Couverture de COHE_183

Article de revue

L'argent comme préconscient culturel

L'économie psychique selon Avenarius, Simmel et Freud

Pages 59 à 74

Notes

  • [*]
    Docteur en philosophie de l’Université de Paris VIII et du Centre Marc Bloch de Berlin. Il a proposé dans sa thèse soutenue en 2004 une redéfinition de l’économie à partir des essais de Georg Simmel sur la « philosophie de l’argent », eu égard aux différentes dimensions de l’économie, nommément conceptuelle, esthétique et psychique, que les sciences économiques ne prennent pas en compte.
  • [1]
    Philosophie als Denken der Welt gemäß dem Prinzip des kleinsten Kraftmaßes, Prolegomena zu einer Kritik der reinen Erfahrung, publié d’abord à Leipzig en 1876. Nous nous référerons à l’édition berlinoise de 1903 de la Verlagsbuchhandlung J. Guttentag, ainsi que Der menschliche Begriff, Leipzig, 1891 ; nous nous référons à la réédition de O.R. Reisland, Leipzig, 1912.
  • [2]
    Philosophie als Denken der Welt gemäß dem Prinzip des kleinsten Kraftmaßes, op. cit., §§ 7 à 10.
  • [3]
    Dans Quelques remarques sur le concept d’inconscient en psychanalyse.
  • [4]
    L’Interprétation des rêves, trad. de I. Meyerson, Paris, puf, 1973, p. 477, Freud souligne ; Die Traumdeutung, Studienausgabe, Band II, op. cit., p. 534.
  • [5]
    Nous citerions volontiers ici le riche paragraphe d’introduction de Pulsions et destins des pulsions, traduction de Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis, dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 11 et 12.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    On sait qu’en allemand, Besetzung signifie investir selon l’acception militaire d’une occupation. Dans leur Vocabulaire de psychanalyse, Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis observent que « les termes allemands et français ne se recouvrent donc pas exactement et le terme français paraît plus poussé spontanément à comparer “l’économie” envisagée par Freud à celle dont traite la science économique ». Jean Laplanche, en compagnie cette fois de Denise Berger, justifiera plus tard dans un contexte similaire le maintien d’« investissement » pour Besetzung, car « le texte incite, en divers passages, à poursuivre la métaphore économique » (« Pour introduire le narcissisme », dans La Vie sexuelle, Freud, Presses universitaires de France, 1972, p. 83.). Mais les auteurs n’avaient pas à témoigner d’autant de scrupule puisque de tout temps les guerres ont eu un lien direct avec des intérêts économiques (Yvon Garlan, Guerre et économie en Grèce ancienne, Paris, La Découverte, 1999).
  • [8]
    La Dynamique quantitative en psychanalyse, de la mathématicienne Michèle Porte, étaie cette thèse à partir de la théorie des catastrophes de René Thom, dans Michèle Porte, La Dynamique quantitative en psychanalyse, Paris, puf, 1994.
  • [9]
    Le Refoulement, dans Métapsychologie, op. cit., p. 50 ; Die Verdrängung, dans Studienausgabe, tome III, op. cit., p. 110.
  • [10]
    Op. cit., p. 51 ; dans le texte, op. cit., p. 111.
  • [11]
    Op. cit., p. 62 ; dans le texte, op. cit., p. 117.
  • [12]
    Le refoulement, op. cit., p. 54 ; Die Verdrängung, op. cit., p. 112.
  • [13]
    Le Refoulement, op. cit., p. 52 et 53 ; Die Verdrängung, op. cit., p. 112.
  • [14]
    Op. cit., p. 53 ; dans le texte, op. cit., p. 112.
  • [15]
    Op. cit. p. 225, Freud souligne ; dans le texte, op. cit., p. 112 : « Wir nehmen dann die Spekulation nicht zu sehr dans Anspruch, wenn wir behaupten, daß zur Herstellung wie zur Erhaltung einer psychischen Hemmung ein “psychischer Aufwand” erfordert wird. Ergibt sich nun, daß dans beiden Fällen der Verwendung des tendenziösen Witzes Lust erzielt wird, so liegt es nahe anzunehmen, daß solcher Lustgewinn dem ersparten psychischen Aufwand entspreche. »
  • [16]
    On regrettera que Michèle Porte, dans La Dynamique qualitative en psychanalyse (op. cit.), n’ait pas du tout considéré le rôle économique du préconscient dans son modèle économique. Cela aurait permis d’apporter une dimension historique au modèle de la théorie des catastrophes.
  • [17]
    Op. cit., p. 79 ; dans le texte, op. cit., p. 133.
  • [18]
    L’inconscient, op. cit., p. 69 ; Das Unbewußte, op. cit., p. 127.
  • [19]
    Op. cit., p. 83 ; dans le texte, op. cit., p. 136.
  • [20]
    Op. cit., p. 87 ; dans le texte, op. cit., p. 138.
  • [21]
    Au-delà du principe de plaisir, éditions françaises multiples, cf. fin du deuxième chapitre ; Jenseits des Lustprinzips, Studienausgabe, tome III, op. cit., p. 227.
  • [22]
    L’Inconscient, p. 99 ; dans le texte, Das Unbewußte, p. 147.
  • [23]
    Op. cit., p. 100 ; dans le texte, op. cit., p. 149.
  • [24]
    Op. cit., p. 101 ; dans le texte, op. cit., p. 149.
  • [25]
    Op. cit., p. 101 ; dans le texte, op. cit., p. 149.
  • [26]
    Op. cit., p. 102 ; dans le texte, op. cit., p. 150.
  • [27]
    Op. cit., p. 103 ; dans le texte, op. cit., p. 151.
  • [28]
    Op. cit., p. 103 ; dans le texte, op. cit., p. 150.
  • [29]
    Op. cit., p. 85 ; dans le texte, op. cit., p. 138.
  • [30]
    Op. cit., p. 104 ; dans le texte, op. cit., p. 151.
  • [31]
    Op. cit., p. 102 et 103 (traduction modifiée par nous) ; dans le texte, op. cit., p. 150.
  • [32]
    Op. cit., p. 111.
  • [33]
    Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, trad. de Denis Messier, Paris, Gallimard, 1988 ; Der Witz und seine Beziehung zum Unbewußten, Studienausgabe, tome iv, op. cit., p. 20.
  • [34]
    Dans le texte, op. cit., p. 34 et 35 ; nous citons l’adaptation réussie de ce mot d’esprit intraduisible, proposée par Denis Messier : « Le couple X vit sur un assez grand pied. Aux dires des uns, le mari, ayant gagné pas mal d’argent, disposerait maintenant d’un joli petit matelas ; selon d’autres, la femme, ayant disposé d’un joli petit matelas, aurait gagné pas mal d’argent », op. cit., p. 84.
  • [35]
    Le Mot d’esprit…, op. cit., p. 84 ; Der Witz…, op. cit., p. 35.
  • [36]
    Op. cit., p. 100 et 102 ; dans le texte, op. cit., p. 43 et 44.
  • [37]
    L’Avenir d’une illusion, Paris, Presses universitaires de France, 1971, p. 10 ; dans le texte, Studienausgabe, op. cit., tome 9, p. 141.
  • [38]
    Op. cit., p. 15 ; dans le texte, op. cit., p. 144.
  • [39]
    « Diferenzierung und Kraftersparnis », dans Über sociale Differenzierung, Suhrkamp, 1989.
  • [40]
    Philosophie de l’argent, op. cit., p. 651 ; Philosophie des Geldes, Suhrhamp, 1989, p. 704.
  • [41]
    Op. cit., p. 653 et 654 ; dans le texte, op. cit., p. 707.
  • [42]
    Op. cit., p. 654 ; dans le texte, op. cit., p. 707.
  • [43]
    Op. cit., p. 657 ; dans le texte, op. cit., p. 710.
  • [44]
    Op. cit., p. 657 ; dans le texte, op. cit., p. 710.
  • [45]
    Op. cit., p. 424 ; dans le texte, op. cit., p. 460.
  • [46]
    L’Interprétation des rêves, op. cit., p. 264.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    Op. cit., p. 266 (nous retouchons la traduction) ; dans le texte, op. cit., p. 307.
  • [49]
    L’économiste Alfred Marshall a forgé ce concept pour désigner les conséquences imprévues de transactions économiques dans le cours de l’histoire.
  • [50]
    Georg Simmel, « Das Geld dans der modernen Cultur », dans Aufsätze und Abhandlungen 1894-1900, Suhrkamp, 1992.

