 2010.
18 Durant cette période, nos futures jeunes amazones se retrouvent régulièrement au Centre de perspective de la jeunesse pour lire les œuvres de Marx et Engels, mais aussi du socialiste allemand August Bebel. Dans La femme et le socialisme, « elles trouvent une « base scientifique [13] » à leur répugnance spontanée pour le machisme et pour le capitalisme, mais aussi pour « la religion qui opprime la femme, toujours et partout ». Encouragée par Anna Hutsol, elles créent Initiative féminine, un groupe purement féminin qui après s’être séparé des derniers hommes du groupe originel prend le nom de Nouvelle éthique, afin de se battre pour les droits des femmes. Au sein de ce groupe, elles organisent des conférences-débats sur la discrimination des femmes, des lectures de Bebel et de la théorie du genre : « Il fallait se battre pour les droits des femmes et en particulier pour leur éducation [14]. »
19 Pour réaliser ce projet, le petit groupe invente « une compétition intellectuelle » dénommée brain-ring, Anna dit : « Il fallait user de patience pour les convaincre qu’elles [les étudiantes] étaient intelligentes et parfaitement capables de jouer [15]. » À l’automne 2007, à Khmelnitsky, deux femmes périssent à l’hôpital suite à l’erreur d’une infirmière qui « leur avait par mégarde administré un lavement avec du formol ». Cet évènement est à l’origine de la première action de leur groupe, elles racontent : « Nous sommes restées une demi-journée sous la pluie et la neige, portant des draps ensanglantés en guise de calicot et de pancartes [où était écrit] “À qui le tour ?” [16]. » Anna, suite à sa perte d’emploi, décide de partir pour Kiev (fin 2007) et d’y accueillir rapidement Sacha et Oksanna. Arrivée à Kiev, Anna, souhaitant continuer son action, constate le déficit de notoriété de son mouvement et fait le triste constat
« que la presse ne se déplace pas quand on annonce une conférence sur les perspectives des “études de genre” en Ukraine. C’est alors que j’ai eu l’idée d’introduire des shows dans nos protestations [17] ».
21 Le dispositif emblématique des Femen est posé: des « actions » spectaculaires et médiatiques. Seul reste à trouver un nom à ce groupe d’activistes. Anna se met à la recherche d’un nom pour le mouvement et raconte « l’avoir trouvé par hasard sur Internet ». « Par hasard », voilà un mouvement qui ne peut laisser indifférent le psychanalyste : ne doit-on pas y voir la marque de l’inconscient, du refoulement ? Comme nous le rappelle Nietzsche, « le diable se cache dans les détails ».
22 L’étymologie de ce mot peut nous permettre de lever quelque peu celui-ci. Femen est une flexion [18] en « en » du mot femur, venant de la forme reconstruite feo, qui veut dire enfanter, et que l’on retrouve dans les mots femur, femina, fetus, ferus. Femur [19] est un mot de genre neutre, qui signifie cuisse, jambage en architecture, une plante inconnue, femur bubulum, membre, organes génitaux et, au sens figuré, race, descendance. Étrange hasard : contre toute attente, Femen ne renvoie que très indirectement au féminin, le sens usuel de cuisse, de giron, ainsi que son genre neutre nous ramènent à ce qui a été évoqué en propos liminaires au sujet de la croix et de son symbolisme, lieu où s’originent les principes contraires, le masculin et le féminin. Par le choix de cette dénomination, les Femen veulent-elles interroger un en-deçà de la différence des sexes, un temps premier où masculin et féminin seraient indifférenciés, un temps premier, celui de l’indifférenciation originelle.
23 Dans quelle cuisse les Femen trouvent-elles leur origine ?
24 Vue de l’extérieur, la cuisse par sa fonction dans le corps de support mobile, de colonne, évoque la force, alors que de l’intérieur elle serait à entendre comme la chambre matricielle rejoignant alors directement le symbolisme de la grotte, ou plus encore de l’arbre creux. Par addition de ces deux acceptions, la cuisse devient alors un symbole à la fois d’élévation, de force, mais aussi lieu de gestation. C’est ce symbolisme composite que met en scène le récit mythologique de la naissance de Dionysos. En effet, selon la légende, Dionysos, le deux-fois-né, serait le fruit d’une liaison extraconjugale de Zeus avec Sémélé. Héra, la troisième épouse de Zeus, horriblement jalouse de constater la grossesse de Sémélé, lui fit croire que Zeus n’était en réalité qu’un horrible monstre. Sémélé supplia alors son amant de se laisser voir nu, dans toute sa puissance, afin de vérifier les dires d’Héra. Mais Sémélé, qui n’était qu’une pauvre mortelle, ne supporta pas la vue des éclairs entourant son amant et se mit à brûler comme une torche :
« L’enfant à l’état de fœtus est arraché au ventre de sa mère et, frêle encore, cousu dans la cuisse de son père, où il achève sa gestation [20]. »
26 Les Femen en Dionysos ! Dans ce récit, nous pouvons relever un certain nombre d’éléments éclairant notre compréhension des Femen. Dans le mythe il est question d’un enfant, preuve du double désir féminin, celui d’être amante et celui d’être mère. L’enfant par sa présence expose Sémélé à la rivalité féminine, une femme qui sous l’emprise de son amour se consume à la vue de l’objet de son désir. Les Femen seraient alors les enfants de la faute et du désir, leur lutte contre le patriarcat deviendrait une façon de se défendre contre l’objet du désir en tentant de le faire disparaître. Échapper à la dictature du désir serait-il un des motifs sous-jacents du combat des Femen ?
