Couverture de COHE_202

Article de revue

La musicothérapie

Pages 94 à 114

Notes

  • [1]
    S. Freud, « Les modes de formation des symptômes », dans Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 1993.
  • [2]
    Au Québec on utilise le terme « client » plutôt que celui de « patient ».
  • [3]
    Le terme « cure » est utilisé ici car il s’agit de parler d’un processus et non d’anticiper un résultat.
  • [4]
    Improvisation : à la différence de la création, elle est le résultat d’un moment, d’une impulsion, pas d’une réflexion. Même si seul le thérapeute joue, ce n’est pas pour autant réceptif, puisqu’il joue en fonction du client et de leur relation.
  • [5]
    Acouphénie : trouble de l’audition qui se manifeste par une sensation auditive anormale n’ayant pas son origine dans un son extérieur. ?Le mot « acouphène » est un terme général qui englobe divers acouphènes tels les bourdonnements, les tintements et les sifflements d’oreilles.
  • [6]
    Amusie : perte du sens musical, d’origine neurologique tantôt expressif et réceptif, tantôt réceptif ou expressif sans altération de l’acuité auditive, rendant le sujet incapable de reconnaître une musique (amusie réceptive ou sensorielle) ou de la reproduire (amusie motrice). Souvent associée à une aphasie, on la qualifie pour en spécifier le type.
  • [7]
    Une flûte à coulisse est comme un sifflet en ce que le tube n’a pas de trou, mais à l’aide d’une coulisse, comme pour un trombone, on fait monter ou descendre le son.
  • [8]
    Extrait de la mission des Musicoliers dans les hôpitaux (http://musicolier.pagesperso-orange.fr/association.html) : « Améliorer l’accueil et le mieux-être de l’enfant malade et de sa famille ; intégrer dans un service un musicien au sein d’une équipe soignante ; mettre la culture à la disposition des enfants malades ; faire découvrir les bienfaits de la musique sur ceux qui souffrent autant que chez ceux qui soignent ; mettre en place des actions de formation en direction des équipes soignantes ; installer des fresques musicales dans les services. »
  • [9]
    Aux chapitres 3 et 4 de son livre Jeu et réalité, il explique comment « le jeu est une expérience créative, que quand on joue on se met dans un état spécifique dont on n’aime pas sortir, c’est un espace où des objets appartenant à la réalité externe sont mis au service de la réalité interne. Le jeu partagé implique la confiance. L’instrument de musique peut à l’occasion devenir objet transitionnel » (Paris, Gallimard, Folio/Essais, 2002).
  • [10]
    M. Priestley, « Essais 8 et 9 », dans Essays on Analytical Music Therapy, Ed. Barcelona, 1994. « E-contre-transfert » (e venant d’empathie) ou la résonance de l’extérieur à l’intérieur, lorsque le thérapeute ressent les émotions du patient comme si elles étaient les siennes. Voir 3e partie du présent article.
  • [11]
    C. Rogers, Psychothérapie et relations humaines, Théorie de la thérapie centrée sur la personne, Paris, esf Editeur, 2009.
  • [12]
    Congruence en optique physiologique : on dit qu’il y a congruence binoculaire des images quand la double projection rétinienne permet leur fusion unifiée. En mathématiques, c’est quand il y a identité de forme et de dimensions. C’est une notion particulière au courant humaniste quand elle est employée en psychologie et signifie que tout est coordonné, que tout fait sens. Par opposition, quelqu’un qui raconte des histoires drôles en pleurant a une attitude incongruente. Cette notion suppose l’authenticité du thérapeute.
  • [13]
    Renforcement positif : une notion appartenant au comportementalisme. Quand le sujet fait bien la tâche demandée ou a le comportement désiré, il reçoit quelque chose d’agréable en récompense. Avec certains enfants, je félicite beaucoup ou j’offre un motif musical dont je sais qu’il plaît.
  • [14]
    Dans ma pratique, j’utilise des méthodes et moyens repris à de nombreux modèles.
  • [15]
    Séance type de Belle : Chanson de bonjour : je la chante avec Belle assise sur mes genoux, en lui tenant la main autour d’un hochet. Belle est assise sur une chaise, je l’invite par une chanson à donner des coups de pied sur un bodhran (grand tambour plat irlandais).
    Chanson sur les parties du corps : Belle doit montrer les parties de son corps que je lui demande, toujours dans le même ordre (tête, pieds, ventre, mains). Plus tard, ce sera au hasard.
    Duo vocal : je chante un court motif et attends que Belle réponde vocalement.
    Choix de deux chansons (chacune avec un instrument différent et des gestes différents) proposé sur des cartes plastifiées, Belle doit en désigner une.
    Exercices pour les jambes ou massage.
    Danse : j’offre mes mains à Belle qui se tient debout et « marche-danse » sur la musique.
    Chanson d’au revoir sur mes genoux en lui tenant la main autour d’une maracas.
  • [16]
    Voir C. Lefebvre, D. Carrol, Techniques d’improvisation cliniques en musicothérapie, Paris, uqam, 1998.
  • [17]
    Parallèlement, depuis juillet, elle commence à marcher (avec l’aide de son éducatrice), jouer avec des jouets (poupée, balles).
  • [18]
    Jeu d’Eva : 1. Elle frappe le bohdran au centre. 2. La griffe du centre vers elle. 3. Vocalise avec le son « Ah ». 4. Rebondit sur ses genoux en secouant les mains pendant que je joue une phrase musicale à la fin de laquelle elle se laisse retomber sur le sol en riant. Puis elle recommence.
  • [19]
    C. Lefebvre, D. Carrol, op. cit.
  • [20]
    M. Priestley, op. cit.
« L’art est un chemin de retour qui conduit de la fantaisie à la réalité. »

1Bien que très intéressée par la psychanalyse, elle suscite chez moi l’équivalent de l’angoisse de la page blanche pour l’écrivain : de quoi vais-je parler ? Comment sortir de l’anecdote ? Est-ce que ce que je raconte est vrai ? Mon souvenir est-il fiable ? Est-ce un « écran » ? Est-ce que je ne « fabrique » pas un peu mes émotions ? L’analyse suscite aussi chez moi un sentiment de solitude absolue dans ces paroles offertes à un auditeur invisible et peu participatif, dont on ne sait rien et sent peu. Étant musicienne et chanteuse, je me suis intéressée à l’approche différente qu’offre la musicothérapie.

En quoi consiste la musicothérapie ?

Définition

2Selon l’Association québécoise de musicothérapie (aqm), elle « est un mode d’intervention utilisant la musique, visant à promouvoir, maintenir et améliorer la santé mentale, physique, socio-affective et spirituelle du client [2]. Elle résulte de l’interaction entre le client, la musique et le thérapeute ».

3Il s’agit d’un processus relationnel, donc mouvant et flexible, entre trois pôles : le client, le thérapeute, la musique. Le rôle polymorphe de la musique (cothérapeute, espace de jeu, aire transitionnelle, moyen de la cure [3], objet de la cure, résultat de la cure, etc.) est au centre de la définition de la musicothérapie.

Processus thérapeutique : interaction entre le client, le thérapeute et la musique

4En musicothérapie, il est question de l’utilisation judicieuse de la musique afin de répondre aux besoins émotionnels, psychologiques, physiques, intellectuels, créatifs et spirituels du client. Le processus thérapeutique, centré sur les interactions entre le client, le thérapeute et la musique, peut être interprété et utilisé selon différentes théories psychologiques.

5Le musicothérapeute facilite l’exploration, l’expression de soi et la communication non verbale du client par l’intermédiaire de la musique. La production musicale de ce dernier est interprétée comme la projection, sous forme symbolique, de son état interne. L’interaction musicale avec le thérapeute l’amène à découvrir des éléments sur lui-même, puis à extérioriser, organiser et réintégrer ses pensées et ses sentiments.

6Parfois la symbolisation commence dans le domaine musical et se termine dans le domaine verbal, parfois elle reste dans le domaine musical. Le but est l’extension du processus thérapeutique à tous les domaines de la vie.
Le musicothérapeute fait appel à la sensibilité et à la créativité de la personne, ainsi qu’à son sens ludique. La thérapie vise essentiellement à l’amélioration de la qualité de vie et à l’actualisation du potentiel de la personne.

Modalités

7Il existe une grande variété de techniques ; chaque musicothérapeute y puise en fonction de sa sensibilité personnelle, de la pathologie et de l’état du client.

8Le thérapeute peut recourir à la musique dite « réceptive », soit l’écoute de musique enregistrée, suivie ou non de discussion/verbalisation, éventuellement associée à un autre médium (dessin, danse, etc.) ou d’autres techniques (visualisation, par exemple).

9Il peut aussi utiliser la musique active, soit la production musicale directe, le chant et/ou le jeu d’un instrument par au moins l’une des personnes en présence, avec ou sans association d’un autre médium. On peut utiliser des chansons ou airs, ou paroles de morceaux existants, ou créer, improviser du matériel nouveau [4], ou encore combiner musique réceptive et musique active.

10Le plus souvent il y a une certaine verbalisation, en fonction du patient, de sa pathologie, de son âge (selon qu’il s’agit d’un nouveau-né, d’une personne âgée, d’un déficient intellectuel ou d’un schizophrène, par exemple). Certains choisissent de ne pas verbaliser du tout. Les séances peuvent être individuelles ou collectives et durent rarement moins de 15 minutes (avec les tout-petits par exemple), rarement plus de 2 heures (avec les grands groupes). Les séances individuelles durent en moyenne 30 à 60 minutes. La taille des groupes est variable. Il est toujours préférable qu’un cothérapeute participe quand il s’agit d’un groupe. Plus la pathologie est lourde, plus sa présence est nécessaire.