1 Dès le xix e siècle, la notion d’économie apparaît dans les études bio-psychiques en termes d’épargne de l’énergie psychique.

2 Il était courant que différentes disciplines élaborent leur « économie ». Ökonomie était par exemple un maître mot du philosophe de la biologie Richard Avenarius [1]. Chez lui, biologie, physiologie et économie se correspondent. On y apprécie tout le lexique d’une époque où Sigmund Freud et Georg Simmel auront aussi puisé.

3 Avenarius a identifié des procédés tantôt psychiques et tantôt culturels pour répondre du principe proprement économique de stabilisation de l’organisme vivant. Freud aura davantage développé le premier aspect par la suite, Simmel le second. C’est donc à les lire ensemble qu’on peut reconduire la question économique qu’Avenarius posait globalement.

4 Il en ressortira cette idée que ce qu’on appelle « économie » dans la psychologie comme dans la finance relève des mêmes ressorts.

5 L’œuvre de pensée comme telle est au foyer des préoccupations économiques d’Avenarius. Comme en termes de forces il en coûte de penser, la pensée s’emploie à couper court aux ratiocinations, redondances et méprises, et ménage donc ses efforts. C’est par la voie psychologique du plaisir ou du déplaisir que les opérations de pensée se signalent inopportunes à la conscience [2]. Pour économiser les moyens limités consacrés à la pensée, il convient donc d’investir au mieux ce quantum d’énergie dans des opérations systématiques qui reviendront plusieurs fois, plutôt que de recourir à ce fonds pour de multiples opérations ad hoc. Une opération vaut donc (gilt) du moment qu’elle reste sensée dans la réitération. La psyché lutte en vue de cette économie d’énergie (streben nach Kraftersparnis). La pensée investit alors dans ce qu’Avenarius nomme les « affirmations » (Aussagen). Elles ont pour fonction de neutraliser le sens purement singulier d’événements particuliers ou les permanentes mutations de processus erratiques, au profit de représentations conscientes stables.

6 Cela ne nous éloigne pas des vertus culturelles et psychiques de l’artefact argent, bien au contraire. Est économique la prothèse psychique et conceptuelle qui permet, au moindre effort, l’adaptation aux changements.

7 Les démonstrations d’Avenarius, autour d’un système « c » tout en codes, esquissent l’algèbre d’une dynamique pensante de la psyché ; elles annoncent le modèle métapsychologique de Freud dénoté par le ics, le pcs et le cs (inconscient, préconscient et conscient).

8 Le principe économique du moindre effort est d’autant plus important qu’il subordonne les concepts aux exigences des dispositions psychiques. Les principes économiques d’Avenarius supposent autant des formes d’aménagement de réalités extérieures que des facultés psychiques d’adaptation aux différences.

9 Ce sont ces voies respectives qu’ont privilégiées Simmel et Freud, le premier voyant en le concept de Geld (argent) l’opération culturelle qui assiste les processus psychiques en vue de synthèses d’appréciation, tandis que Freud a approfondit la connaissance des modalités psychiques. Considérer Freud et Simmel à la fois, c’est poser le problème de l’économie psychique dans sa globalité, c’est-à-dire faire se correspondre les questions régionales du domaine clinique et les enjeux de l’économie politique.

10 L’année 1900 voit paraître L’Interprétation des rêves de Freud, qui comporte déjà un important chapitre vii sur les enjeux métapsychologiques, et Philosophie de l’argent, qui voit en les modalités d’évaluation des faits différentiels de valeur une prothèse vouée à assister le travail psychique des sujets.

Économie, argent et préconscient

11 La pensée travaille à économiser l’énergie organique dont elle dispose en quantité limitée, en se forgeant des représentations culturelles réitérables. Avenarius identifie le foyer central médiatisant les champs psychique et culturel au point où Simmel situe en l’argent le siège de tous les fantasmes de comptabilité, comparabilité et compatibilité de toutes choses entre elles, et où Freud identifie le point de passage du système dit pcs (préconscient). Argent et préconscient agissent comme les deux constituantes d’un rapport interfacial entre l’économie pulsionnelle et l’économie conceptuelle, entre les motions de l’âme et les formes à même lesquelles elles se signalent.

12 C’est ce que nous cherchons ici à démontrer.

13 Freud affine considérablement le principe d’économie d’énergie. Les trois topiques freudiennes étudient diversement la vocation de l’appareil psychique à maintenir au plus bas son taux d’excitation. Pour Freud, les sensations désagréables ne sont pas seulement des signaux qui parviennent à la conscience pour l’amener à effectuer des opérations mentales fécondes, mais elles deviennent précisément ce que la conscience veut s’épargner. Il en coûte à la conscience de se faire rappeler les principes économiques par la voie de tels désagréments. Freud le rappelle par le détour d’analogies économiques évidentes.

14 La fatigue psychique naît d’une confrontation interminable entre des principes de plaisir et de réalité qui, sans s’opposer de front, ne se recoupent pas. Le principe de réalité est au service du principe de plaisir ; il ne censure pas le plaisir mais contribue à identifier les contextes dans lesquels risquent d’être contrariées les motions désirantes. Comme éclaireur du principe de plaisir, le principe de réalité représente le versant culturel de l’activité psychique. Il participe de ce que Freud appelle, en 1912, la « devise névrotique » (die neurotische Währung)[3]. Cette monnaie sociale est synonyme des formes récurrentes de dépenses psychiques qu’est prête à admettre une civilisation. Comme chez Avenarius, la devise névrotique consiste à maintenir au plus bas le degré d’excitation interne de l’appareil psychique en lui prescrivant un cadre de légitimité. Par exemple, une monnaie névrotique du deuil s’impose culturellement à ceux qui cultivent néanmoins en leur for quelques secrètes satisfactions après la disparition de l’autre. Les dépenses psychiques libellées dans cette devise névrotique assurent aux sujets des satisfactions sans conséquences fâcheuses, mais partielles toutefois. Cette monnaie du sens se traduit donc quant à la part insatisfaite symboliquement comme un salaire ; Freud parle d’une Belohnung . On est le plus souvent payé d’une promesse différée de satisfaction pour s’être plié aux modalités névrotiques de dépenses pulsionnelles, comme cette promesse religieuse d’un paradis après la mort.

15 Si, comme Freud l’a avancé dans L’Interprétation des rêves, la pensée diurne est le fait d’un entrepreneur pour qui l’inconscient joue le rôle de capital, il importe que ce capital soit placé dans les bonnes formes sociales pour fructifier et assainir l’appareil économique [4].

16 Ces métaphores sont-elles grossières ? Dans son exposé méthodologique de 1915 où l’« économie » devenue concept apparaît formellement, Freud souligne que la jeune psychanalyse peut emprunter des concepts aux autres champs scientifiques de la tradition – ce sera nommément le cas pour la biologie, la physique puis l’économie – dans cette mesure où le concept emprunté comporte déjà en lui le germe de ce que la psychanalyse tentera d’en tirer. L’économie passant de la politique pour devenir un concept de la psychanalyse acquiert un sens nouveau qui n’est pas pour autant étranger à son champ d’origine. Il s’agit de lui ajouter une acception plutôt que d’en faire un strict homonyme [5]. Pour que le passage puisse avoir lieu, il doit y avoir quelque chose de psychanalytique à l’œuvre déjà en économie pour que la psychanalyse puisse se l’approprier et le développer. Ces notions ne sont « pas choisies arbitrairement mais déterminées par leurs importantes relations au matériel empirique ; ces relations, on croit les avoir devinées avant même de pouvoir en avoir la connaissance et en fournir la preuve [6] ».

