Notes
-
[1]
S. Freud, La question de l’analyse profane (1926), Paris, Gallimard, 1998.
-
[2]
J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École » (1967), dans Autres écrits, Paris, Éd. du Seuil, 2001, p. 243.
-
[3]
É. Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France – Jacques Lacan, Paris, lgf/Livre de poche, 2010, p. 1806. Cette position adoptée par Lacan pose plusieurs questions théoriques et techniques. N’est-il pas contradictoire de théoriser le transfert comme une attente imaginaire (le patient situe chez son analyste – le « sujet-supposé-savoir » – une connaissance sur lui-même) comparable à celle d’un malade envers son médecin, tout en entretenant la confusion entre la fonction de psychanalyste et le statut de médecin ? Ne serait-ce que d’un point de vue pratique, le double statut de psychanalyste-médecin ouvre la voie à de possibles glissements de la fonction de psychanalyste (qui accompagne le patient dans son travail sur ses propres représentations) à celle du médecin expert (qui sait, qui dispose d’un savoir médical et/ou psychiatrique général).
-
[4]
Cf. S. Dupont, « Le problème de la visée des thérapies psychanalytiques », L’information psychiatrique, à paraître.
-
[5]
S. Freud, « La méthode psychanalytique » (1904), dans La technique psychanalytique, Paris, Puf, 1972, p. 6.
-
[6]
S. Freud, « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin » (1937), dans Résultats, idées, problèmes, II, Paris, Puf, 2002, p. 234.
-
[7]
J. Lacan, « Intervention sur l’exposé de G. Favez », La psychanalyse, n° 4, 1958, p. 305-314. Ce modèle trouve son origine chez Freud lui-même qui avait insisté sur le fait que le processus psychothérapeutique, pour aboutir, ne devait pas attaquer de front le symptôme, mais chercher d’abord à en trouver les causes psychologiques, les complexes sous-jacents : « L’élimination des symptômes de souffrance n’est pas recherchée comme but particulier, mais, à la condition d’une conduite rigoureuse de l’analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe » (S. Freud, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique » (1919), dans La technique psychanalytique, op. cit., p. 131-141).
-
[8]
J. Maisondieu, L. Métayer, Les thérapies familiales (1986), Paris, Puf, 2001, p. 17.
-
[9]
Ibid., p. 10.
-
[10]
Dans certains cas, notamment chez des psychanalystes psychiatres, cette démarche diagnostique repose sur un mélange – parfois improvisé – entre sémiologie psychiatrique et concepts psychanalytiques.
-
[11]
O. Bourguignon, « Questions éthiques et déontologiques », dans Roger Perron et coll., La pratique de la psychologie clinique (1997), Paris, Dunod, 2006, p. 215.
-
[12]
D. Lagache, L’unité de la psychologie (1949), Paris, Puf, 2002, p. 33-34.
-
[13]
O. Bourguignon, op. cit., p. 216.
-
[14]
Voir notamment S. Dupont, L’autodestruction du mouvement psychanalytique, Paris, Gallimard, 2014, p. 87-100.
-
[15]
A. Danchin, « L’identité génétique », dans Yves Michaud (sous la direction de), La vie (2000), Paris, Odile Jacob, 2002, p. 44.
-
[16]
A. Mucchielli, L’identité (1986), Paris, Puf, 2007, p. 36-37.
-
[17]
Aristote, Parties des animaux. Livre I, Paris, gf-Flammarion, 1995, p. 42.
-
[18]
D. Lagache, op. cit., p. 66.
-
[19]
Voir S. Lézé, L’autorité des psychanalystes, Paris, Puf, 2010, p. 22-23.
-
[20]
A. Mucchielli, op. cit., p. 21-22.
-
[21]
Voir N. Elias, « Le concept freudien de la société et au-delà », dans Au-delà de Freud, Paris, La Découverte, 2010, p. 131-185.
-
[22]
F. Parot, « La psychologie : les conditions de la survie », dans Yves Michaud (sous la direction de), Qu’est-ce que la société ?, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 32-33.
-
[23]
J. Lacan, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » (1958), dans Écrits, II, Paris, Le Seuil, 1999, p. 75-78.
-
[24]
On retrouve dans certaines utilisations immanentistes du concept de pulsion certaines analogies avec la théorie hippocratique des humeurs, celles-ci déterminant « de l’intérieur » le tempérament de l’individu (« sanguin », « bilieux », « flegmatique », ou « atrabilaire »).
-
[25]
D. Lagache, op. cit., p. 25. Voir aussi J. Laplanche, Le fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freud (1993), Paris, Puf, 2006.
-
[26]
H. Barreau, L’épistémologie (1990), Paris, Puf, 2002, p. 47.
-
[27]
D. Lagache, op. cit., p. 21-22.
-
[28]
Ibid., p. 22.
-
[29]
S. Freud, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique » (1919), op. cit., p. 132-133.
-
[30]
Ibid., p. 134.
-
[31]
Voir par exemple G. Pommier, Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse, Paris, Flammarion, 2014.
-
[32]
S. Freud, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique », op. cit., p. 216.
-
[33]
É. Roudinesco, op. cit., p. 2026.
1 La psychanalyse est longtemps restée une affaire de médecins. La position adoptée par Freud en 1926 en faveur de l’analyse profane [1] – c’est-à-dire pratiquée par des non-médecins – n’a pas suffi à changer instantanément cet état de fait. Dans plusieurs pays, et notamment aux États-Unis, des associations de psychanalystes se sont opposées à la position de Freud pendant des décennies.