Clientèle

11La musicothérapie peut s’adresser à tout le monde, à tous les âges, et même aux sourds. Les seules contre-indications connues sont les épilepsies auditives et certaines acouphénies [5]. On ne connaît pas bien encore les diverses amusies [6], ni comment agir sur elles …

12Dans le domaine de la périnatalité, des séances de musicothérapie sont proposées aux femmes enceintes, soit pour mieux vivre leur grossesse, soit pour créer un lien avec leur bébé avant la naissance puisque le système auditif se développe tôt dans la vie fœtale. On utilise aussi la musicothérapie pendant l’accouchement pour réduire l’anxiété et la douleur, ou dans les services de prématurés pour créer une ambiance plus chaleureuse pour le bébé.

13Avant même de commencer mes études en musicothérapie, j’ai visité le service des prématurés de l’hôpital de Corbeil en région parisienne. On m’a mis dans les bras un bébé né à 28 semaines. Il pleurait, avait le teint très jaune et semblait fermé au monde extérieur. Je me suis mise à chanter son prénom sur tous les tons. Peu à peu, j’ai noté un changement quand je chantais des sons assez aigus sur un petit intervalle descendant. J’ai répété ce motif sur un certain rythme avec une pause de deux secondes entre deux répétitions. Progressivement le bébé s’est calmé et, lors d’une des pauses, a tourné la tête vers moi comme s’il attendait que je recommence.

14Pendant l’enfance, la musicothérapie se révèle d’une grande aide pour divers troubles du comportement. Elle offre une écoute à l’enfant, tout en lui permettant d’exprimer ce qui le déborde ; la verbalisation permet de compléter le travail.

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Ainsi, un enfant de 8 ans d’une classe spécialisée était trop agité pour rester en classe pendant toute la durée d’un cours. Il présentait également une légère déficience intellectuelle. J’ai essayé de comprendre son problème en consultant son dossier, en parlant avec les enseignants et lui-même, il n’y avait rien de révélateur. Je lui ai proposé de jouer du tambour pendant que je jouerais du piano. Au début, il tournait en rond, touchait à tout de manière désordonnée. Mais quand j’ai joué un rythme primitif, en accords, sans mélodie, il s’est mis à marcher en rythme, à danser en riant, puis à prendre le tambour et à suivre parfaitement le rythme. Nous avons fait ainsi deux ou trois séances. À la dernière, il s’est assis au piano et a tapé du plat de la main sur le clavier, en parfaite synchronie avec moi. Dès ce jour il n’a plus eu besoin de séances individuelles, son comportement en groupe s’étant amélioré. Je ne peux expliquer comment ni pourquoi, mais cela s’observe souvent, donc les séances doivent y être pour quelque chose.

16Aux enfants trisomiques, la musique offre un espace où ils peuvent exceller. Ils sont souvent très sensibles, et expriment mieux cette sensibilité par la musique que par les mots. L’échange reste au niveau émotionnel et social.

17J’ai fait un stage avec un groupe de quatre enfants trisomiques de 2-3 ans au centre Miriam de Montréal. Notre équipe de thérapeutes (orthophoniste, ergothérapeute, étudiante en thérapie par le jeu et moi-même) avait les enfants pour toute la matinée. Il s’agissait de développer la motricité fine et la communication, car ils ne parlaient pas. J’ai utilisé une flûte à coulisse [7] pour travailler la notion de haut et de bas. Pour ce type de flûte, il faut à la fois souffler et actionner la coulisse, soit faire deux tâches différentes au même temps, tout en se levant et s’asseyant, ce qui est difficile pour ces petits. Je pensais jouer moi-même et les faire s’asseoir ou se lever selon que le son allait vers l’aigu ou vers le grave. Les enfants ont tellement aimé le son qu’ils m’ont pris la flûte des mains et, après quelques difficultés, ont été capables d’actionner la coulisse en soufflant alors qu’ils ont du mal à exécuter deux tâches simultanément. Ici, on voit déjà comment le plaisir du son est motivant. Comme j’avais plusieurs flûtes, trois des quatre enfants en ont pris une et se regardaient en jouant, souriant quand ils faisaient la même chose, installant spontanément et pour la première fois une communication à trois. C’est la musique qui les a fait entrer en contact et ce, sans efforts de l’équipe thérapeutique.

18Dans les troubles du développement (de la déficience légère à l’autisme), les traumatismes, les abus …, l’art, et notamment la musique, est parfois la seule porte d’accès. Certains enfants sont non verbaux, d’autres ont vécu des expériences « indicibles ». La musique, par essence non verbale et ne nécessitant pas de maîtrise technique préalable, leur offre une voie …, et une voix.

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Une petite fille de 7 ans, atteinte de paralysie cérébrale et quasiment non verbale (ne disant que quelques mots en cas de motivation extrême ou de sollicitation tenace) venait aux séances de musique avec plaisir et y participait volontiers, mais parfois prenait un tapis comme un lit, se couchait, écartait les jambes et riait d’un rire étrange ; puis elle se levait, allait taper contre le mur en hurlant, puis se recouchait, en écartant les jambes et en riant. Périodiquement elle mettait ses mains sur son sexe et pleurait. En général, elle était ensuite moins agitée, plus sereine. Je suis convaincue que cette enfant était abusée sexuellement et que la musicothérapie lui donnait un moyen de l’extérioriser.

20Le recours en préopératoire et postopératoire peut être également pertinent : on sait qu’à tout âge une personne peu angoissée réagit mieux aux soins reçus. L’exemple suivant, qui n’est pas de la musicothérapie stricto sensu, montre l’effet thérapeutique de la musique.

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Pendant un temps l’association les Musicoliers intervenait auprès des enfants en pré et postopératoire [8] à l’hôpital Necker de Paris. Un musicien professionnel venait dans le service et faisait de la musique avec les enfants qui allaient être opérés, pendant les 10-15 minutes précédant l’anesthésie. On a noté une diminution significative de la quantité d’anesthésique nécessaire après la séance de musique, et plus encore au niveau des analgésiques en postopératoire quand le musicien venait les retrouver à leur réveil. L’efficacité était manifeste selon le personnel hospitalier.

22Quand adolescence rime avec mal de vivre, drogue, délinquance, la musique est un des domaines où les jeunes se retrouvent le plus aisément. La musique est une façon de les rencontrer sur un terrain familier pour eux comme pour le musicothérapeute (disposant de sérieux atouts : connaissances, techniques, expérience), qui peut alors s’avérer nourrissant et jouer un rôle de modèle motivant. L’exemple suivant m’a été rapporté par une collègue qui a travaillé avec des jeunes présentant des difficultés multiples, dont l’orientation sexuelle, raison de leur venue au centre communautaire. Elle conduisait un atelier d’écriture de chansons.

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Ces jeunes étaient résolument sur la défensive, peu bavards, sauf vantardises, menaces ou provocations sexuelles. Elle leur a demandé le nom de leurs groupes favoris. Au début réticents, ils se sont progressivement ouverts ; lorsque ma collègue leur a joué sur le piano-synthé l’un des morceaux cités lors de la séance précédente, un tournant s’est produit : ils ont commencé à parler indirectement de ce qui les préoccupait vraiment, en passant par l’écriture de la chanson. En se souvenant du morceau cité, elle a montré qu’ils étaient entendus et que leurs valeurs étaient prises en compte. En leur jouant le morceau en question, elle a forcé leur admiration et leur respect, montré la capacité de partager ce qui est important pour eux, et à gagner leur confiance.

24Dans les cas de stress, dépression ou en soins palliatifs, la musique a vocation de susciter des émotions chez l’« interlocuteur ». Quand la musique nous parle, nous sommes émus, entendus, interpellés, moins seuls. L’art exprime, mais aussi modifie les émotions. On connaît l’exemple biblique de David réconfortant le dépressif roi Saul en lui jouant de la harpe ou de la cithare.

25Avec les handicapés physiques que l’on veut aider sur le plan moteur, on s’appuie sur des éléments musicaux comme le rythme, les phrases musicales, les répétitions de motifs et leur prévisibilité, afin de construire et renforcer la coordination des mouvements.

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Dans le service pour résidents âgés de l’hôpital Maïmonides à Montréal, j’ai travaillé avec une dame qui ne pouvait pas marcher et restait en chaise roulante, ce qu’elle détestait. Plus jeune, elle adorait danser ; quand je lui jouais de la musique, une infirmière la maintenait debout et elle se balançait rythmiquement d’un pied sur l’autre. Un jour, prise de courage, elle a fait plusieurs pas à travers la salle. Une autre fois, en l’absence de l’infirmière, elle a pu se lever seule et, appuyée au mur, faire de petits pas. La musicothérapie a déclenché et motivé un effort impossible jusque-là.

27Je n’ai jamais travaillé avec des personnes strictement malentendantes, mais avec des personnes présentant des pertes d’audition associées à d’autres troubles, enfants ou personnes âgées. Ils percevaient toujours certaines fréquences, même sans pousser le volume au maximum, par l’oreille ou par les vibrations, et plus probablement par une combinaison des deux. Travailler l’audition des malentendants est important, car des progrès sont possibles à tout âge ; le cerveau s’adapte et développe de nouvelles façons d’entendre. La musique, les sons en général passent par toutes sortes de voies et touchent la personne au-delà de ce que capte l’oreille.

28S’agissant de la santé mentale, la plupart des personnes qui ont des difficultés psychiques se sentent trahies par le langage verbal. La musique est un canal de communication qui les rassure. Plus « vague » sur le plan du signifié mais peut-être plus percutante sur le plan du signifiant que le langage, la musique est plus proche de ce qu’ils ressentent. Le malade mental a souvent perdu l’usage rationnel du canal verbal, ou fonctionne selon une rationalité différente, mais il a besoin de libérer ses tensions émotionnelles.