17 L’économie est en 1915 un concept d’emprunt de la psychanalyse des plus appropriés puisque, dans son exposé méthodologique, Freud la présente comme apte à suppléer aux insuffisances de la biologie et de la physique.

18 Le « capital » inconscient anime les dépôts formels du jour dans le processus onirique, une « devise » contraint la psyché à une certaine tenue, en passant par le « salaire » qui se veut une forme apaisante de promesse psychique : l’argent circule dans toutes les aires de la psyché au point qu’il semble apte à en traduire le fonctionnement.

19 On comprend en 1915 qu’il ne s’agit pas là de simples métaphores, mais que l’argent constitue la traduction culturelle du préconscient que l’on étudie en psychanalyse.

20 Sans considérer le lexique économique, il n’y aurait plus lieu, en 1915, d’apprécier le fonctionnement de l’appareil psychique. Des questions quantitatives difficilement évaluables entrent en ligne de compte. Freud fait alors état de « montants » (Betrag) caractérisant les charges pulsionnelles et déterminant leur destin dans les contextes de négociation : plus une pulsion est chargée d’un grand montant d’affect, plus il en coûtera de la refouler.

21 Ces montants pulsionnels excitent l’appareil psychique. La visée économique de ce dernier consiste à réduire ce taux d’excitation. Ce qu’on appelle la dépense consiste en des actes de satisfactions qui passent par des actions ou des affirmations symboliques dans le champ de la culture.

22 Intervient alors la question de l’investissement. Afin de se dépenser, une charge pulsionnelle élevée investit des formes et des représentations mentales, le corps de l’intéressé et des objets extérieurs qu’il s’agit de s’approprier. Investir implique un certain fait de violence, et sa dimension militaire n’en fait pas moins un concept économique [7].

Les trois qualités économiques

23 Les pulsions ont trois caractéristiques économiques. Elles portent un quantum d’affect, elles agissent en continu sur la conscience, elles se présentent à elle sous la forme de représentation.

24 Les pulsions sourdent d’une source (Quelle des Triebes) depuis laquelle elles font pression en continu. Celle-ci provient d’un « refoulement originaire » (Urverdrängung). Il s’agit d’un fonds. L’investissement des formes se fait sans relâche et, comme aucune dépense ne peut être effectuée sans quelque résistance aucune dans la culture, il s’ensuit que le travail de refoulement qui s’y oppose est lui aussi sans repos. Le refoulement ne consiste donc pas en une mise à l’écart unilatérale et définitive d’assauts pulsionnels ne pouvant trouver de satisfaction entière, mais en un pôle permanent de résistance, de contre-investissements et de réinvestissements. Il faut du coup trouver à financer ce travail de résistance.

25 Les pulsions s’imposent comme « représentations ». Elles ne sont pas données en elles-mêmes, mais elles saillissent via une « (Vorstellungs-)Repräsentanz », une députation (Repräsentanz) survenant sous la forme d’une représentation. Une telle représentation est porteuse d’une charge d’affect, elle est investie. Investir une représentation, c’est, à des fins de dépenses pulsionnelles, miser sur elle pour qu’elle conduise au mieux à cette dépense. Les charges pulsionnelles investiront des représentations qui permettront une réduction relative du taux d’excitation de l’appareil psychique. Conscientes, elles relèveront d’un processus secondaire d’élaboration qui leur donne leur durée et consistance ; inconscientes, elles relèveront d’un processus primaire radicalement affirmatif où toutes les mutations sont permises.

26 Donc, la pulsion dotée d’un quantum de puissance se signale de façon formelle et agit en continu.

27 Une aire de négociation avec la conscience s’ouvre en fonction d’un rapport de force entre les charges pulsionnelles et la force de résistance du système conscient.

28 L’enjeu économique consiste bien sûr à maintenir bas le taux d’excitation psychique, sans céder aux pulsions qui pourraient générer des désagréments ultérieurs.

29 Subissant la pression du refoulement, pression qui veille à ce que les députations inavouables n’effleurent pas la conscience, les pulsions interdites d’accès ne restent pas pour autant inertes ou statiques, mais elles évoluent, changent, prolifèrent et se déguisent comme des comédiens en coulisses. Pour revenir à la charge en espérant déjouer la vigilance de la conscience. L’activité psychique a cours en continu dans ce climat de négociation.

30 L’activité du champ pulsionnel est à penser selon des critères non pas morphologiques mais dynamiques, en ce sens qu’aucune forme ni topique psychiques ne sont à concevoir en soi, indépendamment de ces mouvements qui les constituent en instaurant des rapports [8]. La nature dynamique de l’activité psychique entame deux aspects clés de la présentation freudienne, soit, d’une part, les topiques que Freud donne à l’ensemble de l’appareil ainsi que l’indépendance qu’il prête aux instances qui y dominent (inconscient, conscient et préconscient), et, d’autre part, le caractère arrêté des représentations qui font pourtant l’objet d’une incessante négociation.

Vor- et Entstellungen économiques

31 Puisque la représentation pulsionnelle a pour vocation de circuler dans l’appareil psychique et de se perdre en dépenses de tout genre, il devient difficile d’en arrêter le statut. L’idée même de « représentation » en ressort abusive. En admettre la portée strictement dynamique force la remise en cause d’un certain schème arrêté de la théorie. La représentation n’en est jamais une même chez Freud. Certes, Freud la désigne un temps ainsi, par convenance. Mais, précisément, elle n’est jamais aussi figée sur le devant de la scène psychique. La « représentation » se meut sans arrêt au point de changer de nom. Sans cesse en formation, c’est par ruse que les « représentations » chargées d’affect font pression sur la conscience. Refoulées, elles reviennent déguisées ou suppléées. Elles se travestissent ou forment des alliances avec d’autres représentations qui ont, elles, leurs entrées. « Quand ces rejetons se sont suffisamment éloignés du représentant refoulé, soit parce qu’ils se sont laissés déformer (Annahme von Entstellungen), soit parce que se sont intercalés plusieurs intermédiaires (die Anzahl der eingeschobenen Mittelglieder), alors, sans plus d’obstacles, ils peuvent librement accéder au conscient [9]. »

32 Lorsqu’elle fait l’objet d’une théorie topique, la représentation (Vorstellung) subit un arrêt sur image. Mais les pulsions n’existent pas comme telles. Elles sont l’effet de permanentes « défigurations » (Entstellungen). La représentation d’une députation pulsionnelle reflète des formes en fait emportées dans une dynamique de transformation.

33 Par ces recours aux « défigurations », la psyché prévient toute dépense culturellement trop franche, trop peu altérée. Tout est question de détails. « Un peu plus ou un peu moins de déformation et le résultat change du tout au tout [10]. » Ces altérations sont au centre de la négociation qui se perpétue au sein de l’appareil psychique. Elles s’opèrent à travers d’imperceptibles modifications (durch Verschiebung auf Kleinstes, Indifferentes). « On ne saurait méconnaître, la plupart du temps, qu’il existe une tendance à rétablir intacte la représentation refoulée [11]. »

Le préconscient

34 Pour résister à l’insistance pulsionnelle, la conscience se pourvoit d’une contre-instance qui détourne d’elle les investissements pulsionnels inadmissibles. Il lui incombe de contre-investir (Gegenübersetzung) ces représentations.

35 « Le facteur quantitatif se montre décisif pour le conflit [12]. » Une pulsion fortement investie ne force pas directement l’accès à la conscience et au monde extérieur, mais négocie un contrat (Abschluß). Le travail préconscient consiste à les convertir dans la devise névrotique. Des pulsions qui échapperaient à la chaîne de ces transformations mentales menaceraient de faire, non liées, une irruption pathogène.

36 Le rapport entre investissement et contre-investissement implique deux ordres opposés de dépense (Aufwand). C’est en fonction de ce rapport qu’il y a lieu de parler de dépense de manière sensée. On verra que la dépense pulsionnelle n’est pas du tout étrangère à la dépense aux fins de refoulement, même si l’une s’oppose à l’autre.