2 Même si nombre de ces résistances ont aujourd’hui été levées, c’est de façon plus informelle que, dans certains milieux psychanalytiques, les médecins ont conservé une relative emprise sur la discipline, ne serait-ce qu’en gardant des positions d’influence dans les écoles de psychanalyse. Il n’est pas aisé de s’émanciper d’une filiation aussi forte que celle de la médecine. Même Jacques Lacan, qui affirmait que le psychanalyste « ne s’autorise que de lui-même [2] », encourageait néanmoins vivement ses élèves à obtenir le titre de médecin avant d’exercer la psychanalyse [3]. Mais cette question de la dépendance ou de l’indépendance entre la profession de médecin et la pratique psychanalytique ne recouvre qu’une partie superficielle des racines médicales de la psychanalyse, qui vont beaucoup plus profond.
3 Pour des raisons historiques liées au contexte de son émergence, la pensée psychanalytique est largement imprégnée du paradigme médical, que ce soit sur le plan épistémologique comme sur celui de la relation analyste/analysant. Une telle assertion peut surprendre, tant le mouvement psychanalytique considère généralement s’être différencié voire opposé à la démarche médicale. Mais cette opposition revendiquée entraîne une illusion d’optique. On peut en effet avoir l’impression que la psychanalyse est très différente de la médecine parce qu’elle s’en est extraite, or elle s’est d’une certaine manière bâtie juste « à côté ». Le narcissisme de la petite différence nous permet difficilement de voir combien la psychanalyse reste largement teintée de la démarche, des raisonnements et du vocabulaire de la médecine.
L’influence du paradigme médical
4 À l’origine, la cure a une visée médicale : elle tend à la disparition des symptômes, voire à la « guérison » du patient (si tant est que l’on considère ses troubles comme une « maladie psychique »). Freud, neurologue de son état, gardera toujours à l’esprit cette perspective médicale, même s’il donnera à la cure des visées autres que la seule disparition des symptômes manifestes, notamment d’ordre psychothérapeutique et psychologique (la résolution des conflits psychiques, la levée des refoulements et des résistances, la prise de conscience [4]) : « le but à atteindre dans le traitement sera toujours la guérison pratique du malade [5] ». Jusqu’à ses dernières années, Freud continue de considérer l’apaisement des symptômes, souffrances, angoisses et inhibitions comme le critère premier pour décider de la fin d’une analyse [6].
5 Le modèle médical est une référence constante pour Freud. Son œuvre est ainsi régulièrement parcourue de métaphores organiques du psychisme et d’analogies entre des gestes médicaux et des phénomènes psychanalytiques. Ce paradigme médical reste très présent dans la pensée psychanalytique contemporaine, y compris chez des praticiens qui déclarent s’en être émancipés. Le vocabulaire médical (« clinique », « symptôme », « guérison »…) continue ainsi d’imprégner les discours psychanalytiques, même parmi ceux qui s’opposent à toute approche psychiatrique de la psychanalyse. La fameuse formule de Lacan selon laquelle « la guérison vient de surcroît [7] », largement reprise par le mouvement psychanalytique, est un exemple de la façon dont les catégories médicales (ici celle de guérison) se maintiennent dans les modèles de la cure.
6 Sur le plan de l’épistémologie, on perçoit ainsi combien les écrits psychanalytiques classiques conçoivent leur objet (le psychisme et le comportement humain) selon des catégories héritées de la médecine et transposées au domaine psychique : les désordres humains sont considérés comme des « symptômes » dont le psychanalyste doit rechercher l’étiologie, selon le modèle anatomo-clinique de la « lésion » qui implique une relation linéaire de cause à effet [8] (telle, par exemple, la recherche d’un traumatisme – réel ou fantasmé – qui serait à l’origine d’un symptôme névrotique).
7 Le trouble est par ailleurs souvent interprété selon le schéma déficitaire [9], c’est-à-dire comme le signe d’une carence ou d’un dysfonctionnement. On retrouve ce paradigme même dans des conceptions théoriques qui comptent parmi les plus complexes et les plus abstraites du corpus psychanalytique (par exemple, le sujet n’aurait pas traversé l’Œdipe, il n’aurait pas intégré la métaphore paternelle, il n’aurait pas reconnu le Nom-du-père, il manquerait de capacités de sublimation, il manquerait de pare-excitation…).
8 Face à son « patient », il arrive qu’un psychanalyste applique une procédure inspirée de la démarche médicale : il dresse une sorte de diagnostic [10] (en identifiant un type d’organisation de la personnalité par exemple), il reconstruit l’anamnèse (l’« histoire de la maladie »), il pose l’indication de telle ou telle forme de thérapie analytique (divan, face-à-face, une ou plusieurs séances par semaine)… La relation analyste/analysant est ainsi parfois vue sous le prisme de la relation médecin/malade ; même quand le psychanalyste s’en écarte, il est supposé que le patient attend – inconsciemment – quelque chose de comparable à ce qu’un malade cherche auprès d’un médecin (le « soulagement » de ses « symptômes », un savoir sur son être et ses souffrances…).