27 Parallèlement, la rivalité féminine mise en scène dans le mythe semble nous propulser sur un autre plan, aux racines d’un autre danger, celui du rapport de l’enfant avec la mère des origines, relation qui donne la vie mais aussi qui peut donner la mort. Mort que l’enfant rencontre quand la femme est exposée à son désir. Dès lors, pour l’enfant, tuer l’objet du désir maternel deviendrait aussi une issue possible à ce conflit, la haine lui permettant de sortir de la passivité dans laquelle il se trouve. Il semble que ces deux voies puissent rendre compte des motifs inconscients susceptibles d’avoir poussé les Femen à la haine du patriarcat. Ceci paraît d’ailleurs trouver confirmation dans le discours des Femen sous la forme d’une dénégation, lorsqu’elles évoquent que « l’ennemi, ce n’est pas l’homme concret, l’ennemi c’est le schéma général du patriarcat ».
28 Les Femen en faisant le choix de ce nom témoignent de leur souhait de s’approprier la symbolique de la cuisse, c’est-à-dire à la fois la force et l’élévation, mais aussi de trouver en ce groupe une protection contre la force du désir, tout autant que contre la violence primordiale que pourrait incarner la mère des origines. Si l’on se réfère à cette origine celte lointaine, on retrouve le mot cuisse dans une expression que l’on pourrait traduire par « l’amitié sur ma hanche » (cardes mo sliasta), qui serait à comprendre comme un euphémisme littéraire et renverrait au sexe féminin. Il semble que la symbolique de la cuisse n’aurait pas d’autre acception que « la possession érotique temporaire [21] ». Par ce rappel de la dimension érotique de la cuisse, nous retrouvons la dualité propre au féminin, à savoir cette articulation subtile du maternel et de l’érotique. Il semble que le symbolisme de la cuisse condense l’idée de force, d’élévation, de protection, mais aussi de puissance érotique et créatrice.
29 Ce détour par l’étymologie liant les Femen à la cuisse met en évidence l’ancrage dans le corps, dans la chair, de ce mouvement, et la nécessité pour s’extraire du corps maternel d’une seconde gestation. L’accès à la vie psychique appelle donc une naissance passant par le père, passage dont rend compte le symbolisme de la cuisse précédemment évoqué. Ainsi les Femen, par le choix de leur nom, semblent en accord avec le maître viennois:
30 « Le Moi est avant tout un Moi corporel [22]. »
31 Cependant, comme l’enseigne le mythe, aux origines la triangulation est présente, Œdipe est attracteur avant d’être organisateur de la complexité. Sous cette forme, dès le départ les prérequis d’une bisexualité psychique sont offerts, à condition que ceux-ci puissent s’organiser.
Femen : entre activisme et tradition
32 Afin d’avancer dans notre propos et pour mieux comprendre l’essence de ce mouvement, nous nous attacherons à recenser puis à analyser les modes d’action utilisés par les Femen. Ce qui caractérise chacune de leurs actions peut se résumer à une manifestation de jeunes femmes, seins nus, se produisant dans les cris et les hurlements, portant une couronne de fleurs et ayant des inscriptions sur le corps. Leurs actions se sont déclinées dans plusieurs champs : au départ en Ukraine contre Poutine, en Biélorussie pour soutenir les prisonniers politiques, en soutien à Sakineh Mohammadi Ashtiani, condamnée par le régime iranien à la lapidation, à Davos, à l’occasion du forum économique mondial, à Istanbul, par une action nommée « plutôt à poil qu’en niqab ». Il semble qu’aucun sujet de société ne leur échappe, ce qui fait dire à leurs détracteurs que leur message est parfois brouillé. Cependant, la compréhension de leur choix peut être appréhendée par l’idéologie qui les habite et qui défend le concept d’intersectionnalité ; à la multiplicité des formes de domination s’oppose la multiplicité des réponses.
33 Interrogeons-nous donc sur la forme d’actions développées par les Femen. Elles ont décidé d’inscrire la forme de leurs interventions dans la mouvance des actionnistes viennois. Au début des années 1960, un groupe d’artistes se forme dans la capitale autrichienne autour d’Otto Mühl, figure tutélaire de ce mouvement. À travers des actions publiques, provocatrices telles des flagellations, des messes noires, les actionnistes dénoncent les tabous sociaux, les dérives et les atrocités de notre société dite « civilisée ». Les Femen semblent animées du même souhait, celui de dénoncer « le schéma général du patriarcat » qui organise la société. En usant du mot patriarcat, elles reprennent à leur compte l’idiolecte féministe et s’inscrivent symboliquement dans cette filiation.
34 Cela est-il à comprendre comme cette nécessaire seconde gestation pour sortir du chaos haineux, et ainsi permettre une possible mise en sens de l’expérience ? En choisissant le langage de la performance, un art du risque immédiat, elles indexent un événement à une forme, retrouvant l’essence même du mot latin pro forma ou per forma. Ainsi, il y a abolition de la distance, elles se situent moins dans la représentation que dans une présentation incluant le spectateur, faisant de lui une partie de la scène, l’incluant dans un lien syncrétique, et l’empêchant ainsi de trouver une issue élaborative à ce que l’action lui fait vivre. Comme dans l’art « performance », les Femen laissent peu d’objets derrière elles, l’évènement est essentiellement connu par ses traces, ses images, à l’instar des nombreuses vidéos circulant sur le Net et rendant compte de leurs performances.