29Dans le service de psychiatrie de l’hôpital général de Montréal, je dirigeais un atelier de groupe pour les patients du service. Venait qui le souhaitait. Les patients changeaient souvent car c’était un service d’accueil de crise pour deux semaines à deux mois. Une hispanophone mutique participait de façon minimale aux activités. Elle revenait chaque semaine. Au bout de 2-3 séances, j’ai proposé que chaque personne passe son instrument à son voisin. Elle s’est retrouvée avec un gros djembe (sorte de tambour) qu’elle ne voulait pas toucher. Je me suis approchée d’elle avec ma guitare et j’ai improvisé dans le style sud-américain. Tout d’un coup elle a commencé à taper sur le tambour. Plongeant son regard dans le mien, avec un grand sourire, elle a manifesté toutes sortes d’émotions : violence, rage, désespoir, détermination. Les autres patients soutenaient ce moment extrêmement intense. À la fin, elle a remercié en espagnol. Son premier mot prononcé.

30Auprès des personnes âgées (atteintes de la maladie d’Alzheimer notamment, mais non exclusivement), il s’agit de préserver la qualité de vie, les compétences. Entendre un morceau de musique bien connu rappelle souvent les circonstances où ce morceau a été entendu. Cela permet aux personnes âgées en institution de rester connectées à leur vie d’avant. Les faire chanter, se rappeler les paroles, raconter des histoires favorise ainsi la socialisation, les nouvelles relations et l’ouverture à la vie. Ce procédé les « ramène » dans l’ici et maintenant, et ralentit la dégradation, tout en leur apportant du plaisir.

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Une personne atteinte d’Alzheimer, dans le foyer-résidence où je faisais hebdomadairement une animation musicale à fins thérapeutiques, ne savait plus trop ni qui elle était, ni où elle était. La perte de ses repères l’angoissait, de sorte qu’elle était perpétuellement en colère. J’ai découvert qu’elle aimait chanter et que, dans sa jeunesse, sa famille possédait les cahiers de « La bonne chanson ». Je m’en suis procuré des exemplaires et je lui ai chanté ces chansons. Parfois elle en reconnaissait une et chantait avec moi. Puis elle me demandait : « Qu’est-ce que je fais ici ? » Je le lui expliquais et elle semblait comprendre. Au bout de plusieurs fois, elle me reconnaissait (quand j’arrivais, elle commençait à chanter) et ses colères devenaient plus rares.

32Chez les personnes abusées, les sentiments sont souvent si violents qu’ils sont profondément refoulés. Si l’abus a eu lieu avant l’apprentissage de la parole, les sentiments vis-à-vis de l’abus ou de l’abuseur peuvent être ambivalents, et les sentiments associés de honte et de culpabilité trop intenses ; il est alors très difficile d’en parler. La musique permet d’extérioriser ces sentiments et de les apprivoiser progressivement, les re-connaître ; la verbalisation devient ainsi possible. De plus, le sentiment d’achèvement après une réalisation musicale est très gratifiant et ranime l’estime de soi.

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J’ai travaillé en résidence, non comme musicothérapeute mais comme artiste, dans un refuge pour femmes maltraitées. Le but était de créer une œuvre vocale collective. Je les faisais improviser tant sur le plan musical que verbal. Au début, les lignes mélodiques étaient monocordes, et exprimaient tristesse et langueur. Au bout de 4 ou 5 séances, j’ai utilisé divers éléments musicaux issus de leurs improvisations que j’ai entrés sur ordinateur. Chacune était représentée par un instrument différent, pas directement par sa voix. J’ai ensuite superposé ces motifs mélodiques et rythmiques, et je leur ai fait entendre le résultat. Elles ont trouvé ça magnifique …, mais elles n’ont pas reconnu leur propre travail ! J’ai dû isoler les éléments apportés par chacune pour qu’elles y parviennent, et là il y eut un virage. Les mélodies sont devenues plus contrastées, et les thèmes et sentiments abordés plus agressifs et violents.

34Pour beaucoup de personnes ayant survécu à des maladies graves ou qui y sont confrontées (cancer, VIH, etc.), l’expérience d’avoir « frôlé » la mort, ou d’être « en sursis » a profondément modifié leur manière de voir le monde, leur rapport au réel, leur hiérarchie de valeurs ; mais pour la plupart c’est trop complexe pour être exprimé en mots. Les thérapies par les arts, la musicothérapie en particulier, en permettent une première approche tout en offrant la possibilité d’extérioriser l’angoisse, la colère, le sentiment d’injustice …

Un de mes collègues a travaillé avec des personnes atteintes du sida. Il n’aime pas verbaliser car les mots lui semblent réducteurs par rapport à l’expérience musicale ; cela peut plonger les survivants de maladies graves dans des attitudes intérieures contreproductives. Il rapporte qu’il voyait en général ses clients en groupe. Ils improvisaient sur des thèmes choisis en commun, le plus souvent des éléments naturels (coucher de soleil, printemps …). Il a observé des changements importants dans l’habillement, les lectures, les attitudes corporelles des participants. Il a noté que, paradoxalement, plus la musique devenait violente, plus ils prenaient du recul et leur comportement devenait plus apaisé.
Enfin, pour les personnes incarcérées, la musicothérapie, comme tout art-thérapie, peut être une façon d’envisager la situation sous un autre éclairage. « Utiliser des cellules que je pensais mortes depuis longtemps, aller au fond de moi-même, explorer mon moi profond et remarquer des choses autour de moi. Même dans un tel lieu, trouver quelque chose de bon. » Cette citation est extraite et traduite d’un article sur un atelier d’écriture tenu au Maryland Correctional Institution for Women. Toute forme d’art en prison peut susciter ce type de réaction. L’intérêt de la musique réside dans son immédiateté par rapport aux autres arts (excepté la danse), et le faible niveau de technique nécessaire pour arriver à quelque chose de significatif et de satisfaisant.
D’une manière générale, certains « névrosés normaux », ou des personnes en quête de développement personnel, peuvent être réfractaires à un abord psychothérapeutique verbal pour travailler sur eux-mêmes. Dans ce contexte, on peut faire un excellent travail avec un musicothérapeute selon la qualité de la relation entre les participants, ce qui inclut le médium lui-même (ou la combinaison de médiums : musique et danse, musique et dessin, etc.).
La musicothérapie est aussi utilisée en déficience intellectuelle, rééducation, réinsertion, ressourcement, ou encore en relations interpersonnelles dans l’entreprise ou l’évaluation de la personnalité.

Guide de ma pratique thérapeutique

35Je considère que la musique est « polymorphe », si je puis m’exprimer ainsi. Elle fournit l’espace dans lequel la thérapie prend place, un espace de jeu au sens de Winnicott [9] ; elle est tout à la fois la production et la nourriture des participants, elle est la matérialisation sonore de la relation qui s’établit, elle est à la fois acte, récompense et motivation ; elle est ce qui englobe et aussi ce qui est englobé … Cette image évoque quelque chose de premier, d’archaïque : un utérus sonore.

36Le fait que l’ouïe soit un des premiers sens à se développer et que la musique s’adresse moins au cortex qu’au thalamus, me ramène à cette idée de primitif, d’archaïque, de fondamental. L’archaïque et le fondamental, le primaire, le premier, le un d’avant la séparation, la fusion … : l’utérus maternel ! La musique est ce qui nous permet de nous rapprocher le plus de l’expérience intra-utérine, du « paradis perdu » ou du fantasme qui s’y réfère.

37Donc la musique est la base, la sécurité, le plaisir ; une production génératrice de fierté, le produit de nos émotions et productrice d’émotions, partenaire de jeu et résultat du jeu, etc. C’est sur cette conception, cette vision que s’appuie ma pratique, à laquelle j’adjoins quelques outils théoriques empruntés essentiellement à la théorie psychodynamique, tels que les notions de conscient et d’inconscient, de travail d’association libre et d’interprétation (où l’expression musicale se substitue ou s’ajoute aux rêves et aux lapsus), de dialectique des pulsions de vie et de mort, d’importance de la sexualité infantile, ainsi que la notion d’objet et d’espace transitionnels et d’aire de jeu. Les concepts de transfert et surtout de contre-transfert sont également fondamentaux dans ma pratique (l’essentiel de ma clientèle est enfantine et/ou non verbale). J’y ajoute le « e-contre-transfert » (e-counter transference) selon Mary Priestley [10]. Dans la pratique, ces concepts théoriques m’aident beaucoup à « entendre une personne dans sa globalité ».

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Une fillette refusait de danser ou de chanter et jouait toujours très doucement de ses instruments. Peu à peu, après avoir accepté des instruments plus bruyants, d’en jouer de plus en plus fort, elle est devenue agressive, passant des séances entières à frapper un petit oiseau musical, même à me lancer des instruments au visage. Elle transférait sur cet oiseau (et moi) toute l’agressivité contenue qui la maintenait aussi raide et contractée. Parallèlement, elle s’est détendue, mise à danser et à chanter. Sa voix est devenue moins rauque et moins gémissante.

39Le courant humaniste (Rogers [11]) m’inspire le respect inconditionnel de la personne, l’écoute empathique, l’importance d’une atmosphère sécurisante et chaleureuse, l’établissement d’une relation de qualité et surtout, la nécessité pour le thérapeute d’être le plus congruent [12] et le plus authentique possible.