9 La notion d’inconscient et la technique de l’interprétation peuvent à elles seules entretenir un certain héritage médical. Dans la relation analyste/analysant, l’inconscient peut en effet prendre la place qu’occupe l’organisme dans la relation médecin/malade : de la même façon que le médecin connaît et perçoit des dimensions du corps qui échappent à l’appréhension spontanée du patient qui en est le propriétaire, il peut être attendu de l’analyste qu’il soit en mesure de percevoir et d’interpréter des dimensions du psychisme inconscient qui échappent au sujet (une distinction épistémologique est posée entre le patient et son inconscient, comme entre le malade et son corps).
La dialectique théorique du normal et du pathologique
10 Un aspect très prégnant de l’influence médicale sur la pensée psychanalytique est la perpétuation de la dialectique normal/pathologique, et plus encore l’émergence de la notion de « psychopathologie ». La psychanalyste Odile Bourguignon a vivement dénoncé cette orientation épistémologique lourde de conséquences :
« De nombreux universitaires, enseignants de psychologie, distinguent le normal et le pathologique, appliquant le modèle de pensée médical à la vie psychique, sans s’inquiéter du sens que peut avoir une telle distinction en psychologie humaine. Ils se disent même parfois psychanalystes et, alors qu’on serait en droit d’attendre qu’ils parlent du sujet en termes d’histoire, de processus et de mécanismes psychiques, ils individualisent les troubles psychopathologiques à partir de critères symptomatiques et rabattent de façon totalement contradictoire la pensée psychanalytique sur les catégorisations anciennes ou modernes de la psychiatrie [11]. »
12 Un demi-siècle plus tôt, Daniel Lagache appelait déjà les psychologues cliniciens et les psychanalystes à se défaire de la conception médicale de la pathologie :
« Ce qui intéresse le psychologue, ce n’est pas la pathologie mentale, la “nosographie” classique, ce n’est pas même l’exploitation psychologique du désordre “mental” comme l’entendait l’ancienne psychologie pathologique de la mémoire, du langage ou de la personnalité ; c’est l’être humain en tant qu’il est porteur d’un problème, et d’un problème mal résolu. C’est là en effet une image de la vie humaine […] : la vie est une succession de conflits, d’essais et d’erreurs, de désadaptations et de réadaptations. […] Perversité, criminalité, névrose, psychose “fonctionnelle” sont en même temps que des conflits manifestes des tentatives défectueuses de solution d’un conflit latent [12]. »
14 En tant que praticiens d’orientation psychanalytique, nous pouvons avoir le sentiment de nous être définitivement émancipés de la dialectique normal/pathologique parce que nous nous sommes éloignés de la sémiologie et des nosographies psychiatriques, et parce que nous établissons, à la suite de Freud, un « continuum » entre le normal et le pathologique. Or, certains concepts de psychopathologie psychanalytique n’en sont pas moins des « catégories » (réifiantes et dépersonnalisantes), et un continuum n’annule pas l’opposition théorique entre normal et pathologique. L’attribution d’une catégorie psychanalytique (par exemple, névrose, psychose, perversion…) à un individu peut avoir les mêmes effets et présenter les mêmes risques que celle d’une catégorie psychiatrique : stigmatisation, effet Pygmalion, naturalisation… Elle peut notamment altérer le regard du(des) professionnel(s), de l’entourage familial, voire de l’individu lui-même [13].
Peut-on « prescrire » une thérapie d’orientation psychanalytique ?
15 Dans les milieux psychanalytiques, et notamment dans les établissements de santé où exercent des professionnels d’orientation psychanalytique, la notion d’indication de thérapie analytique (individuelle ou groupale) est souvent employée. Or, cette notion d’indication peut présenter plusieurs effets délétères.
16 Elle tend d’abord à réifier et à dépersonnaliser son objet (le « trouble », le « symptôme »…), qui devient une entité propre, analogue à une maladie, indépendante de son porteur (par exemple, un individu qui reçoit une indication d’analyse devient porteur d’une névrose paradigmatique qui correspond à cette indication). Cet effet réifiant, parfois contreproductif du point de vue thérapeutique, appelle un questionnement sur ce modèle de l’indication. Ne faudrait-il pas émanciper la thérapie psychanalytique de cet héritage médical et penser les choses autrement ? N’est-il pas préférable qu’un dispositif thérapeutique soit proposé à un individu sans identification explicite d’un trouble et sans notion d’indication, et que cet individu soit libre de s’y inscrire ou non en tant que personne entière ?
17 Dans certains cas, cette notion d’indication peut aussi altérer le sens de la relation thérapeutique (et conséquemment son efficacité) ainsi que sa dimension personnalisée. Il arrive ainsi, dans des institutions psychiatriques ou médico-sociales, qu’un psychiatre ou qu’un chef de service « indique » à une personne ou à une famille de suivre une thérapie analytique avec un professionnel qu’elle ne connaît pas encore ; et ce sans plus de considérations pour le sens que prend cette démarche et pour les effets de rencontre ou de non-rencontre qui peuvent se produire avec ledit professionnel. La psychothérapie est ainsi réabsorbée dans le modèle médical classique : des séances sont « prescrites » à la manière d’une plaquette de médicaments. Les questions relatives à la demande et à l’engagement personnel de l’individu sont parfois éludées, et le psychothérapeute devient un prestataire de service anonyme et interchangeable. Dans les cas les plus extrêmes, il arrive que le « prescripteur » interrompe la psychothérapie soudainement, en indique une autre, change de thérapeute…, comme un médecin changerait un traitement.