35 Le mode d’action choisi par les Femen met celui qui regarde en situation de sidération. Jeanne Pourrinet met en travail cette hypothèse concernant l’actionnisme viennois :
« Comment ne pas saisir ces célébrations comme la mise en scène de fantasmes primitifs archaïques qui risque de faire propagande, de figer le développement plutôt que de permettre sa reprise [23] ? »
37 Cette thèse ne serait-elle pas transposable aux Femen ? Ne peut-on défendre l’idée que ce type d’exposition ne permettrait pas la reprise de ces fantasmes sous une forme sublimée, en les conservant sous une forme régressée et parfois proche de la décharge ? N’est-ce pas un risque possible encouru par les Femen lors de leurs actions ?
38 Toujours en tirant le fil du lien entre Femen et actionnisme viennois, bon nombre d’intellectuels qui se sont interrogés sur ce dernier l’expliquent par le lien qu’il entretient avec un événement traumatique. Michel Onfray écrit :
« Je ne pense pas qu’on puisse comprendre quoi que ce soit à l’esthétique de l’actionnisme viennois sans le mettre un tant soit peu en perspective avec les apocalypses induites par le régime hitlérien: sang, graisse, peaux et chairs, squelettes et sacrifices, corps bafoués, viande mutilée, sanies, souillures, ravalement des êtres à leurs composantes excrémentielles, matérielles et sauvagement corporelles [24]. »
40 Murielle Gagnebin, dans Pour une esthétique psychanalytique, le traduit ainsi comme
« [la] résurgence […] d’un expressionnisme outré, caricaturé, vomissant les violences innombrables qui ont tressé la trame de la seconde moitié du vingtième siècle [25] ».
42 Doit-on faire l’hypothèse d’un traumatisme pour expliquer le mode d’action choisi par les Femen, traumatisme que par essence nous ne pourrions saisir car inexistant sous forme de souvenir ? Cette hypothèse, pour être soutenue, supposerait de faire l’analyse des membres fondateurs de ce mouvement, ce qui ne semble pas être leur choix et rendrait sauvage toute interprétation de leur fonctionnement. Il semble plus juste de comprendre leur mode d’action comme une mise en contact avec la dimension traumatique de la pulsion, dimension qui trouverait sa concrétisation dans son caractère effractif pour le psychisme. En effet, toute tentative de représentation ne peut se faire sans bousculer l’équilibre établi, l’action de représenter possède par essence une dimension traumatique.
43 En contrepoint de la forme choisie pour leurs actions, les Femen se parent d’un accessoire en apparence trivial, la couronne de fleurs. Originellement, en Ukraine, la couronne de fleurs était un serre-tête et portait une signification rituelle et religieuse. Comme dans la plupart des cultures occidentales, sa localisation « au sommet de la tête lui confère une signification suréminente [26] », interface entre le plus haut de l’humain et le royaume des dieux. C’est un symbole de vie qui ne peut être porté que par des jeunes filles non mariées, et possède une valeur magique apportant protection à celles qui s’en coiffent. Pour les Femen, elle est
« un symbole de féminité et d’indocilité fière. C’est la couronne de l’héroïsme, c’est un symbole ukrainien de virginité et les fleurs symbolisent la protestation pacifique […] les filles qui la portent sont libres, jeunes et fortes, indépendantes [27] ».
45 Cependant, comme toujours les Femen jouent du paradoxe :
« La joliesse champêtre de la couronne perd sa superbe lorsque les Femen racontent avoir recyclé des fleurs artificielles de cimetières, faute de moyens. Mis à part ce détail comique (disent-elles) nous restons dans une association jeune femme-fleur qui appuie sur une image convenue de la féminité la plus traditionnelle [28]. »
47 Peut-être retrouvons-nous, par l’entremise de cette couronne de fleurs bien romantique attribuée aux jeunes vierges, l’expression du refus de la sexualité par « identification à la mère immaculée [29] ». Cette couronne de fleurs ne deviendrait-elle pas un fétiche ?
48 Les cris et les hurlements sont tout aussi indispensables à une action des Femen, toutes leurs interventions se font dans ce climat. Il semble sur le plan manifeste qu’il faille entendre ce mode d’expression comme un cri de guerre signifiant à la fois la colère et la détermination tout en ayant de nouveau une fonction magique visant à pétrifier l’assaillant. Comme elles aiment à le rappeler dans leurs diverses expressions, les Femen sont en guerre, nommant leur tactique « le sextrémisme », mode d’action qu’elles définissent comme
« une forme non violente mais très agressive de l’actionnisme; c’est une arme ultrapuissante et démoralisante, qui sape les fondements de la culture patriarcale pourrie [30] ».