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Un enfant de 12 ans avait parfois un comportement auto-érotique inapproprié qui me mettait mal à l’aise. Je ne voulais pas réagir de manière à susciter la culpabilité ou un sentiment de rejet, ni « faire semblant » de ne pas être mal à l’aise. Cet enfant non verbal ne semblait pas comprendre lorsqu’on lui parlait. Alors, je lui ai chanté mon malaise en verbalisant en mots simples sur une musique improvisée. Il m’a souri et a cessé son geste.

41J’intègre aussi certains principes du courant comportementaliste, tel le renforcement positif [13] verbal ou musical, en particulier avec les enfants. Cela les encourage à continuer, et ils se sentent valorisés. Je complimente les réalisations, en me centrant sur la réalisation et non sur mon approbation. Par exemple, si un enfant saisit un motif musical proposé, je le félicite d’un regard, sourire ou mot selon sa sensibilité, et je continue un bon moment avant de passer à autre chose, pour que son plaisir de bien jouer prime sur ma satisfaction [14].

42Pour illustrer mon propos, je propose ici trois exemples cliniques tirés de ma pratique au centre développemental Yaldei Shashuim, un centre d’intervention précoce et intensive auprès d’enfants présentant des troubles et/ou retards développementaux dans les domaines physique, intellectuel et émotionnel. La directrice du centre évalue les besoins de chaque enfant et conçoit un traitement individuel comprenant différentes thérapies : ergothérapie, physiothérapie, orthophonie, musicothérapie et thérapie oro-motrice.

43Le centre reçoit des enfants de 16 mois à 7 ans, présentant des problèmes de développement souvent sous forme de pathologies multiples. La plupart des enfants viennent au centre cinq jours par semaine de 9 h 30 à 14 h 30, et suivent leurs thérapies et une éducation adaptée à leur niveau, toujours accompagnés de l’éducatrice qui s’occupe d’eux.
Les pathologies sont : traits autistiques, syndrome de Rett, retard de développement, problèmes de comportement, paralysie cérébrale, neurofibromatose, « épilepsie », complications péri et postnatales, et d’autres moins fréquentes.

Principe d’élaboration de mes séances de musicothérapie

44Les séances durent environ 30 minutes. Elles s’ouvrent et se terminent avec une chanson de bonjour et d’au revoir, composée par moi en interaction avec l’enfant. Il s’agit de créer et de délimiter l’espace de la thérapie. Au début, je cherche à créer un lien de confiance : observer ce que l’enfant fait de ce je lui propose, percevoir de mon mieux ses besoins, établir une alliance thérapeutique avec lui. Peu à peu, des rythmes, des motifs musicaux et des thèmes se dégagent, certains instruments et activités sont privilégiés, j’improvise des chansons, l’enfant initie des jeux … J’organise ce matériel, en un répertoire de jeux, musiques, et activités, utilisant les éléments fournis par l’enfant. Chaque enfant est unique et ses relations avec moi et la musique sont spécifiques. La forme, les structures et les activités varient donc en fonction de chaque cas et de son évolution. L’observation de l’enfant en séance et l’analyse de cette observation permettent de concevoir la séance suivante. J’utilise essentiellement le chant de toutes sortes de manières : description chantée de ce qui se passe, le chanté-parlé, les chansons connues, l’improvisation avec ou sans paroles ainsi qu’instrumentale, l’exploration instrumentale (les instruments comme source sonore, jouet, objet transférentiel), la danse et le mouvement ainsi que l’écoute musicale active.

Le cas de Belle

45Il illustre la façon dont j’établis et fais évoluer un plan de séance, et les résultats.

46

Belle a 2 ans et demi quand elle commence la musicothérapie. Elle ne se tient ni debout ni assise et ne tourne pas la tête ou les yeux quand on l’appelle ou qu’il y a un bruit soudain. Elle est passive et ne semble intéressée par rien. Ses symptômes suggèrent un syndrome de Rett (entre autres, mouvement stéréotypé de porter ses mains à sa bouche). Elle semble se détendre lorsqu’il y a de la musique, ce pourquoi elle a été référée en musicothérapie.
Le premier pas était de l’intéresser durablement à quelque chose (instrument, geste, chanson …). Après quelques séances, Belle s’est mise à tourner la tête à l’appel de son nom et à être plus souriante. Ensuite, les éléments provoquant des réactions ont été identifiés, répertoriés et utilisés comme encouragements et facteurs de motivation pour de nouvelles expériences. Lorsqu’il y eut assez d’éléments variés, une séance type a été élaborée [15], offrant une prédictibilité à l’enfant. Elle était assurée du plaisir à venir, pouvait réagir plus vite et mieux. On peut espérer une généralisation à d’autres domaines de sa vie.

47La structure reste souple, une orientation plutôt qu’un plan précis. À chaque séance, un ou deux nouveaux éléments sont introduits en fonction des réponses de Belle ; une activité peut être prolongée, raccourcie ou supprimée. Si l’enfant n’est pas d’humeur à faire ce que j’ai prévu, je change d’activité et si elle arrive avec quelque chose d’intéressant, je laisse bien évidemment tout de côté, pour m’occuper de ce qu’elle apporte.

48Après quatre-vingt-trois rencontres sur une année, Belle participe à toutes les activités, elle reste active et présente pendant toute la durée de la séance, alors qu’elle a tendance à s’endormir dès qu’on lui demande un effort. Elle semble motivée et avoir du plaisir. Elle répond à l’appel de son nom (regard ou vocalisation), elle sourit, et même, elle rit. Surtout, elle regarde les gens et parfois les instruments. Le temps de réaction entre la demande et sa réponse diminue lentement mais notablement. Elle aime « danser ». Elle commence à utiliser ses mains pour explorer des instruments et en jouer. Enfin, ses vocalisations semblent imiter des mots qui lui sont adressés (tape = « ape »).

49La musicothérapie semble jouer un rôle de déclencheur pour Belle qui, d’une façon générale, contrôle mieux ses mains. Ainsi, depuis qu’elle frappe le tambourin à la fin des phrases musicales de plus en plus rythmiquement, elle amène plus facilement la nourriture à sa bouche. Le progrès est visible pour la famille comme pour l’équipe soignante.

50En lui offrant un cadre stable où elle accumule les expériences gratifiantes elle peut prendre conscience de ses moyens et peut-être améliorer l’usage qu’elle en fait. La prochaine étape sera de développer ses moyens de communication.
Ce cas m’a inspiré une question restée sans réponse. Belle ne peut pas commander à ses muscles, mais si elle souffre elle pleure, si elle a faim elle peut avaler. Quand elle est heureuse, elle sourit. Le sourire fait-il partie de ce qui « se fait » tout seul ? Je pensais jusqu’alors que cela relevait de la volonté consciente. Est-ce à dire que le sourire, à l’instar de se nourrir ou dormir, serait une fonction vitale ? Cela ouvrirait des horizons intéressants.

Le cas de Jean

51Nous verrons ici comment, suite à quelques séances d’observation, j’établis un bilan préliminaire, ce que j’observe, les conclusions (ou questions) que cela m’évoque et mon orientation théorique dans ce processus.

52

Jean a 2 ans et demi et il m’est adressé pour son hypersensibilité au son, sa peur des étrangers, ses problèmes de langage et sa raideur corporelle. Il est hémiplégique de naissance (côté gauche). Il vit avec sa mère divorcée et avec sa grand-mère, elle aussi divorcée, dans un milieu très religieux où le divorce est mal vu. Pour des raisons religieuses, il n’a pas le droit d’écouter de musique enregistrée.
Il ne marche pas et se déplace en rampant sur le dos. Pourtant, il a dansé debout, en tenant mes mains, aux séances 3 et 4. Il saisit bien et serre fort, mais n’a pas l’indépendance des doigts. Il est légèrement hypo-actif, il a du mal à obéir, il fait facilement des choix. Il peut garder le même instrument pendant plus de 2 minutes. Toutefois il lui arrive de désirer un instrument, et dès qu’il l’a, de le jeter loin de lui.
Au cours du bilan préliminaire, j’étudie le mode de relation de l’enfant avec son environnement ainsi que les signes musicaux et autres de sa relation à autrui. Je n’ai pas pu observer la relation de Jean avec ses pairs, mais sa relation avec moi est très bonne dès le début (il sourit, initie des jeux). Son attention et sa concentration sont bonnes, de durée normale pour son âge (5 min) ainsi que sa capacité à suivre des consignes simples, mais il ne coopère pas toujours. Son contact visuel est très bon. Il réagit, se souvient, crée des jeux du type « séparation-retrouvailles », « caché-retrouvé » sur le modèle du célèbre jeu du « fort-da » du petit-fils de Freud. Il sourit, s’intéresse à son environnement, répond à l’appel de son nom en regardant la personne qui l’appelle.
Il babille (ha-pa-ba) d’une voix pleine de souffle et qui sonne plus « bébé » qu’il n’est normal à cet âge. Il vocalise facilement, mais toujours piano ou mezzo-piano. Il est attiré par certains instruments, essentiellement ceux en métal (grelots, cloches et le bâton du carillon tubulaire), ainsi que par le bodhran et la guitare, qu’il craint cependant de toucher.
Il est très présent et câlin. Il semble facilement obsédé par une chose (le bâton du carillon, la porte du placard) et peut s’y absorber totalement, mais il peut être ramené à son activité après un petit moment (1 min). Il porte tout à sa bouche, surtout le métal et les bâtons. Il est raide et ne veut rien faire avec sa main gauche qu’il tient relevée vers sa poitrine et poing fermé.
Il participe facilement à des dialogues musicaux – avec le bodhran, les cymbales, et vocalement – pour des périodes courtes mais significatives (plus d’une minute). Il n’imite pas les sons émis par autrui, mais répond par les siens. Il initie des interactions (regards, vocalisation ou prise d’un nouvel instrument), mais ne change rien dans ce que nous faisons déjà (tempo ou volume) ; il ne suit d’ailleurs pas non plus mes changements. Il ne crée pas de rythmes.
Il me donne l’impression d’un enfant volontaire, charmant, intéressé à communiquer avec autrui, avec un bon contact direct. Il a l’air heureux de vivre, mais je retiens sa tendance à se perdre dans une activité obsessionnelle et son plaisir à tous les jeux « fusion-séparation ».