37 Tout l’enjeu économique se résume à la façon dont l’appareil psychique trouvera les forces pour contre-investir les assauts pulsionnels. « Le refoulement exige une dépense persistante de force [13]. » Il en coûte quelque chose de refouler en permanence. Et c’est à l’aune du coût psychique du refoulement que sera jaugée la valeur d’une dépense pulsionnelle. La valeur est modulée en permanence selon le coût d’investissement de la part du préconscient.

38 C’est là que nous voulions en arriver : « Le refoulement suppose donc une dépense constante de force ; le supprimer, cela signifie, du point de vue économique, une épargne (ihre Aufhebung bedeutet ökonomisch eine Ersparung)[14]. »

39 La « dépense » sera satisfaisante lorsqu’elle fera baisser le taux d’excitation de l’organisme tout en permettant la levée du travail de vigile de l’instance de surveillance. On pourrait même conjecturer une relation partielle de cause à effet ; la dépense est satisfaisante parce qu’elle permet à la psyché de céder sur le désir et de relâcher son dispositif. Ce que Freud écrivait déjà en 1905 dans Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient : « Dans ces conditions, ce n’est pas se livrer trop à la spéculation que d’affirmer que la production tout autant que le maintien d’une inhibition psychique exigent une “dépense psychique” (ein psychischer Aufwand). Si maintenant il s’avère que dans les deux cas d’utilisation du mot d’esprit tendancieux on obtient du plaisir, on sera alors tout près d’admettre qu’un tel gain de plaisir correspond à l’économie réalisée sur la dépense psychique [15]. »

40 Cette instance appelée à jouer les médiateurs entre les systèmes cs et ics est appelée système préconscient (pcs).

41 Elle permet de comprendre la valeur en jeu dans les faits de dépense. Elle permet aussi de repenser les rapports économiques des instances psychiques en fonction de leur nature dynamique.

Le financement du préconscient

42 Donc, ce qu’on appelle « dépense » pulsionnelle tient en fait du contraire d’une dépense. Elle dénote l’économie d’une dépense. La « dépense » pulsionnelle semble satisfaisante de s’ensuivre d’une réduction d’effort au fin de sa censure. Il en « coûte » en permanence à cet appareil de censure de contenir les assauts pulsionnels. Ses ressources sont limitées. Il doit les économiser (ersparen). C’est à ne devoir pas contenir la pulsion que le taux d’excitation de l’organisme diminue. On parlera de « dépense » pulsionnelle par métonymie : la possibilité d’investissement des pulsions se fait rare, elle se bute aux barrages, c’est pour elle une chance de s’élancer dans le monde. C’est l’énergie qui aurait été requise pour la refouler qui se trouve en réalité dépensée. Ici, dépenser signifie se dispenser de toute forme de réserve quant aux penchants pulsionnels qui nous animent. La pulsion est émise précisément parce que l’appareil de censure, lui, ne dépense plus, ne contre-investit plus [16].

43 C’est par la distinction des topiques que Freud en vient à réfléchir les rapports d’instances. Chaque système, ics, pcs et cs, aurait son domaine d’opération. L’approche dynamique infirme cette présentation. Le préconscient s’y présente telle une douane entre le cs et l’ics. Tout se présente comme si les cs et pcs travaillaient à tenir tête, de pair, aux assauts pulsionnels. Comme son nom le laisse entendre, le préconscient est dans ce travail, à la frontière de la conscience. Il se pose comme le seuil à partir duquel se voient triées les pensées (Gedanken) qui passeront et celles qui seront recalées (versagt).

44 Or le troisième essai métapsychologique de 1915 marque un retournement. Freud établit soudainement une suture privilégiée entre les systèmes cs et ics. L’approche strictement topique de l’appareil psychique en sort éprouvée. Cette localisation est virtuelle, elle ne correspond à rien de psychique ni de physique. « Pour le moment, notre topique psychique n’a rien à voir avec l’anatomie ; elle se réfère à des régions de l’appareil psychique, où qu’elles se situent dans le corps, et non à des localités anatomiques [17]. » « Aucune représentation physiologique, aucun processus chimique ne peut nous fournir une idée de leur nature [18]. » La définition du processus de refoulement repose sur des considérations économiques. Cela suppose une tout autre définition des rapports.

45 L’élément un temps refoulé, qui parvient à se glisser dans le champ de la conscience, se sera moins déplacé que transformé. Le passage de l’ics au cs ne suppose plus un déplacement mais un rapport qualitatif d’investissement psychique. Refouler une représentation ne consiste pas en le déplacement de quoi que ce soit, mais en un retrait d’investissement. Il s’ensuit donc une conception double de l’investissement, l’investissement inconscient qui mise sur un objet, une forme, un mot, une image, un enchaînement de pensée, un agencement symbolique donné, pour dépenser sans contrecoup préjudiciable ses charges d’excitation, et l’investissement conscient qui consiste en des puissances d’élaboration desdites formes culturelles jusqu’à ce que l’une d’entre elles acquière des dehors moralement acceptables, de façon à rendre la dépense possible.

46 Nous avons vu qu’il en coûte à l’appareil psychique d’endiguer ces courants. La tendance à l’investissement des poussées inconscientes est aveugle et, à terme, risquée pour la survie même de l’organisme. Endiguer ces propensions à l’investissement appelle donc une ruse économique de l’appareil psychique : le préconscient use précisément des forces d’investissement inconscientes pour arriver aux fins du refoulement ! Les formes de dépense pulsionnelles qu’il négocie contribueront précisément à refouler une part des assauts pulsionnels qui paraissent inadmissibles. C’est l’enjeu économique : disposer les pulsions inconscientes au service du préconscient. Métisser le conscient et l’inconscient.

47 C’est ainsi que l’économie consiste à différer l’attente d’une satisfaction pure. Elle rend satisfaisants à ce prix des accomplissements partiels. « Nous savons aussi que la répression du développement de l’affect est le but spécifique du refoulement [19]. » La valeur (Wert) du refoulement se mesure par sa capacité à traduire au moindre coût les poussées d’excitation psychique dans des formes entendues qui contribuent ensuite elles-mêmes à ce travail précis d’altération, d’inflexion et de traduction. Un individu normal sera apte à négocier la transformation en ersatz (Ersatzsvorstellungen ou Entstellungen), apte elle-même à refouler ensuite une part des forces psychiques brutes qui l’animent [20].

48 Le principe de normalité repose donc entièrement sur la fonction préconsciente.

49 Cette double collaboration du préconscient – d’abord sous la forme pcs-cs par laquelle il s’agit pour la conscience de tenir tête aux assauts pulsionnels inadmissibles, puis sous la forme pc-ics qui lui permet de mobiliser les ressources nécessaires à son travail de censure – rend intenable l’idée d’un lieu propre du préconscient. En sort entamée la topologie première voulant que le préconscient se pose effectivement comme marge d’un no man’s land entre les deux régimes principaux, inconscient et conscient.

50 C’est déjà à la surface des phénomènes conscients qu’a cours la négociation entre les pcs et ics. Celle-ci se confond à la gestion économique des signes et formes. La négociation est immanente. L’économie psychique est saisie nulle part ailleurs que dans le tissu et dans la matière économique au sens culturel : économie des formes (esthétique), économie des signes (philosophie), économie des biens (économie politique). La négociation de l’économie psychique au sens défini dans la Métapsychologie de 1915 implique cette intrication. Il n’y a pas de topiques proprement psychologiques. Elles sont économiques au sens large.

51 Autrement dit, l’appareil psychique n’est pas la petite affaire privée de chacun, mais elle se confond déjà au dehors des relations économiques qui font précisément l’objet de l’économie politique.