50 Dans le « Projet d’une psychologie », Freud aborde le cri en essayant de rendre compte des mécanismes de l’expérience vécue de satisfaction autour du nourrissage au sein :
« Une poussée urgente qui se décharge dans une voie motrice. D’après l’expérience, c’est alors la voie menant à la modification interne (expression des émotions, cri, innervation vasculaire) qui est empruntée en premier [31]. »
52 Ces modifications internes auront pour but d’amener l’action spécifique par l’entremise du Nebenmensch, être-humain-proche, qui fera baisser la tension du sujet. Freud nous explique que c’est au contact du Nebenmensch que l’être humain apprend à reconnaître qu’il acquiert la faculté de jugement :
« Le complexe de perception de l’être-humain-proche se sépare en deux constituants, dont l’un s’impose par un agencement constant et forme un ensemble en tant que chose, alors que l’autre est compris par un travail de remémoration, c’est-à-dire qu’il peut être ramené à une information venant du corps propre [du sujet] [32]. »
54 Une première ligne de démarcation semble se dessiner ; d’un côté, un invariant définissant la chose ; de l’autre, une perception remémorée venant du corps propre du sujet. Les cris et hurlements des Femen semblent donc nous ramener dans un temps où sujet-objet sont en voie de différenciation, un temps où la détresse est toujours aux portes du psychisme, laissant le sujet dans l’attente anxieuse d’une action visant à soulager la tension. Les cris et hurlements semblent réactiver en chacun ces expériences de détresse infantile, nous amenant dans le meilleur des cas à une identification au sujet, et dans le pire, à un rejet violent de celui-ci visant à faire disparaître toute trace de cette détresse originaire en nous. N’est-ce pas ce que génèrent en nous les actions Femen ? Il semble difficile de caractériser le cri ; est-il affect ? expression d’une émotion ? simple décharge ? Par le simple fait qu’il puisse faire venir l’être secourable, n’acquiert-il pas alors une fonction de communication, témoignant ainsi d’un certain degré de représentation de l’expérience vécue ? Nous pouvons faire l’hypothèse que lors de leurs actions, les Femen nous mettent en situation de ressentir l’ensemble de cette complexité en nous, complexité qui contraint chacun à mettre en place un édifice défensif singulier. Les Femen par leurs actions nous poussent vers la régression, sans nous donner d’autres moyens que d’être livrés à nous-mêmes, avec la richesse mais aussi les limites propres au fonctionnement psychique de chacun.
55 Les slogans écrits sur le corps finissent de compléter le tableau Femen. Cet élément est particulièrement intéressant puisqu’il s’inscrit par sa forme dans la lignée des peintures rituelles connues dans toutes les cultures traditionnelles, et en même temps, se démarque des scarifications et autres blessures du corps existant elles aussi dans les cultures traditionnelles ou dans nombre de situations cliniques, notamment la clinique adolescente. En effet, ces écritures sur le corps ne l’abîment pas, elles semblent plutôt utiliser le corps comme support, voire comme un lieu d’inscription de sens. Freud trouve dans le corporel les racines du Moi, tout en ajouant :
« Il n’est pas un être de surface, mais il est lui-même projection d’une surface [33]. »
57 En faisant le choix de la peau comme lieu de l’écriture, les Femen nous montrent de nouveau combien toutes nos activités humaines, même celles ayant un haut degré d’élévation, sont inscrites dans le corps, dans la chair, et elles semblent unies dans un tout, une unité corporo-psychique qui tout au long de la vie ne fera que se réaménager, s’élaborer, et dont la peau est le représentant contenant concret. Suivant le fil de la complexité de ce qui se joue dans les actions Femen, je reprendrai l’idée de A.-M. Paveau : il n’est pas possible d’envisager un de ces éléments sans l’intégrer à l’ensemble
« nudité, discours, couronnes et hurlements [qui] constituent un ensemble sémiotique composite que l’on peut voir comme le lieu et l’instrument tout à la fois d’une pratique discursive politique [34] ».
59 Ainsi, si l’on comprend l’ensemble de ce dispositif comme un dispositif intégré, au même titre que toute production humaine, il témoigne de la dynamique psychique de son créateur. Nous pouvons le comprendre comme l’édifice défensif élaboré par les Femen en réaction à un danger, nommé sur le plan manifeste « le patriarcat », et dont les contours se dessineraient alors comme un objet persécuteur. Ce danger extérieur serait à saisir comme la projection d’un danger intérieur, et nous, spectateurs, serions mis en place de réceptacle de cette projection pour tenter sa reprise psychique.
Le corps, les seins, le vu
60 Dans leur performance, le corps est le lieu et l’instrument de la représentation, le corps, le temps et l’espace constituent les matériaux de base des actions Femen. Le corps devient une carte où se déchiffre, dans l’actuel de la situation, à travers la confrontation avec le spectateur, la question des limites, de l’identité, le Moi « lui-même projection de cette surface ». C’est par la présence du regard de ce spectateur que la limite advient, permettant de circonscrire un moi naissant, le regard par l’attrait qu’il exerce pousse le sujet en voie de différenciation à faire l’expérience d’un tiraillement entre rester dans ce contact de peau-à-peau originel, ou suivre l’appel que propose ce regard menant aux portes du désir. Cependant, il semble qu’il faille des conditions spécifiques pour que le vu devienne regard. Par le choix de ce type d’exhibition, les Femen ne semblent pas créer les conditions d’émergence de ce regard autre qui permettrait ce mouvement de désincarnation; au contraire, elles nous enferment dans le vu, dans une relation spéculaire. À travers ce mode d’action, les Femen rappellent qu’à l’instar de toute production de l’esprit, leurs représentations n’ont pas d’existence propre sans l’existence du protagoniste de l’action lui-même. Il y a concaténation du sujet et de sa représentation, leur représentation devient la vie même. L’exigence de l’engagement de ses membres au sein des Femen semble en être la preuve. Par leur présence concrète dans le dispositif et par la focalisation sur le corps, elles affirment un « je suis ma revendication » ; ainsi, elles interrogent la notion de réel/réalité psychique, dedans/dehors, questions nous renvoyant en permanence à nos limites ainsi qu’au temps de leur constitution. Elles montrent comment ces notions doivent nécessairement se recouvrir pour conserver notre rapport à la réalité, mais en même temps maintenir un écart afin de permettre la relance du désir et ainsi ouvrir à l’investissement du monde. Il semble que les Femen aient trouvé l’objet ayant la qualité corporo-psychique qui permet d’effectuer ce parcours. Quelle autre partie du corps pourrait mieux rendre compte de la complexité de ces différents rapports que le sein ?