53En reprenant les motifs pour lesquels il a été référé en musicothérapie, on relève plusieurs aspects :

  • depuis la première séance, son hypersensibilité au bruit ne semble pas faire problème, car j’ai parfois produit intentionnellement des sons très bruyants. Probablement réagit-il au bruit quand il est surpris ou anxieux ;
  • la peur des étrangers n’a pas été observée durant la première séance (il s’est installé sur mes genoux et m’a fait un câlin dès le début). La meilleure façon de remédier à ce problème semble être de travailler sur sa sécurité interne afin de diminuer l’anxiété globale ;
  • il ne parle pas et ne semble pas réaliser l’importance des sons vocaux comme canal de communication. Son langage peut être développé via l’imitation musicale et d’autres jeux ;
  • plusieurs hypothèses pourraient expliquer sa raideur corporelle : 1. Sa volonté (il ne veut pas) ; 2. sa condition (il ne contrôle pas ses membres) ; 3. Sa difficulté à la planification motrice (conséquence possible du point 2) ; 4. La peur de l’inconnu (conséquence possible des points 2 et 3). Tous ces problèmes peuvent être abordés par le jeu musical et la danse.
Ce cas permet de voir comment ma conception théorique de ce qu’est la musicothérapie influence en profondeur ma manière de travailler. Si l’on considère que tous les comportements et faiblesses de l’enfant sont liés et qu’ils trouvent sans doute leur origine dans l’histoire de Jean et de sa famille, de nouvelles perspectives s’ouvrent.

54En analysant l’ensemble des jeux élaborés avec lui au fil des séances, on réalise qu’il s’agit de variations sur le thème séparation-retrouvailles ou fusiondifférenciation, c’est-à-dire une des premières étapes fondamentales dans le développement de l’enfant. On perçoit de l’angoisse chez cet enfant surprotégé par sa mère. Il vient d’une famille perturbée par des divorces dans un milieu où ceux-ci sont mal tolérés. Dans cette perspective, ses jeux prennent une autre dimension. Raideur, hypersensibilité au son, pleurs, etc., sont peut-être des moyens d’exprimer l’angoisse et/ou une manière d’attirer l’attention sur lui. En musicothérapie, il dispose de toute l’attention du thérapeute qui n’est là que pour lui ; il n’a donc plus de raisons d’avoir des comportements d’appel ou de réaction au stress.

55On peut imaginer qu’il s’agit d’un enfant qui supporte mal la situation qu’il affronte. Dans sa famille, les séparations sont dramatiques et il est hémiplégique ; cela m’évoque comme un divorce entre les deux moitiés de son corps. Aucune application pratique ne peut être déduite de cette hypothèse, mais elle ouvre d’autres niveaux d’écoute.

56Cette conception m’a amenée à ne pas chercher à l’habituer à des niveaux sonores de plus en plus élevés, ni à faire des exercices d’assouplissement comme évoqué en réunion d’équipe, mais à inventer des jeux touchant à ce qui est essentiel pour lui, entendre ce qui semble ne pas l’être à la maison. En même temps, j’en profite pour lui faire utiliser sa main gauche (il ne le fait jamais spontanément), le faire danser (il a pu faire quelques pas tout seul après moins de dix séances) et le faire vocaliser (en le faisant rire ou en faisant moi-même des sons drôles qu’il essaye de répéter).
Pour reprendre l’image de l’utérus sonore, j’essaie de créer autour de lui une atmosphère musicale qui l’enveloppe et le soutient, lui permettant de prendre des risques (vocaliser, marcher, danser, éloigner sa main de son corps), où il n’y a pas de tension liée à la performance, juste du plaisir à participer à des jeux, et où les jeux parlent de ce qui me semble lui poser problème : la question de la séparation, des risques …

Le cas d’Eva

57Cette vignette, un peu plus développée, permet de suivre diverses étapes d’une cure en musicothérapie. L’étude de cas de la jeune Eva s’étend sur 84 séances, sur une période de 15 mois. Eva a deux séances de 30 minutes par semaine, et elle est également suivie en physiothérapie, ergothérapie, orthophonie et thérapie oro-motrice. Elle a été référée en musicothérapie pour stimuler son intérêt et réagir aux sollicitations de son entourage.

58Admise au centre à l’âge de 2 ans, Eva est une petite fille de 4 ans attachante et souriante, mais passive. Elle ne parle ni ne marche, peut tenir assise, mais ne le fait pas volontiers. Elle sourit aux adultes, les regarde, mais ne veut que leur attention ; elle ne s’intéresse pas à ses pairs ni aux objets, ne joue avec rien, mais se regarde dans le miroir. Elle se concentre rarement au-delà de 2 ou 3 minutes. Elle ne peut se nourrir seule, ne mâche pas ses aliments et ne boit qu’au biberon. Le diagnostic – retard global de développement – ne donne aucune autre indication. La question de la déficience intellectuelle se pose. Son frère aîné présente également de graves troubles de développement et de comportement d’une autre sorte.

59Le grand-père chante très bien, le père chante aussi et joue un peu de claviers. Dans leur communauté, la musique, particulièrement le chant, est de grande importance.

60

Le bilan préliminaire établit qu’Eva est sensible à la musique, sociable et prend plaisir à l’interaction (elle y répond vite et peut l’initier). Elle est désorganisée et passive, mais devient nettement plus active au cours de la séance. Elle cherche mon attention en émettant de petits sons doux et charmeurs. Elle guette si je la regarde, fait des sourires et les rend. Elle ne suit pas les consignes simples, mais je ne peux déterminer si c’est par manque de compréhension ou manque de volonté. Elle se regarde dans le miroir, semble se reconnaître, et s’en émerveille. Il n’y a pas de raison physique apparente pour qu’elle ne marche pas ou ne parle pas. Je ressens une contradiction entre l’intensité de son regard et sa passivité générale.
Sa relation avec moi a tout de suite été confiante et amicale. Eva semble consciente de ce qui se passe autour d’elle. L’équipe soignante avait souligné sa faible capacité de concentration (2 à 3 minutes), mais elle est restée concentrée pendant 10 minutes lors des deux séances d’observation. De plus, elle a montré de l’intérêt pour trois instruments (guitare, bodhran, hochet).
Le développement de la communication étant la priorité de l’équipe, la musicothérapie semble y répondre adéquatement.

Description des interventions musicothérapeutiques

61L’essentiel étant de motiver Eva, tout ce qu’elle fait doit être source de plaisir. Les séances s’ouvrent et se terminent avec une chanson de bonjour ou d’au revoir. Un minimum de deux activités parmi les six suivantes sont prévues à chaque séance : un dialogue instrumental et/ou vocal improvisé, des percussions corporelles, une activité de mouvement (ex : danse), une activité d’exploration libre d’un instrument, un jeu (ex : poursuite de mains sur le bodhran), l’écoute de musique (chant et/ou jeu de la thérapeute, ou musique enregistrée).

62Ainsi, la séance n° 30 a débuté par sa chanson de bonjour ; ensuite le jeu du bodhran. Après quelques échanges en imitation, le jeu a évolué en dialogue musical avec des interventions de plus en plus longues de la part d’Éva. Elle s’est mise à danser de plaisir sur ses genoux. Alors je lui ai offert mes mains pour danser debout en chantant les gestes à faire. Eva l’a redemandé plusieurs fois en faisant le signe « encore ». À la fin de cette séance, j’ai pris la guitare et Eva a voulu en jouer. Un court dialogue instrumental s’est alors installé, chacune jouant à tour de rôle, soit en pinçant les cordes, soit en les frappant du plat de la main. Puis j’ai chanté la chanson d’au revoir, pendant que Eva faisait au revoir avec sa main.

63Au début du traitement, Eva écoute la musique, et réagit parfois, lorsqu’elle est sollicitée. Dès qu’elle produit un son, j’imite [16] ce qu’elle fait. Quand elle fait des gestes, même très simples, je les intègre dans une activité musicale ou un jeu repris régulièrement d’une séance à l’autre. J’aborde les problématiques spécifiques de la même manière. Par exemple, lors de ses premières séances, elle jette au loin tout ce qu’on lui met dans les mains, ce qui contrarie beaucoup l’équipe soignante et sa famille. Je me suis assise en face d’elle et j’ai aussi jeté mes instruments au loin. Cela amuse beaucoup Eva qui, après quelques séances de ce type, cesse ce comportement en séance puis au dehors également.

La chronologie des étapes

64Séances 1 à 14 : Passage du stade passif au stade actif.

65Eva montre son plaisir (regard, babillages, gestes, sourires, etc.), entre en contact facilement et garde ce contact longtemps. Elle initie des interactions et s’intéresse à ce qui se passe autour d’elle. Dès le début la réaction est donc très positive : Eva participe beaucoup, utilise des objets, reste concentrée pour des périodes trois fois plus longues qu’avant et utilise spontanément deux signes (encore et au revoir).

66Séance 15 à 37 : « Voulez-vous jouer avec moi ? »

67Son intérêt pour l’environnement s’élargit. Eva s’intéresse de plus en plus au bodhran qui devient un médium efficace de communication initié par elle (ex. : duos en imitation ou jeux de poursuite). Au fur et à mesure que les interactions se multiplient, des duos deviennent possibles.