Individualisme méthodologique et « erreur de l’isolat »
18 L’une des influences les plus importantes du paradigme médical sur la psychanalyse est d’ordre épistémologique et concerne l’individualisme méthodologique [14]. La médecine traite l’organisme en l’isolant de son environnement. Elle s’intéresse bien sûr aux interactions qui se jouent entre l’organisme et le milieu (alimentation, qualité de l’environnement, microbes, bactéries, virus…), mais la question des relations qui unissent les organismes entre eux – les hommes entre eux – est largement secondaire pour elle. La médecine a ainsi tendance à isoler le malade pour l’étudier et le soigner. Pour le signifier en une image : lorsqu’un chirurgien opère un patient, il n’invite pas sa famille, ses amis, ses collègues de travail, sa culture et ses croyances dans la salle d’opération.
19 Par voie de conséquence, la psychanalyse, largement imprégnée par les sciences naturelles et la médecine, a eu tendance à considérer le psychisme humain comme étant relativement clos sur lui-même, tel un organisme vivant qui détiendrait, à l’intérieur des frontières qui le délimitent, ses propres constituants et ses propres logiques. La « compartimentation », c’est-à-dire la capacité à organiser une frontière qui délimite un intérieur et un extérieur, est en effet une caractéristique essentielle de tout organisme vivant [15].
20 Appliqué au domaine humain, ce principe positiviste conduit à une vision tronquée et abstraite de l’individu. En sciences humaines, Alex Mucchielli appelle ce biais l’« erreur de l’isolat » :
« Erreur ainsi nommée car elle souligne les [théories] qui ne prennent pas en compte les interactions [de l’acteur] avec les divers éléments de ses divers contextes d’existence. […] Ce faisant, on isole mentalement cet acteur de tout ce à quoi il est relié. L’acteur est spontanément pensé comme un isolat qui possède, en lui-même (dans son intérieur), les propriétés qui le définissent. En pensant les choses ainsi, on s’inscrit tout naturellement dans le paradigme scientifique culturellement dominant du positivisme : “Il y a des objets qui ont des caractéristiques propres et qui peuvent être définis en eux-mêmes [16].” »
22 À cette conception positiviste et individualisante, il est possible d’opposer une approche constructiviste, systémique ou situationniste, qui considère les phénomènes humains et notamment psychiques comme des phénomènes virtuels, contingents et émergents, qui se produisent dans l’interaction entre plusieurs psychés, un contexte, une culture, une langue, des représentations sociales…
23 Nous pouvons appliquer à l’homme et à son milieu le principe avancé par Aristote au sujet des organes et des corps vivants. Le philosophe pointait en effet qu’une main ne répond à sa forme, à sa fonction et à sa définition que lorsqu’elle fait partie d’un organisme vivant [17]. Une main coupée, morte ou dessinée n’est plus à proprement parler une main. N’en est-il pas de même pour tout sujet humain ? Lorsqu’il est extrait artificiellement de son milieu, de ses liens sociaux et de sa culture, est-il encore vraiment lui-même ?
24 L’individualisme méthodologique, appliqué au domaine des sciences humaines, de la psychothérapie et notamment de la psychanalyse, peut ainsi conduire à de nombreuses apories. De ce point de vue, la psychanalyse est exposée au même risque que la psychiatrie descriptive (cf. le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – dsm) : isoler l’individu de son milieu et considérer la psychopathologie comme une essence individuelle et immanente, qui fonctionnerait en vase clos et pourrait être décrite comme telle. Or, un trouble « psychopathologique » n’a de sens que dans un milieu. Un groupe, une famille ou une culture peut considérer certains comportements de l’un de ses membres comme un trouble, là où un autre groupe, une autre famille ou une autre culture ne le fera pas. Il est donc hasardeux, voire contreproductif, pour un thérapeute, de ne pas tenir compte de l’entourage de son patient, en posant sur lui l’équivalent d’un champ stérile opératoire. Car c’est dans l’interaction avec cet entourage que se définit la pathologie, que se décide souvent le besoin de consulter, et que se situent les critères de bien-être, de mal-être, de mieux-être ou encore de « guérison ».
25 Il paraît donc illusoire, comme le pointait déjà Daniel Lagache, de vouloir étudier « l’homme dans un bocal [18] », tel un objet des sciences naturelles, sans tenir compte des interactions avec son environnement (incluant le contexte de consultation avec un psy). Un individu se comporte, voire pense différemment selon les contextes. Pour ne pas avoir pris suffisamment en compte ce facteur psychosocial, certains praticiens d’orientation psychanalytique ont fait l’erreur de l’isolat. À la suite des psychiatres, ils ont transposé le modèle de la consultation médicale au champ psychologique : ils ont basé leurs observations sur des entretiens où l’individu est reçu seul, dans un bureau, au cours d’un temps donné, considérant que l’individu se présenterait là tel qu’il est « dans l’absolu », « en lui-même ». Or, le contexte de l’entretien avec un professionnel est une situation relationnelle et sociale déterminée qui a en elle-même des effets sur l’individu. Celui-ci se présentera différemment selon la personne qui le reçoit, selon le contexte et l’enjeu de l’entretien, selon les personnes qui l’accompagnent. Ces phénomènes sont d’autant plus flagrants dans les contextes d’hospitalisation en service psychiatrique. Parfois, on parle d’hospitalisation à visée d’observation (pour affiner un diagnostic, mieux comprendre une situation clinique, ou encore accompagner la mise en place d’un traitement médicamenteux). Or, l’individu qui va être « observé » est alors transformé par le contexte lui-même. On ne peut pas déplacer un individu d’un contexte à un autre sans qu’il ne soit en rien altéré. Il n’existe pas un individu absolu, autarcique et autorégulé, que l’on pourrait déplacer d’un environnement à un autre tel quel, sans l’affecter. Ne pas prendre en compte ce biais peut amener des praticiens à de lourdes erreurs d’appréciation : un individu peut en effet montrer des comportements et des angoisses dans un contexte d’hospitalisation qu’il ne présenterait pas ailleurs, du fait de la perte de ses repères ordinaires, de la proximité d’autres patients ou, encore, de l’inactivité par exemple.