61 Une allégorie représentée dans un manuscrit italien du XIVe siècle semble témoigner de ce chemin du corps au symbole :
« une mère allaitant un enfant qui tient un alphabet [...]. Apprendre à lire [serait] donc une affaire orale pour l’enfant [35] ».
63 En faisant des seins l’emblème de leur combat, les Femen ont fait un choix heureux. En effet, peu de parties du corps peuvent s’enorgueillir d’être à ce point surdéterminées, lieu de toutes les attentes, de toutes les projections tant bienveillantes que persécutrices. Cependant, comme le décline M. Yalom, le sein ne semble pas avoir fait uniquement l’objet de représentation symbolique, il est et a été le cœur d’un combat toujours actuel pour se l’approprier. M. Yalom pose de façon préliminaire la question suivante : « À qui appartiennent les seins ? » Successivement, ils auront été la propriété des déesses et des dieux sous la forme d’un sein sacré, la propriété des bébés avec le sein domestique allaitant, la propriété des hommes avec le sein érotique, la propriété des organisations sociales avec le sein politique, la propriété des scientifiques avec le sein psychologique, la propriété des marchands avec le sein commercialisé, la propriété des médecins avec le sein médical, et enfin, la propriété des féministes avec un sein libéré. Les ressorts de cette multipropriété sont peut-être à trouver dans la psychanalyse prenant le modèle du sein pour rendre compte de la problématique de l’être et de l’avoir chez l’enfant. Freud écrit :
« Le sein est un morceau de moi, je suis le sein. Plus tard seulement : je l’ai [le sein] c’est-à-dire je ne le suis pas [36]… »
65 Cette appropriation serait à mettre au compte du rapport que tout un chacun a entretenu avec cette partie essentielle du corps maternel, le sein dispensateur de vie et de mort que, au début de l’existence nous avons pris comme une partie de nous-mêmes. Ne trouve-t-on pas ici une racine envisageable, une compréhension possible de l’appropriation par chacun du sein, appropriation ayant pour finalité de nous différencier, nous faisant parcourir le chemin de l’identité à l’identification ?
66 À quand un sein qui appartiendrait aux femmes ? Françoise Héritier, interrogée sur les Femen, témoigne :
« J’ai rencontré dans les pays d’Afrique de l’Ouest une pratique qui n’existe certainement plus, mais que l’on pouvait voir il y a une cinquantaine d’années, et qui consistait – lorsqu’une femme avait des reproches fondamentaux à faire à un frère, un mari, un fils, ou bien que plusieurs femmes voulaient faire honte à des groupes d’hommes (qui prenaient de mauvaises décisions par exemple) – à se mettre nue devant eux. C’était un acte de malédiction si insupportable que les hommes abandonnaient tout recours. En gros, elles leur disaient: tu n’es rien d’autre que cet enfant qui est sorti de moi [37] ! »
68 Dans ces travaux anthropologiques, Françoise Héritier développe l’idée que « l’instauration de la domination masculine dans toutes les sociétés doit être considérée comme une réaction contre le pouvoir de procréation des femmes [38] ». Pour cette auteure « l’arme de la nudité » tirerait son pouvoir du fait que :
« Si les hommes veulent bien révérer la mère, ils ont horreur de l’idée qu’ils sont sortis de son sexe [39]. »
70 Ce propos peut s’enrichir de l’apport de Freud pour qui le premier danger réside en l’attrait sexuel que la femme exerce sur l’homme. Cependant, il ajoute :
« Peut-être cette crainte est-elle fondée en ceci que la femme est autre que l’homme, qu’elle apparaît éternellement incompréhensible et mystérieuse, étrangère et partant hostile. L’homme redoute d’être affaibli par la femme, d’être contaminé par sa féminité et de se montrer incapable [40]. »
72 Freud disant cela semble certes faire référence à la différence des sexes qui signifie l’altérité, au mystère de la sexualité féminine, mais il pointe aussi l’angoisse de castration à laquelle confronte l’exposition à la nudité féminine.
73 Il semble que les Femen, par le choix de leur mode d’action, se sont approprié la proposition freudienne et ont décidé de l’orienter en direction des représentants du patriarcat. Ainsi, avec leurs outils, les seins nus, elles entrent en guerre, faisant du sein le fer de lance de leur combat mais aussi le symbole de leur lutte. Ce symbole particulièrement bien choisi condense plusieurs représentations : le sein maternel, le sein érotique comme nous l’avons dit, mais il possède de surcroît un pouvoir, renvoyant l’homme du maternel à l’érotique. Il semble que ce pouvoir des femmes se soit inscrit culturellement à travers la vénération pour les déesses de la fertilité, culte qui a prédominé durant toute l’odyssée humaine. Les premières représentations attestant d’un culte de la fertilité datent de la préhistoire : « Devant la grotte sanctuaire de Pech-Merle, une stalactite d’environ 15 000 av. J.-C. qui ressemble à un sein jusqu’au téton, a été cerclée de points ocre rouge [41]. » Petit à petit ce culte sera remplacé par une vénération pour les dieux phalliques, qui occupent le devant de la scène depuis seulement ces deux mille cinq cents dernières années. Doit-on voir en cette substitution une façon de sortir du rapport fondateur au corps maternel ?
