1Pour parler d’une altérité interne qui fait œuvre d’écriture, j’ai choisi le dernier livre d’Hélène Cixous, Hyperrêve.
2Je voudrais préalablement m’expliquer sur ce choix, et tout particulièrement sur le choix d’une écriture qui, par son style même, porte le désir d’auteur au centre, comme mise en œuvre de cet autre interne que nous cherchons aujourd’hui à approcher. Car le style de cette écriture est en rupture avec toute forme narrative. Il est fait d’éclipses, de pensées récurrentes, en réseau, en colimaçon, en ellipses. Son étrange ponctuation y ouvre sur des doubles sens, des surprises de sens, des inventions, de l’inattendu.
3Hyperrêve est de ce point de vue au plus proche de ce qui constitue la littérature comme lieu d’une amphibologie du sens (J.-M. Rey), de sa mise en crise, de son vacillement.
4Une certaine forme de la littérature partage d’ailleurs avec la parole vive en psychanalyse cette possibilité que s’exerce la ruse des mots à désunifier tout ce qui tend à s’essentialiser, à se prendre en masse du côté de l’Un, du concept ou de la théorie.
5N’est-ce pas la condition d’une altérité à l’œuvre qui fait le sujet divisé soumis aux effets d’incertitude et d’indécidabilité du sens ? Question essentielle à porter au débat, l’institution politique de la littérature (mais aussi de la psychanalyse) n’est-elle pas à penser comme constitutive de la question du sujet, ou plutôt de tout procès de subjectivation, articulé, voire commandé par le mi-dire de la vérité, l’altérisation du sens, autrement dit sa déprise continuelle ?
6Mais pour revenir à Hyperrêve, je disais donc, pas de narration proprement dite. Hyperrêve suit les arcanes d’une écriture qui s’accorde à la chambre d’écho des mots, à leur découpage associatif, afin d’épouser les moments d’émergence de la mémoire par contiguïtés sonores ou métonymies d’images. Quant à la phrase elle-même, celle-ci est dans une relation corporelle à l’auteur-lecteur qui est en quelque sorte à son chevet. « Je la tâte, écrit Hélène Cixous, elle se tord sous ma patte, elle sort ses virgules… »
7Ce choix s’est aussi imposé à moi avec la force de l’évidence pour une autre raison, peut-être pas si étrangère à la précédente. Car s’il est impossible d’échapper dès qu’on a pris le risque de lire ce livre, c’est aussi parce que c’est avec le temps de l’ultime qu’il va falloir débattre, se battre, le temps d’avant la fin, qui est aussi le temps de l’une fois pour toutes, ce qu’Hélène Cixous nomme le temps des derniers temps. C’est pourquoi j’ai choisi ce livre, l’enjeu de l’écriture étant clairement de s’y confronter à une altérité qui s’annonce radicale car sans retour possible.
Le temps du mourant
8Hyperrêve commence sur le temps du mourant, en l’occurrence celui de la mort annoncée de la mère, et sur ces temps mélangés, fille et mère confondues dans la même attente, la même irritation, les mêmes inquiétudes, les mêmes instants de colère, d’angoisse, d’exaspération. Hyperrêve débute aussi sur cette haine filiale pour celle qui menace de son départ, de son abandon, et surtout qui menace sa fille, de par les cyclones de haine qu’elle provoque, de lui faire perdre tout sentiment de compassion et d’amour, si nécessaire au moment de se quitter à jamais.
« On peut perdre au-delà de la perte. »
10Ce serait cela le pire.
« Plus tard on essaie d’oublier… On se lave les mains on oublie. »
12Le pire serait précisément dans un inoubliable à oublier avec lequel la douleur de la perte de l’autre vous a laissé, quand vous ont été en même temps retirés la compassion et l’amour qui permettent d’accompagner la douleur.
13Avec la mort récente de l’ami J.D. (Jacques Derrida, jamais nommé ainsi) et la mort annoncée de la mère, une nouvelle temporalité vient de s’ouvrir, celle du pire à venir.