52 On observe donc moins un déplacement d’un étage à l’autre de « l’appareil psychique » qu’une transformation à même la matière des formes préconscientes. Le refoulement s’effectue dans le processus permanent d’Entstellungen et d’Ersatzvorstellungen fondamentales. Dans ce cas de défigure, Freud compare le Vorbewußte à l’antichambre d’une maison, à partir de laquelle l’hôte est libre d’introduire ou non ses invités dans le salon. Cette illustration ne coïncide pas avec la teneur des thèses métapsychologiques. S’en tenant à cet exemple, on dira que l’invité s’impose dans le salon comme une charge d’affect qui s’invite elle-même. On sera libre seulement de retoucher et d’altérer la représentation de l’invité, pour le rendre plus ou moins convenable selon les cas. On pourra le présenter comme un respectable avocat ou comme un escroc de la finance, on pourra lui enfiler une cravate ou l’affubler d’un faux nez. Ce que Freud donnait encore à penser en 1919, dans les premières pages encore peu spéculatives de Au-delà du principe de plaisir, en comparant l’évolution des motions pulsionnelles à l’esthétique du comédien. La référence dramatique a cessé de concerner un théâtre de l’âme pour renvoyer directement à l’organisation formelle de la civilisation. Les représentations indésirables ne sont pas irradiées dans l’arrière-cour spirituelle de l’inconscient, on n’en fait pas ainsi l’économie (nicht erspart), mais elles sont plutôt altérées sur un mode convenable, au prix des déplacements prisés qui nous permettent de les supporter [21].

53 Il revient au pcs « l’instauration d’une capacité de communication entre les contenus des représentations, de sorte qu’ils puissent s’influencer réciproquement » [22].

54 Le « travail » (Arbeit) au sens psychique ne relève pas d’un pcs qui aurait à contenir les assauts aveugles d’un soubassement psychique, mais il consiste en la confrontation permanente d’une puissance de défiguration (Entstellung) des formes socialement constituées (processus primaire) et d’une puissance de liaison des dites formes dans un souci de durabilité relative (processus secondaire). Ce travail d’opposition se mue au chapitre vi de l’essai L’inconscient en une œuvre de « coopération » (Kooperation). « En une formule condensée, on doit dire que l’ics se prolonge dans ce qu’on nomme ses rejetons, il est accessible à l’action des événements de la vie, il exerce une influence permanente sur le pcs et il est même de son côté soumis aux influences venant de la part du pcs[23]. » Ce qui signifie la levée de la césure jusque-là supposée entre les régimes pcs-cs, d’une part, et, d’autre part, les élaborations inconscientes. « L’étude des rejetons de l’ ics décevra profondément notre attente de trouver une distinction d’une pureté schématique entre les deux systèmes psychiques. Cela ne manquera pas de susciter de l’insatisfaction à l’égard de nos résultats et sera vraisemblablement utilisé à mettre en doute la valeur de la séparation des processus psychiques telle que nous l’opérons [24]. »

55 Les représentations substitutives (Ersatzvorstellungen) qui étaient depuis l’origine présentées comme l’apanage des élaborations préconscientes, ont ici la particularité, s’inscrivant sur le régime préconscient, d’user de formes admises sur ce régime en étant du reste tout à fait animées par les puissances inconscientes. « [Les rejetons des motions pulsionnelles] appartiennent donc qualitativement au système pcs, mais en fait à l’ics[25]. » Le préconscient est ainsi instrumentalisé par le ics[26] de façon si prégnante que le conscient n’en a pas connaissance. Autrement dit, le préconscient en vient, sous l’emprise de l’inconscient, à refouler à l’insu de la conscience. Le système cs n’a donc pas conscience des procédés de refoulement auquel il préside pourtant en principe. Aux douanes qui s’imposaient entre, d’une part, le tandem cs-pcs, et l’ics d’autre part, surgit désormais, du fait de ce changement de partenaires, une nouvelle frontière, qui isole cette fois le cs au profit d’une coopération aux fins du refoulement entre les ics et pcs. Une partie de la conscience demeure inconsciente. Ce que trouve à avancer Freud, en ce sens que l’appareil de refoulement dépend des puissances inconscientes qu’il s’emploie pourtant à repousser. L’inconscient est actif à même le processus qui vise à le contenir [27].

56 C’est ainsi que l’inconscient se trouve à réaliser lui-même une grande part de sa dépense dans les structures qui visent à le contenir.

57

« Une très grande partie de ce préconscient tire son origine de l’inconscient, présente le caractère des rejetons de l’inconscient et est soumise à une censure, avant de pouvoir devenir consciente. Une autre partie du pcs est susceptible de devenir consciente sans censure [28]. »

58 Si le « système préconscient » (pcs) désigne le foyer théorique de cette négociation économique, où doit-on le situer empiriquement, maintenant dépassée l’approche strictement topique ? La question appelle une réponse économique large. Ce point de rencontre entre les deux formes concurrentes d’investissement n’est pas virtuel, si on entend par « virtuel » que « l’appareil psychique » soit à chercher dans les dimensions d’un « ailleurs » de l’âme, dans une sorte de parlement spirituel où seraient députées des pulsions sous formes de représentations, et qui négocieraient leurs allures avant de bondir sur la scène de la représentation consciente. Foin de parlementarisme ! Foin de théâtre ! La topique de cette négociation est déjà à reconnaître dans les formes historiques données par lesquelles une civilisation prend corps. C’est dire que l’appareil psychique et ses modalités économiques se constituent à même les structures sociales et les formes en vigueur de l’économie politique et marchande. Précisément ce qui donne à Freud l’occasion de référer aux termes économiques pour penser l’agitation psychique.

59 Si la négociation psychique n’a lieu nulle part parce que les topiques de la psychanalyse ne renvoient à aucun site précis, c’est qu’elle a lieu à même la culture. Partout où il y a culture, elle met en présence deux propensions psychiques ; d’une part, un principe de dépense régulé au regard de considérations restrictives (cs) et, d’autre part, un impératif de dépense sourd à toute contrainte (ics).

60 Les puissances d’investissement et de contre-investissement se disputent donc les traits qu’adopteront les formes de représentation d’un espace donné en partage. L’opposition a cours déjà dans les représentations et les avènements gestuels publiquement en vigueur. « En restant toujours dans les limites de la vie normale, on voit les deux systèmes pcs et ics lutter constamment pour s’assurer le primat dans le domaine de l’affectivité, certaines sphères d’influence se délimiter les unes par rapport aux autres et des conjonctions de forces en action se produire [29]. »

61 Sans qu’on en identifie en propre « le » lieu, seul le préconscient semble pouvoir s’incarner différemment çà et là. Parce que le préconscient se veut la seule instance qui recoupe les opérations des deux autres. Il désigne le siège de toute négociation selon l’idée que ce lieu se démultiplie. Freud nous met lui-même en garde contre des représentations topiques. « Dans la mesure où nous voulons accéder à une conception métapsychologique de la vie psychique, nous devons apprendre à nous émanciper de l’importance accordée au symptôme : “fait d’être conscient” [30]. »

62 Le préconscient est à aborder dans des temps occurrents et sous des formes réifiées. Il se déclare à même les éléments culturels de l’environnement (Umgebung), ce qui est clairement perceptible dans des cas de phobie, où l’intéressé fabrique des mécanismes de défense à partir d’éléments culturels, par exemple des représentations de loups.

63 Et la dépense psychique, qui s’exprime sur le mode de la devise névrotique, use spécifiquement des accessoires de l’économie politique pour réaliser son dessein. Par eux s’applique le principe d’épargne qui est le sien.

64 Cette dissolution de la topique freudienne au profit du préconscient concourt à faire de ce dernier le point de toutes les rencontres entre les formes symboliques comme formes du monde et les puissances d’animation qui s’en emparent. « La totalité des processus psychiques apparaît, à la conscience, comme le royaume du préconscient [31]. » Le préconscient est cette insaisissable force de négociation qui explique que soient continuellement maquillées, amendées, déguisées, les représentations sociales et la topique même de l’espace collectif. L’activité psychique n’est pas clinique mais économique. Elle s’empare du monde.

65 En économie politique comme en économie psychique, l’enjeu économique reste le même : réduire autant que faire se peut l’effort que requiert le travail de refoulement, en tant qu’il s’emploie à retourner contre elles-mêmes des forces vouées à être dépensées.