68Je structure progressivement les jeux et les improvisations musicales (imitation, tour de rôle, question-réponse, élaboration de séquences). Eva reste concentrée et présente toute la séance passant ainsi de 10 à 30 minutes. La qualité et la diversité de sa participation s’amplifient [17]. Elle explore, découvre, puis initie des jeux, prend du plaisir à être imitée, et commence à m’imiter spontanément (gestes, motifs musicaux, etc.). Elle semble prendre conscience de son pouvoir sur les autres et cherche à obtenir des réponses à ses actions. Elle initie des jeux à structure complexe, et peut les reproposer à la séance suivante. Ainsi, nous étions toutes les deux coiffées avec une queue de cheval. Eva a secoué la tête, je l’ai imitée en caricaturant le mouvement pour que ce soit drôle. Après quelques minutes, elle a ajouté « aï, aï aï » à chaque changement de direction. La semaine suivante, Eva a ouvert la séance en remuant la tête et en faisant « aï aï ».

69À la séance 32, elle invente un jeu en séquence de quatre événements répétés plusieurs fois avec un plaisir évident [18]. Estimant qu’Eva est prête à percevoir la relation de cause à effet, je cesse de précéder ses désirs et attends plus longtemps avant de réagir à ce qu’elle propose, pour qu’elle commence à prendre conscience de ce qu’elle désire, et réalise les moyens qu’elle a d’agir sur le monde. Cependant, lorsque Eva perçoit ma demande accrue, elle résiste en se couchant sur le sol, en restant immobile et parfois même en secouant la tête pour refuser. Je dois alors faire des jeux physiques (chatouilles, percussions corporelles) pour qu’elle accepte une activité instrumentale.

70Ainsi, après l’avoir soutenue au maximum pour qu’elle se sente entendue et acceptée sans exigences, j’ai décidé de devenir un « utérus moins confortable », une « moins bonne mère », et sa première réaction fut d’abord de résister, puis de reprendre progressivement ses activités.

71Séance 38 à 74 : « Ouvrez la cage aux oiseaux »

72Pendant cette période, je concentre le travail sur le corps et la voix. Eva s’épanouit dans toutes les dimensions – corporelle, verbale et musicale.

73J’introduis plus de marche et de danse pour développer l’aisance physique, la marche et l’intégration « tête-corps ». Eva pourrait marcher seule mais ne le fait pas (une aide symbolique – un doigt sous la mâchoire des deux côtés – lui suffit). Je propose des activités où Eva est amenée à marcher sans s’en apercevoir (ex : jouer du piano en allant très vite d’un bout à l’autre du clavier, danser, etc.). L’intégration intracorporelle est travaillée par des percussions corporelles et une chanson de bonjour/au revoir avec des battues de mains, faites main sur main. La chanson est introduite à la séance 40 et Eva peut faire les actions seule à la séance 70. À cette même séance, elle « danse » seule à genoux et je la fais danser debout en lui tenant les mains, mais elle n’est plus en rythme et ses mouvements se désorganisent.

74J’exploite les improvisations mélodiques ou parlées (jargon, cris et chuchotements), pour stimuler l’expression préverbale. Elle commence à répéter des mots courts : à la séance 57 elle a répété « turn » (« tourne ») et « bye » spontanément, et « up » et « down » sur invitation. Son babillage devient de plus en plus du langage parlé. Elle indique « more » (« encore ») de façon suivie.

75Elle imite sur le bodhran les motifs rythmiques que je joue à la guitare. Pour la première fois elle généralise l’imitation sur un autre instrument. Elle découvre le piano et la flûte, et montre son plaisir à en jouer.

76Séance 75 à 84 : En avant la musique !

77Son intérêt pour les instruments s’accroît et elle commence à manipuler d’autres objets. Certains motifs musicaux apparaissent, sont mémorisés et repris d’une séance à l’autre, même à une semaine d’intervalle. Les improvisations gagnent en structure rythmique, et il commence à y avoir des motifs mélodiques. Parallèlement se développent des improvisations parlées, comme des « conversations » en jargon, depuis la séance 78.

78Elle est en général d’excellente humeur, participe intensément, rit à mes « blagues », et en fait en retour (chatouilles, grimaces). Mais il lui arrive encore de se coucher ou de s’effondrer au milieu d’une activité, offrant ainsi un message ambivalent.

79Eva nous montre aussi de quelle façon elle fonctionne. Elle acquiert des aptitudes, puis les abandonne avant de les reprendre (ex. : danse commencée en novembre et reprise en février). La relation affective semble essentielle pour elle. Elle aime plaire, se donne du mal pour y parvenir et se « dépasse » à l’occasion (ex. : séduire une audience particulière, se faire pardonner).
En un an, Eva est passée du stade de poupée passive à celui de petite fille volontaire. Cela commence à s’étendre à la vie quotidienne. Elle s’intéresse à la vie et à son environnement, recherche l’interaction avec les adultes et depuis peu avec ses pairs. Elle a découvert qu’elle peut avoir un impact sur le monde et/ou les autres, et en est au stade de tester les réactions d’autrui à ce qu’elle fait. La musicothérapie lui a fourni un cadre sécurisant où explorer ses possibilités à son rythme et selon ses inclinations.
Je m’interroge sur la nature des obstacles que rencontre Eva. Au cours des nombreuses improvisations vocales faites au cours de l’année, elle a montré qu’elle possédait tous les sons nécessaires aux langues anglaise et maternelle. Elle commence à répéter des mots mais elle ne parle pas. Est-ce l’impossibilité de concevoir une succession de syllabes ? De planifier les mouvements pour que le corps marche ou que les sons désirés viennent ? Est-ce une incapacité procédurale ? Ou s’agit-il d’autre chose, par exemple la peur de l’inconnu ? À la maison, elle est bien soignée mais on lui parle peu (père peu présent, mère un peu dépressive, famille nombreuse accaparée par les difficultés plus importantes du frère aîné). Les attentions passent donc beaucoup par le contact physique. Pour le moment elle jouit de beaucoup d’attention et de soins. Mais dans sa communauté, les garçons ont plus d’importance que les filles. Va-t-elle y perdre ou y gagner si elle marche ou parle ?

Spécificités de la musique et de la musicothérapie

80Quelle est la spécificité de la musique par rapport aux autres formes d’art ? Premièrement, on peut distinguer entre les formes d’art qui se « savourent » une fois menées à terme, comme les œuvres littéraires et les œuvres picturales ou les arts plastiques, et celles qui se déroulent dans l’instant tels le théâtre, la musique et la danse. Les premières sont aussi plus médiatisées au sens où elles demandent plus d’intermédiaires entre l’artiste et son interlocuteur.

81Les arts de performance ont une dimension sociale, collective. Et l’artiste expose son corps, sa voix. Il prend un risque immédiat. La musique implique le corps, mais avec des réserves, elle est de ce fait plus sécurisante que les autres arts de performance (le chant étant une forme limite) ; et elle est dans le moment. Une fois terminée, il n’en reste que l’impression, le souvenir.
Enfin, par rapport à la technique, quel que soit le domaine artistique considéré, produire une œuvre requiert un minimum de technique en deçà duquel le produit sera insatisfaisant. La musique est l’art qui en exige le moins. Même sans avoir jamais joué de musique, on peut tirer des sons satisfaisants de nombreux instruments.

La musique en musicothérapie

82La maîtrise technique pour le client n’est pas nécessaire en musicothérapie. C’est le thérapeute qui doit savoir jouer, et surtout accueillir musicalement le jeu du client. Le client improvise, le plus souvent sur un instrument de percussion ou le piano, et le thérapeute « enrobe », « soutient », ou au contraire « confronte [19] » le jeu du client. Le jeu du thérapeute permet au client de ne pas être seul, il est aussi miroir, repère, éventuellement même un « punching-ball » sonore … C’est tout l’art du thérapeute de faire ce dont le client a besoin … Un musicothérapeute travaille énormément avec le contre-transfert, avec ce que le client évoque en lui. Il va donc jouer en conséquence de ce qu’il entend et ressent. Il veut permettre au client d’exprimer un peu de son chaos intérieur et lui offrir un milieu qui puisse « contenir » ce chaos. Le client a souvent peur de l’expression de ses propres émotions. En musique, cette expression l’effraye moins qu’en mots. On peut aussi « se cacher » derrière la musique du thérapeute.

83Une musicothérapeute, Mary Priestley [20], parle d’une forme de contre-transfert qu’elle appelle le « e-contre-transfert » (e comme « empathie »), c’est-à-dire la résonance intérieure à ce qui vient de l’extérieur lorsque le thérapeute ressent les émotions du patient comme si elles étaient les siennes. Ce sont en général des émotions réprimées qui n’ont pas encore affleuré, ou commencent à peine à le faire, à la conscience du client. On ne peut saisir ce phénomène que par une bonne connaissance de soi et peut-être une forme d’intuition, qui permettent au thérapeute de percevoir s’il s’agit de ses émotions propres ou de celles de son client. Ainsi, lorsque je travaillais avec une petite fille de 7 ans, non verbale et pleine de colère, les seules musiques qui me venaient à l’esprit étaient des rocks violents ou du heavy metal, styles que je ne joue jamais ; c’était comme si j’avais oublié tout le reste, aucun autre style musical ne m’était accessible pendant cette séance et je ne pouvais que chuchoter ou hurler. Le e-contre-transfert fait vivre des situations très inconfortables et les réactions émotionnelles peuvent bloquer temporairement le jugement. Une fois compris de quoi il s’agit, il faut encore trouver une façon de le renvoyer au client sous une forme recevable. Un musicothérapeute peut renvoyer en miroir musical des émotions qu’il a perçues alors que ce serait peut-être intrusif de le faire verbalement.