74 M. Yalom introduit son ouvrage Le sein, une histoire en confirmant cette idée :
« Au début était le sein. Pendant toute l’histoire humaine, il n’y eut aucun substitut du lait maternel. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, quand la pasteurisation rendit inoffensif le lait animal, le sein signifiait la vie ou la mort pour tout nouveau-né. On ne s’étonnera donc pas que nos ancêtres préhistoriques aient doté leurs idoles féminines de poitrines impressionnantes [42]. »
76 De ces différentes sources nous pouvons tirer la conclusion que les seins ont de tout temps été dotés du pouvoir de vie et de mort, et qu’à ce titre ils sont très puissants. Il semble que les Femen, dans le choix de conduire leurs actions seins nus, s’inscrivent dans cette filiation, retrouvant par cette façon de faire une pratique ancestrale et utilisant à leur propre compte, pour se défendre, le pouvoir des seins.
77 Par cette pratique, que font vivre les Femen aux hommes ? Pour F. Héritier, le message délivré serait : « Tu n’es rien d’autre que cet enfant qui est sorti de moi. » À cela, je souhaiterais ajouter que celui qui regarde semble aux prises avec le vu, il est saisi dans son corps par ce message. Sur ce sujet, J.-P. Kamieniak dans son article « Freud et la découverte de la sexualité infantile, ou du bon usage de l’observation » écrit :
« [Freud] dans son exploration en cours de la psyché et d’une réalité psychique encore à découvrir, c’est précisément de celle-là – de cette primauté accordée à l’observation directe – qu’il devra se défaire […] [43]. »
79 Le vu semble être ce dont on doit se dessaisir pour entrer dans la compréhension. La démarche inverse oriente les actions des Femen, elles nous capturent et nous enferment dans le scopique et ainsi abolissent toute dimension critique chez le spectateur. Nous pourrions appréhender cette exposition au sein comme une façon de nous faire revenir aux origines, un temps où moi et non-moi sont confondus, un retour au maternel sauvage des origines. Là où Freud fait le choix de se priver du vu pour entendre, les Femen montrent pour se faire entendre. Cette démarche, inscrite clairement dans une lutte féministe contre le patriarcat, viserait à mettre le regardant en place de sujet aux prises avec l’impuissance infantile, le message serait : « Ressentez ce que fait vivre la toute-puissance du patriarcat, ressentez ce que peut vivre une femme, identifiez-vous de façon contrainte au vécu des femmes. » Cette exposition à une figure toute-puissante n’a-t-elle pas été le lot commun de tout humain, homme comme femme ?
80 Une autre dimension surgit lorsque l’on est spectateur d’une de leurs actions. Il semble que ce qui fait la force de ces symboles utilisés tient davantage de la tension maximale créée au cœur de l’action développée. En effet, les Femen jouent du contraste « fleur bleue et romantique », notamment à travers l’usage de la couronne de fleurs, en regard de leur devise : « Mon corps est mon arme. » Cette paire d’oppositions contrastées, symbolique de la forme de leur action, nous touche nous, public, dans les aspects les plus archaïques de notre fonctionnement psychique, à la même hauteur que les distinctions premières chaud/froid, noir/lumière, un endroit de la psyché où la sensorialité règne en maître. Cette mise en tension bipolaire semble nous pousser à fonctionner dans un registre premier, court-circuitant la pensée, mécanisme majoré par un enfermement dans le vu, dans une captation par l’image. Le vu peut se définir comme l’image visible de quelque chose. Freud dans « Étude sur l’aphasie », en 1891, met en évidence la place du visuel dans la représentation de chose, faisant ainsi du vu une caractéristique de l’objet. En 1898, il écrit à Fliess :
« Ce qui est vu à l’époque préhistorique donnerait le rêve, ce qui est entendu les fantaisies, ce qui est sexuellement vécu les psychonévroses [44]. »
82 Le vu serait le matériau de base du rêve. Dans l’Interprétation du rêve en 1899, il creuse ce sillon, construisant l’appareil psychique sur les bases d’un modèle optique. La figurabilité semble s’accomplir sur le mode visuel, les matériaux oniriques, les traces mnésiques se présentant en général comme des représentations visuelles. À travers ces premiers travaux, Freud nous montre comment le vu est étroitement engagé dans le processus de figurabilité, il en est le matériau de base, mais « n’accède à la représentation pour le psychisme, en tant qu’image visuelle, qu’à travers les aléas de son passage par les processus originaires, primaires et secondaires [45] ».
83 Il semble qu’à travers leurs performances, les Femen nous mènent sur les traces de ces aléas du passage à la figurabilité. En effet, par le cadre et la forme de leurs actions elles soumettent le spectateur à l’image, une image qui paraît empêchée de représentation. Avec les cris, les hurlements, le sexuel, la violence et la contrainte, le psychisme semble confronté à des quantités difficilement assimilables par le psychisme, la possibilité de construire une narrativité de l’évènement ne peut avoir lieu, le sujet devient captif de l’image. Ce processus s’accroît d’autant plus que le sujet spectateur de la scène est en situation de passivité, passivité parfois choisie mais utilisée par les Femen pour porter leur performance. À cet endroit, le but des Femen n’est pas de produire un discours mais davantage une image. Celle-ci devient le véhicule d’une expérience vécue à transmettre, celle de la femme dans la société, mais aussi celle d’un sujet captif, soumis à la toute-puissance de l’objet. De nouveau, nous pouvons retrouver la pensée freudienne, en 1939 dans L’homme Moïse et la religion monothéiste [46],où Freud insiste sur la nécessaire mise à l’écart des stimulations visuelles pour parvenir à la nomination paternelle et se dégager de l’emprise du corps maternel.