66 L’argent est l’agent social de cette négociation psychique. Propre à tout porter, virtuose de la métamorphose, souple et polyglotte, capable de discrétion quant au tracé de sa provenance et aux causes de son prestige, il sait taire aussi ce à quoi on le destine. L’argent est une formalisation privilégiée du préconscient – il le représente dans les termes infléchis et choisis d’une conscience inconsciente d’elle-même, inconsciente des modalités par lesquelles elle garde hors de sa portée les ressorts de ses représentations, décisions et considérations. En même temps, le pcs se représente en l’argent – il en fait sa fonction.

67 L’argent intervient nommément chez Freud là où s’effectue le refoulement à partir des forces pulsionnelles détournées. Lorsque Freud évoque le principe d’« épargne » (Ersparung) dans le deuxième de sa série d’essais de 1915, c’est pour nous référer aussitôt à son traité sur les mots d’esprit dans lequel fut abordé ce problème, en 1905, pour la première fois [32]. L’épargne s’y présente en effet comme le moment de relâchement que s’autorise le pcs lorsqu’il baisse la garde et laisse libre accès à une dépêche pulsionnelle. Que constate-t-on à relire cet essai de près ? Que presque tous les exemples que Freud retient, ils sont légions, portent de près ou de loin sur l’argent. Le tout premier « Witz » évoque un malheureux placeur de billets de loterie ; « le grand baron Rothschild l’a traité tout à fait comme son égal, d’une manière tout à fait famillionnaire » [33]. De même, Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient table de manière générale sciemment sur des exemples qui sont en tout point liés à des questions financières, matérielles, trésorières.

L’épargne

68 Freud étaie son économie dans les pages de cette étude. L’épargne du mot d’esprit ne concerne pas seulement une volonté d’abréger l’exposition d’un cas, mais de lever des efforts de refoulement à même les choses. Et ces Witz qui tournent autour de l’argent ne font que témoigner de la façon dont l’argent arrive à « défigurer » des affects à l’œuvre en lui. « Das Ehepaar X lebt auf ziemlich großem Fuße. Nach der Ansicht der einen soll der Mann viel verdient und sich dabei etwas zurückgelegt haben, nach anderen wieder soll sich die Frau etwas zurückgelegt und dabei viel verdient haben[34]. » Il s’agit comme figure de style d’une antimétabole asymétrique, en ce qu’un des termes, en l’occurrence zurückgelegt, a un tout autre sens dans la première et dans la seconde occurrence. Ce retournement témoigne de la face cachée de la monnaie névrotique. Et c’est l’argent comme tel que le witz présente ici en tant que consigne de biens pulsionnels. Comme s’il venait confirmer le rapport étroit entre un crédit pulsionnel et son mode de visibilité sociale. L’argent devient le théâtre avouable de crédits libidinaux habilement défigurés. Freud consolide l’explication par une autre antimétabole asymétrique sur l’argent, publicitaire celle-là : « Put not your trust in money, but put your money in trust » [35]. Ici aussi, le terme trust n’est plus qu’homonymique ; mais dans une logique tout à fait inversée. L’argent, d’incertain qu’il est, gagne cette fois en crédibilité et en attrait comme une devise socialement garantie face aux aléas. Ce retournement qualitatif et culturel confirme tout son intérêt : le fondement de l’argent, que l’on tient implicitement pour chancelant dans la première proposition, se voit garanti et soutenu dans la seconde, grâce à un art autorisé du droit des affaires et de la technique financière. Le signe muet qu’est le chiffre financier dissimule les relations qui se profilent comme pure jouissance en fondant sa confiance dans une instance qui ne se désigne pas autrement qu’en tant que trust.

69 L’économie psychique comme financière participent dès lors des mêmes ressorts. « Toutes ces techniques sont dominées par une tendance à la concentration ou, plus exactement, à l’économie (eine zusammendrängende oder richtiger ersparende Tendenz). Il semble que tout soit affaire d’économie (Ökonomie), comme le dit le prince Hamlet (Thrift, thrift Horatio !) [Économie, économie Horatio !] […] L’utilisation multiple des mêmes mots pour la phrase de départ et pour la réponse participe indéniablement de l’“économie” [Sparen]. Tout comme la façon dont Hamlet voudrait voir interprétée la succession rapide de la mort de son père et du mariage de sa mère : “Les viandes rôties pour les funérailles ont fourni un repas froid pour les tables de la noce.” [36] »

70 Cela court jusque dans les textes anthropologiques de Freud, L’avenir d’une illusion et Malaise dans la culture nommément, où, à plusieurs reprises, Freud évoque l’économie sans qu’il soit possible de distinguer s’il s’agit de la jeune science s’enquérant de la motion des âmes ou la pensée classique des échanges et comptabilités de biens. Les enjeux fondamentaux auxquels s’arrête l’économie politique recoupent les questions que pose l’économie psychique. « Il semble maintenant que l’accent soit déplacé du matériel sur le psychique [37]. » « Nous avons, sans le vouloir, glissé de l’économique au psychologique [38]. »

Simmel

71 On ne « glisse » pas de l’économie au psychique, mais l’économie dans toutes les acceptions du terme est le lieu de tous les glissements, de toutes les transformations qu’il s’agit un temps d’endiguer, de relier et de tenir.

72 Simmel conclut le chapitre de son essai sur la différenciation consacrée à l’économie d’énergie [39] en présentant l’argent comme la prothèse de l’esprit la plus à même de générer des économies de travail. Des événements et faits culturels de valeur, de même que des aspirations et formes pulsionnelles, se cristallisent puis s’éclipsent en lui. On les apprécie sans les considérer une fois titulaire d’argent, les pense sans les réfléchir, en jouit sans les éprouver. Cette économie-épargne efface de la conscience ce qu’elle subsume sous son signe pécuniaire. Ce qui représente beaucoup de choses puisque les faits de différenciation que l’argent comprime sont autant « contigus » que « successifs » : l’« outil compendieux » qu’il est se hisse au-delà de faits de valeurs hétérogènes pour tous les médiatiser entre eux sur un même plan et il « emmagasine » en même temps au nom du « capital » des effets d’énergie antérieurs et postérieurs au temps dans lequel il s’inscrit. Son action est donc synchronique et diachronique.

73 Aussi, ce préconscient réifié qu’est l’argent, comme composante contingente de l’appareil psychique, entraîne de très importants préjudices.

74 Le fait de la valeur, soit ce qui est historiquement en cause dans l’événement économique, se voit refoulé (verdrängt wird) par cet accessoire culturel. Le refoulé de l’économie, l’immonnayable (unbezahlbar) trait spécifique de chaque fait de valeur, est en même temps ce à partir de quoi l’argent acquiert sa toute-puissance, en vertu de la faculté qu’il a de les incarner symboliquement (Verkörperung).

75 Ce sont des bouts de papier qui désormais traduisent. L’argent n’est pour Simmel qu’un détail du régime de pensée de l’évaluation, un détail de l’ordre de ceux que Freud étudie dans le rêve. L’« économie de l’argent » consiste en des processus de condensation (Kondensiertheit) et de mobilisation (Mobilisierung). Cela rappellera chez Freud, le vernis latin en moins, l’œuvre de condensation et de déplacement (Verdichtungs- et Verschiebungsarbeit).