14Placé dans cet entre-deux, entre l’interruption déjà là de l’un et l’interruption prochaine de l’autre, le je narratif se conjugue dans une forme d’anticipation des deuils à venir. Cette temporalité particulière du pire à venir ouvre sur une subjectivation de l’ultime et comme la tentative urgente de donner sens à l’insensé des temps derniers.
15Hyperrêve s’organise autour d’une scène centrale qui traverse tout le livre, et dans laquelle le corps mourant de la mère fait l’objet des soins attentifs de sa fille. Mais c’est aussi la scène où les mains de l’écrivain sont celles qui tâtent la fin en tâtonnant le corps maternel.
J’oignais ma mère par des gestes circulaires par pressions rapides légères exactes… tamponnant les bulles et les cratères qui, au début de l’an passé m’avaient comme interdite, lorsque je tentais de les approcher de mes doigts enduits de pommade, en me lançant de larges regards cyclopéens.
17Le corps maternel mourant est devenu, par ces ulcérations inquiétantes, regard béant dirigé sur la fille et sur ses pensées. Telle est la première scène inaugurale de ce récit mi-narratif mi-halluciné quand, sous ce regard transfixiant, il s’agit pour la fille d’abolir ses propres pensées en se confondant avec le geste soignant. Comme si par ce geste filial, il s’agissait d’apprivoiser la sévérité du regard ulcéreux/ulcéré de la mère, et « d’enduire les plaies avec des docilités animales ».
La peau maternelle et la pensée
18La peau maternelle elle-même est devenue toile, miroir, lieu où se rencontre le double, en cette figure altérée/altérisée, avec son regard médusant qu’il s’agit pour la fille d’affronter. Autrement dit, écrire le corps maternel mourant, c’est dévoiler l’autre de la mère, cette figure originaire résumée ici par son regard ulcérant/ulcéré, l’impossible même à regarder.
19Mais la question se complexifie d’un tour. Car, comme le précise l’auteure, « la peau est partout ». En même temps, « la peau ne se reconnaît plus elle-même ». Le territoire maternel ne fait qu’un avec l’organe de surface, objet du massage filial. Simultanément il est le lieu d’un processus de non-reconnaissance de soi à soi, un processus d’auto-agression qui se déchaîne, figurant au niveau de la peau maternelle les forces d’autodestruction qui se libèrent partout dans le monde, ce qui a bien été l’objet de pensée de l’ami Jacques Derrida.
20Il y a donc une continuité entre la peau et la pensée, puisque, comme l’écrit Hélène Cixous, « la pensée de la peau est elle-même une peau virtuelle ». Dans cette perspective, l’écriture n’est-elle pas elle-même une peau virtuelle qui prolonge sur le papier la peau maternelle, une pensée-peau sous menace de décomposition ?
21Cette continuité peau et pensée décrit un inséparé de la mère et de la fille où la peau maternelle se poursuit, se continue sans interruption, se transforme en sa virtualité de pensée chez l’auteure elle-même. « Je fais des joints, je cherche à refermer, à murer les fentes et les crevasses, à enduire sa surface, à calfeutrer. »
22L’écriture vient doubler cette vision de près qui examine la peau maternelle dans ses plus petits détails. Soumise elle aussi à ce phénomène d’agrandissement du minuscule, l’écriture s’observe, s’examine sans aménité, tout en demandant à son lecteur le même soin, la même attention au détail, au minuscule, à la virgule près. Le lecteur est ainsi sollicité à reproduire vis-à-vis de la peau-écriture le même geste soignant que celui de la fille à l’adresse du corps maternel mourant.
23Mais c’est surtout le dos maternel qui fait l’objet des gestes filiaux, car c’est le lieu de la mère qui est particulièrement « sans défense, docile, consentant ». Hélène Cixous parle de « ce visage du dos » qui serait comme l’autre visage, ce qui, du visage de l’autre, est sans défense, visage du dos maternel qui dévisage l’auteure tout en la renvoyant à l’arrière de sa propre histoire de fille et de mère, à son propre dos maternel, autrement dit à l’autre de la mère, à l’histoire d’une origine en détresse, en appel de secours et de protection.