84 Ne voit-on pas poindre un des enjeux situés au cœur de l’action des Femen ? En effet, pour le spectateur d’une action Femen, il s’agit bien de se déprendre de l’emprise du corps maternel, cette exposition seins nus dans les cris et les hurlements nous lie de façon scopique au corps maternel, dans l’instant, sujet-objet sont confondus dans ce vu. Cependant, de façon première et immédiate pour un homme qui regarde une action Femen, c’est le spectre de la castration qui le saisit. Elles coupent des croix, brandissent un sexe d’homme sur la première page de leur site Internet, attaquent tout ce qui peut symboliser le patriarcat, ainsi agitent devant les hommes l’épouvantail de la castration, non pas dans sa version structurante mais sur le versant des représailles. Cependant, comme la clinique se plaît à nous le montrer, sous l’angoisse de castration est tapie une autre angoisse, beaucoup plus redoutable, car plus archaïque, à savoir celle du retour au ventre maternel, retour à cette indifférenciation originelle de laquelle, homme comme femme, nous ne cessons de tenter de nous dégager.
85 De plus, lors de leurs actions, les Femen viennent interroger le non-recouvrement du visible avec l’image visuelle.
« Dans son inadéquation avec le désir de voir, le visuel de l’image assure la perpétuelle relance de la pulsion scopique, puisque l’impossibilité de rabattre le visuel sur le visible prévient l’image de montrer l’objet du désir, mais oriente la vue vers une autre image [47]. »
87 Nous pourrions croire que les Femen ont lu Freud, utilisant la curiosité sexuelle comme moteur de leurs actions, ainsi elles souscrivent à l’idée que le désir de voir trouve son origine dans le désir de voir l’autre sexe. Dès lors, l’enjeu de ce voir se précise, il s’agit du sexe féminin, celui qui échappe au regard et que seul le visuel de l’image est à même de figurer. Dans ce jeu de cacher/montrer, dans les déplacements du bas vers le haut, les Femen placent le spectateur au cœur de cette tension, les inscrivant dans ce mouvement de perpétuelle relance de la pression scopique, mais aussi en plaçant le spectateur en situation de figurer ce qui manque tout en l’en empêchant grâce au dispositif mis en place lors de leurs exhibitions. Le spectateur ne semble avoir d’autres choix que la décharge ou la sidération. Sur la sidération, Freud apporte un éclairage original dont il témoigne dans l’un de ses rêves :
« Je remarque soudain qu’une femme me suit, et c’est alors qu’apparaît ce fait fréquent dans le rêve d’être collé sur place, d’être paralysé. Le sentiment qui accompagnait cela n’était pas de l’angoisse, mais de l’excitation érotique. Tu vois donc comment la sensation de paralysie propre au rêve est utilisée pour accomplir un souhait d’exhibition [48]. »
89 Ne peut-on pas inférer de cette remarque que les Femen, en se montrant seins nus, sont source d’excitation pour le spectateur ? « Être collé sur place, être paralysé » par l’action des Femen témoignerait alors de l’accomplissement de notre souhait d’exhibition, renversant le rapport voyeur-exhibitionniste en nous faisant passer d’une place à l’autre. Enfin, de façon manifeste, par l’exposition de cette partie de leur corps, les Femen, par ce déplacement du bas vers le haut du corps, suggèrent l’absence de pénis du corps féminin. Ainsi, par ce procédé très puissant, elles viennent faire vaciller la croyance infantile en un sexe unique, et contraignent le spectateur à introduire la pensée de l’existence « d’un autre sexe qui, pour être invisible, n’en existe pas moins [49] ».
90 Parvenu au terme de ce parcours permis par les Femen et leurs actions, nous sommes une fois de plus au cœur de la complexité de la sexualité humaine qui, bien qu’inscrite dans le corps et la chair, n’en reste pas moins, comme l’a découvert Freud, une psychosexualité. Tour à tour nous avons pu voyager du masculin, au féminin, du maternel à l’érotique, du narcissique à l’objectal. De nouveau, nous sommes spectateurs de l’intrication de nos divers niveaux de fonctionnement et de la perpétuelle oscillation entre processus primaires et processus secondaires, inscrivant le fonctionnement psychique dans cette dynamique qui lui confère ainsi sa nécessaire nourriture. Par leurs exhibitions, les Femen nous permettent d’expérimenter les deux versants de la bisexualité psychique, tantôt sur son versant passif, tantôt sur son versant actif. Peut-être aurions-nous pu rêver des actions Femen moins radicales, qui auraient permis aux hommes de franchir les rives d’une passivité trop dangereuse pour découvrir celle de la réceptivité, condition menant à une bisexualité tempérée, témoin de la subtile intégration de ses multiples composantes.
91 Tirésias a eu la possibilité au cours de sa vie de goûter au plaisir d’être homme, puis femme et de nouveau homme. À la question qui lui a été posée par Zeus en conflit avec Héra sur la question de la jouissance sexuelle : « Qui de l’homme ou de la femme prend le plus de plaisir à l’amour ? », Tirésias répondit : « Si la jouissance du couple pouvait se diviser en dix parties égales, alors l’homme en aurait une partie et la femme les neuf autres. » Laurent Danon-Boileau [50], à raison, nous invite à nous méfier d’une bisexualité psychique trop intégrée ; percer à jour tous les mystères de la sexualité des hommes et des femmes serait au risque de la réduire, comme Tirésias, à une simple logique comptable. Alors, suivons cette voie nous maintenant sur les rives du dark continent, rives préservant cette part de mystère, et cela certainement pour notre plus grand plaisir.