76 La condensation dénote la faculté qu’a l’argent de concentrer en quelques foyers les sites transactionnels et significatifs de la valeur. « De par l’abstraction de sa forme, l’argent se situe au-delà de toutes relations déterminées avec l’espace : il peut étendre ses actions jusque dans le lointain le plus reculé, il est même dans une certaine mesure à tout instant le centre d’un cercle d’actions potentielles [40]. »

77 Ces foyers de l’économie ne sont pas tant des villes que des bourses. « Cette double condensation (Diese doppelte Kondensiertheit), celle des valeurs dans la forme monétaire et celle de la circulation monétaire dans la forme de la bourse, permet aux valeurs de filer dans le temps le plus bref entre le plus grand nombre de mains [41]. »

78 Il s’ensuit la Mobilisierung. Tissée dans les réseaux de la modernité, la mobilisation suppose une conception non pas topique mais dynamique de la valeur. La matière prise dans le mouvement transactionnel se confond aux instruments de la finance. La circulation compte davantage que ce qui circule. C’est pourquoi il paraîtra soudainement sensé qu’une bourse transige dans une année l’équivalent de cinq fois sa production globale de coton et cinquante fois sa production de pétrole [42]. La mobilisation ne dénote pas dès lors un fait général de déplacement, mais le déplacement général de tout vers le point boursier de convergence. Les « biens mobiliers » seront donc les bien nommés d’une modernité ; « les meubles sont devenus pour ainsi dire mobiles, comme le capital [43] ». La mobilisation terrasse toute forme de consistance (Beharrung) au profit d’un mouvement effréné traduisant « formlos » la valeur. « L’univers offre le spectacle d’un perpetuum mobile[44]. »

79 Autant la valeur des objets subira les fièvres de la spéculation, autant l’appréciation de la valeur des prestations de travail oscilleront à l’absurde suivant la volatilité des cours et l’arbitraire de l’inflation. Le serf payé en pain et en beurre voyait son travail reconnu eu égard aux éléments de subsistance dont on lui faisait grâce, tandis que le salarié à taux dit fixe voit au rythme de crises (du moins potentielles) ses acquis devenir plus qu’incertains. Le découpage maniaque des évaluations de valeur poussées jusqu’au travail rétribué « à l’heure » et au principe d’une compensation de la stricte prestation, ne tient plus du moment que l’unité monétaire par laquelle on reconnaît cette valeur est sujette à fluctuer sans cesse [45].

80 La condensation et la mobilisation de la valeur par l’argent traduit le fait d’une assomption qui ne réfléchit plus la valeur mais qui, dans le monopole de sa médiatisation, contribue à brouiller les chances de son interprétation. La « valeur » est ici une puissance de valoir indépendante de situations circonstanciées.

81 D’un point de vue psychique, cette matérialisation par l’argent du processus secondaire entraîne une toute autre conception du « travail ». Pour Freud, les modalités oniriques du « travail » (Traumarbeit) ont un statut paradoxal. Le travail de condensation (Verdichtungsarbeit) et de déplacement (Verschiebungsarbeit) ne produit pas nécessairement du sens mais le sabote. Le travail boursier agit de même. Le travail de rêve (Traumarbeit) se présente comme le contraire de ce qu’on désigne normalement comme ayant valeur-de-travail. Selon le sens commun, toute pensée un tant soit peu valable se montre capable d’enchaînements logiques. Freud : « Quand un processus psychique de la vie normale nous montre une représentation qui, mise en relief, a pris pour la conscience une vivacité particulière, nous supposons que la représentation victorieuse a une valeur psychique particulière, qu’elle a suscité un certain intérêt [46]. » Une pensée consciente est d’intérêt et économiquement fructueuse lorsqu’elle porte une charge de signification se tissant de références environnantes. Le rêve « travaille », lui, en sens contraire ; « nous constatons que cette valeur des divers éléments des pensées du rêve ne persiste pas lors de la formation du rêve [47] ». Le travail du rêve œuvre à brouiller le sens des pensées (Gedanken) qui confèrent une valeur aux représentations. Il impose sa censure (Zensur) à la dimension pensante du rêve (Traumgedanken) au profit d’un contenu désinvesti de sens, pour en faire des propositions sans valeur. « Le déplacement et la condensation sont les deux maîtres d’œuvre auxquels nous devons essentiellement la forme de nos rêves [48]. » C’est-à-dire que les ouvriers du rêve participent à un sabotage. On sait que le dormeur, par cette défiguration des pensées latentes, se protège ainsi de leur charge affective. Le travail du rêve consiste ainsi à « dévaloriser » activement le contenu du rêve, en d’autres termes : à le dissocier de la dimension pensante qui pourrait lui conférer de la valeur.

82 Le travail qu’accomplit la bourse est analogue. La bourse déplace les séries de significations tangibles (les motifs de l’exploitation du pétrole, les modalités et les implications de cette exploitation ; les visées afférentes aux employés, syndicats et titulaires de l’entreprise pour qui exploiter du pétrole peut devenir tout à fait secondaire) sur une scène où les raisons de la transaction sont opacifiées (le cours du baril, le cours de telle action, les rachats et fusions d’entreprises…). De plus, le déguisement qui affuble les acteurs de cette scène mentale tend bien évidemment à « surdéterminer » certains détails insignifiants, au détriment de points cruciaux désignés dès lors comme externalities[49]. Elle tend aussi à déguiser en points et en décimales des charges affectives dont on ne prend absolument pas la mesure.

83 À cette différence près qu’en ce qui regarde la scène boursière, on ne rêve pas ! Contrairement au rêve, la scène boursière plante un décor et joue de subtilités conceptuelles pour en venir à une abstraction des données résistantes du monde constitué, au profit d’une forme des plus dégagées et débridées d’expression pulsionnelle. L’argent institue un préconscient culturel pour protéger l’activité économique d’une prise de conscience d’elle-même, afin que les activités inadmissibles sans l’accessoire monétaire deviennent avouables par son concours. C’est en ce sens qu’on entendra l’expression des investisseurs selon laquelle l’argent « travaille ». Ce travail de l’argent permet surtout la manifestation de pulsions qui seraient inadmissibles sans son truchement. « Des personnes par ailleurs d’une grande honorabilité personnelle ont pris part aux “fondations” les plus sombres, et bien des gens préfèrent se comporter avec beaucoup moins de conscience morale et de manière plus ambiguë dans de pures occasions d’argent que de faire quelque chose de douteux éthiquement dans d’autres relations [50]. »

84 Deux séries d’activités psychiques s’articulent autour de l’argent. La première, intellectuelle et à ce titre monnayable, donne des allures de rationalité et de conscience à des faits débridés par lui camouflés. La seconde, volontaire, anime le tout et justifie la mise en vigueur de telle ou telle stratégie. Ces deux instances travaillent de pair en principe : un intellect conscient des modalités d’enchaînement optimales dans tel ou tel cas de figure n’aurait aucune impulsion pour agir en tel ou tel sens si, par ailleurs, la volonté ne venait l’innerver par son appel pour telle ou telle chose. Mais avec l’argent, tout est fait pour qu’agissent à distance ces deux régimes ; une position purement intelligible du titulaire d’argent lui permet de donner cours au loin à des pulsions culturellement préjudiciables.

Tableau de l’économie psychomonétaire

tableau im1
L’intellect Entendement indifferent Énergie psychique monnayable Moyens (argent) La volonté Le sentiment Énergie psychique non monnayable But (désir non rationnel)

Tableau de l’économie psychomonétaire

85 Cette coupure conventionnelle confère au titulaire d’argent ses allures rationnelles et le couvrira éventuellement de respectabilité et de dignité. Car l’argent répond comme accessoire de la pensée à un régime d’intellection reconnu comme tel. Abrité par les représentations et défigurations économiques, le régime pulsionnel s’affranchit alors du refoulement.

86 L’argent se présente comme le versant positif du refoulement raté, que Freud exemplifiait en esquissant sa présentation de L’Homme aux loups en 1915. Si la phobie d’animaux dont parle Freud alors consiste à refouler une représentation indésirable sans pour autant parvenir, ce faisant, à refouler sa douloureuse dimension affective, l’argent, lui, permet ce type de séparation sans pour autant que les affects dégagés de leurs formes soient éprouvées comme désagréables. L’action inadmissible socialement est seulement « défigurée » sous la forme d’une stricte activité économique. Simmel associe par conséquent les postures de l’avare et du dilapidateur, parce que l’une et l’autre procèdent d’un télescopage sans que soit manifeste le lien qui les unit. L’actionnaire avare qui n’a d’yeux que pour ses comptes est en même temps le responsable décalé d’affres environnementales et de crimes économiques perpétrés au loin – avarice et dilapidation constituent le tandem redoutable de notre économie.