26 La relation analytique me semble trop souvent considérée comme une relation sociologiquement neutre (qui permettrait ainsi à l’individu d’accéder à son identité « authentique », débarrassée des conjectures sociologiques). Or, la relation analyste/analysant est aussi un rapport social, un rapport socialement déterminé [19]. Elle s’inscrit dans un contexte qui peut influencer l’expérience de l’individu et même son vécu subjectif [20]. Le sujet peut se sentir différent en présence de l’analyste. Il peut, consciemment ou non, être influencé par ce qu’il perçoit de l’identité de l’analyste (son caractère, sa manière de se présenter, son milieu social, son mobilier ou ses publications, par exemple). Il peut tendre à s’adapter à cette identité, s’y identifier, se présenter tel qu’il pense devoir être face à elle… Il peut aussi tendre à correspondre à l’idéal-type de l’analysant, aux stéréotypes et aux images d’Épinal qui entourent la cure (tomber amoureux de son psychanalyste, retrouver des souvenirs traumatiques…).
27 À lui seul, le praticien peut avoir une forte influence sur la manière dont se présente un individu. La relation thérapeutique est, en elle-même, une contingence qui altère l’analysant. Les psychanalystes ont décrit de multiples phénomènes de cet ordre (transfert, névrose de transfert, identification…). Non seulement l’analyste influe sur l’individu qu’il reçoit, mais – et c’est là un aspect dont on parle moins fréquemment – il peut également agir indirectement sur son cercle de relations. Ce sont surtout les systémiciens qui ont mis en évidence ce type de phénomène : l’introduction d’un psychanalyste dans la vie d’une personne est rarement anodine pour son entourage, même si l’individu est reçu seul. L’intervention d’un psy – surtout lorsqu’elle se poursuit sur un temps long comme dans le cas de l’analyse – peut en effet avoir un fort impact sur le système relationnel dans lequel s’inscrit l’individu. L’analyste n’est pas hors du système, il en devient un nouvel élément et peut ainsi en altérer l’une ou l’autre partie (la famille, le couple, le groupe d’amis). Toutes les règles qui tendent à rendre « étanche » l’espace analytique et à extraire l’analyse de la vie du patient n’empêchent pas de tels phénomènes de se produire, notamment parce qu’ils ne dépendent pas uniquement de l’analyste et de l’analysant. Par exemple, un parent dont l’enfant suit une thérapie individuelle peut se sentir disqualifié, voire remplacé comme parent, la même chose pouvant se produire chez quelqu’un dont le conjoint ou la conjointe suit une analyse…
28 Autre conséquence de l’individualisme méthodologique qui l’a imprégné, le mouvement psychanalytique a privilégié, du point de vue technique, la thérapie individuelle aux dépens des thérapies du couple, de la famille et du groupe. Bien sûr, de nombreux psychanalystes ont appliqué la théorie psychanalytique à ces autres champs d’exercice, mais ces pratiques restent, dans l’univers psychanalytique, considérées comme subsidiaires, au regard de l’analyse individuelle qui conserve son statut d’exercice légitime et noble entre tous.
29 On retrouve, dans cet attachement à la pratique individuelle, l’individualisme théorique qui oriente la pensée psychanalytique [21] : les groupes sociaux (le couple, la famille ou l’entreprise par exemple) sont souvent considérés, implicitement, comme de simples agrégats de volontés individuelles. Dans cette conception, le tout ne serait rien de plus que la somme de ses parties ; il ne serait donc pas nécessaire de le considérer en tant que tel dans la pratique (il est alors inutile de recevoir le couple ou la famille). Cette déconsidération du collectif explique en partie le retard pris par les psychanalystes dans les domaines de la thérapie de couple, de la famille et des groupes naturels en général, domaines dans lesquels elle a été devancée par d’autres approches théoriques, comme la systémie ou les thérapies cognitivo-comportementales.