24L’écriture autobiographiée est un visage que l’auteure tourne vers son propre dos de mère. C’est ce qui a produit en 2000 ce livre étrange, Le jour où je n’étais pas là, livre adressé à l’enfant mongolien né quand elle eut 22 ans, puis confié à sa mère, et qui viendra le temps de sa courte vie prendre la place de toute écriture :
À la place de l’écriture : mon fils, le commandant fantôme de l’écriture. L’écriture fantôme de mon fils le mongolien. Je lui donnai la place de l’écriture. Le blanc sans frontières, l’inqualifié, l’inqualifiable. Je suis toujours à sa page.
26Penser le dos maternel, écrire le dos maternel, serait tenter de partager entre mère et fille une relation commune à l’altérité de l’autre mère, mais un « commun » que seule l’auteure pourrait voir et reconnaître puisqu’il échapperait à la mère. L’auteure seule avec son lecteur, la peau du dos devenant peau de la pensée, puis peau de l’écriture. Ne lisons-nous pas toujours à partir de, au sujet de, sur cette altérité métaphorisée ici par la peau du dos maternel ?
27C’est le sentiment d’ennui qui guette la fille occupée à « faire le dos de sa mère », prise dans une répétition mécanique des gestes, absurdes, vides de sens. Et cet ennui qui envahit la scène, c’est aussi ce qui ne pourra plus jamais être revécu, une fois la mère morte. Dès lors l’enjeu de l’écriture consiste à anticiper cette mort et à regarder rétrospectivement l’ennui actuel, la non-envie actuelle, le mouvement de rejet lui-même comme ce qui fera, au-delà, lieu de sa propre nostalgie. Regarder le corps nu de la mère avec les yeux de celle qui n’aura plus devant elle que son corps mort. Anticipation rétrospective de l’écriture.
28L’anticipation du temps rétrospectif tente de créer dans le présent même du sentiment d’ennui, du refus, du rejet, la distance douloureuse de l’absence, l’écart d’une altérité transformant l’excès de présence du corps maternel, la trivialité même de son quotidien, la fadeur du banal, en une douleur aiguë de ce qui manque à jamais.
29Hyperrêve désignerait l’altérité interne à l’œuvre, sous la forme d’un rêve dans lequel la rêveuse rêve qu’elle rêve, et qu’elle va se réveiller une fois morte la mère, et donc elle-même.
30Écrire serait donc poursuivre le rêve dans le rêve et ce réveil dans le rêve, alors même qu’à l’état de veille l’actuel n’a de cesse que de résister dans son absurde entêtement à ignorer l’annonce de l’irrémédiable. La vie endormie au-dessus du vide, ce serait cela Hyperrêve.
J’ai clairement senti comme en rêve la présence de la mort dans mon être, la part morte et mortante dedans ma vie… une nécrosion d’une force évidemment invincible.
Perte de la mère, perte de l’ami. Altérité interne et écriture
32À travers l’étrange histoire racontée par la mère, l’achat autrefois d’un vieux sommier à un autre réfugié allemand, un certain Monsieur Benjamin, l’écriture va trouver une autre altérité, un autre corps, un autre rebut qui sera transmis de la mère à la fille, et se transformer en un nouveau legs : l’héritage de W. Benjamin, réfugié en France, et dont l’auteure se fera le dépositaire par sa mère. Avec le legs du sommier, c’était W. Benjamin, le Nom pour la pensée, que la mère transmettrait à sa fille, comme l’accès ouvert au droit à l’écriture, ce qu’Hélène Cixous retrouvera par elle-même dans l’amitié de J. Derrida.
33Ainsi de la mère à la fille circulent rebuts, restes, carcasses, fragments de corps au bord de la putréfaction, morceaux de vie et de mémoires guettés par la mort. Mais il y a aussi passage du plus précieux, du plus vif, le plus subtil de l’œuvre et du Nom.
34Avec le récit du sommier de W. Benjamin, l’ami J.D. n’est pas vraiment mort puisqu’il retrouve sa présence auprès de l’auteure, grâce à la parole de la mère quand celle-ci désigne à sa fille le legs de pensée. Le sommier est resté dans la maison familiale et c’est le récit, celui de l’histoire d’un Nom, fait par une mère retrouvant la mémoire, qui va donner sens, pour la fille, au mystère du lien qui la noue à l’écriture, à la pensée, c’est-à-dire à ce qu’il y a de plus vivant.