Date de mise en ligne : 01/01/2006.

https://doi.org/10.3917/cohe.183.0059

Notes

  • [*]
    Docteur en philosophie de l’Université de Paris VIII et du Centre Marc Bloch de Berlin. Il a proposé dans sa thèse soutenue en 2004 une redéfinition de l’économie à partir des essais de Georg Simmel sur la « philosophie de l’argent », eu égard aux différentes dimensions de l’économie, nommément conceptuelle, esthétique et psychique, que les sciences économiques ne prennent pas en compte.
  • [1]
    Philosophie als Denken der Welt gemäß dem Prinzip des kleinsten Kraftmaßes, Prolegomena zu einer Kritik der reinen Erfahrung, publié d’abord à Leipzig en 1876. Nous nous référerons à l’édition berlinoise de 1903 de la Verlagsbuchhandlung J. Guttentag, ainsi que Der menschliche Begriff, Leipzig, 1891 ; nous nous référons à la réédition de O.R. Reisland, Leipzig, 1912.
  • [2]
    Philosophie als Denken der Welt gemäß dem Prinzip des kleinsten Kraftmaßes, op. cit., §§ 7 à 10.
  • [3]
    Dans Quelques remarques sur le concept d’inconscient en psychanalyse.
  • [4]
    L’Interprétation des rêves, trad. de I. Meyerson, Paris, puf, 1973, p. 477, Freud souligne ; Die Traumdeutung, Studienausgabe, Band II, op. cit., p. 534.
  • [5]
    Nous citerions volontiers ici le riche paragraphe d’introduction de Pulsions et destins des pulsions, traduction de Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis, dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 11 et 12.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    On sait qu’en allemand, Besetzung signifie investir selon l’acception militaire d’une occupation. Dans leur Vocabulaire de psychanalyse, Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis observent que « les termes allemands et français ne se recouvrent donc pas exactement et le terme français paraît plus poussé spontanément à comparer “l’économie” envisagée par Freud à celle dont traite la science économique ». Jean Laplanche, en compagnie cette fois de Denise Berger, justifiera plus tard dans un contexte similaire le maintien d’« investissement » pour Besetzung, car « le texte incite, en divers passages, à poursuivre la métaphore économique » (« Pour introduire le narcissisme », dans La Vie sexuelle, Freud, Presses universitaires de France, 1972, p. 83.). Mais les auteurs n’avaient pas à témoigner d’autant de scrupule puisque de tout temps les guerres ont eu un lien direct avec des intérêts économiques (Yvon Garlan, Guerre et économie en Grèce ancienne, Paris, La Découverte, 1999).
  • [8]
    La Dynamique quantitative en psychanalyse, de la mathématicienne Michèle Porte, étaie cette thèse à partir de la théorie des catastrophes de René Thom, dans Michèle Porte, La Dynamique quantitative en psychanalyse, Paris, puf, 1994.
  • [9]
    Le Refoulement, dans Métapsychologie, op. cit., p. 50 ; Die Verdrängung, dans Studienausgabe, tome III, op. cit., p. 110.
  • [10]
    Op. cit., p. 51 ; dans le texte, op. cit., p. 111.
  • [11]
    Op. cit., p. 62 ; dans le texte, op. cit., p. 117.
  • [12]
    Le refoulement, op. cit., p. 54 ; Die Verdrängung, op. cit., p. 112.
  • [13]
    Le Refoulement, op. cit., p. 52 et 53 ; Die Verdrängung, op. cit., p. 112.
  • [14]
    Op. cit., p. 53 ; dans le texte, op. cit., p. 112.
  • [15]
    Op. cit. p. 225, Freud souligne ; dans le texte, op. cit., p. 112 : « Wir nehmen dann die Spekulation nicht zu sehr dans Anspruch, wenn wir behaupten, daß zur Herstellung wie zur Erhaltung einer psychischen Hemmung ein “psychischer Aufwand” erfordert wird. Ergibt sich nun, daß dans beiden Fällen der Verwendung des tendenziösen Witzes Lust erzielt wird, so liegt es nahe anzunehmen, daß solcher Lustgewinn dem ersparten psychischen Aufwand entspreche. »
  • [16]
    On regrettera que Michèle Porte, dans La Dynamique qualitative en psychanalyse (op. cit.), n’ait pas du tout considéré le rôle économique du préconscient dans son modèle économique. Cela aurait permis d’apporter une dimension historique au modèle de la théorie des catastrophes.
  • [17]
    Op. cit., p. 79 ; dans le texte, op. cit., p. 133.
  • [18]
    L’inconscient, op. cit., p. 69 ; Das Unbewußte, op. cit., p. 127.
  • [19]
    Op. cit., p. 83 ; dans le texte, op. cit., p. 136.
  • [20]
    Op. cit., p. 87 ; dans le texte, op. cit., p. 138.
  • [21]
    Au-delà du principe de plaisir, éditions françaises multiples, cf. fin du deuxième chapitre ; Jenseits des Lustprinzips, Studienausgabe, tome III, op. cit., p. 227.
  • [22]
    L’Inconscient, p. 99 ; dans le texte, Das Unbewußte, p. 147.
  • [23]
    Op. cit., p. 100 ; dans le texte, op. cit., p. 149.
  • [24]
    Op. cit., p. 101 ; dans le texte, op. cit., p. 149.
  • [25]
    Op. cit., p. 101 ; dans le texte, op. cit., p. 149.
  • [26]
    Op. cit., p. 102 ; dans le texte, op. cit., p. 150.
  • [27]
    Op. cit., p. 103 ; dans le texte, op. cit., p. 151.
  • [28]
    Op. cit., p. 103 ; dans le texte, op. cit., p. 150.
  • [29]
    Op. cit., p. 85 ; dans le texte, op. cit., p. 138.
  • [30]
    Op. cit., p. 104 ; dans le texte, op. cit., p. 151.
  • [31]
    Op. cit., p. 102 et 103 (traduction modifiée par nous) ; dans le texte, op. cit., p. 150.
  • [32]
    Op. cit., p. 111.
  • [33]
    Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, trad. de Denis Messier, Paris, Gallimard, 1988 ; Der Witz und seine Beziehung zum Unbewußten, Studienausgabe, tome iv, op. cit., p. 20.
  • [34]
    Dans le texte, op. cit., p. 34 et 35 ; nous citons l’adaptation réussie de ce mot d’esprit intraduisible, proposée par Denis Messier : « Le couple X vit sur un assez grand pied. Aux dires des uns, le mari, ayant gagné pas mal d’argent, disposerait maintenant d’un joli petit matelas ; selon d’autres, la femme, ayant disposé d’un joli petit matelas, aurait gagné pas mal d’argent », op. cit., p. 84.
  • [35]
    Le Mot d’esprit…, op. cit., p. 84 ; Der Witz…, op. cit., p. 35.
  • [36]
    Op. cit., p. 100 et 102 ; dans le texte, op. cit., p. 43 et 44.
  • [37]
    L’Avenir d’une illusion, Paris, Presses universitaires de France, 1971, p. 10 ; dans le texte, Studienausgabe, op. cit., tome 9, p. 141.
  • [38]
    Op. cit., p. 15 ; dans le texte, op. cit., p. 144.
  • [39]
    « Diferenzierung und Kraftersparnis », dans Über sociale Differenzierung, Suhrkamp, 1989.
  • [40]
    Philosophie de l’argent, op. cit., p. 651 ; Philosophie des Geldes, Suhrhamp, 1989, p. 704.
  • [41]
    Op. cit., p. 653 et 654 ; dans le texte, op. cit., p. 707.
  • [42]
    Op. cit., p. 654 ; dans le texte, op. cit., p. 707.
  • [43]
    Op. cit., p. 657 ; dans le texte, op. cit., p. 710.
  • [44]
    Op. cit., p. 657 ; dans le texte, op. cit., p. 710.
  • [45]
    Op. cit., p. 424 ; dans le texte, op. cit., p. 460.
  • [46]
    L’Interprétation des rêves, op. cit., p. 264.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    Op. cit., p. 266 (nous retouchons la traduction) ; dans le texte, op. cit., p. 307.
  • [49]
    L’économiste Alfred Marshall a forgé ce concept pour désigner les conséquences imprévues de transactions économiques dans le cours de l’histoire.
  • [50]
    Georg Simmel, « Das Geld dans der modernen Cultur », dans Aufsätze und Abhandlungen 1894-1900, Suhrkamp, 1992.
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