Immanentisme et psychologisme
30 L’erreur de l’isolat, que je viens de décrire, peut entraîner un autre biais épistémologique, consistant à situer dans l’individu, dans l’enceinte de son appareil psychique, la source de ce qui le constitue, de ce qui le détermine ou de ce qui fait sa souffrance. Françoise Parot a bien identifié cette tendance théorique, liée elle aussi à l’influence du paradigme médical :
« Nous n’avons pas une mémoire, une conscience ou un inconscient, une intelligence comme nous avons un estomac, un cœur ou une jambe. […] Chacun de nous a fini par être persuadé que quelque part, à l’intérieur de lui, il y a un inconscient, une personnalité, une intelligence, des affects aussi, et des pulsions. […] Des pulsions donc ; comme des entités, là, localisées, dans une topique métapsychologique un peu vague. Des pulsions substantialisées, des choses, dedans. Or, les pulsions, comme les affects, les émotions ne sont ni des états ni des choses, qu’on pourrait mesurer ou observer. Les pulsions et le reste sont la résultante d’un ensemble de données appartenant au vécu dans la relation avec les autres, avec l’autre. Sans autre, pas de pulsion, seulement de l’animalité [22] ! »
32 Certaines conceptions psychanalytiques tendent ainsi indirectement à sous-estimer l’impact de la vie réelle et de l’environnement actuel sur le sujet. C’est par exemple ce qui arrive lorsque les causes d’un état mental sont recherchées exclusivement au sein de la psychologie de l’individu, ou lorsque tous les comportements et les vécus psychiques du patient (qu’ils se produisent à l’intérieur ou à l’extérieur du cadre des séances) sont interprétés comme des manifestations du transfert, c’est-à-dire comme étant adressés au psychanalyste. Dans ce cadre, plus rien n’existe d’autre pour le patient que ses séances. Le psychanalyste et la cure deviennent le centre du monde du patient, voire le monde lui-même. Cette tendance à négliger les facteurs environnementaux – qui a souvent été reprochée à la psychanalyse – ne me paraît pas relever d’une quelconque cécité, mais plutôt du soubassement intellectuel de l’individualisme psychologique.
33 On retrouve ce biais dans le principe technique de la « rectification subjective [23] » (l’objectif des premiers entretiens serait de conduire le patient à s’attribuer à lui-même l’origine, complète ou partielle, de ses difficultés). Lorsqu’un psychanalyste radicalise ce principe et attribue à l’individu l’entière responsabilité de ses symptômes et de ses souffrances – c’est-à-dire de son propre malheur –, ne nourrit-il pas là encore l’idéal de l’individu autonome ? Y compris dans la souffrance, l’individu ne devrait rien à personne, il n’aurait pas besoin d’autre bourreau que lui-même. Ce postulat a pu mener certains psychanalystes à des excès d’interprétation : quoi qu’il lui arrive (maladie, accident ou agression par exemple), l’individu l’aurait toujours préalablement désiré inconsciemment. Au-delà de l’apparente culpabilisation de l’individu qu’impliquent ces interprétations, n’est-ce pas là aussi une manière de le rendre « tout-puissant », parfaitement maître de lui-même et du monde qui l’entoure ? Même là où il croit être asservi à quelque chose qu’il ne contrôle pas, le sujet apprend qu’il est toujours, inconsciemment, le seul maître de sa condition.
34 On retrouve ainsi dans certaines conceptions psychanalytiques l’idée d’immanence psychologique : le psychanalyste attribue au patient la responsabilité (inconsciente) de ses propres symptômes, l’encourage à chercher les réponses à ses questions en lui-même, le laisse diriger le cours des séances et « associer » librement, se refuse à lui donner des conseils, se veut « ignorant » et « neutre »… On peut désigner sous le vocable d’« immanentisme » ou d’« essentialisme psychologique » la tendance à considérer l’individu comme étant la seule source des forces qui déterminent son existence. Ce biais s’exprime souvent sous la forme du psychologisme (tout est rapporté à la psyché individuelle).
35 Dès lors que l’on porte attention à ce biais épistémologique, on peut être amené à questionner certaines théories psychanalytiques. Le concept de pulsion, par exemple, ne revient-il pas – du moins pour partie – à réifier cette vision immanentiste, à substantifier un hypothétique agent déterministe interne [24] ?
Le risque de l’analyse sans synthèse
36 La psychanalyse est aussi, dans son épistémologie, imprégnée par la méthode « analytique » – l’adjectif renvoie ici à son sens classique – propre aux sciences naturelles modernes [25]. Cette méthode consiste à diviser, à disséquer, à atomiser l’objet d’étude en parties, et ses parties en sous-parties, jusqu’à atteindre ses plus petits constituants, idéalement indivisibles. Il en est de même pour les questions scientifiques : chaque problème est divisé en sous-problèmes auxquels le scientifique essaie de répondre, l’un après l’autre, avant de combiner ses réponses pour comprendre les phénomènes généraux. Du point de vue de l’épistémologie des sciences, l’analyse dont il est question ici s’oppose à la synthèse [26].
37 C’est autour de cette dialectique analyse/synthèse que Daniel Lagache oppose la démarche naturaliste (ou « atomisme psychologique ») et la démarche humaniste dans les disciplines psychologiques :
« Naturalisme et humanisme s’affrontent en ce qui concerne la relation entre le tout et les parties. Le naturalisme [pose] l’antériorité des éléments et des lois élémentaires. […] Selon la tendance humaniste, le tout est antérieur aux parties et ne saurait être recomposé à partir de ses éléments ; tout fait psychologique ne peut être qu’artificiellement isolé de l’ensemble des relations de l’organisme et du milieu ; la personnalité est une totalité manifestant une activité complexe qu’il faut étudier pour comprendre la vie psychique [27]. »
39 Conséquemment, la démarche naturaliste cherche à expliquer les phénomènes psychiques (en les rapportant à des sous-phénomènes partiels, à des relations de cause à effet ou à des lois universelles, par exemple), là où la démarche humaniste aspire à les comprendre (en en dégageant le sens émergent et global, en en proposant une synthèse, en les rapportant à l’ensemble du fonctionnement psychique de l’individu [28]).