J’ai maintenant dans la maison où j’écris sans me douter de rien depuis plus de quarante ans, le Sommier de Benjamin… Être la descendante indirecte par sommier de Benjamin c’est quand même pour quelqu’un comme moi une chance extraordinaire.
36La présence résiduelle de l’objet dans son inactualité, son dérisoire, sa trivialité, renvoie à la douleur de la perte, à l’irremplaçable perte que la présence dérisoire du reste souligne paradoxalement. La perte irrémédiable de l’ami et l’effondrement intérieur qui pour l’auteure en a été la suite ont dévoilé non pas une Absence totale et terminale, mais ont découvert le sens du temps à venir, fait de la procession de pertes infinies, innombrables, et de la morsure interminable de ces pertes.
On perd seulement l’irremplaçable, me dis-je. Une fois l’irremplaçable perdu, on n’arrête pas de reperdre l’irremplaçable. La perte de l’irremplaçable est survie d’une perdition massive…
38L’altérité interne qui pousse à écrire résiderait dans « ce besoin de sentir ce qu’on a perdu », d’être toujours en contact avec « ce sentir qu’on perd encore l’irremplaçable ». Tout est perdu en quelque sorte si ce sentir-là a disparu. Autrement dit, rester vivant ce serait bien poursuivre en soi ce ressenti de la perte.
39Être au chevet du corps maternel ou au chevet des textes de l’ami J.D. fait en quelque sorte la trame de ce livre étrange qu’est Hyperrêve, avec en arrière-plan l’écriture comme ce qui ouvre à une temporalité nouvelle. Il ne s’agit pas d’un temps linéaire fixé nostalgiquement sur un retour indéfini au passé, temps mélancolique qui n’en démordrait pas de se nourrir de cette même nostalgie, mais de faire opérer à ce temps du passé un retournement qui le place en avant, dans l’a-venir. Antéro-rétrospection du temps que cette écriture autobiographique convoquée ici comme condition pour « guérir du passé ».
40C’est ainsi que j’ai entendu ce dispositif de retournement par lequel la fille se retrouve sur le dos de sa mère, celle-ci placée en avant, devant, à la fois corps-enfant dont la fille s’occupe avec des gestes maternels, mais aussi corps du livre à venir destiné à recueillir les morceaux du passé d’une histoire entremêlée de mère et de fille. Le livre ne se présente-t-il pas pour Hélène Cixous comme un masque, « comme le masque du mongolien » (« L’amour du loup ») ?
41« Se regarder de dos » pourrait, dans son paradoxe même, venir métaphoriser un tel retournement qui déplace en avant, devant, le temps de l’arrière, le temps qui nous vient de l’arrière, du dos. Placer le dos en avant serait précisément faire de l’écriture une antéro-rétrovision du temps, et du projet d’Hyperrêve celui de guérir (de) la mère. « Aujourd’hui je fais le dos de la créature humaine. Soumission aux lois inconnues de la vie. »
42On pourrait dire aussi : soumission aux lois inconnues du réel, dans l’épaisseur résistante de sa présence, excessive, absurde, imposante. Pour dire le réel en excès qui résiste à se laisser rêver, à se laisser transformer en nostalgie rétrospective, écrire le corps de la mère en passe aussi par une sorte de manducation de la langue, par un travail de bouche qui mastique et mâche chaque mot avant de le cracher sur la feuille, de le jeter sur le papier, de l’y fixer, dans un mouvement qui cherche en même temps à expulser un maternel en décomposition et à l’y déposer pour le conserver à jamais.
43Le temps, d’ailleurs, n’est-il pas le vrai sujet d’Hyperrêve, une présence qui guette, monstrueuse, s’ouvrant en abîme et susceptible de tout avaler indistinctement ? Autrement dit, aller à la rencontre de l’autre en soi reviendrait à en finir avec l’obsession des fins imaginaires indéfiniment reconduites, de ces mises en scène indéfiniment répétées de l’acte ultime, aux fins d’en exorciser le surgissement impromptu. « Nous n’arrêtons pas de nous tuer », écrit Hélène Cixous.