À quoi ressemble cette « musique » ?

84La plupart du temps, il est question de communication, donc on entendra des motifs musicaux repris, imités, en dialogue ou synchronisés, des variations, etc. Quatre-vingt-cinq pour cent de la musique produite n’a aucun intérêt musical, juste thérapeutique. Parfois il se produit une grâce musicale, où musicothérapeute et client se trouvent étrangement unis. Quand c’est le cas, c’est parfaitement reconnaissable. Cela ne se commande pas et on peut faire une très bonne thérapie sans cela.

85Sans relever de l’éducation musicale ni de l’animation musicale, la musicothérapie est une thérapie. Mais non pas :

86– Une psychothérapie classique : en psychothérapie, on aborde les problèmes verbalement. La musicothérapie ajoute la dimension non verbale, elle offre à la relation thérapeutique l’opportunité de se déployer à travers un langage alternatif, qui en éclaire certaines dimensions. Elle permet de « donner forme » aux aspects non verbaux de l’expérience thérapeutique, ce qui facilite leur reconnaissance et leur élaboration, et offre un « espace » pour expérimenter le changement. Cela permet de travailler avec des personnes inadaptées à la psychothérapie verbale ; toutefois, pour ceux qui sont accessibles au verbe, cette dimension non verbale vient confirmer ou infirmer le discours, révélant les contradictions internes ou les incongruences de la personne.

87La musicothérapie a un accès privilégié au domaine émotionnel, ce qui permet d’une part de court-circuiter des défenses et, d’autre part, de travailler sur des points sans les conscientiser.

88– Une psychanalyse : en psychanalyse, la personne cherche l’origine de ses problèmes en remontant le plus loin et le plus profond possible. Elle aborde l’inconscient à travers le rêve, les lapsus et actes manqués, les associations libres, le transfert. L’essentiel passe par la parole. La musicothérapie apporte un autre canal de communication. Ainsi, parallèlement à l’association libre, on improvise.

89Le fait de ne pas avoir à passer par les mots permet à tous ceux qui maîtrisent mal le langage ou expriment difficilement leurs émotions en mots, de pouvoir se laisser pénétrer par cette émotion et de la laisser s’exprimer et vivre par la musique. Jouer de la musique implique « jouer », au sens propre du terme. La musicothérapie va chercher l’enfant en chacun et lui permet de s’exprimer en enfant, alors que l’utilisation des mots demande au moins un début de conceptualisation. On pourrait dire que la fonction expressive de l’acte musical permet de « mettre en jeu » les problématiques sans recours au langage. Pour moi, musicienne, l’utilisation du langage me demande une « réflexion », une pause dans l’émotion pour « la traduire » en mots, alors qu’en musique je la joue directement, comme joue un enfant, que ce soit avec la voix ou avec un instrument. Je la joue et j’en joue, et je me laisse jouer par elle.

90Il y a des choses qu’on saurait peut-être dire mais qui sont si douloureuses ou si honteuses qu’on n’y arrive pas. Grâce à la musique, on peut les toucher, les explorer, les apprivoiser et peut-être finir par les dire. La musicothérapie permet de travailler les défenses en douceur, sans les aborder de front. (Ici, il ne s’agit pas de les court-circuiter, on les caresse ou on les contourne.) Dans tout processus thérapeutique, les défenses finissent par tomber quand elles ne sont plus nécessaires ; en musicothérapie on peut accélérer et alléger ce processus. En même temps qu’elle nous confronte à nos problèmes, la musique nourrit et soutient.

91Un exemple : un monsieur joue toujours de façon « petite » et douce avec des petites clochettes. Son thérapeute lui donne une conga (un gros tambour africain). Sans qu’un mot soit dit, il se trouve confronté à son « petit jeu ». En fonction de ses possibilités du moment, il pourra approcher ses émotions dans un espace sécurisant. Qu’il se mette à répondre aux exigences de l’instrument et joue fort, ou qu’il trouve une « petite manière » d’en jouer, dans l’un et l’autre cas, il est nourri par l’instrument, soutenu par le thérapeute, et libre de travailler verbalement ou pas ce qui se passe.

92Un exemple de ce que j’appelle « court-circuiter les défenses » : une dame parlait de sa relation à ses parents qu’elle aimait beaucoup ; je ressentais un malaise non identifié dont elle n’a jamais parlé. Je lui ai demandé de choisir trois instruments, pour représenter sa mère, son père et elle-même, puis de les faire échanger ensemble. Elle a choisi un tambour pour son père, une guitare pour sa mère et une sorte de hochet pour elle-même. Le choix des instruments par lui-même était parlant (le tambour, puissant mais primitif, la guitare, sophistiquée, très achevée, offrant beaucoup de possibilités sonores et le hochet, très limité, très primitif et très peu sonore), mais c’était là ma vision et pas nécessairement la sienne. Au début de son jeu il y avait beaucoup de tambour, la guitare intervenait discrètement et peu, le hochet encore moins. Puis le jeu a évolué et, vers la fin, le tambour ne jouait presque plus, et le hochet suivait rythmiquement la guitare. Soudain elle s’arrêta et me dit avoir tout d’un coup réalisé que sans s’en être rendu compte elle avait toujours pris le parti de sa mère, jusqu’à ce que petit à petit son père ne s’exprime plus que rarement lorsqu’ils se retrouvaient ensemble, et combien elle avait valorisé ce qui venait de sa mère par rapport à ce qui venait de son père. Combien aussi sa mère dominait la maisonnée alors qu’apparemment c’était l’inverse. Elle n’en était pas du tout consciente, son jeu l’a illustré et le moment était venu où elle pouvait en prendre conscience.
« Ce que peut exprimer la langue musicale est fait uniquement de sentiments et d’impressions : elle exprime [ …] le contenu sentimental de la langue purement humaine, dégagée de notre langue verbale », analysait Wagner.
Les effets thérapeutiques de la musique sont souvent utilisés à d’autres fins que la thérapie proprement dite. Je n’en donnerai que quelques exemples : l’aide à l’éducation, car elle aide à mémoriser – c’est pour cela que les religieux chantent les écritures saintes au lieu de les dire, car jusque récemment, la majorité des gens ne savait pas lire, il fallait apprendre par cœur ; elle est aussi d’un grand secours en rééducation motrice, une musique rythmée est à la fois entraînante (on tape souvent inconsciemment du pied quand on entend de la musique de danse) et très prévisible. Elle est un cadre et un guide qui aide à (ré) apprendre à coordonner les mouvements. On l’utilise aussi à des fins commerciales. On s’est rendu compte que les gens achètent davantage quand il y a de la musique. On a remarqué au Québec que dans les restaurants de cuisine française, si on passe des chansons françaises, les clients commandent plus volontiers des vins chers (et français). On a aussi remarqué que les rythmes musicaux influencent la vitesse à laquelle les gens mangent. Enfin, facétie anecdotique, des expériences ont été faites en agriculture, divers types de musique ont été joués dans des champs de maïs : le maïs pousserait mieux avec Bach qu’avec du rock and roll. Mais le biologiste marin néo-zélandais Wade Doak raconte que les dauphins sont plus attirés par les Pink Floyd que par Mozart. Ils surgissaient soudain quand il le diffusait de son bateau à travers des haut-parleurs.

Quelques données sur l’aspect neurobiologique

93En étudiant le cerveau sur un plan neurologique, on s’est aperçu que la musique était la matière qui aidait le plus au développement du cerveau. La musique fait appel à toutes les parties du cerveau, aux zones les plus anciennes comme aux plus récentes, qu’il s’agisse d’écoute ou d’exécution, et favorise la communication inter et intra-hémisphérique. Elle a un pouvoir certain d’unification, de « recentrage ». « La musique est un agent de liaison ou un réconciliateur entre le corps et l’esprit. » « C’est la réunion de ces trois mouvements de l’être que sont le geste (expression du corps), le verbe (expression de la pensée), et le son (expression de l’âme) » pour citer Jacques Dalcroze.

Les difficultés pour la musicothérapie à se faire reconnaître comme thérapie à part entière

94La discipline est encore relativement neuve. Les scientifiques la regardent avec suspicion car si les bienfaits sont évidents, on ne peut encore les expliquer scientifiquement (l’intérêt croissant pour la neurologie du cerveau pourrait changer leur disposition d’esprit). La formation s’en ressent puisqu’une seule université dispense cet enseignement au Québec.

La formation au Québec

95Le musicothérapeute doit tout d’abord être un musicien accompli, connaître sa matière, jouer de plusieurs instruments, chanter, connaître des styles musicaux différents, se familiariser avec les musiques du monde. Il lui faut ensuite avoir de bonnes bases en psychologie et avoir des connaissances solides sur le plan théorique. Il doit avoir mené une réflexion personnelle et s’être fait une représentation personnelle de ce qu’est l’être humain.

96Il doit aussi avoir fait un cheminement thérapeutique personnel. On travaille énormément avec l’intuition ainsi qu’avec le transfert et le contre-transfert. Il est fondamental de faire la différence entre ce qui vient du patient et ce qui vient du thérapeute. Malheureusement, si cela est fortement conseillé, ce n’est ni contrôlé ni comptabilisé, aussi, nombreux sont ceux qui ne font pas ce travail.

97Les réticences à reconnaître la musicothérapie sont de trois ordres : l’impossibilité de la preuve scientifique, l’hostilité des autres groupes de professionnels de la santé, notamment des psychologues, et l’insuffisance de la formation en psychologie des étudiants en musicothérapie.