40 Malgré ses aspirations humanistes et holistiques, Freud a mené nombre de ses recherches selon la démarche naturaliste ; il a d’ailleurs assumé explicitement ce parti épistémologique en choisissant de nommer sa discipline la « psycho-analyse » (l’analyse du psychisme). Tel un anatomiste qui dissèque un corps, le père de la psychanalyse a voulu analyser et diviser le psychisme : en « topiques » (Inconscient/Préconscient/Conscient ; Ça/Moi/Surmoi), en types de représentations (représentations de choses, représentations de mots, représentations inconscientes), en types de pulsions (de vie, de mort, agressives, libidinales ou autres), en types de fantasmes (oral, anal, œdipien, incestueux, par exemple), etc. Freud a cherché à rendre intelligible le psychisme, ses constituants, ses « organes », ses « fonctions » et ses « fluides », comme on expliquerait le fonctionnement d’un organisme vivant :
« Pourquoi l’avoir appelé “analyse”, ce mot signifiant décomposition, désagrégation ? Ne fait-il pas penser au travail fait par le chimiste sur les substances qu’il trouve dans la nature et qu’il apporte au laboratoire ? Eh bien, parce que jusqu’à un certain point de vue important, l’analogie est réelle. […] Nous ramenons les symptômes aux émois instinctuels qui les ont motivés et, de même que le chimiste décèle dans un sel l’élément chimique rendu méconnaissable par sa combinaison avec d’autres éléments, nous faisons apparaître dans les symptômes présentés par le malade, les facteurs pulsionnels jusqu’alors ignorés du patient. […] Nous avons analysé le malade, c’est-à-dire que nous avons décomposé son activité psychique en ses parties constituantes, pour ensuite isoler chacun des éléments instinctuels [29]. »
42 Parallèlement à cette démarche analytique, Freud décrit des processus inverses de liaison et de synthèse. Mais il est étonnant de voir que, pour lui, ces processus ne relèvent pas de l’action du psychanalyste ; ils seraient immanents et se produiraient spontanément :
« Quand nous réussissons à décomposer un symptôme, à libérer un émoi instinctuel de l’association où il se trouve engagé, il ne demeure pas isolé, mais entre immédiatement dans une nouvelle combinaison. Et l’inverse se produit aussi. Le névrosé nous apporte un psychisme déchiqueté, fissuré par les résistances. Et quand, dans l’analyse du cas, nous éliminons les résistances, nous voyons ce psychisme se coordonner et la grande unité que nous appelons “moi” s’agréger tous les émois instinctuels jusque-là détachés et écartés de lui. C’est ainsi que se réalise automatiquement, inévitablement, la psychosynthèse, sans que nous ayons eu à intervenir ; en décomposant les symptômes en leurs éléments, en levant les résistances, nous créons les conditions nécessaires à la production de cette synthèse [30]. »
Conclusion
44 Dans nombre des débats qui entourent la psychanalyse aujourd’hui (concernant sa validité scientifique ou encore l’évaluation des thérapies psychanalytiques), on continue de rapprocher la démarche freudienne de la médecine et des sciences exactes. Certains cherchent par exemple à prouver l’efficacité ou la pertinence de la psychanalyse par le biais des neurosciences [31]. Quelles qu’en soient les vertus, une telle approche n’aboutit-elle pas à river la psychanalyse à son héritage médical ? Ne faudrait-il pas au contraire encourager le mouvement psychanalytique à concevoir une épistémologie qui lui soit propre ?
45 Il me semble que l’émancipation du paradigme médical apparaît désormais comme un chantier nécessaire à mener pour revitaliser la psychanalyse. Elle trouvera peut-être dans les sciences humaines (qui n’en étaient qu’à leurs balbutiements à l’époque de Freud) d’autres modèles de remplacement, ou d’autres sources d’inspiration, mieux adaptés aux objets dont elle s’occupe. Odile Bourguignon appelle de ses vœux cette émancipation :
« On peut réellement se demander quand les psychologues [O. Bourguignon inclut ici les psychologues d’orientation analytique] se détacheront du modèle médical pour fonder leur propre compréhension de ces sujets qui ne maîtrisent pas leur souffrance à un moment donné de leur vie, ou qui deviennent insupportables pour leurs proches du fait de leurs comportements, déterminés par des processus psychiques inévitables. Les problèmes d’allégeance des psychologues cliniciens aux médecins en seraient diminués d’autant. Le psychologue pourrait s’intéresser aux symptômes présentés par un sujet mais également à sa biographie, à ce qu’il fait de sa vie et au sens qu’il lui donne, à ce que sont ses projets [32]. »
47 Les changements sociologiques en cours dans les milieux psychanalytiques vont peut-être aider au déplacement de paradigme. En effet, après une longue période pendant laquelle les psychanalystes étaient pour l’essentiel des médecins psychiatres, ceux-ci deviennent minoritaires, notamment au profit des psychologues [33]. Mais ce facteur lié à la formation initiale des psychanalystes ne sera sans doute pas suffisant à lui seul pour dégager la discipline d’une épistémologie si profondément inscrite en elle. L’imprégnation médicale de la psychanalyse s’exprime en effet dans ses catégories de pensée les plus fondamentales. L’émancipation du paradigme médical, si elle advient jamais, ne nécessitera-t-elle pas une véritable rupture intellectuelle ?