44Avec le commencement des derniers temps, il s’agit précisément d’en finir avec ces feintes, ces exorcismes, ces manœuvres, ces évitements.
45Rencontrer l’altérité interne à l’œuvre de la mort annoncée serait en finir une fois pour toutes, une fois mortelle pour toutes les fois feintes. En d’autres termes, une perte renvoie toujours à une autre, indéfiniment. Une perte à venir renvoie à une perte passée, en une circularité des pertes dont nulle écriture ne peut venir guérir.
« Rien n’est interrompu »
46Et puis il y a une permission. Au moment où tout est fichu, à ce moment précisément où plus rien n’est attendu sinon l’inexorable, une permission est possible. L’événement même de l’impossible surgit dans la vie de l’auteure, une permission inimaginable donnée par l’au-delà même, une permission accordée aux morts de revenir aux vivants, de guérir de leur mort, l’espace d’un instant, une permission aux vivants de retrouver, l’espace d’un rêve, le chemin de leurs morts.
47L’espace d’un rêve fait par l’auteure, par lequel une permission exceptionnelle a été donnée à l’ami J.D. de revenir, guéri de la mort. L’écriture se fait récit de l’événement fabuleux, entre rêve et hyperrêve. Un coup de téléphone. L’ami est cette voix qui, de l’au-delà, appelle la rêveuse, lui annonçant la permission extraordinaire. Mais la guérison, le temps d’une permission, n’est pas effacement de la perte. L’objet perdu n’est pas retrouvé tel qu’il était avant la perte. C’est l’objet perdu qui se présente de nouveau en tant que perdu, dans l’actuel même du rêve, la rencontre ou l’événement de l’altérité comme extériorité.
48Hyperrêve se poursuit ainsi dans le rêve qui affranchit de l’ordre de la mort en autorisant la permission de cette guérison exceptionnelle et éphémère. Il signe « l’auteurisation » du rêveur, de rêver son réveil dans son rêve, en l’occurrence ici la rêveuse qui dans son sommeil se réveille pour répondre au téléphone à l’appel de l’au-delà.
49Le rêve de la permission nous guérit désormais de l’inexorable. Non pas au sens où il n’y aurait plus de mort, mais au contraire. Plutôt que de fuir la douleur en nous, plutôt que de nous cacher la mort à venir, nous détourner sans cesse de l’irréversible, il s’agirait, puisque la permission est désormais possible, d’accueillir ces « bienveillantes » gardiennes du domaine des morts.
50« Rien n’est interrompu », telle serait l’annonce fabuleuse qu’apporte l’auteure « puisqu’on ne peut pas s’empêcher de mourir, mais qu’ensuite il n’y a plus rien qui empêche un revenir ». Rien n’empêche l’inexorable, la maladie de la mort à venir, mais avec les permissions exceptionnelles qu’autorise l’espace du rêve, rien n’empêche plus la guérison de la mort, même si celle-ci est aussi exceptionnelle et éphémère.
51Néanmoins le rêve aussi s’oublie. Il ne suffit pas de chercher à le fixer dans l’écriture. L’écriture également se perd. Elle même est travaillée par sa propre altérité. Et si le rêve de la permission peut s’oublier, se perdre malgré les notes prises à la hâte, au réveil, c’est la permission elle-même qui tombe, retombe sous l’ordre de la perte, c’est-à-dire sous celui de la mort. Retournement d’Orphée qui perd pour la seconde fois l’objet perdu.
52On ne guérit pas de la maladie de la mort. Toujours dans l’attente d’un autre rêve de permission, d’un nouveau retour, d’une nouvelle perte, d’un nouvel oubli. Même l’écriture ne garde rien. C’est là le constat d’Hyperrêve.
53Comme l’amour, l’écriture ne guérit pas de l’absence de l’autre. Elle ne fait précisément qu’en souligner la présence comme autre.
Bibliographie
Bibliographie
- Cixous, H. 2006. Hyperrêve, Paris, Galilée.
Mots-clés éditeurs : ultime, rêve, peau, réel, mère morte, corps maternel
Date de mise en ligne : 10/04/2008.
https://doi.org/10.3917/cohe.192.0081