98Une autre raison, plus difficile à cerner, me paraît expliquer cette situation. Il n’y a pas de maître à penser en musicothérapie, pas de Freud, de Lacan ou de Marx qui propose une théorie rassurante à défaut d’être absolue. La musicothérapie est ouverte, rien n’est indispensable, aucune règle n’est immuable, ce qui permet une grande souplesse d’utilisation, l’adaptation à toutes sortes de situations …, mais aussi le charlatanisme. Au Québec on n’est pas obligé d’avoir un diplôme de musicothérapie pour l’exercer puisque la discipline n’est pas reconnue.

99De plus, la musicothérapie s’applique dans différents contextes et souvent comme aide éducative ou animation musicale. La distinction n’est pas facile pour le législateur et encore moins dans le contexte de l’Amérique du Nord où l’on a une prédilection pour les thérapies brèves, teintées de comportementalisme, même si on en revient un peu de nos jours.

100Enfin, il y a la résistance à la nouveauté. On parle des bienfaits de la musicothérapie depuis l’Antiquité, cependant, la plupart des gens ignorent ce que c’est et il faut triompher de la peur de l’inconnu.
« Et pourtant …, elle marche ! » Il y a des musicothérapeutes dans les hôpitaux, surtout en soins palliatifs et en gériatrie. Il y en a de plus en plus dans les écoles comportant des classes spécialisées ou d’intégration, et souvent dans les écoles spécialisées, notamment pour autistes. Les foyers d’accueil y feraient appel régulièrement s’ils en avaient les moyens, ainsi que de nombreuses structures communautaires. Curieusement la pratique privée est encore peu développée, ce qui n’est pas le cas dans d’autres provinces du Canada.

Les courants principaux en musicothérapie

101– Le courant français théorique et psychanalytique (Edith Lecourt) très orienté sur la musique réceptive. Ces dernières années, la musique active se fait une place plus grande, que ce soit sur le mode de l’improvisation ou sur celui du travail spécifique (ex : travail vocal de Dominique Bertrand).

102– Un courant médicalisé en vogue en Amérique du Sud (Rolando Benenzon, Argentine) qui se retrouve ailleurs, mais il présente la théorie la plus intéressante et la plus complète.

103– L’école anglo-saxonne : la plus hétérogène, la plus créative mais la moins rigoureuse, orientée sur la musique active et l’improvisation. À côté des comportementalistes qui font des thérapies courtes en s’attaquant aux problèmes de manière pragmatique sans en chercher les causes, il y a un courant très important qui travaille sur l’improvisation et les associations d’idées. Selon les personnes, la place de la verbalisation sera plus ou moins importante. Dans ce courant, Mary Priestley est la personne qui apporte les fondements les plus solides. Une place spéciale est à réserver à Helen Bonny qui propose une technique particulière, Guided Imagery in Music (Imagerie guidée en musique), qui se différencie du courant anglo-saxon en ce qu’elle n’utilise que la musique réceptive et les associations, mais dont la lecture relève de la psychologie humaniste en vogue en Amérique du Nord. Les musicothérapeutes Nordoff et Robbins se situent aussi dans ce courant malgré une certaine rigidité dans leur approche, très orientée vers une certaine forme d’apprentissage.

Bibliographie

Bibliographie

  • Benenzon, R. 1982. Manuel de musicothérapie, Paris, Éditions Privat.
  • Bruscia, K. 1987. Improvisational Models of Music Therapy, Charles C. Thomas publisher, 1987.
  • Carrol, D. ; Lefebvre, C. 1998. Techniques d’improvisation cliniques en musicothérapie, Paris, uqam.
  • Lecourt, E. 1988. La musicothérapie, Paris, puf.
  • Nordoff, P. ; Robbins, C. 1977. Creative Music Therapy, New York, John Day Co.
  • Priestley, M. 1994. Essays on Analytical Music Therapy, éditions Barcelona.
  • Rogers, C. R. ; Kinget, M. 1973. Psychothérapie et relations humaines, Théorie et pratique de la théorie non directive, Louvain, Presses universitaires de Louvain, coll. « Studia Psychologica ».
  • Winnicott, D.W. 1975. Jeu et réalité, Paris, Gallimard coll. « Folio ».
  • Sur la toile

    • Pour trouver des livres sur la musicothérapie (en anglais) : www.barcelonapublishers.com
    • Pour une bibliographie en français, voir, entre autres, ecosia, et « musicothérapie » sur un moteur de recherche.

Notes

  • [1]
    S. Freud, « Les modes de formation des symptômes », dans Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 1993.
  • [2]
    Au Québec on utilise le terme « client » plutôt que celui de « patient ».
  • [3]
    Le terme « cure » est utilisé ici car il s’agit de parler d’un processus et non d’anticiper un résultat.
  • [4]
    Improvisation : à la différence de la création, elle est le résultat d’un moment, d’une impulsion, pas d’une réflexion. Même si seul le thérapeute joue, ce n’est pas pour autant réceptif, puisqu’il joue en fonction du client et de leur relation.
  • [5]
    Acouphénie : trouble de l’audition qui se manifeste par une sensation auditive anormale n’ayant pas son origine dans un son extérieur. ?Le mot « acouphène » est un terme général qui englobe divers acouphènes tels les bourdonnements, les tintements et les sifflements d’oreilles.
  • [6]
    Amusie : perte du sens musical, d’origine neurologique tantôt expressif et réceptif, tantôt réceptif ou expressif sans altération de l’acuité auditive, rendant le sujet incapable de reconnaître une musique (amusie réceptive ou sensorielle) ou de la reproduire (amusie motrice). Souvent associée à une aphasie, on la qualifie pour en spécifier le type.
  • [7]
    Une flûte à coulisse est comme un sifflet en ce que le tube n’a pas de trou, mais à l’aide d’une coulisse, comme pour un trombone, on fait monter ou descendre le son.
  • [8]
    Extrait de la mission des Musicoliers dans les hôpitaux (http://musicolier.pagesperso-orange.fr/association.html) : « Améliorer l’accueil et le mieux-être de l’enfant malade et de sa famille ; intégrer dans un service un musicien au sein d’une équipe soignante ; mettre la culture à la disposition des enfants malades ; faire découvrir les bienfaits de la musique sur ceux qui souffrent autant que chez ceux qui soignent ; mettre en place des actions de formation en direction des équipes soignantes ; installer des fresques musicales dans les services. »
  • [9]
    Aux chapitres 3 et 4 de son livre Jeu et réalité, il explique comment « le jeu est une expérience créative, que quand on joue on se met dans un état spécifique dont on n’aime pas sortir, c’est un espace où des objets appartenant à la réalité externe sont mis au service de la réalité interne. Le jeu partagé implique la confiance. L’instrument de musique peut à l’occasion devenir objet transitionnel » (Paris, Gallimard, Folio/Essais, 2002).
  • [10]
    M. Priestley, « Essais 8 et 9 », dans Essays on Analytical Music Therapy, Ed. Barcelona, 1994. « E-contre-transfert » (e venant d’empathie) ou la résonance de l’extérieur à l’intérieur, lorsque le thérapeute ressent les émotions du patient comme si elles étaient les siennes. Voir 3e partie du présent article.
  • [11]
    C. Rogers, Psychothérapie et relations humaines, Théorie de la thérapie centrée sur la personne, Paris, esf Editeur, 2009.
  • [12]
    Congruence en optique physiologique : on dit qu’il y a congruence binoculaire des images quand la double projection rétinienne permet leur fusion unifiée. En mathématiques, c’est quand il y a identité de forme et de dimensions. C’est une notion particulière au courant humaniste quand elle est employée en psychologie et signifie que tout est coordonné, que tout fait sens. Par opposition, quelqu’un qui raconte des histoires drôles en pleurant a une attitude incongruente. Cette notion suppose l’authenticité du thérapeute.
  • [13]
    Renforcement positif : une notion appartenant au comportementalisme. Quand le sujet fait bien la tâche demandée ou a le comportement désiré, il reçoit quelque chose d’agréable en récompense. Avec certains enfants, je félicite beaucoup ou j’offre un motif musical dont je sais qu’il plaît.
  • [14]
    Dans ma pratique, j’utilise des méthodes et moyens repris à de nombreux modèles.
  • [15]
    Séance type de Belle : Chanson de bonjour : je la chante avec Belle assise sur mes genoux, en lui tenant la main autour d’un hochet. Belle est assise sur une chaise, je l’invite par une chanson à donner des coups de pied sur un bodhran (grand tambour plat irlandais).
    Chanson sur les parties du corps : Belle doit montrer les parties de son corps que je lui demande, toujours dans le même ordre (tête, pieds, ventre, mains). Plus tard, ce sera au hasard.
    Duo vocal : je chante un court motif et attends que Belle réponde vocalement.
    Choix de deux chansons (chacune avec un instrument différent et des gestes différents) proposé sur des cartes plastifiées, Belle doit en désigner une.
    Exercices pour les jambes ou massage.
    Danse : j’offre mes mains à Belle qui se tient debout et « marche-danse » sur la musique.
    Chanson d’au revoir sur mes genoux en lui tenant la main autour d’une maracas.
  • [16]
    Voir C. Lefebvre, D. Carrol, Techniques d’improvisation cliniques en musicothérapie, Paris, uqam, 1998.
  • [17]
    Parallèlement, depuis juillet, elle commence à marcher (avec l’aide de son éducatrice), jouer avec des jouets (poupée, balles).
  • [18]
    Jeu d’Eva : 1. Elle frappe le bohdran au centre. 2. La griffe du centre vers elle. 3. Vocalise avec le son « Ah ». 4. Rebondit sur ses genoux en secouant les mains pendant que je joue une phrase musicale à la fin de laquelle elle se laisse retomber sur le sol en riant. Puis elle recommence.
  • [19]
    C. Lefebvre, D. Carrol, op. cit.
  • [20]
    M. Priestley, op. cit.
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