Mots-clés éditeurs : masculin, regard, psychosexualité, féminin, pulsion scopique, seins, Le vu
Mise en ligne 20/10/2016
https://doi.org/10.3917/cohe.226.0108Notes
- [1]
-
[2]
C. Forest, Inna, Paris, Grasset, 2011, p. 17.
-
[3]
Terrafemina, 17 août 2012.
-
[4]
S. Freud, « Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse » (1933), dans OCF. P, XIX, Paris, Puf, 2004, p. 199.
-
[5]
M. Chollet, « Femen partout, féminisme nulle part », Le monde diplomatique, 12 mars 2013.
-
[6]
Le monde, 11 juin 2013.
-
[7]
D. Foenkinos, Charlotte, Paris, Gallimard, 2014, p. 91.
-
[8]
H. Parat, Sein de femme, sein de mère, Paris, Puf, coll. « Petite bibliothèque de psychanalyse », 2011, p. 14.
-
[9]
H. Deutsch, « Maternité et sexualité » (1933), dans La psychanalyse des névroses, Paris, Puf, 1970, p. 169.
-
[10]
G. Ackerman, « Femen manifeste », dans Femen, Paris, Calmann-Lévy, 2013, p. 4.
-
[11]
Ibid., p. 3.
-
[12]
Ibid., p. 3 et 86.
-
[13]
Ibid., p. 17.
-
[14]
Ibid., p. 57.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
Ibid., p. 73.
-
[17]
Ibid., p. 59.
-
[18]
Ajout d’un affixe qui ne crée pas un nouveau lexème, sans altération du sémantisme du cœur lexical.
-
[19]
Le grand Gaffiot, dictionnaire latin-français, Paris, Hachette, 8e éd., 2012.
-
[20]
Ovide, Les métamorphoses, Arles, Actes Sud, coll. « Thésaurus », 2001, p. 129.
-
[21]
J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1986, p. 328.
-
[22]
S. Freud, « Le moi et le ça » (1923), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 238.
-
[23]
J. Pourrinet, « À la croisée de la psychanalyse de l’enfant et l’art aujourd’hui : originaire, créativité, création », thèse de doctorat en psychologie, Paris V, 2009, p. 44, non publiée.
-
[24]
M. Onfray, Le désir d’être un volcan, Paris, Grasset, coll. « Biblio essais », 1996, p. 401.
-
[25]
M. Gagnebin, Pour une esthétique psychanalytique, Paris, Puf, 1994, p. 176.
-
[26]
J. Chevalier, A. Gheerbrant, op. cit., p. 303.
-
[27]
G. Ackerman, op. cit., p. 5.
-
[28]
C. Bard, « Mon corps est une arme, des suffragettes aux Femen », Les temps modernes, 2014/2, n° 678, p. 213-240.
-
[29]
H. Deutsch, op. cit., p. 169.
-
[30]
Charlie-Hebdo, n° 1081, 6 mars 2013, p. 7.
-
[31]
S. Freud « Projet d’une psychologie », dans Lettres à Wilhelm Fließ, Paris, Puf, 2006, p. 625.
-
[32]
Ibid., p. 639-640.
-
[33]
S. Freud, « Le moi et le ça », op. cit., p. 238.
-
[34]
M.-A. Paveau, « Ces corps qui parlent. La petite vertu discursive des Femen », 3 mars 2013, https://hal-univ-paris 13.archives-ouvertes.fr
-
[35]
M. Yalom, Le sein, une histoire (1997), Paris, lgf/Livre de poche, 2010, p. 58.
-
[36]
S. Freud, Résultats, idées, problèmes, II, Paris, Puf, 1985, p. 287.
-
[37]
F. Héritier, « Celui qui a les mots a le pouvoir », Elle, publié le 6 janvier 2014, www.elle.fr
-
[38]
F. Héritier, « Inceste et substance », dans Incestes, Paris, Puf, 2001, p. 130.
-
[39]
F. Héritier : « Les Femen reproduisent la malédiction du nu », 18 juin 2013.
-
[40]
S. Freud, « Tabou de la virginité » (1918), dans OCF.P, XV, Paris, Puf, 2006, p. 86.
-
[41]
M. Yalom, op. cit., p. 26.
-
[42]
Ibid., p. 25.
-
[43]
J.-P. Kamieniak, « Freud et la découverte de la sexualité infantile, ou du bon usage de l’observation », Le Coq-Héron, n° 217, 2014.
-
[44]
S. Freud, Lettres à Wilhelm Fließ, Paris, Puf, 2006, lettre du 10 mars 1898, p. 384.
-
[45]
J.-M. Hirt, « Visuel/le visuel », dans A. de Mijolla (sous la direction de), Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Hachette Littératures, 2005, p. 1896-1897.
-
[46]
S. Freud, L’homme Moïse et la religion monothéiste (1939), dans OCF.P, XX, Paris, Puf, 2010, p. 191.
-
[47]
J.-M. Hirt, op. cit.
-
[48]
S. Freud, « Manuscrit M », dans Lettres à Wilhelm Fließ, op. cit., lettre du 31 mai 1897, p. 316.
-
[49]
J.-M. Hirt, op. cit.
-
[50]
L. Danon-Boileau, « Trouble dans le féminin de l’homme », conférence d’introduction à la psychanalyse de l’adulte, 21 novembre 2002, site de la spp.