Mots-clés éditeurs : immanentisme, individualisme méthodologique, systémie, pathologique, histoire des sciences, psychanalyse, médecine, épistémologie, normal, psychologisme
Date de mise en ligne : 07/10/2015
https://doi.org/10.3917/cohe.222.0091Notes
-
[1]
S. Freud, La question de l’analyse profane (1926), Paris, Gallimard, 1998.
-
[2]
J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École » (1967), dans Autres écrits, Paris, Éd. du Seuil, 2001, p. 243.
-
[3]
É. Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France – Jacques Lacan, Paris, lgf/Livre de poche, 2010, p. 1806. Cette position adoptée par Lacan pose plusieurs questions théoriques et techniques. N’est-il pas contradictoire de théoriser le transfert comme une attente imaginaire (le patient situe chez son analyste – le « sujet-supposé-savoir » – une connaissance sur lui-même) comparable à celle d’un malade envers son médecin, tout en entretenant la confusion entre la fonction de psychanalyste et le statut de médecin ? Ne serait-ce que d’un point de vue pratique, le double statut de psychanalyste-médecin ouvre la voie à de possibles glissements de la fonction de psychanalyste (qui accompagne le patient dans son travail sur ses propres représentations) à celle du médecin expert (qui sait, qui dispose d’un savoir médical et/ou psychiatrique général).
-
[4]
Cf. S. Dupont, « Le problème de la visée des thérapies psychanalytiques », L’information psychiatrique, à paraître.
-
[5]
S. Freud, « La méthode psychanalytique » (1904), dans La technique psychanalytique, Paris, Puf, 1972, p. 6.
-
[6]
S. Freud, « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin » (1937), dans Résultats, idées, problèmes, II, Paris, Puf, 2002, p. 234.
-
[7]
J. Lacan, « Intervention sur l’exposé de G. Favez », La psychanalyse, n° 4, 1958, p. 305-314. Ce modèle trouve son origine chez Freud lui-même qui avait insisté sur le fait que le processus psychothérapeutique, pour aboutir, ne devait pas attaquer de front le symptôme, mais chercher d’abord à en trouver les causes psychologiques, les complexes sous-jacents : « L’élimination des symptômes de souffrance n’est pas recherchée comme but particulier, mais, à la condition d’une conduite rigoureuse de l’analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe » (S. Freud, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique » (1919), dans La technique psychanalytique, op. cit., p. 131-141).
-
[8]
J. Maisondieu, L. Métayer, Les thérapies familiales (1986), Paris, Puf, 2001, p. 17.
-
[9]
Ibid., p. 10.
-
[10]
Dans certains cas, notamment chez des psychanalystes psychiatres, cette démarche diagnostique repose sur un mélange – parfois improvisé – entre sémiologie psychiatrique et concepts psychanalytiques.
-
[11]
O. Bourguignon, « Questions éthiques et déontologiques », dans Roger Perron et coll., La pratique de la psychologie clinique (1997), Paris, Dunod, 2006, p. 215.
-
[12]
D. Lagache, L’unité de la psychologie (1949), Paris, Puf, 2002, p. 33-34.
-
[13]
O. Bourguignon, op. cit., p. 216.
-
[14]
Voir notamment S. Dupont, L’autodestruction du mouvement psychanalytique, Paris, Gallimard, 2014, p. 87-100.
-
[15]
A. Danchin, « L’identité génétique », dans Yves Michaud (sous la direction de), La vie (2000), Paris, Odile Jacob, 2002, p. 44.
-
[16]
A. Mucchielli, L’identité (1986), Paris, Puf, 2007, p. 36-37.
-
[17]
Aristote, Parties des animaux. Livre I, Paris, gf-Flammarion, 1995, p. 42.
-
[18]
D. Lagache, op. cit., p. 66.
-
[19]
Voir S. Lézé, L’autorité des psychanalystes, Paris, Puf, 2010, p. 22-23.
-
[20]
A. Mucchielli, op. cit., p. 21-22.
-
[21]
Voir N. Elias, « Le concept freudien de la société et au-delà », dans Au-delà de Freud, Paris, La Découverte, 2010, p. 131-185.
-
[22]
F. Parot, « La psychologie : les conditions de la survie », dans Yves Michaud (sous la direction de), Qu’est-ce que la société ?, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 32-33.
-
[23]
J. Lacan, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » (1958), dans Écrits, II, Paris, Le Seuil, 1999, p. 75-78.
-
[24]
On retrouve dans certaines utilisations immanentistes du concept de pulsion certaines analogies avec la théorie hippocratique des humeurs, celles-ci déterminant « de l’intérieur » le tempérament de l’individu (« sanguin », « bilieux », « flegmatique », ou « atrabilaire »).
-
[25]
D. Lagache, op. cit., p. 25. Voir aussi J. Laplanche, Le fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freud (1993), Paris, Puf, 2006.
-
[26]
H. Barreau, L’épistémologie (1990), Paris, Puf, 2002, p. 47.
-
[27]
D. Lagache, op. cit., p. 21-22.
-
[28]
Ibid., p. 22.
-
[29]
S. Freud, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique » (1919), op. cit., p. 132-133.
-
[30]
Ibid., p. 134.
-
[31]
Voir par exemple G. Pommier, Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse, Paris, Flammarion, 2014.
-
[32]
S. Freud, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique », op. cit., p. 216.
-
[33]
É. Roudinesco, op. cit., p. 2026.